1767-07-26, de Laurent Angliviel de La Beaumelle à Louis Gaspard de Salles, marquis de Gudanes.

Monsieur, je reçois dans ce moment votre lettre du 25 juillet avec la copie de celle de m. de Saint-Florentin.
Je me hâte de vous répondre que vos désirs seront parfaitement remplis, et qu'assurément je n'écrirai pas plus à Voltaire de lettres anonymes que je ne lui en ai écrit. Je ne saurais ce que c'est que ces lettres anonymes si je ne l'avais appris par un libelle horrible contre moi qu'il m'a envoyé par la poste, et par un autre libelle non moins atroce qu'il vient d'adresser au juge et au curé. Il s'y plaint de quatre-vingt-quinze lettres anonymes qu'il prétend que je lui ai écrites, et il dit qu'il a envoyé la quatrevingt-quinzième au ministère. Je n'ai pas plus de part à ces lettres que le Grand Turc. Il y a longtemps que la guerre est ouverte entre Voltaire et moi; et si j'étais d'humeur à l'attaquer, je n'aurais que faire de prendre le masque de l'anonyme. Je l'ai repoussé assez vigoureusement à la face de l'univers pour n'avoir pas besoin de recourir aux voies obliques….Je ne doute pas que ces quatre-vint-quinze lettres anonymes ne soient une fable, et peut-être a-t-il fabriqué lui même celle qu'il a envoyée à m. le comte de Saint-Florentin….

Voilà, monsieur, ce que j'ai cru devoir vous marquer, tant pour vous instruire vous même du fait que pour me justifier auprès de m. le comte de Saint-Florentin, supposé que vous jugiez à propos de lui rendre compte de mes sentiments.