[c. September 1736]
Je ne connais l'abbé Guyot-Desfontaines que parce que m.
Thiriot l'amena chez moi en 1724, comme un homme qui avait été ci-devant jésuite, et qui, par conséquent, était un homme d'étude; je le reçus avec amitié, comme je reçois tous ceux qui cultivent les lettres. Je fus étonné au bout de quinze jours de recevoir une lettre de lui datée de Bicêtre, où il venait d'être renfermé. J'appris qu'il avait été mis trois mois auparavant au Châtelet pour le même crime dont il était accusé, et qu'on lui faisait son procès dans les formes. J'étais alors assez heureux pour avoir quelques amis très puissants que la mort m'a enlevés. Je courus à Fontainebleau, tout malade que j'étais, me jeter à leur pieds; je pressai, je sollicitai de toutes parts; enfin j'obtins son élargissement, et la discontinuation du procès où il s'agissait de sa vie; je lui fis avoir la permission d'aller à la campagne chez m. le président de Bernières, mon ami. Il y alla avec m. Thiriot. Savez vous ce qu'il y fit? un libelle contre moi. Il le montra même à m. Thiriot, qui l'obligea à le jeter dans le feu; il me demanda pardon, en me disant que le libelle était fait un peu avant la date de Bicêtre. J'eus la faiblesse de lui pardonner et cette faiblesse m'a valu en lui un ennemi mortel, qui m'a écrit des lettres anonymes, et qui a envoyé vingt libelles en Hollande contre moi. Voilà, monsieur, une partie des choses que je peux vous dire sur son compte, etc.