à Cirey le 4^e 7^bre [1737]

Emfin Monsieur v͞s voilà donc reuenu de L'autre monde (car la Laponie ne doit pas être comptée de celui cy).
Ie v͞s en aurois marqué ma joie plutost, si i'auois cru que v͞s eussiés le tems de lire ma lettre. Ie v͞s crois si festé, si désiré, v͞s aués tant de gens qui v͞s font des questions que ie ne v͞s en ferai aucune. Ie désire que v͞s ayés raporté du milieu de vos glaçons vne bonne santé et vn peu d'amitié p͞r moi. I'ay été come s^t Loüis lors qu'on m'a mandé que v͞s auiés trouué la terre aplatie et non alongée. Pardonnés moi la balourdise que ie v͞s ay dit sur cela dans vne de mes lettres, ie ne suis pas toujours si absurde. J'ymagine que v͞s êtes retenu p͞r vos vacances. Ainsi ie crois qu'il faudroit retenir p͞r dans dix ans si on vouloit v͞s auoir. Raillerie àpart, si v͞s vouliés v͞s dérober quelque tems à la foule des badauts, et venir voir quelqu'un qui v͞s admire et v͞s aime plus qu'eux tous ie v͞s offre de v͞s enuoyer vne chaise à deux quand v͞s voudrés p͞r m͞r Cleraut et p͞r v͞s, car malgré ses rigueurs ie serai charmée de le voir. Ie crois que quand on veut que ses complim͞s soient bien rec͞us il les faut faire passer par v͞s. Ie v͞s prie donc de lui dire bien des choses p͞r moi. V͞s saués Monsieur combien mon amitié p͞r v͞s est véritable et ie crois que v͞s voulés bien que ie v͞s en réitère les assurances sans complimens.