1732-01-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à François Augustin Paradis de Moncrif.

Mon cher et aimable Titon, j'ai été deux fois à votre palais sans pouvoir saluer son altesse.
J'avais aussi à vous prier de passer chez madame de Fontaine Martel qui se vante d'avoir quelque chose à vous dire. Recevez donc par écrit mon invitation de venir la voir. Recevez au commencement de cette année les assurances sincères du sincère attachement que j'aurai toujours pour vous. Si vous rencontrez dans votre palais Radhamiste et Palamede, ayez la bonté, je vous prie, de lui dire des choses bien tendres de la part de son admirateur.

A l'égard de votre prince je me suis écrié à sa porte,

J'ai par deux fois votre altesse ratée:
Cela veut dire hélas tout simplement,
Que ma muse deux fois s'est en vain présentée
Pour vous faire son compliment.
Heureux qui serait à portée
De rater effectivement
Votre personne tant vantée,
Il n'en ferait rien sûrement.

Cela est un peu irrégulier à présenter à un saint abbé comme mgr le comte de Clermont. Mais pour vous qui n'êtes point in sacris vous pouvez lire de ces sottises. Faites ma cour en prose à ce prince aimable, et brûlez mes vers, j'y gagnerai beaucoup. Adieu. Cela est honteux que vous ne fassiez plus de vers. Ce siècle ci a besoin plus que jamais de grâce et de bon goût. Il faut que vous travailliez.

V.