à Cirey en Champagne ce 27 oct. 1738
Monsieur,
Etant sur le point de prendre un établissement assez avantageux, et ayant toujours compté sur vos bontez, je vous demande une grâce qui dépend entièrement de vous, et dont mon repos et mon honneur dépendent.
Jore est connu de vous. Vous savez que malgré vos ordres, il publia sous le nom de factum un libelle injurieux contre moy. Ce libelle que vous avez eu la bonté de faire suprimer, est renouvellé aujourduy par des personnes qui veulent traverser mon établissement. Si vous vouliez bien Monsieur exiger deux lignes de Jore par les quelles il désavoueroit son factum, je vous aurois une obligation éternelle. Je vous demande en grâce de daigner me donner cette marque de vos bontez, et d'exercer en faveur d'un ancien serviteur, ce zèle avec le quel vous avez obligé tant de personnes.
Ne regardez pas je vous en suplie ma lettre comme une affaire ordinaire qu'on renvoye à un temps plus éloigné, et daignez proportioner vos bontez au besoin extrême que j'en ay, et à la confiance avec la quelle je les Réclame.
Je suis avec baucoup de respect et de reconnaissance
Monsieur
Votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire