[ce 26 7bre 1733]
J'aime fort Linant, et pour vous et pour luy.
Mais à parler sérieusement il n'est pas bien sûr encore qu'il ait un de ces talents marquez sans qui la poésie est un bien méchant métier. Il seroit bien malheureux s'il n'avoit qu'un peu de génie avec baucoup de paresse. Exhortez le à travailler et à s'instruire des choses qui pouront luy être utiles, quelque parti qu'il embrasse. Il vouloit être précepteur, et à peine sait il le latin. Si vous l'aimez, mon cher Cideville, prenez garde de gâter par trop de louanges et de caresses un jeune homme qui parmy ses besoins doit compter le besoin qu'il a de travailler baucoup, et de mettre à profit un temps qu'il ne retrouvera plus. S'il avoit du bien je luy donnerois d'autres conseils, ou plutôt je ne luy en donnerois point du tout. Mais il y a une différence si immense entre celuy qui a sa fortune toutte faitte, et celuy qui la doit faire, que ce ne sont pas deux créatures de même espèce.
Vale amice.