à Potsdam, ce 6 de avril 1743
Mon cher Voltaire, vous me comblez de biens, pendant que je garde sur vous un morne silence; je reçois de votre amitié, de vos veilles et de votre étude les fruits précieux, lorsque je cours encore de province en province, sans pouvoir fixer mon étoile errante et reprendre mes anciens errements.
Me voilà enfin de retour de Breslau après avoir politiqué, financé et martialisé de reste. Je compte de goûter à présent quelque repos, et de recommencer mon commerce avec les muses. Je vous enverrai bientôt l'avant-propos de mes Mémoires. Je ne puis vous envoyer tout l'ouvrage, car il ne peut paraître qu'après ma mort et celle de mes contemporains, et cela à cause qu'il est vrai, et que je ne me suis éloigné en quoi que ce soit de la fidélité qu'un historien doit mettre dans ses récits. Votre Histoire universelle est admirable; mais qu'elle est humiliante pour le genre humain et pour la providence même, si tant est qu'elle fait choix de ceux qui doivent gouverner le monde et servir de ressort aux changements qui arrivent sur la terre!
Je suis bien fâché d'apprendre que la grippe vous ait si fort abattu. Je me flatte que l'esprit soutiendra le corps, comme l'huile fait durer la flamme d'une lampe.
D'Argens a fait représenter sa comédie, qui nous a fait bâiller tous. Il voulait la donner au théâtre de Paris; mais je l'en ai dissuadé, car il aurait été sifflé à coup sûr. Vous êtes unique: vous avez fait une tragédie à dix-neuf ans, et un poème épique à vingt: mais tout le monde n'est pas Voltaire.
Les tracasseries ridicules des dévots de Paris sont parvenues jusqu'au nord. Je m'attendais bien que Voltaire serait réprouvé dès qu'il comparaîtrait devant un aréopage de Midas mitrés. Gagnez sur vous de mépriser une nation qui méconnaît le mérite des Belle-Isle et des Voltaire, et venez dans un pays où l'on sait ce que vous valez, où l'on vous aime, et où l'on n'est point bigot. Adieu.
Federic
La Pucelle! la Pucelle! la Pucelle! la Pucelle! et encore la Pucelle! Pour l'amour de dieu, ou plus encore pour l'amour de vous même, envoyez la moi.