12 Xbre 1732
J'ay Lu, mon cher amy, Les deux pièces que vous souhaités qui soient à la teste de l’édition de vostre Zaire, et vostre épistre dédicatoire à mr. Fakener et les vers que vous adressés à La demoiselle Gossin et j'ay cru qu'avant qu'on les imprima je devois vous faire remarquer Les choses qui m'y ont blessé.
Elles sont de deux sortes, les Endroits négligés et indignes parconséquent de vous, et quelques traits hardis dont on vous sauroit mauvais gré et qui pouroient nuire à l'imprimeur; La tendresse que j'ay pour vous, L'intérest sincère que j'y prends vous feront excuser mon zèle quand mesme il seroit indiscret.
Le 1ers vers que j'y trouve et qui commencent par, ainsy le jeune Peintre instruit &c. me paroissent un peu négligés. Il n'est point permis je crois à nostre plus grand poète de laisser passer de suite trois rimes féminines.
Je n'aime point
Je ne sais si on est le plagiaire de quelqu'un.
La Comparaison qui fait d'une femme qui dans Les bras de son mary se remplit si bien La teste de son amant qu'elle fait un Enfant qui en est Le vivant portrait est trop Libertine et ne peut estre imprimée décemment à la teste d'une pièce chrétienne.
Je crois qu'on peut faire la mesme difficulté sur d'autres vers qui sont sur la fin de la lettre, où vous parlés des honneurs qu'on a rendus en Angletterre à deux fameuses Comédienes et de l'indignité avec laquelle on a traité et Moliere et nostre Le Couvreur.
Il n'y a point de galant homme qui ne pense comme vous, mais je croirois qu'il n'est pas permis de démentir si positivement et tout haut ce qui se dit au peuple dans nos chaires sur la profession des Comédiens.
passera auprès des dévots pour un Vers impie.
Je me suis écarté de l'examen de suite que je me suis proposé parce qu'il m'a paru que ces deux Endroits raprochoient.
Dans vostre seconde tirade de vers qui commence par, cette noble simplicité &c. je trouve encore trois rimes masculines de suite
Il est vray que cecy n'est qu'une lettre mais c'est une lettre qui se trouve à la teste d'une pièce sérieuse et elle doit estre régulière — un peu plus haut il y a un vers qui me paroit un peu trop familier,
La 3e tirade sur Polieucte n'est point encore sans critique quant au fonds, et je crois qu'on sera blessé. J'en reviens toujours là, dans une lettre qui sert de préface à une Tragédie sainte, d'y lire tout le badinage qui s'y trouve sur le goust qu'avoit eu Pauline pour Severe.
J’ôterois tout cecy sous vostre Congé, aussi bien que l'aplication que vous en faites après à vostre pièce quand vous dites que Zaire de mesme a réussi parcequ'elle étoit amoureuse de la meilleure foy du monde. Encore un coup tout cela est vray et ne pouroit estre mieux dit que par vous si vous le voulés sans blesser mesme les dévots.