à Ferney ce 6 septembre 1769
Messieurs,
Je reçois dans ce moment une lettre de ma famille qui me force encor de vous importuner.
L'argent dont Mr Jean Maire est nanti est le bien de mes parens. Ils exigent la Délégation sur des fermiers solvables demeurans en France telle que Mr Jean Maire l'a stipulé avec moi et telle que nos usages la prescrivent. Je ne puis leur refuser une chose si juste sans laquelle ils seraient en droit de regarder notre convention comme nulle.
Je vous demande donc en grâce, Messieurs, et avec la plus vive instance de vouloir bien m'envoyer cette Délégation afin qu'étant payé du quartier échu au 1er octobre prochain, je puisse satisfaire à mes engagements et ne plus essuier les reproches continuels de ma famille. S'il ne s'agissait que de mon intérêt, je m'en remettrais uniquement à votre bonne volonté et à celle de Mr Surlau; mais Mr Surlau ne peut pas répondre des deniers; il n'est point domicilié en France, et il faut absolument un fermier ou régisseur qui s'engage en son propre et privé nom. Cela seul peut suppléer quelque temps à la subrogation que Mr Jean Maire m'a promise depuis six mois et qu'il n'a point effectuée. Ma famille a été très allarmée de ne point voir cette promesse accomplie, elle m'impute cette violation de mon traité avec Mr Jean Maire comme si c'était ma faute. Cependant Mr Jean Maire sait que j'ai insisté dans toutes mes lettres sur cette clause essentielle qui a été le fondement de notre traité, et les minutes de mes lettres en font foi.
Je vous supplie donc, Messieurs, non seulement de me faire tenir cet acte de subrogation dès que vous le pourez, mais de me donner dès à présent la Délégation pour recevoir le quartier qui écheoit à la fin du mois. J'attends cette justice de vous.
J'ai l'honneur d'être avec les sentimens les plus respectueux.
Messieurs,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire