1733-06-25, de Voltaire [François Marie Arouet] à Anne Claude Philippe de Tubières-Grimoard de Pestels de Levis, comte de Caylus.

Je vais vous obéir avec exactitude, monsieur, et si l'on peut mettre un carton à l’édition d'Amsterdam, il sera mis, n'en doutez pas.
Je préfère le plaisir de vous obéir, à celui que j'avais de vous louer. Je n'ai pas cru qu'une louange si juste pût vous offenser. Vos ouvrages sont publics, ils honorent les cabinets de[s] curieux, mes portefeuilles en sont pleins, votre nom est à chacune de vos estampes. Je ne pouvais pas deviner que vous fussiez fâché que des ouvrages publics, dont vous nous honorez, fussent loués publiquement.

Les noirceurs que j'ai essuyées sont aussi publiques et aussi incontestables que le reste; mais il est incontestable aussi que je ne les ai pas méritées, que je dois plaindre celui qui s'y abandonne, et lui pardonner, puisqu'il a su s'honorer de vos bontés, et vous cacher les scélératesses dont il est coupable. C'est pour la dernière fois que je parlerai de sa personne; pour ses ouvrages, je n'en ai jamais parlé; je souhaite qu'il devienne digne de votre bienveillance. Il me semble qu'il n'y a que des hommes vertueux qui doivent être admis dans votre commerce; pour moi, j'oublierai les horreurs dont cet homme m'accable tous les jours, si je peux obtenir votre indulgence.

J'ai l'honneur d’être, monsieur, avec tous les sentiments respectueux que j'ai toujours eux pour vous,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

Voltaire