Châtenay, près Sceaux, 2 mai 1718
Monseigneur,
Mes malheurs et mon innocence m'assurent de votre protection, et je me flatte que la lettre que j'ai l'honneur de vous écrire sera bien reçue, puisque jevous demande une grâce.
Je ne vous importune point pour abréger le temps de mon exil, ni pour avoir la permission de passer une seule heure à Paris; l'unique grâce que j'ose vous demander, c'est de vouloir bien assurer s. a. r. que je lui ai autant d'obligation de ma príson que de ma liberté, et que j'ai beaucoup profité de l'une et que je n'abuserai jamais de l'autre.
Toutes les apparences étant contre moi, je n'ai point eu à me plaindre de la justice de monseigneur le régent, et je me louerai toute ma vie de sa clémence; mais je ne me consolerai jamais d'avoir été assez malheureux pour avoir été soupçonné d'avoir écrit contre un si bon prince. Je puis vous assurer sur ma tête qu'il n'y a pas un seul homme en France qui puisse prouver, je ne dis pas que j'aie fait cette abominable inscription dont on m'accuse et que je n'ai jamais vue, mais que j'aie jamais eu la moindre part à aucune des chansons faites contre la cour. J'espère d'ailleurs justifier par ma conduite les bontés dont vous m'avez honoré autrefois. Je suis avec beaucoup de respect et de reconnaissance, etc.