1733-11-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à — La Préverie.

J'ai reçu votre lettre du 12 novembre. Vous m'auriez sauvé, monsieur, mes quatorze cents livres, si vous aviez bien voulu, à tout événement, faire signifier la délégation du fermier. Peut-être en serait il temps encore. C'est une obligation passée au Châtelet de Paris, et qui a son effet dans tout le royaume. Peut-être cette dette sera-t-elle regardée comme dette du prieuré, et l'acquéreur en serait tenu; peut-être cet acquéreur doit il de l'argent à l'abbé Makarty: c'est ce que vous pourriez savoir, et en ce cas, vous lui signifieriez la délégation. Quand je ne tirerais que la moitié de la somme, je me croirais bien payé. Il y a encore une autre ressource. Makarty a un père qui a du bien, et qui demeure à Nantes. Il est je crois médecin ou chirurgien dans cette ville. Pourriez vous avoir la bonté de vous en informer? Je sais que ce père est très vieux. On pourrait, à sa mort, faire une saisie.

En un mot, monsieur, vous êtes sur les lieux, vous vous étiez chargé de cette affaire; c'est sur votre promesse que j'avais prêté mon argent à ce misérable avec tant de bonne foi. Puisqu'il vous doit de l'argent, unissez mes intérêts aux vôtres: si je pouvais touchez sept cents livres, je vous abandonnerais la somme pour vos peines.

J'ajouterai à tout ce que je viens de vous dire que vous pourriez intimider l'acquéreur. Je sais à point nommé qu'il a acheté le bénéfice, et il ne me sera pas difficile de le prouver, Makarty s'en étant vanté à deux personnes. Je puis en écrire aux ministres et surtout à monseigneur le cardinal de Fleury. J'attends, monsieur, votre réponse pour me déterminer.

Je suis, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.