à Amalté ce 8 de Mai 1737
Monsieur, Je Viens de resevoir Vostre lettre sous datte du 17 d'Avril: elle est arivée asséz vitte, je ne sais d'où vient que les mienes ont étées si longtems en chemin.
Que Vostre indulgence pour mes vers me paroit suspecte! Avouéz le Monsieur Vous craigniéz le sort de Piloxene? vous me croyéz un Denis? sans quoi votre langage auroit été tout diférent. Un ami sincère dit des véritéz désagréables mais sallutaires. Vous auriéz critiqué, les monuments et les Funérailles dans la strophe 4ème de l'ode placés avant les batailles; Vous auryéz condamné la figure des chagrins désarméz qui est fort inexacte; en un mot vous m'auryéz dit, emondéz moi ces Rameaux trop épars etc. Que sertil à un louche qu'on vante la bonté de sa vue? Il n'e voit pas mieux.
Je vous prie monsieur soyéz mon Censeur Rigide comme Vous êtes déjà mon exemple et mon maitre en fait de Poésie. Ne Vous en tenéz pas aux ongles de la Figure d'un très ignorant Sculpteur, corigéz tout L'ouvrage.
Je Vous envoye la suite de la Traduction de Wolf, jusqu'au paragraphe 770. Vous en recevrez la fein par mon Chér Cesarion, mon petit ambasadeur dans la province de La Raison au paradis Terestre. Je trouverois le mien dans une Volupté pure et dans le comerce des estres les plus raisonables qui ce trouvent parmi les mortels; en un mot si je pouvéz disposér de ma personne, je me rendrois moi même à Cirey, pour vous fatiguér et persécutér d'une étrange fason, pour me rendre l'home le plus fâcheux et le plus importun dont jamais vous ayéz été assailli. Je Vous compte à la tête de tout les estres pensants, la Nature rateroit à produire Vostre semblable.
Mon portrait s'achèvera aujourd'hui. Le peintre s’évertue de faire de son mieux. Je Vous dois déjà quelque coups de grâce, mais en consience j'ai cru devoir Vous en avertir. Pouroye je finir ma lettre sans y insérer un article pour Emillie? Faites lui je Vous prie bien des assurances de ma parfaite estime. Vous devriéz bien me faire avoir son portrait; je n'auserais le lui demandér? Si mon corps pouroit voyagér come mes pensées je Vous assurerois dès ce moment de la parfaite estime et de la Considération avec la quelle je suis Monsieur
Vostre très affectionné ami
Federic