à Paris ce Lundi [November 1730]

Je croy mon cher amy que vous aurés Le temps de m'envoyer votre petit manuscript.
Je ne pus voir hier Thiriot, je Luy en parleray aujourd'huy. Nos Craintes à son égard son mal fondus car je ne m'imagine pas que Les musiciens payent Les paroles. D'ordinaire ces messieurs sont but à but de geuserie. Je ne connois pas mr de Fontenelle mais j'y trouveray accès aizément.

M^r et m^de de Frequiennes sont toujours incertains sur leur départ.

Il n'y a ici aucune nouvelle de quelque espèce que ce soit. Le paradis perdu de Milton paroît en 3 tomes. Je n'en ay encor Lu que Deux chants. Cela me paroît de La plus haute poésie pour Le Détail mais Le fonds n'est pas intéressant. On ne s'affectione point à ce que font des diables ni des anges, on veut des hommes, ou des dieux à qui on donne des passions humaines. La Réthorique de mr de La Motte ne paroît point encor. Quand je Le verray je m'informeray de luy s'il ne pourroit pas m'en faire donner un exemplaire d'avance. On en dit beaucoup de Bien surtout par rapport à La netteté et à L’élégance de L'exposition car pour Le fonds il y aura sans doute des hérésies. Voltaire est à Paris mais Logé au fonds du faubourg s^t Martin. Sa nouvelle édition n'est pas encor faitte, il y aura quelques additions et peutêtre des suppressions. On veut qu'il Retranche l'endroit du jugement dernier qui est admirable Comme trop Libre et ne s'ajustant pas avec Le dessein principal de son poème dont Le but est La conversion d'Henri 4. Mais je dis que Le mérite de son poème ne consistant pas dans La conduite mais dans La Beauté des Détails il faut y Laisser même cœux qui sont hors de propos. Il y a ajouté L'explication de la philosophie de Neuton qu'on dit qui est fort Bien. Il travaille actuellement à une vie du feu Roy de Suede qui a ce qu'on dit est très Bien écritte. Voilà tout ce que je sçay de Rabauderies. Adieu mon cher amy, je n'ay pas La place de signer.