1742-05-21, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Baptiste Simon Sauvé.

Je comptois mon cher ami avoir un plaisir plus flatteur que celuy de vous féliciter de loin sur vos succez.
J'espérois que ma santé me permettroit de venir vous entendre et vous embrasser. Je ne sçais pas encore qua[nd] je repartirai pour la Flandre. Il se poura très bien que je reste assez de temps à Paris pour vous y voir ramener la foule au désert du téâtre. Je partiray content quand j'aurai vu l'honneur de notre nation rétabli par vous et par mademoiselle Gautier. Vous me ferez aimer plus que jamais un art qui commençoit à me devenir indiférend. Vos talents ne sont pas le seul mérite que j'aime en vous, l'auteur et l'acteur n'ont que mes aplaudissements, mais l'honnête homme, l'homme d'un commerce aimable a mon cœur. Faites je vous prie mille compliments de ma part à mademoiselle Gautier; et au nom de l'amitié ne me traittez plus avec cérémonie. Je vous embrasse de tout mon cœur, votre succez m'est aussi cher qu'à vous, mais j'en étois bien plus sûr que vous.

V.