1759-09-28, de Charles Marie de La Condamine à Jean Henri Samuel Formey.

 . . . Je ferai part à m. le comte de Tressan des mémoires que m'a envoyés m. de la Primerais, pour qu'il les remette à m. de Solignac; car, pour lui, il n'en fera pas d'usage, du moins directement.
Il a reçu une lettre de m. de V., qui poursuit le défunt jusqu'au delà du tombeau, et m. de Tressan ne voudra pas se brouiller avec cet homme dangereux. Je n'avais personnellement lieu que de me louer de lui; il y a plus de trente ans que je l'ai connu et vu familièrement; nous nous écrivions même, et je me suis souvent fait honnir en prenant sa défense; mais depuis qu'en me remerciant de quelques remarques que je lui avais envoyées sur le siècle de Louis XIV, il m'assura qu'il n'avait pas la moindre part à toutes les satires et libelles qui couraient contre m. de Maupertuis (et c'était dans le temps même où il écrivait l' Akakia, qui avait été précédé de quelques autres) — depuis qu'il me réitéra la même assurance dans la même lettre; depuis ce temps, dis je, j'ai cessé tout commerce avec lui. Je ne lui ai pas même parlé à Plombières, où je l'ai rencontré.

Je doute qu'il hérite de la présidence de l'Académie, qu'il convoitait et qu'il enviait beaucoup au défunt. Il se vante cependant de recevoir des lettres de la main de s. m. p. (je crois qu'il en montre de vieille date) et des invitations de retourner en le laissant, dit il, le maître des conditions. Mais celui qui dit cela est le même qui m'assurait n'avoir aucune part aux libelles.

M. de Voltaire sait que l'amour propre des autres doit être humilié de sa supériorité, il a voulu les consoler, mais il les console trop.

J'ai l'honneur d'être avec une estime respectueuse, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

La Condamine