Ce 3 de mai 1739
Monsieur,
L'obligeante lettre que vous m'avés fait l'honneur de m'écrire me faisoit souhaiter de vous répondre de ma main, mais je ne le puis encore.
Ma maladie, qui est un engorgement de bille, n'est point encore décidée pour le péril, ni pour la guérison. Je suis infiniment sensible aux attentions d'une dame qu'on peut, sans flaterie appeller la gloire de son sexe et de son siècle. Pour vous, mon cher fils, vôtre attachement pour moi n'est pas nouveau. J'y répons de tout mon coeur. Si Dieu me fait miséricorde, je continuerai mes prières les plus ardentes pour vous.
Je vous conjure d'exécuter le projet que vous m'écrivés avoir formé, d'ôter de vôtre Henriade tout ce qui paroîtroit blesser la religion. Nous aurons alors un poëme héroïque que notre nation poura oposer aux autres poëmes héroïques générallement estimés.
Je suis toujours d'avis que vous imprimiés vôtre Merope. Le Père Porée vous a envoyé sa harangue par le Chevalier de Mouy. L'avés vous reçue?
Je suis, mon cher fils, avec l'attachement le plus sincère, et le plus respectueux,
Vôtre très humble serviteur
Tournemine jesuite