1743-08-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Jacques Amelot de Chaillou.

Voicy Monseigneur une pièce très secrette que j'ay depuis samedy 10 du mois, jour au quel elle a été présentée.
Je ne crois pas que rien puisse mieux faire connaître L'état présent de ce pays.

Je n'ay point eu l'honneur de vous envoyer la route des trouppes qui prennent un chemin si long pour arriver si tard, parce que cette pièce étoit publique.

Le poète Tirtée est revenu de Frize où il a fait tout ce qu'il a voulu. Je ne crois pas que les poètes français soient aussi heureux.

Il n'y a rien de changé ny dans le petit service qu'on vous rend secrettement, et dont je vous ay parlé trois fois, ny dans L'emprunt qu'on fait, ny dans le voiage qu'on doit faire.

Je voudrois que vous fussiez content de mon zèle, mais les choses sont àprésent dans une situation qui me fait craindre que ce zèle ne soit inutile, et qui me fait prendre la liberté de vous demander quelques instructions qui m'empêchent de faire un faux pas. Je pourois avoir encor le temps de recevoir vos ordres.

Je suis avec l'attachement le plus respectueux,

P.S. On vous mande sans doute qu'un homme avec qui je dois faire un petit voiage a baucoup parlé de paix et a offert ses services. Vous voyez monseigneur que c'est la suitte des nouvelles que j'ay eü l'honneur de vous mander et que je ne me suis trop avancé en rien. Je me flatte que vous m'aprouvez de chercher à gagner par tous les moyens possibles l'amitié et la confiance de ce ministre.

Le roy de Prusse est toujours fort inquiet des démarches des russes. La rigueur des suedois est icy en exécration.