[summer 1716]
Il serait délicieux pour moi de rester à Sully s'il m’était permis d'en sortir. M. le duc de Sully est le plus aimable des hommes & celui à qui j'ai le plus d'obligation. Son château est dans la plus belle situation du monde. Il y a un bois magnifique dont tous les arbres sont tous découpés par des polissons ou des amants qui se sont amusés à écrire leurs noms sur l’écorce.
Il est bien juste qu'on m'ait donné un exil si agréable puisque j’étais absolument innocent des indignes chansons qu'on m'imputait. Vous seriez peutêtre bien étonnée si je vous disais que dans ce beau bois dont je viens de vous parler, nous avons des nuits blanches comme à Sceaux! Madame de la Vrilliere qui vint ici pendant la nuit faire tapage avec madame de Listenay, fut bien surprise d’être dans une grande salle d'ormes éclairée d'une infinité de lampions, & d'y voir une magnifique collation servie au son des instruments & suivie d'un bal où parurent plus de cent masques habillés de guenillons superbes. Les deux sœurs trouvèrent des vers, sur leur assiette, qu'on leur assura être de l'abbé.C**. Je vous les envoie, vous verrez de qui ils sont. Après tous les plaisirs que j'ai à Sully, je n'ai plus à souhaiter que d'avoir l'honneur de vous voir à Ussé, & de vous donner des nuits blanches comme à madame de la Vrilliere. Je vous demande en grâce, madame, de me mander si vous n'irez point en Tourraine. J'irais vous saluer dans le beau château de m. d'Ussé après avoir passé quelque temps à Preuilly chez le baron de Breteuil; c'est la moitié du chemin. Ne me dédaignez pas, madame, comme l'an passé. Souvenez vous que vous écrivîtes à Roi, & que vous ne m’écrivîtes point. Vous devriez bien réparer vos mépris par une lettre bien longue où vous me manderiez votre départ prochain pour Ussé. Sinon je crois que malgré les ordres du régent, j'irai vous trouver à Paris, tant je suis avec un véritable dévouement, &c.