1738-12-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Bonaventure Moussinot.

Mon cher amy, en réponse à la vôtre du 24.

1º soit, prenons donc le bijou pour 20 louis, mais attendez pour les payer qu'il ait été présenté et trouvé joli; car s'il avoit le malheur de déplaire (ce que je ne crois pas) il en faudroit un autre.

2º si la Merope vous a plu j'en suis plus flatté que du suffrage des jesuites. Le jugement de ces messieurs trop acoutumez aux pièces de collège m'est toujours un peu suspect, mais je prie qu'on reporte au père Brumoy cet ouvrage, et qu'on le prie de le faire lire au père Porée, mon ancien régent à qui je dois cette déférence.

3º vienne donc le Langlet, il sera bien reçu. Je viens de revoir mes capitulaires, c'est Buffier et Vallemont que j'exceptois, comme vous dites. Vous êtes plus exact que moy, dont bien me prend fort souvent.

4º vous avez très bien fait à votre ordinaire de donner un peu de temps au fermier de Bellepoule.

5º vous feriez encor mieux si vous pouviez par votre prudence, obtenir délégations des Dauneuils et Léseau; cela vous épargneroit par chacun an des sollicitations désagréables.

6º si les 250 louis arrivent ensemble ils seront reçus très favorablement, et on les recevra encor très poliment s'ils arrivent par compagnies détachées.

7º si on vous aporte un journal de la part d'un fripon de jesuite apostat, qui est àprésent libraire en Hollande, et qui se nomme Henri du Sauzet, vous donnerez 100lt pour ce coquin là, attendu qu'il faut payer les services mêmes des méchants.

8º Linant m'a écrit un mot de remerciment mais la Marre ne m'écrira probablement que quand il aura dépensé L'argent que je luy ay donné.

Adieu mon cher amy. Je vous souhaite la bonne année, et suis tout à vous à jamais.

V.

Surtout que mr votre frère ne copie pas un seul vers de Mérope. Je vous le demande avec la dernière instance, et que s'il en avoit copié un seul il le jette au feu. Faites luy regarder cette discrétion comme Le devoir le plus sacré.