Je me hâte monsieur de v͞s répondre p͞r v͞s remercier de m'auoir éclairé.
Ie reconnois mon erreur et i'en fais abjuration entre vos mains. Ce qui m'auoit trompé c'est que ie disois, puisque les espaces augmentent come le quarré des aprochemens donc &cc. Mais ie ne faisois pas attention que ces espaces ne sont pas les mêmes, et que c'est dans cette diférence que consiste ma méprise. Ce corps à la lune parcourera vers la terre des espaces qui seront 1.3.5 &cc come p͞r la terre, mais les espaces seront montrés en raison du quarré de l'éloignem͞t. Voilà ce qui n'a que faire à la théorie de Galilée car dans cette théorie la force primitiue ne change, mais icy, elle change auec les distances. Ie conviens de la brièueté de vos hiérogliphes, mais elles font des sciences vn secret et i'ay mon intérest que les ignorans y ayent leur part.

Quant aux atomes, s'ils sont matière, come ils le sont sans doute puisqu'un composé ne peut être fait de parties essentiellem͞t diférentes de lui même, puisque, dis je, ils sont matière, il faut bien qu'ils aient vne figure. Ie sais bien que n͞s ne pouuons la voir, mais n͞s deuons et n͞s pouuons la suposer et ie crois qu'il est assés naturel de la suposer sphérique. Or si elle l'est, la loy en raison inuerse du quarré de la distance n'a t'elle pas vn auantage sur les autres loix? V͞s ne me dites rien sur cela. V͞s me dites bien que la loy en raison renuersée du cube n'en auroit point, mais v͞s ne me dites rien sur la raison inuerse des quarrés qui est cependant celle qui me tient le plus au cœur.

Mais ce qui me fâche infiniment c'est que v͞s ne me parlés point de venir icy. Ie v͞s attens cependant auec l'impatience de quelqu'un qui v͞s aime et à qui v͞s l'aués promis.

Je v͞s ay mandé, et m^r de V. v͞s l'a escrit lui même, qu'il n'auoit aucune part aux derniers chapitres de son ouurage. Les libraires hollandois qui se sont impatientés de ne les point auoir de m^r de V. les ont fait faire p͞r de l'argent. L'endroit où il parle de votre liure come il en pense est de lui, mais celui où l'on adopte les hipothèses des le Mairan et des Fatio n'est pas plus de lui que de v͞s. C'est vne chose très vraye, il se seroit bien gardé d'assurer que l'anneau de Saturne est vn nombre innombrable de satellites, et il se seroit bien gardé aussi d'adopter de pareilles hipothèses par préférence à des idées fondées sur la plus sublime géométrie. Il ne comptoit point entrer dans des détails si sauans, qui ne conuenoient point à son titre, ni au plan de son ouurage, et je puis v͞s assurer qu'après moi, M^r de V. est l'homme du monde qui sait le plus ce que v͞s valés et qui est le plus rempli d'estime et d'amitié p͞r v͞s. Il me semble que la lettre qu'il v͞s a escrit en même tems que la mienne en Etoit remplie, et il v͞s a dit la plus exacte vérité en v͞s assurant qu'il n'auoit nulle part aux ch. en question et il me semble qu'il est bien aisé de sentir que le stile, L'ordre, la clartés, les vües, tout enfin est diférent et part d'une autre main.

Quand à mon mémoire sur le feu, si quelque chose peut me fâcher dans vn Evènem͞t qui me fait autant d'honeur et de plaisir, c'est que cela se soit fait sans que v͞s v͞s en soyés mêlé. J'aimerois à v͞s en auoir eu l'obligation, mais rien ne poura Egaler celle que ie v͞s aurai si v͞s me procurés l'honneur et le plaisir de v͞s dire moimême tout ce que ie pense p͞r v͞s.

M^r de V. v͞s fait mil sincères complimens, et m^r du Chastellet me prie bien fort de ne le point oublier. Tiriot m'a mandé qu'il v͞s auoit enuoyé la response du P. royal qui me paroit bien flatté de cette politesse de votre part.

à Cirey ce 17^e juillet 1738