1738-05-13, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Père Mersenne, je reçois votre lettre du 9.
Il faut d'abord parler de notre grande nièce, car son bonheur doit marcher avant toutes les discussions littéraires, et L'homme doit aller avant le philosophe et le poète. Ce sera donc du meilleur de mon cœur que je contribueray à son établissement, et je vais luy assurer les vingt cinq mille livres que vous demandez, bien fâché que vous ne vous apelliez pas mr Fontaine car en ce cas je luy assurerois bien davantage.

Sans doute je vais travailler à une édition correcte des éléments de Neuton, qui ne seront ny pour les dames ny pour tout le monde, mais où l'on trouvera de la vérité et de la méthode. Ce n'est point là un livre à parcourir comme un receuil de vers nouvaux. C'est un livre à méditer, et dont un Roussau ou un Desfontaines ne sont pas plus juges, que d'une action d'homme de bien.

A l'égard de ce que vous me dites de made de Rufec, je n'y entends rien. C'est pour moy l'apocalipse. Il faut que les hommes soient devenus plus fous encor qu'ils ne l'étoient quand je les ay quittez. Voylà une tracasserie abominable et la plus horrible calomnie! Madame de Rufec? comment? pourquoy? Ma foy le mieux est de ne point relever ces misères qui tombent d'elles mêmes tôt ou tard, et de vivre tranquile avec ses amis, et ses livres en attendant le mois d'aoust qui nous amènera notre cher Tiriot.

Je vous ay une obligation infinie de votre exactitude à m'écrire dans ces circomstances. Continuez mon cher amy.

Je vous recomande mon cher amy la boete d'Hebert. Qu'il l'envoye chez l'abbé Moussinot qui payera tout ce que vous ordonnerez.