1745-06-22, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Augustin Paradis de Moncrif.

Mon très aimable silphe, ma lettre fera touttes les cascades qu'elle voudra; et arrivera quand elle poura.
Je vous remercie tendrement de la bonté que vous avez de faire valoir mes batailles auprès d'une Reine dont les vertus devroient inspirer la paix à tout l'univers. Il est vray qu'on a pensé à donner une fête au héros de Fontenoy. Je ne sçai pas encor bien précisément ce que ce sera, mais je sçai très certainement qu'il la faut dans le genre le plus noble. Je n'ay qu'une ambition, c'est de mêler ma voix à la vôtre et de faire voir aux ennemis des gens de lettres et des honnêtes gens, par exemple à M. Roy, CHEVALIER DE st et à l'abbé de Bissetre que les cœurs et les talens se réunissent pour Louer notre monarque, sans connaitre la jalousie. Je serois enchanté que votre prologue pût nous convenir, je tâcherois d'y conformer mon sujet. Mandez moy mon aimable génie, quand vous serez à Paris, afin que je puisse en raisoner avec vous.

Vous êtes prié de ne pas solliciter mr Dargenson en faveur de Mr de la Borde etc. contre M. le marquis de Cadillac. Je ne sçai pas de quoy il s'agit, je vous embrasse tendrement.

V.

Je reçois dans ce moment votre billet. Madame de Lauraguais doit avoir reçu ma petite drôlerie, il y a huit jours. Je vous suplie de luy dire que c'est la première chose à la quelle j'ay songé, et de vouloir bien me mander si mon hommage luy a été présenté.