Je suis bien fâchée monsieur que l'espérance de v͞s voir icy, soit si reculée.
Ie me flatte que vos affaires finiront plutost que v͞s ne croyez, et que v͞s viendrés voir vne personne qui sans vous connoitre, seroit charmée de viure auec v͞s. Ie crois que m͞r de Voltaire v͞s aura escrit de Paris. Ses affaires domestiques l'ont obligé d'y aller. I'espère qu'il n'i fera pas long séjour. Il me mande par la dernière poste vne nouuelle qui m'inquiète infiniment et dont vous deuez être instruit. Il dit qu'on a fait à Rouën vne édition de tout ce que l'on a pu ramasser de luy dans laquelle se trouuent les lettres philosophiques auec des comentaires. Cela pouroit être sérieux. Ie suis bien persuadée que v͞s ne lui aurez rien laisser ignorer de tout ce que v͞s aurez pu découvrir à ce sujet. Ie v͞s en seray bien obligée de me mander aussy ce que v͞s en saurez, car i'en suis très inquiette.
Que deuient donc m͞r de Formont? Il me traite bien mal. Ie v͞s prie de le lui reprocher et de lui faire mil complimens de ma part.
Ie suis àprésent très contente de Linant. Ie me suis bien douttée que ce que v͞s lui manderiez lui feroit impression. Il fait toujours sa tragédie. Ie voudrois bien qu'elle fût bonne, et surtout qu'il la finit. Adieu monsieur, donnés moy quelquefois de vos nouuelles surtout dans l'absence de votre amy.
à Cirey ce 28e auril 1736