[? c. December 1734]
Monsieur,
La fille d'un de vos meilleurs amis, beaucoup plus aimable encore que son père, a été également touchée de votre souvenir et de la manière dont vous l'exprimez.
Elle a cru d'abord que l’épître était de monsieur votre fils, au feu brillant qui règne dans vos vers; mais sachant que votre imagination a toujours la grâce et la vigueur de la jeunesse, elle a bien vu que l'ouvrage est de vous. Quoique vous m'ayez adressé la lettre, monsieur, je sens que ce n’était qu'un fidéicommis pour madame du Châtelet.
Je ne sais pas comment vous pouvez vous défier de votre raison, quand vous la faites parler d'une manière si charmante.
Voilà, monsieur, une partie des choses que je pense de vous. Je respecterai, j'aimerai en vous toute ma vie le véritable philosophe, qui a quitté la cour depuis longtemps, qui vit pour soi, pour sa famille et pour ses amis; l'homme de lettres et de génie qui n'est point de l'académie, qui aime les parts pour eux mêmes, qui a toujours écouté ses goûts et jamais la vanité; l'ami dont la société est toujours égale, qui n'exige rien et qu'on retrouve toujours. Malgré mon éloignement, malgré mon silence, comptez, monsieur, que je suis tendrement attaché à toute votre famille, et que si jamais je quittais l'heureuse solitude que j'habite pour le tumulte de Paris, je ne pourrais m'en consoler qu'en venant chercher la solitude auprès de vous.
Recevez, monsieur, aussi bien que madame d'Ussé et monsieur votre fils, les assurances de mon tendre et respectueux dévouement.