Rouen, 19 février 1741
Madame,
On vient de m'envoyer votre livre des Institutions de physique.
Je vous en remercie très humblement; j'ai lu avec une avidité extrême tout le commencement. Il m'a paru écrit avec une élégance et une grâce que vous communiquez à tout ce qui vous approche, mais je crains bien de trouver dans la suite des choses au dessus de ma portée; j'en entendrai ce que je pourrai, je l'admirerai, et mon regret va redoubler de n'avoir pas assez étudié ni la physique ni la géométrie.
Vous êtes capable, madame, de faire naître du goût pour les sciences les plus abstraites, ne fût ce que pour avoir le plaisir de vous entendre; à la douceur de vos regards, les fleurs naissent sur les rochers les plus arides, et les grâces et l'enjouement vous suivent jusque dans les déserts de la philosophie. Comment avez vous trouvé le secret de réunir des talents jusqu'ici si incompatibles? Quoi! l'auteur sublime de ce livre grave et dogmatique est la femme adorable que je vis dans son lit il y a trois mois, qui, avec de grands yeux si beaux et si doux, ces sourcils noirs, charmants, cette philosophie noble, ingénieuse et piquante, cet enjouement, ces saillies, et tant d'esprit, nous donnait en vérité, à tous, à penser à tout autre chose qu'à la philosophie, et mêlait si agréablement le sentiment à l'admiration.
Je suis avec la plus vive et la plus respectueuse reconnaissance et la plus sincère admiration,
Madame,
votre très humble et très obéissant serviteur,
Cideville
J'ai écrit à m. de Voltaire à Bruxelles. Je n'en ai point entendu parler; de grâce, dites moi comment il se porte et s'il n'a pas l'honneur d'être auprès de vous et de vous faire sa cour.