A la Haÿe 28 avril 1741
Si tout le monde vous ressembloit, Monsieur, il ÿ auroit grand profit à avoir son argent toujours au service d'autruÿ; non seulement les trois guinées me sont revenues, mais il n'a pas tenu à vous que je ne les aÿe reçues de trois côttés.
Monsieur Cÿrille s'étoit déjà acquitté de votre commission quand Monsieur le général Desbrosses reçut ce que vous lui en écriviés aussi, mais il fut informé par madame de Fenelon que j'avois déjà les trois guinées; en dernier lieu deux jeunes étrangers qui depuis vous avoir quitté ont fait le tour par l'Angleterre avant de venir icÿ sont venus me remettre ces trois mesmes guinées; je ne m'en suis chargé que comme pouvant avoir plus de facilité qu'eux de vous les faire retourner; le mesme jour je les donnai à un nommé Vanderhun, marchand icÿ, et qui se chargea de vous les faire remettre par son correspondant à Bruxelles nommé Vandersteen. Je vous serai donc obligé de vouloir bien me faire sçavoir qu'elles vous ont été restituées; votre exemple m'apprend à pousser sur cela bien loin les précautions redoublées pour avoir asseurance d'estre quitte. Je ne le suis pas avec vous, Monsieur, de tout ce que vous voulés penser d'obligeant, il me semble que c'est ÿ répondre que de vous féliciter sur l'honneur personnel que vient d'acquérir un Prince dont vous avez fait votre héros; vous en faisiés un Salomon du Nord; mais vous voilà réduit à en faire un Alexandre; il nous est venu une relation imprimée de Breslaw qui, à mon jugement, lui fait d'autant plus d'honneur qu'il faut qu'il aÿe voulu y être beaucoup moins nommé pour ne paroittre occupé que des louanges qui y sont données à ses généraux, et à ses troupes.
Soÿez s'il vous plait bien persuadé qu'on ne peut être plus parfaitement que je le suis, Monsieur, votre très humble très obéissant serviteur,
Fénelon