A Versailles vendredy [? 1743/1744]
Voicy mon très cher ange un fait comique.
Je fais à M. le duc de Richelieu mes très humbles plaintes de ce qu'il m'a forcé à laisser jouer Rousselois dans mes pièces, et de ce que tout Versailles dit que c'est moy qui l'ai fait venir, que c'est moy qui luy ay écrit de la part de M. le premier gentilhomme de la chambre. Je m'épuise en doux reproches, je me lamente. Mr de Richelieu me répond en pouffant de Rire, eh bien dit il, après avoir bien ricanné, voulez vous que je vous avoue celuy qui a écrit à Rousselois, sans me consulter? c'est Roy. Quoi Roy? Ouy Roy, Roy le chevalier de st Michel, Roy le cheval, Roy l'ennuyeux, Roy l'insuportable, Roy qui fait assez bien des ballets. Il a gagné un homme à moy qui m'a recomandé Rousselois comme un Baron. Je l'ay fait jouer dans vos tragédies croyant vous servir. Je vous avoue ma faute, et vous pouvez dire partout que c'est moy qui ay tort.
Mes chers anges cela désarme, mais mademoiselle du Menil et ce pauvre Paulin sont au désespoir, et M. le duc Daumont va me croire le plus inepte des mortels. Mais enfin la vérité triomphe, et M. le duc de Richelieu confesse son erreur. Il ne reste que Roy à punir mais il n'y a pas moyen de punir un si sot homme. Justifiez moy bien mes chers anges. Permettez que je vous dise que je suis enchanté des bontez de sa majesté. Le ministère n'a pas mis à cela La dernière main, mais il le fera. Je vous confie ce petit secret comme à mes chers protecteurs que j'adoreray toute ma vie.
V.