[August/September 1744]
Mon cher et respectable amy, voylà ma petite drôlerie; si vous vouliez avoir la bonté de soufrir qu'elle passe par vos aimables mains pour aller ennuyer ou amuser un moment votre éminentissime oncle, cela sera mieux reçu, et je vous suplie de vouloir bien ménager cette négociation.
Il y a je ne sçai quoy de bien insolent à envoyer ses vers soy même, c'est dire à un ministre, quittez vos affaires pour me lire, admirez moy, et donnez vous la peine de me L'écrire. Il faut en vérité que les vers se fassent lire eux même, qu'ils courent d'eux mêmes s'ils sont bons, qu'ils tombent d'eux même s'ils ne valent rien, et que Le pauvre auteur se cache tant qu'il peut. On doit être sou de vers sur le roy. Hier je vis encor trois odes. C'est bien le cas de dire et si peu de bons vers. Il faudroit être fou pour se fâcher quand on nous dit que de trente mille vers faits pour nous il y en a peu de bons.
Si on avoit l'esprit mal fait on se fâcheroit plutôt du début,
On se fâcheroit de ce qu'on dit qu'il y a des railleurs. Voylà qui est plus personel, mais j'espère qu'on ne se fâchera point parce qu'on ne me lira point. Peutêtre quatre vers de l'endroit de Germanicus qui sont touchants et que M. le cardinal de Tensin pouroit faire valoir dans un moment favorable et puis c'est tout. En un mot que le roy sache que j'ay mis mes trois chandelles à ma fenêtre. Pardon, je suis un bavard en vers et en prose. Mille tendres respects à madame l'ange.
V.
Il ne tient qu'à vous de rayer la comparaison de Melpomène.