ce 6 auril [1739]

Mon cher ami ce qu'on Exige de n͞s, n͞s tourne la tête.
J'ayme mieux que votre ami sorte de France, que de signer vn escrit double auec l'abé des Fontaines, et ie ne foiblirai jamais sur cela. Mais ie ne vois pas pourquoi on l'exigeroit. N͞s auons demandé vne réparation, on n͞s dénie la justice, n͞s n'en voulons plus. Cela me paroit tout simple. Il n'i a qu'à rendre à l'abé des Fontaines son désaueu et qu'il n'en soit plus parlé. M^r du Chastellet peut prendre cela sur lui, et dire qu'il ne le veut pas. Cela ôtera à m^r H. tout prétexte de se fâcher, et puis après tout ie ne vois pas qu'il en eût sujet et qu'il puisse être plus notre Ennemi qu'il l'est. Ie v͞s prie engagés m^r du Chastellet à n͞s tirer de ce labirinthe. Il n'i a que lui qui le puisse, et si v͞s le voulés, il le fera. Son honneur et celui de tous les amis de m^r de V. y est engagé, voilà vne triste fin. Ie lui escrit lettre sur lettre p͞r cela. N'êtes v͞s pas indignés de toutes les misérables brochures qui courent? En vérité m^r Dargenson se moque de n͞s. Mais détruisés donc v͞s et m͞lle Quinault et tous les comédiens cette calomnie que Merope a été refusée. Enuoyés vos auis sur Zulime, ils seront suiuis. Il faut que votre ami trauaille p͞r ne pas se désoler, et tout indigne que le public en est, ie crois qu'il faut se dépêcher de lui donner vne bone tragédie. Adieu mon cher ami. Comtés que sur cette infamie de signature c'est moi qu'il faut prêcher plutôt que m^r de V. Mais jamais ie n'i consentirai, ie l'aime mieux absent que déshonoré. Cela feroit trop rire ceux qui osent être ses enuieux. Ah mon dieu! il eût tout fallu rompre à la première proposition. Coment cela peut il s'imaginer? Ie v͞s embrasse mon cher ami bien tendrem͞t, et bien tristement.

Votre ami ne sait rien de toutes les indignités qui courent.