Berlin, 2 septembre 1743
. . . Je lui dis ensuite que je devais rendre la justice à Voltaire qu'il avait fait à La Haye un portrait de s. m. comme d'un prince qui ne cherchait plus qu'à rendre heureux ses sujets et à faire fleurir les beaux arts et le commerce dans ses états; que ses discours avaient fait d'autant plus d'impression qu'on savait que s. m. l'honorait de sa confiance . . . .
Comme on l'avertit que Voltaire était arrivé, elle m'ordonna, en me quittant, de souper avec elle.
Le roi descendit, un moment après, au jardin, où je me promenai avec Voltaire. Il lui fit un accueil fort gracieux et lui dit qu'il lui savait beaucoup de gré de la galanterie qu'il lui faisait de venir le trouver de si loin. Après avoir fait un tour de promenade seul avec Voltaire, s. m. nous montra ses appartements et le cabinet de feu le cardinal Polignac, ensuite de quoi il y eut un petit concert, où le roi joua lui même.
Au souper, s. m. me fit placer vis à vis d'elle avec Voltaire. Elle était de très bonne humeur et plaisanta beaucoup. En se mettant à table elle me dit en riant: ‘Je crois que vous avez mangé bien des harengs en Hollande; n'est ce pas? Vous ne devez pas être mal salé’. Elle parla beaucoup avec Voltaire et m'adressa de même souvent la parole. Je lui fis le récit de quelques aventures qui étaient arrivées à Voltaire pendant le voyage, et le souper fut extrêmement gai.
Lorsqu'il fut fini, je partis encore le soir avec Pöllnitz pour ici. Voltaire resta la nuit à Charlottenburg . . . .