1741-02-17, de Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet-Lomont à James Jurin.

Je crois deuoir, Monsieur, à votre mérite, et au cas infini que i'en fais, de vous soumettre une dispute qui m'a fourni l'ocasion de vous donner vne marque publique de mon Estime, et dans laquelle vous Etes intéressé par le poids que vous donés aux sentimens que vous fauorisés.

M. de Mairan n'aura pas manqué sans doutte de vous Enuoier la lettre dont ie joins ici la réponse. Ie crois que vous me pardonerés plus aisément que lui de n'être pas de votre auis, quoique ie m'imagine cependant que vous n'exigeriés pas de moi que j'estimasse la force des corps par ce qu'ils ne font point. Ie suis bien loin de me croire destinée à terminer vne dispute si fameuse, mais ie me suis senti vne vocation toute particulière pour détruire ce beau paradoxe sur lequel roule tout le mémoire que mr de Mairan dona en 1728 à l'académie des Sciences de Paris sur les forces viues. Quelque jugement que vous portiés Entre nous monsieur, j'aurai toujours tiré de cette dispute l'auantage de vous dire moi-même auec quelle considération j'ay l'honeur d'être, Monsieur, votre très humble, et très obéissante seruante

La marquise Duchastellet

M. de Voltaire qui Est ici auec moi, me prie de vous faire mille très humbles complimens de sa part.