1736-02-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Antoine de La Roque.

Je suis bien fâché, monsieur, qu'un peu d'indisposition m'empêche de vous écrire de ma main; je n'ai que la moitié du plaisir en vous marquant ainsi combien je suis sensible à vos politesses: il est bien doux de plaire à un homme qui, comme vous, connaît et aime tous les beaux arts.
Vous me rappelez toujours par votre goût, par votre politesse, et par votre impartialité, l'idée du charmant m. de La Faye, qu'on ne peut trop regretter; je pense bien comme vous sur les beaux arts.

Vers enchanteurs, exacte prose
Je ne me borne point à vous.
N'avoir qu'un goût est peu de chose,
Beaux arts, je vous invoque tous.
Musique, danse, architecture,
Art de graver, docte peinture,
Que vous m'inspirez de désirs!
Beaux arts, vous êtes des plaisirs;
Il n'en est point qu'on doive exclure.

Je voudrais bien, monsieur, vous envoyer quelques unes de ces bagatelles pour lesquelles vous avez trop d'indulgence; mais vous savez que ces petits vers que j'adresse quelquefois à mes amis, respirent une liberté dont le public sévère ne s'accommoderait pas. Si parmi ces libertins qui vont toujours nus, il s'en trouve quelques uns vêtus à la mode du pays, j'aurai l'honneur de vous les envoyer.

Je suis, monsieur, avec toute l'estime qu'on ne peut vous refuser, et avec une amitié qui mérite la vôtre &c.