1733-03-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Jacques Dortous de Mairan.

Le goust extrême que vous avez pour la vérité monsieur, est bien sensible à un homme qui l'aime autant que moy.
Je vous remercie de tout mon cœur des peines que vous voulez bien prendre pour me la faire trouver. Je me flatte que vous voudrez bien quelque jour m'aider à la chercher, lorsque je me seray rendu à ma chère phisique que j'abandonne lâchement pour la poésie. Je suis assez embarrassé entre Perraut et le Vau. J'ay consulté Mariette qui est aussi indécis que moy malgré l'inscription de son estampe. Je prendray le party de ne point décider. Mrs Perraut et le Vau ne sont pas les seuls qui se disputent de belles inventions. Les Leibnits et les Neutons, les Levenhoek et les Hartsoeker, les Robervals et les Toricelli, et tant d'autres ont eü des procèz qu'on a été bien long temps à juger. Il me semble qu'il n'y a guère de gloire qu'on ne dispute, et moy je dispute à tous ceux qui ont le bonheur de vous connoitre, le plaisir et la justice de vous aimer et de vous estimer davantage. C'est avec ces sentiments que je compte être toutte ma vie Monsieur Votre très humble et très serviteur

Voltaire