1735-09-03, de abbé — de La Marre à Voltaire [François Marie Arouet].
Tendre & précieux bienfaicteur
A que je dois ma treste vie,
Reconnois tu l'Humaine Barberie
Dans ce portrait? Pour un bon coeur
Il en est mille que Le vice
La jalousie & L'artifice
Ont corrompu: Les hommes d'aujourduy
Sont tous de fer: toy dont Le coeur sensible
A mes malheurs fut accessible,
Je suis seur de tomber si je n'ay ton appuy.
En faveur d'un misérable
Fais encore quelque effort,
C'est un tour à joüer au sort,
Tu Le feras doner au diable

Monsieur,

Je n'ay que vous de ressource, vous êtes mon cher protecteur. Si vous avés quelque chose à faire transcrire ordonnés, je seray trop heureux de vous être utile. Je corrigeray si vous le voulés Les épreuves de votre Brutus. En un mot je me mettray à tout pour vous prouver ma reconnoissance. Je fais un recueil de Pièces fugitives que monsieur De Moncrif veut bien prendre La peine de m'arranger. J'ay eu soin de n'y rien mettre que du consentement des autheurs. L'argent qui m'en reviendra sera plus que suffisant pour payer L'Habit dont je vous prie de répondre pour moy aussi bien que ce que Mr Dumoulin avancera pour moy par votre ordre puisqu'on parle de m'en faire avoir 400lt. Mais il ne sera complet que dans deux mois au plustôt et il me faut tout ce que je vous demande pour Le surlendemain de La st Martin au plustart, jour fixé pour quitter Mercure & sa sequelle.

Honnorés moy Monsieur je vous prie d'un mot de réponse. Ces vers cy aussi bien que les autres sont enfans de La vérole. Je les ay fait en salivant. C'est pour Le coup que je puis dire que je crache des vers.

Je suis Monsieur avec un très profond respect

Votre très humble & très obéissant serviteur

Delamarre