1732-05-02, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Robert Le Cornier de Cideville.

Jore est parti mon cher amy avec un ouvrage que je regrette, et un autre pour qui je crains.
C'est le vôtre que je voudrois bien n'avoir pas perdu; et c'est le mien que je tremble de donner au public. Jore doit vous rendre ballet et tragédie. Vous trouverez Eriphile bien changée. Lisez la je vous en prie avec notre aimable et judicieux amy, et dites moy l'un et l'autre ce que vous en pensez. On peut aisément envoier des corrections à son imprimeur par la poste. Ne m’épargnez point, et lisez chaque vers avec sévérité. Vous allez peutêtre faire languir quelque pauvre plaideur, et différer quelque bau raport, pour une mauvaise pièce. Vous direz en parlant de mes vers

Posthabui tamen illorum mea seria ludo . . .

Il n'y a rien icy de nouvau qu'une pièce médiocre qu'on joue presque incognito aux italiens. On bâille à Jephté, mais on y va. Il n'y a de livres nouvaux que l'anatomie de Vintlou. Adieu care amice.