1740-08-20, de Pierre Robert Le Cornier de Cideville à Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet-Lomont.

M. je sens un plaisir vif, à vous mander que j'ay eu enfin Le bonheur de reüssir, dans l'affaire dont vous m'aviés fait La grâce de me charger; elle n'étoit pas sans beaucoup de difficulté en ce qu'il y avoit eu un arrest au Contraire mais qui grâces à mon heureuse Etoile n'avoit point été encore ny écrit ny délivré.
J'en ay fait sentir la dureté au 1er président et aux principaux de La chambre des comptes, et enfin samedi 20 d'aoust 1740 intervint un arrest qui dispense mr. le Marquis Duchatelet de faire d'information. Le sr. Fossard vostre procureur s'est donné bien des peines et a fort secondé mes intentions par son habileté et par ses soins. Il a informé de ce jugement vos gens d'affaires de la ville d'Eu. La vanité avec laquelle je vous fais valoir de si petits services mde vous prouvera assés combien je me trouvois heureux d'estre àportée de vous en rendre de plus grands. Je ne me défans pas mesme de l'orgueil que je sens à vous obliger: cui servire regnare est.

De grâce envoyés moy mde Le plus tost que vous pourés vostre livre de Phisique dont vous parlés trop modestement et que tout le monde attend pour s'instruire. Une promesse de vostre bouche aimable est bien flateuse, elle est elle mesme une faveur, et je l'atends avec l'impatience.

J'entendray vos secrets o divine Egerie.
Parlés et la nature est sans voiles pour nous,
Plus heureux que Numa si l'aimable Emilie
M'aparoissoit au rendés vous.

Mr de Voltaire a dû recevoir une ode que j'ay faite pour estre envoyée au Roy de Prusse si vous jugiés qu'elle le meritast. Vous ne m'en parlés point sans doute ou que vous ne l'avés pas vüe ou que vous trouvés qu'elle n'est point digne que l'on en parle.