6 juillet 1745
L'homme inutile
Oui, monsieur, si vous avez assez de loisir pour retoucher cette pièce dont le fond est si vrai, et les détails si charmants, si vous vous donnez la peine de l'embellir au point où elle mérite de l'être, vous en ferez un ouvrage digne de Boyleau, mais il faut sa patience; c'est pour ne l'avoir pas eue que je ne suis point encore content de mes vers sur les événements présents. C'est pour cela que je ne les imprime point.
C'est bien assez que vous ayez aperçu, à travers les négligences, quelques beautés qui demandent grâce pour le reste. C'est un encouragement pour finir la pièce à loisir, mais en vérité il y a trop de vers sur ce sujet, je crois que le confesseur du roi leur a ordonné, pour pénitence, de les lire tous.
Homme charmant, je reçois deux lettres de vous, où je vois l'excès de vos bontés. Vous ne savez pas à quel point elles me sont chères. Mais où êtes vous, où ma lettre et mes tendres remerciements vous trouveront ils? Je partis hier de Champs pour venir faire répéter la princesse de Navarre. Rameau travaille, je commence à espérer que je pourrai donner du plaisir à la cour de France; mais vous avouerai je! que je compterais plus sur l'opéra de Pométhée, pour fournir un beau spectacle, que sur une comédie ballet. Je ne sais si Royer n'est pas devenu bon musicien, j'attends avec impatience le retour de m. le président Hénault pour juger de tout cela.
Je retourne à Champs dans l'instant, j'y vais retrouver made du Deffant et disputer, même avec elle, à qui vous aime davantage, mais savez vous avec quelle impatience vous êtes attendu! Vous êtes aimé comme Louis quinze. Vale, vive, veni.
On ne peut vous être attaché avec une tendresse plus respectueuse que
V.