1740-05-22, de Pierre Robert Le Cornier de Cideville à Voltaire [François Marie Arouet].
J'ay tant de choses à vous dire
Sur vostre coeur et vos talents,
Sur tout ce que pour vous je sens,
Qu'avant hier, voulant vous l'écrire,
De vous suplier j'oubliay
De m'envoyer ce don sans bornes.
Vers Le temps où s'armant de Cornes
Diane clot Le mois de may,
J'atens vos vers avant La feste
Où ces conclavistes transis
Virent sans fracture au lambis
Descendre Le feu sur leur teste
De façon que L'Esprit Leur vint
Et non pas comme il vient aux filles,
De ce jour harangues gentilles
En françois, anglois ou latin
Ne Leur coûtoient plus qu'à Voltaire,
Prose charmante en tous sujets
Poëmes, drames, triolets,
Bref, preschoient comme il sait nous plaire.
Par un miracle aux yeux de tous
Lancés sur moy vos traits sublimes
Et qu'on connoisse dans mes rimes
Un feu qui ne vient que de vous.
Excusés mon impatience
Et sachés qu'au cinq de juin
Ma déesse au regard divin
Ira de sa douce présence
Egaÿer nos champs épuisés,
Rendre à nos jardins leur parure,
Ranimer enfin La Nature,
Refusés moy, si vous L'osés.