ce 2 novbre [1737]
Tout mon chagrin est donc àprésent de ne pouvoir vous embrasser en vous félicitant du meilleur de mon cœur.
Il ne manque pour sentir un bonheur parfait que d’être témoin du vôtre. Que je suis enchanté mon cher et respectable amy de ce que vous venez de faire! que je reconnais bien là votre cœur tendre et votre esprit ferme!
Permettez moy donc de vous faire icy à tout deux des compliments de la part de tous les honnêtes gens, de tous les gens qui pensent, de tous les gens aimables. Mon dieu que vous avez bien fait l'un et l'autre! Partagez madame les bontez de Mr Dargental pour moy. Ah s'il vous prenoit fantaisie à tout deux de venir passer quelque temps à la campagne pendant qu'on dorera votre cabinet, qu'on achèvera votre meuble! Madame du Chastelet va vous en écrire sur cela de bonnes. Enfin ne nous ôtez point l'espérance de vous revoir. Les heureux n'ont pas besoin de Paris. Nous n'irons point, il faut donc que vous veniez icy. Vivez heureux couple aimable, couple estimable. Vendez vite votre vilaine charge de conseiller au parlement qui vous prend un temps que vous devez aux charmes de la société, quittez ce triste fardau qui fait qu'on se lève matin. Il n'y a pas moyen que le plaisir dont votre bonheur me pénètre, me permette de vous parler d'autre chose. Une autre fois je vous entretiendrai de Melpomene, de Talie, mais aujourduy la divinité à qui vous sacrifiez, a tout mon encens.