1746-04-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues.

Je ne sais où trouver m. de Marmontel et son Pilade, mais je m'adresse au héros de l'amitié pour faire passer jusqu'à eux le chagrin que me cause la petite tribulation arrivée à leurs feuilles, et l'empressement que j'aurai à les servir.
Les recherches qu'on a faites par ordre de la cour chez tous les libraires, au sujet du libelle de Roy, sont cause de ce malheur. On cherchait des poisons et on a saisi de bons remèdes. Voilà le train de ce monde. Ce misérable Roy n'est né que pour faire du mal; mais je me flatte que cette aventure pourra servir à faire discerner ceux qui méritent la protection du gouvernement, de ceux qui méritent l'indignation du gouvernement et du public. C'est à quoi je vais travailler avec plus de chaleur qu'à mon discoursà l'Académie. J'embrasse tendrement celui dont je voudrais avoir les pensées et le style, et dont j'ai les sentiments, et je prie le plus aimable des hommes de m'aimer un peu.

V.