Je vous écris une seconde fois, ma pauvre . . . pour vous demander pardon de vous avoir grondée ce matin, & pour vous gronder encore mieux ce soir, au hasard de vous demander pardon demain.
Quoi! vous voulez parler à mr L . . .? Eh, ne savez vous pas que ce qu'il craint le plus, c'est de paraître favoriser votre retraite? Il craint votre mère, il veut ménager les E . . . vous devez vous même craindre les uns & les autres, & ne point vous exposer d'un côté à être enfermée, & de l'autre à recevoir un affront. Le Févre m'a rapporté que votre mère . . . . . . . . . & que vous êtes malade; le cœur m'a saigné à ce récit, je suis coupable de tous vos malheurs; & quoique je les partage avec vous, vous n'en souffrez pas moins; c'est une chose bien triste pour moi que mon amour ne vous ait encore produit qu'une source de chagrins. Le triste état où je suis réduit moi même ne me permet pas de vous donner aucune consolation, vous devez la trouver dans vous même; songez que vos peines finiront bientôt, & tâchez du moins à adoucir un peu la maligne férocité de votre mère; représentez lui doucement qu'elle vous fera mourir; ce discours ne la touchera pas, mais il faudra qu'elle paraisse en être touchée, ne lui parlez jamais ni de moi, ni de la France, ni de m. L . . ., surtout gardez vous de venir à l'h . . . ma chère . . . . Suivez mes conseils une fois, vous prendrez votre revanche le reste de ma vie, & je ferai toujours vœu de vous obéir. Adieu, mon cher cœur, nous sommes tous deux dans des circonstances fort tristes, mais nous nous aimons, voilà la plus douce consolation que nous puissions avoir. Je ne vous demande pas votre portrait, je serais trop heureux, & je ne dois pas l’être, tandis que vous êtes malheureuse. Adieu, mon cher cœur, aimez moi toujours, informez moi de votre santé.
A . . . .
Ce Dimanche au soir 10 décembre 1713