Timanthe, Le Sacrifice d’Iphigénie et Le Cyclope
Bibliographie
Images
Le Sacrifice d'Iphigénie, d'après Francesco Salviati Francesco Salviati (DE\'ROSSI Francesco) BÉATRIZET (BEAUTRIZET) Nicolas
Le Sacrifice d’Iphigénie de Timanthe, d'après Rubens RUBENS Pierre Paul
Medium : dessin
Commentaires : d’après la peinture de Rubens sur la façade de sa maison d’Anvers, 1618-1621
Le Sacrifice d’Iphigénie FLÉMAL, FLEMALLE OU FLAMAEL Bertholet
Medium : huile sur toile
Commentaires : provenant du cabinet de l’Amour de l’hôtel Lambert
Le Sacrifice d'Iphigénie, d'après Charles Le Brun LE BRUN Charles
Medium : gravure
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Le Sacrifice d’Iphigénie MEI Bernardino
Medium : huile sur toile
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Le Sacrifice d'Iphigénie Otto Olmar L’ancien (OLMAR Otto )
Medium : huile sur toile
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Le Sacrifice d'Iphigénie Rembrandt (VAN RIJN Rembrandt Harmenszoon )
Medium : dessin à la plume
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Le Sacrifice d'IphigénieTESTA Pietro
Medium : dessin crayon et encre (Pen and ink over traces of graphite on paper)
Commentaires : autrefois attribué à Giovanni Benedetto Castiglione
Le Sacrifice d'Iphigénie, entourage de Tiepolo TIEPOLO Giovanni Battista (ou Giambattista)
Medium : huile sur toile
Le Sacrifice d’Iphigénie TIEPOLO Giovanni Battista (ou Giambattista)
Medium : fresque
Commentaires : et dessin préparatoire
Le Sacrifice d'Iphigénie TIEPOLO Giovanni Battista (ou Giambattista)
Medium : dessin
Commentaires : dessin préparatoire au tableau de Tueson (University of Arizona)
Le Sacrifice d'Iphigénie COYPEL Charles-antoine
Medium : tapisserie
Commentaires : tenture de l'Iliade
Le Sacrifice d'Iphigénie, d'après Antoine CoypelECOLE FRANÇAISE COYPEL Antoine
Medium : huile sur toile
Le Sacrifice d'Iphigénie, esquisseLE MOYNE François
Medium : huile sur toile
Commentaires : esquisse pour le tableau de 1728; MNR, acheté par Gurlitt en 1943 et renvoyé en France en 1946
Le Sacrifice d'Iphigénie Carle Van Loo (VAN LOO Charles)
Medium : dessin à la plume et encre brune
Commentaires : dessin préparatoire au tableau de Potsdam, signé
Le Sacrifice d'Iphigénie provenant de Pompéi, maison du poète tragique (Pas d'information sur l'artiste)
Le Sacrifice d'Iphigénie, IFDB invenit (Pas d'information sur l'artiste)
Commentaires : nom du graveur? illisible: targié, largier?
Le Sacrifice d'IphigénieSTEEN Jan
Medium : huile sur toile
Commentaires : volé par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale
Le Sacrifice d'IphigénieFONTEBASSO Francesco
Medium : huile sur toile
Commentaires : esquisse pour le plafond du Palazzo Contarini à San Beneto, oeuvre encore in situ
Le Sacrifice d'IphigénieFONTEBASSO Francesco
Medium : huile sur toile
Commentaires : esquisse pour le décor de la Ca' Bernardi (aujourd'hui Bollani) à S. Aponal, réalisé avec Gaspare Diziani
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Etude pour AgamemnonCarle Van Loo (VAN LOO Charles)
Medium : dessin à la pierre noire
Commentaires : Etude pour Le sacrifice d'Iphigénie de Potsdam, signé
Cicéron (Marcus Tullius Cicero), Orator (ad Brutum)(redac: -46, trad: 1964) (73-74), p. 26 (latin)
In omnibusque rebus uidendum est quatenus ; etsi enim suus cuique modus est, tamen magis offendit nimium quam parum ; in quo Apelles pictores quoque eos peccare dicebat qui non sentirent quid esset satis. Magnus est locus hic, Brute, quod te non fugit, et magnum uolumen aliud desiderat; sed ad id quod agitur illud satis. Cum hoc decere – quod semper usurpamus in omnibus dictis et factis, minimis et maximis – cum hoc, inquam, decere dicimus, illud non decere, et id usquequaque quantum sit appareat in alioque ponatur aliudque totum sit, utrum decere an oportere dicas — 74 oportere enim perfectionem declarat offici, quo et semper utendum est et omnibus, quasi aptum esse consentaneumque tempori et personae ; quod cum in factis sæpissime tum in dictis ualet, in uultu deumque et gestu et incessu, contraque item dedecere — quod si poeta fugit ut maximum uitium, qui peccat etiam, cum probam orationem affingit improbo stultoue sapientis ; si denique pictor ille uidit, cum immolanda Iphigenia tristis Calchas esset, tristior Vlixes, maereret Menelaus, obuolendum caput Agamemnonis esse, quoniam summum illum luctum penicillo non posset imitari ; si denique histrio quid deceat quærit, quid faciendum oratori putemus ?
Cicéron (Marcus Tullius Cicero), Brutus, (trad: 1923)(trad: "Brutus" par Martha, Julius en 1923)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Actions, paroles, physionomie, geste, démarche, la convenance s’étend à tout; et l’inconvenance aussi : l’inconvenance est le plus grand écueil du poète, a qui l’on ne pardonnerait pas de faire parler le méchant en homme de bien, ou de mettre dans la bouche d’un insensé le discours d’un sage. Voyez le peintre du sacrifice d’Iphigénie. Après avoir montré par une admirable gradation la tristesse chez Calchas, la douleur chez Ulysse, et chez Ménélas, le dernier abattement, il comprit qu’il fallait jeter un voile sur la tête d’Agamemnon ; convenance indiquée par l’impossibilité d’exprimer à l’aide du pinceau les angoisses du cœur paternel. Voyez le comédien lui-même étudier les convenances pour s’y asservir. Que ne doit donc pas faire l’orateur, qui en apprécie toute l'importance ?
Commentaires : trad. Nisard, Paris, Dubochet, 1840
Cicéron (Marcus Tullius Cicero), Orator (ad Brutum), (trad: 1964) (73-74), p. 26 (trad: "L'Orateur (à Brutus)" par Yon, Albert en 1964)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Et dans toutes les choses il faut voir le "jusqu'où": en effet, quoique chaque chose ait sa mesure, le "trop" choque pourtant plus que le "trop peu". A ce sujet Apelles disait que les peintres aussi se trompaient, quand ils ne sentaient pas ce qui était assez.
C'est une grande question, Brutus, ce qui ne t'échappe pas , et elle demanderait à elle seule un gros volume; mais pour ce qui nous occupe, voici ce qui nous suffira: quand nous disons que ceci est séant – ce que nous faisons constamment pour toutes nos paroles et nos actions, petites et grandes – quand donc nous disons que ceci est séant, que cela ne l'est pas, et du moment que l'importance de cette notion est partout évidente et que c'est dans un autre ordre d'idées qu'on emploie et que c'est tout autre chose de dire qu'il est séant ou qu'il est d'obligation – 74 "être d'obligation" en effet exprime le caractère parfait du devoir qui doit être accompli et toujours et par tous, "être séant" l'adaptation et comme la mise en concordance avec la circonstance et avec la personne, ce qui vaut non seulement dans les actions le plus souvent, mais aussi dans les paroles, les jeux de physionomie enfin et le geste et la démarche, et de la même façon et en sens inverse "être malséant"; et si le poète évite ceci comme le plus grand défaut, lui qui pèche de son côté quand il donne un langage honnête à un personnage malhonnête ou à un sot celui du sage; si le peintre a vu dans le sacrifice d'Iphigénie, alors que Calchas était sombre, Ulysse plus sombre encore et Ménélas accablé, qu'il lui fallait voiler la tête d'Agamemnon puisqu'il était incapable de rendre avec son pinceau le comble de la douleur; si enfin l'acteur se demande ce qui est séant, que nous faut-il penser que doive faire l'orateur?
Cicéron (Marcus Tullius Cicero), De officiis (redac: -44, trad: 1970) (III, 95), t. II, p. 122 (latin)
Quid Agamemnon ? Cum deuouisset Dianæ quod in suo regno pulcherrimum natum esset illo anno, immolauit Iphigeniam qua nihil erat eo quidem anno natum pulchrius. Promissum potius non faciendum quam tam aetrum facinus admittendum fuit. Ergo et promissa non facienda nonnumquam neque semper deposita reddenda.
Cicéron (Marcus Tullius Cicero), De officiis , (trad: 1970)(trad: "Des devoirs " par Testard, Maurice en 1970)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Et Agamemnon ? Il avait fait vœu d’immoler à Diane ce que l’année verrait naître de plus beau et il sacrifia Iphigénie qui se trouva précisément être ce que l’année avait produit de plus beau. Mieux eût valu manquer à sa promesse que de commettre un crime si noir.
Cicéron (Marcus Tullius Cicero), De officiis , (trad: 1970) (III, 95), t. II, p. 122 (trad: "Des devoirs " par Testard, Maurice en 1970)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Que dire d'Agamemnon? Ayant consacré à Diane ce qui, cette année-là, serait né de plus beau en son royaume, il sacrifia Iphigénie dont rien, qui fût né justement cette année, ne surpassait la beauté. Il fallait plutôt ne pas accomplir la promesse que d'accepter un crime aussi affreux. Ainsi donc ne faut-il pas, quelquefois, accomplir les promesses et ne faut-il pas toujours rendre les dépôts.
Pline l'Ancien (Gaius Plinius Secundus), Naturalis Historia, liber XXXV(redac: 77, trad: 1985) (73-74)(latin)
Nam Timanthi uel plurimum adfuit ingenii. Eius enim est Iphigenia oratorum laudibus celebrata, qua stante ad aras peritura cum maestos pinxisset omnes praecipueque patruum, et tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, patris ipsius uoltum uelauit quem digne non poterat ostendere. Sunt et alia ingenii eius exempla, ueluti Cyclops dormiens in paruola tabella, cuius et sic magnitudinem exprimere cupiens pinxit iuxta Satyros thyrso pollicem eius metientes. Atque in unius huius operibus intelligitur plus semper quam pingitur et, cum sit ars summa, ingenium tamen ultra artem est.
Pline l'Ancien (Gaius Plinius Secundus), Naturalis Historia, liber XXXV, (trad: 1985) (73-74)(trad: "Histoire naturelle. Livre XXXV. La Peinture" par Croisille, Jean-Michel en 1985)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Pour en revenir à Timanthe, sa qualité principale fut sans doute l’ingéniosité : en effet on a de lui une Iphigénie, portée aux nues par les orateurs, qu’il peignit debout, attendant la mort, près de l’autel ; puis, après avoir représenté toute l’assistance affligée – particulièrement son oncle –, et épuisé tous les modes d’expression de la douleur, il voila le visage du père lui-même, dont il était incapable de rendre convenablement les traits. Il y a aussi d’autres exemples de son ingéniosité : ainsi un tout petit tableau représentant un Cyclope endormi, où, désirant malgré tout donner l’idée de sa grandeur, il peignit, à côté, des Satyres qui, à l’aide d’un thyrse, lui mesurent le pouce. De fait, c’est le seul artiste dans les œuvres de qui il y a plus à comprendre que ce qui est effectivement peint et, bien que son art soit extrême, son ingéniosité va cependant au-delà.
Pline l’Ancien; Landino, Cristoforo, Historia naturale di C. Plinio secondo tradocta di lingua latina in fiorentina per Christophoro Landino fiorentino, fol. 240r (italien)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Timantho fu di grande ingegno e di costui e quella Ephigenia laquale e tanto lodata dagli oratori. Questa sta inanzi all’altare aspectando essere sacrificata e havendo Timanthe dipincto tutti e circostanti e maxime el zio mesti in forma che haveva consumato ogni imagini di dolore e di merore. Finalmente coperse il volto al padre nelquale degnamente non poteva mostrare conveniente merore. Sono ancora alchuni altri suoi ingegni equali e pictori hanno per exemplo. Come e uno Cyclope che dorme dipincto in picola tavola: ma volendo exprimere la sua grandezza dipinse appresso di lui Satyri equali gli misurano el dito grosso con thyrsi et in ogni sua opera si vede piu che non ve dipincto e benche evi sia somma arte: nientedimeno ve ingegno magiore che l’arte.
Pline l’Ancien; Brucioli, Antonio, Historia naturale di C. Plinio Secondo nuovamente tradotta di latino in vulgare toscano per Antonio Brucioli, p. 988 (italien)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Et Timantho fu di grande ingegno, perche è sua quella Iphigenia, tanto celebrata dalle laudi degli oratori, laquale stava avanti all’altare per essere sacrificata. Et havendo dipinti tutti i circumstanti mesti, e massimamente il zio, et havendo finite tutte le imagini della mestitia, coperse il volto del suo padre, ilquale non poteva dimostrare degnamente. Sono anchora altri esempli del suo ingegno, come in picciola tavoletta un Ciclope, che dorme, e delquale volendo cosi esprimere la sua grandezza, dipinse à presso di esso Satyri che misuravono il dito grosso suo co thirsi. Et in tutte le sue opere si intende sempre più di quello che dipingie. Et benché l’arte sia somma, nondimeno lo ingegno è di là dall’arte.
Pline l’Ancien; Domenichi, Lodovico, Historia naturale di G. Plinio Secondo tradotta per Lodovico Domenichi, con le postille in margine, nelle quali, o vengono segnate le cose notabili, o citati alteri auttori… et con le tavole copiosissime di tutto quel che nell’opera si contiene…, p. 1097 (italien)(traduction ancienne d'un autre auteur)
- [1] Questo Timanthe, secondo che scrive il Volatera. fiori nell’olimpiade novantesima quinta.
Timanthe fu veramente huomo di grande ingegno, e di sua mano è la Ifigenia, tanto celebrata da gli oratori; questa fanciulla sta dinnanzi all’altare per dover morire, dove havendo Timanthe dipinto tutte le persone all’intorno, e massimamente il zio, dolorose et meste, di maniera che egli egli (sic) havea consumato ogni imagine di dolore e d’affanno; coperse finalmente il viso al padre, nelquale non poteva esprimere tanto dolore, che bastasse. Sono ancora altre pruove del suo ingegno, si come il Ciclope, che dorme, in una piccola tavoletta; dove volendo esprimere la sua grandezza, gli dipinse appresso alcuni satiri, iquali gli misurano il dito grosso col tirso; e in ogni sua opera si vede piu che non v’è dipinto; e benche vi sia grande arte, v’è però maggiore ingegno, che arte. [1]
Pline l’Ancien; Du Pinet, Antoine, L’histoire du monde de C. Pline second… mis en françois par Antoine du Pinet, p. 946 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
- [1] c’estoyent grans forgerons de Vulcan, qui n’avoyent qu’un œil au front.
- [2] ou avec de perches
Et quant à Timanthes, il avoit fort bon entendement : aussi fit-il une Iphigenia, dont y a des oraisons et harangues faites expres à sa louange. Et de fait, ayant fait Iphigenia, devant l’autel, preste à sacrifier, et tous les assistans pleurans et gemissans de la mort de ceste jeune princesse : et ayant fait sur tous son oncle paternel si marri, qu’on eust peu remarquer en luy toutes les especes de tristesse, il couvrit le visage d’Agamemnon, pere de ceste jeune princesse, pour ce qu’il n’eust esté possible de representer la tristesse qu’il pouvoit avoir de sacrifier sa fille. Il fit encores plusieurs autres tableaux de grandes invention : et signamment un Cyclope dormant [1], que il fit en petit volume : et neantmoins voulant remarquer sa grandeur gigantale, il fit des petis satyres, qui mesuroyent son son (sic) avec des tiges d’herbes [2]. En somme, il avoit ceste dexterité en toutes ses besongnes, qu’il y avoit tousjours quelque secrette intelligence cachee dedans, par dessus ce qui y estoit pourtrait. Et de fait, encores que l’art de peinture soit grand : si est ce toutesfois que les subtiles inventions qu’on y remarque, tiennent leur ranc à part.
Pline l’Ancien; Poinsinet de Sivry, Louis, Histoire naturelle de Pline, traduite en françois [par Poinsinet de Sivry], avec le texte latin… accompagnée de notes… et d’observations sur les connoissances des anciens comparées avec les découvertes des modernes, vol. 11, p. 243 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Timanthe étoit un peintre plein de génie. C’est de lui cette Iphigénie[1] tant célébrée par les orateurs. Timanthe ayant représenté cette jeune princesse debout devant l’autel, au moment d’être immolée, et ayant épuisé toutes les variétés de l’art pour peindre la tristesse de chacun des assistants, principalement celle de Menelas, oncle d’Iphigénie ; il voilà le visage d’Agamemnon, ne trouvant pas possible d’exprimer dans ses traits ce qui se passoit en ce moment dans le cœur d’un pere. On cite beaucoup d’autres exemples qui prouvent combien il étoit ingénieux ; témoin le petit tableau ou il avoit peint Polyphene endormi ; car voulant faire connoître que c’étoit un géant, il imagina de peindre, à côté, de petits satyres mesurant avec un thyrse le pouce de ce cyclope. Le caractere de tous ses ouvrages est de donner à entendre plus qu’il ne peint ; et de ne pas présenter seulement une peinture accomplie, mais encore un génie supérieur à cette peinture même.
- [1] Voyez Cicéron, in Orator. n°73 ; et Quintilien, liv. 2, ch. 13, p. 145. Valere Maxime détaille ainsi ce tableau, livre 8, chap. 11, p. 400 : Quid ille alter aeque nobilis pictor, luctuosum immolatae Iphigeniae sacrificium referens, cum Calchanta tristem, moestum Ulyssem, clamantem Ajacem, lamentantem Menelaum, circa aram statuisset, caput Agamemnonis involvendo, nonne summi moeroris acerbitatem, arte exprimi non posse confessus est ?
Quintilien (Marcus Fabius Quintilianus), De institutione oratoria(redac: (95), trad: 1975:1980) (II, 13, 12), p. 72 (latin)
12. Quid ? Non in oratione operanda sunt quaedam, siue ostendi non debent, siue exprimi pro dignitate non possunt. 13. Vt fecit Timanthes, opinor, Cythnius in ea tabula, qua Coloten Teium uicit. Nam cum in Iphigeniæ immolatione pinxisset tristem Calchantem, tristiorem Vlixen, addixisset Menelao quem summum poterat ars efficere mærorem ; consumptis affectibus, non reperiens quo digno modo patris uultum posset exprimere, uelauit eius caput et suo quique animo dedit aestimandum. 14. Nonne simile est illud Sallustianum : « Nam de Carthagine tacere satius puto quam parum dicere » ?
Quintilien (Marcus Fabius Quintilianus), De institutione oratoria, (trad: 1975:1980)(trad: "L’Institution oratoire" par Cousin, Jean en 1975:1980)(fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Dans la peinture, tout le visage paraît : cependant Apelle a peint Antigone de profil, pour cacher la difformité de l’œil qu’il avait perdu. Ne faut-il pas, de même, dissimuler bien des choses dans un discours, soit parce qu’elles ne doivent pas être montrées, soit parce qu’on ne pourrait les exprimer dignement ? C’est ce que fit Timanthe, qui était, je crois, de Cythnie, dans le tableau qui lui mérita le prix sur Colos de Téos. Ayant à représenter le sacrifice d’Iphigénie, il avait peint Calchas triste, Ulysse plus triste encore ; il avait épuisé dans Ménélas tout ce que l’art peut donner à la douleur ; et comme il ne savait comment exprimer l’affliction du père, il lui voila la tête, laissant au spectateur à juger avec son coeur de ce qui se passait sur le visage d'Agamemnon. Ne trouve-t-on pas quelque chose de semblable dans ce trait de Salluste : Je crois qu’il vaut mieux ne point parler de Carthage, que d’en parler en peu de mots.
Quintilien (Marcus Fabius Quintilianus), De institutione oratoria, (trad: 1975:1980) (II, 13, 12), p. 72 (trad: "L’Institution oratoire" par Cousin, Jean en 1975:1980)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
12. Et dans le discours ? N’y a-t-il pas là aussi à dissimuler certains détails, soit qu’ils ne doivent pas apparaître, soit qu’ils ne puissent être indiqués comme il conviendrait ? 13. C’est ce que fit Timanthe, qui était, je crois, originaire de Cythnos, dans le tableau qui lui fit remporter le prix sur Colotès de Téos. Ayant à représenter le sacrifice d’Iphigénie, il avait peint Calchas triste, Ulysse encore plus triste, et donné à Ménélas le maximum d’affliction que pouvait rendre l’art ; ayant épuisé tous les signes d’émotion, ne sachant pas comment rendre convenablement l’expression du père, il lui voila la tête et laissa à chacun le soin de l’imaginer à son gré. 14. Salluste n’a-t-il pas agi de même, quand il a écrit : « Sur Carthage, il vaut mieux, je pense, être réticent que trop peu loquace. »
Alberti, Leon Battista, De pictura(publi: 1540, redac: 1435, trad: 2004) (I, 18), p. 80-82 (latin)
Hanc sane vim comparationis pulcherrime omnium antiquorum prospexisse Timanthes mihi videri solet, qui pictor, ut aiunt, Cyclopem dormientem parva in tabella pingens fecit iuxta satyros pollicem dormientis amplectentes ut ea satyrorum commensuratione dormiens multo maximus videretur.
Alberti, Leon Battista, De pictura, (trad: 2004) (I, 18), p. 81-83 (trad: " La Peinture" par Golsenne, Thomas; Prévost, Bertrand en 2004)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
J’ai coutume de considérer Timanthe comme le peintre qui, parmi les Anciens, a discerné de la plus belle manière cette force de la comparaison : ce peintre, à ce qu’on dit, peignant dans un petit panneau un Cyclope endormi, fit à côté de lui des satyres accrochés à son pouce, afin que par rapport aux satyres le dormeur semblât bien plus grand encore.
Alberti, Leon Battista, De pictura , (trad: 1536) (I, 18), p. 227 (trad: "[Della pittura]" en 1536)(italien)(traduction récente d'un autre auteur)
E parmi che Timantes pittore fra gli altri antiqui gustasse questa forza di comparazione, il quale in una picciola tavoletta dipingendo uno Ciclope gigante adormentato, fece ivi alcuni satiri iddii quali a lui misuravano il dito grosso, tale che comparando colui che giacea a questi satiri parea grandissimo.
Alberti, Leon Battista, De pictura(publi: 1540, redac: 1435, trad: 2004) (II, 42), p. 150 (latin)
Denique et quæ illi cum spectantibus et quæ inter se picti exequentur, omnia ad agendam et docendam historiam congruant necesse est. Laudatur Timanthes Cyprius in ea tabula qua Coloteicum vicit, quod in Ifigeniæ immolatione tristem Calchantem, tristiorem fecisset Vlixem, inque Menelao mærore affecto omnem artem et ingenium exposuisset, consumptis affectibus, non reperiens quo digno modo tristissimi patris vultus referret, pannis involuit eius caput, ut cuique plus relinqueret quod de illius dolore animo meditaretur, quam quod posset visu discernere.
Alberti, Leon Battista, De pictura, (trad: 2004) (II, 42), p. 151 (trad: " La Peinture" par Golsenne, Thomas; Prévost, Bertrand en 2004)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Enfin, il est nécessaire que tout ce que les personnages peints font entre eux et avec ceux qui regardent concourre à accomplir et à enseigner l’histoire représentée. On fait l’éloge de Timanthe de Chypre pour ce tableau par lequel il l’emporta sur Colotès : alors qu’il avait fait, dans le sacrifice d’Iphigénie, Chalcas triste et Ulysse encore plus triste, et qu’il avait étalé tout son art et son talent dans l’affliction de Ménélas, ayant épuisé les affects et ne trouvant aucune façon de rendre dignement le visage d’un père plongé dans la plus grande tristesse, il lui couvrit la tête d’un morceau d’étoffe, laissant ainsi à chacun plus de matière à méditer cette douleur en son âme que de matière à distinguer par la vue.
Alberti, Leon Battista, De pictura , (trad: 1536) (II, 42), p. 250 (trad: "[Della pittura]" en 1536)(italien)(traduction récente d'un autre auteur)
Lodasi Timantes di Cipri in quella tavola in quale egli vinse Colocentrio, che nella imolazione di Efigenia, avendo finto Calcante mesto, Ulisse più mesto, e in Menelao poi avesse consunto ogni suo arte a molto mostrarlo adolorato, non avendo in che modo mostrare la tristezza del padre, a lui avolse uno panno al capo, e così lassò si pensasse qual non si vedea suo acerbissimo merore.
Manetti, Giannozzo, Oratio ad clarissimum equestris ordinis virum Angelum Acciaiolum de secularibus et pontificalibus pompis(publi: 1436), p. 310 (latin)
Proinde egregium quemdam veterem pictorem in hac nostra adumbratione non immerito imitabimur, qui cum luctuosum immolatæ Effigeniæ sacrificium sua pictura exprimere quam maxime vellet ipsius Agamemnonis caput involvendo cooperuit, quod enim sibi per artis lineamenta probe exprimere nullo modo posse videbatur, non injuria intuentis judicio dereliquit.
Ghiberti, Lorenzo, I commentarii(redac: (1450)), p. 71 (italien)
E Timante fu in favore ancora agli ingegni di lui. E piangeva loda molto dagli oratori: la quale stante all’altare per dovere perire, dipinse tutti intorno maninconosi e nel volto, nel quale consumò tutto l’atto della maniconia; el volto del padre velò, el quale degnamente non potea mostrare. E sono alchune altre copie del suo ingegno; fece uno eciclope (sic) dormente, in una piccola tavola, conciò sia cosa che così e’ desiderasse dimostrare la grandeza, dipinse al lato satyri e quelli mentiti. Ma all’opera della arte nientedimeno lo’ ngegno l’avanza.
Filarete, Antonio di Pietro Averlino, dit, Trattato di architettura(redac: (1465)) (l. XIX), p. 584 (italien)
Eragli ancora Limates, il quale dipignea Calcante mesto, cioè malinconoso, quando Effigenia dal padre fu imolata e sacrificata a Eolo, re di venti, per partirsi de l’isola de Aulide, il quale ci dipinse ancora el padre di Effigenia con uno panno inanzi a li occhi, per dimostrare lui esserne afflitto.
Patrizi, Francesco (da Siena), De institutione reipublicae libri IX, l. I, chap. 10, De pictura, sculptura, & caelatura, & de earum inuentoribus, &qui in illis profecerint(publi: 1494) (l. I, chap. 10), p. 37v (latin)
- [1] Timanthis solertia in pingendae Iphigenia tabula.
Nec minor prudentia habenda fuit Timantis Cychij in ea tabula qua Coloten vicit : nam cùm in immolanda Iphigenia tristem Calchanta fecisset, tristiorem Ulissem, & moestum admodum Menelaum : consumptis omnino affectibus, obuoluendum caput Agamemnonis esse duxit, ut videntibus cogitandum relinqueret summum illum luctum, quem penicillo non posset imitari. [1]
Patrizi, Francesco (da Siena), De institutione reipublicae libri IX, l. I, chap. 10, De pictura, sculptura, & caelatura, & de earum inuentoribus, &qui in illis profecerint, fol. 81v (trad: "De l’Institution de la république, augmentée de moytié d’annotations tirées de tous les autheurs qui en ont traicté, où se peut apprendre à bien régir le royaume et gouverner un royaume" par Tigeou, Jaques)(fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
- [1] Cicéron in Bruto. Quintil. liv. 2, ch. 14, Valere le Grand liv. 8, ch. 11.
- [2] Cecy est tiré de Quintilian liv. 12, ch. 10.
Et ne faut moins estimer la prudence de Timantes Cithnien en ce tableau, par lequel il veinquit Colotes. [1] Car quand en l’immolation d’Iphigenia, il eut fait et représenté Calchas triste, et Ulysse plus triste, et Menelaüs merveilleusement triste et dolent, comme ces trois exprimans par le dehors leurs passions et affections du cœur, il dit qu’il failloit envelopper la teste d’Agamemnon, afin qu’il laissast à penser aux spectateurs l’extrême dueil dudit Agamemnon, lequel dueil il ne pouvoit exprimer n’imiter avec son pinceau. [2]
Patrizi, Francesco (da Siena), De institutione reipublicae libri IX, l. I, chap. 10, De pictura, sculptura, & caelatura, & de earum inuentoribus, &qui in illis profecerint(publi: 1494), p. 87v (annotations) (fran)
Iphigénie fust fille du roy Agamemnon, et de sa femme Clytemnestra. Or comme les Grecs se deliberoient d’aller à Troyé, et qu’ils n’avoient point le vent à gré, les devins respondirent que cela procedoit de la déesse Diane, laquelle estoit courroucée, de ce qu’Agamemnon avoit tué un cerf de la dite Diane, et qu’elle ne seroit point apaisée, sinon que sa fille Iphigenia fust immolée. Et pour ce fait, Ulysses fust envoyé en la ville de Mycènes, et amena ladite Iphigenia souz couleur de la mener à Achilles. Mais quand ce vint à l’immoler, le déesse Diane eut pitié de la ieune princesse, et se contenta qu’une cerve fust immolée en sa place. Euripides en a fait une tragédie.
Maffei, Raffaele (Il Volterrano), Commentariorum urbanorum Raphaelis Volaterrani octo et triginta libri cum duplici eorundem indice secundum tomos collecto(publi: 1506) (liber XX), fol. CCVIIIv (latin)
Timanthes pictor olymp. XCV Zeuxis tempore. Huius est Iphigenia oratorum laudibus celebrata: qua stante ad aras pictura cum moestos pinxisset omnes, et tristitiae omnem imaginem consumpsisset, patris vultum velavit: quem digne non poterat ostendere. Pinxit et Cyclopem parva in tabula cuius magnitudine exprimere cupiens, pinxit iuxta Satyros tyrso pollicem ei metientes: itaque ex omnibus operibus intelligit plus quam pingitur. Et cum ars summa sit ingenium est ultra artem.
Textor, Joannes Ravisius (Jean Tixier de Ravisy, dit), Officina(publi: 1520), « Pictores diversi », p. 354 (latin)
Pinxit Timantes Iphigeniam aris immolandam, parentibus prode lacrimantibus, velato patris eius vultu, quem digne non poterat ostendere. Item Cyclopem dormientem.
Cornarius, Janus (Johannes Hainpol, dit), Selecta epigrammata græca latine versa, ex septem epigrammatum græcorum libris(publi: 1529), « De la feinte et du silence » (numéro t. V, vol. 1) , p. 263 (fran)
La peinture a quelquefois, comme la rhétorique, sa feinte et son silence, témoin le fameux Timanthe, qui dans son tableau du sacrifice d’Iphigénie cacha le visage d’Agamemnon, pour laisser ceux qui verraient cet ouvrage maîtres de se figurer à leur gré la douleur inexprimable dont ce père infortuné devait être accablé. Le Poussin nous en a fourni un autre exemple en peignant le déluge. La scène de ce tableau, qui paraît immense, ne représente que le ciel, l’eau et l’arche où Noé est renfermé avec sa famille. Le nombre des acteurs qui occupent cette scène, réduit avec art à cinq ou six malheureux qui implorent inutilement la miséricorde céleste, donne à penser qu’on voit en eux le reste des humains condamnés à être engloutis.
Commentaires : Charles Coypel, « Réflexions sur l’art de peindre en le comparant à l’art de bien dire », Conférence prononcée à l’Académie royale de peinture et de sculpture le 1er février 1749, Conférences, t. V, vol. 1, p. 263, « De la feinte et du silence »
Il codice Magliabechiano cl. XVII. 17 contenente notizie sopra l’arte degli antichi e quella de’ fiorentini da Cimabue a Michelangelo Buonarroti, scritte da anonimo fiorentino(redac: (1540:1550)), p. 15-16 (italien)
Dipinse la tanto lodata Efigenia, ch’avantj all’altare aspetta d’essere sacrifichita. Et havendo essso pittore dipinto tuttj e circumstantj et maximo il zio di quella, tanto piangentj e mestj, che in loro pareua hauessi ogni sorta di dolore consumato et di mala contenteza, dipinse il padre d’Efigenia col capo coperto per non sapere dipignerlo, in modo ch’hauessj mostro piu conveniente dolore dellj altrj. Anchora dipinse un Ciclope, cioe un gigante con un solo occhio nella fronte, che dormiua. Et hauendolo dipinto in picchola tauola, volse la sua smi(su)rata grandezza dimostrare cole fare paresso di quello piu satirj, che li misurauano il dito grosso con i loro bastonj.
Varchi, Benedetto, In che siano simili e in che differenti i poeti e i pittori. Terza disputa della lezione della maggioranza delle arti(redac: 1547), p. 56 (italien)
I dipintori, se bene nel ritrarre dal naturale debbono imitare la natura e esprimere il vero quanto più sanno, possono nondimeno, anzo debbono, come ancora i poeti, usare alcuna discrezione [...]. Fu ancora lodata grandemente l’industria et accortezza di Timante, il quale, avendo nel sacrificio d’Efigenia dipinto Calcante mesto, Ulisse doloroso, Aiace che gridava, Menelao che si disperava, e dovendo dipingere Agamennone che vincesse di tristizia e di passione tutti costoro, come padre di lei, lo fece col capo turato ; benché mostro in questo, come riferisce Valerio Massimo, che l’arte non può aggiugnere alla natura, perché potette ben dipignere le lagrime dell’aruspice, il dolor degli amici, il pianto del fratello, ma non già l’affetto del padre.
Du Bellay, Joachim, La Deffence et Illustration de la Langue Francoyse(publi: 1549), dédicace(fran)
De toi, dis-je, dont l’incomparable savoir, vertu et conduite, toutes les plus grandes choses, de si long temps de tout le monde sont expérimentées, que je ne les saurais plus au vif exprimer, que les couvrant (suivant la ruse de ce noble peintre Timante) sous le voile de silence. Pour ce que d’une si grande chose il vaut trop mieux (comme de Carthage disait T. Live) se taire du tout que d’en dire peu.
Conti, Natale (dit Natalis Comes ou Noël le Conte), Mythologiae, sive explicationis fabularum libri decem(publi: 1551), "De Dedalo" (numéro liber VII, cap. XVI) , p. 418-419 (fran)
Timanthes Iphigeniam altari astantem pinxit, multosque mæstos circa illam; sed omnes reliquos mœrore superare Menelaus patruus videbatur. Cum vero patris dolorem se non posse penicillo exprimere arbitraretur eximius artifex, quod iam quidquid posset in patruo expressisset, velamento vestis paternum os occultauit. Pinxit idem Polyphemum cum Saturis in parua tabula, et iudicium armorum in Aiace, qua tabula iudicatus est superasse Parrhasium Sami. Fecit Cyclopem dormientem, et ad ostendandam magnitudinem Satyros qui thyrso eius pollicme metirentur.
Conti, Natale (dit Noël le Conte); Montlyard, Jean de (pseudonyme de Jean de Dralymont), Mythologiae, sive explicationis fabularum libri decem, p. 801 (trad: "Mythologie, c’est à dire Explication des fables, contenant les généalogies des dieux, les cérémonies de leurs sacrifices, leurs gestes, adventures, amours et presque tous les préceptes de la philosophie naturelle et moralle. Extraite du latin de Noël Le Comte... par I. D. M.")(fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Timanthe peignit Iphigenie debout sur l’autel preste à estre esgorgee, et beaucoup de personnes bien dolentes autour d’elle : mais on voioit son oncle Menelas plus affligé qu’aucun autre. Et comme ce brave ouvrier vid que son pinceau ne pouvoit assez vivement exprimer le regret et desplaisir qu’en avoit son pere Agamemnon ; pource qu’il avoit desja employé toute son industrie en l’oncle d’icelle, il bouscha le visage du pere avec un pan de son manteau. Il peignit aussi Polypheme avec des Satyres en un petit tableau, et le iugement des armes d’Achille entre Ulysses et Aiax : en laquelle peinture il eut la reputation d’avoir vaincu Parrhase Samien. Plus le Cyclope dormant : et pour exprimer sa grandeur desmesuree, les Satyres mesuroient la longueur de son poulse avec une gaule.
Dolce, Lodovico, Dialogo di pittura intitolato l’Aretino, nel quale si raggiona della dignità di essa pittura e di tutte le parti necessarie che a perfetto pittore si acconvengono(publi: 1557), p. 167 (italien)
Ecco Timante, uno de’ lodati pittori antichi, il quale dipinse Ifigenia figliuola di Agamemnone, di cui Euripide compose quella bella tragedia che fu tradotta dal Dolce e ricitata qui in Vinegia alcuni anni sono. La dipinse, dico, innanzi all’altare, ove essa aspettava di essere uccisa in sacrificio a Diana ; et avendo il pittore nelle faccie de’ circostanti espressa diversamente ogni imagine di dolore, non si assicurando di poterla dimostrar maggiore nel volto del dolente padre, fece, che egli se lo copriva con un panno di lino, overo col lembo della vesta. Senzaché Timante ancora serbò in ciò molto bene la convenevolezza, perché, essendo Agamennone padre, pareva, ch’e’ non dovesse poter sofferire di veder con gli occhi propri amazzar la figliuola.
Partenio, Bernardino, Dell’imitatione poetica. Libro primo(publi: 1560), p. 140-141 (italien)
Ricordatevi di quel pittore che nel fare una Venere, nel capo solamente s’affaticò, e nell’altre parti del corpo, imperfette lasciandole, niuna cura vi pose. Chi comincia deve finire. Io intendo ciò che volete concludere. Messer Trifone subito rispose egli. Ma chi sa, disse, ch’Apelle, di cui intendete, avedendosene forse di non potere o secondo la idea, o secondo la perfettione e la maraviglia dell’altre bellissime parti del corpo, a quelle agguagliarsi con l’arte, così imperfettamente giudiciosamente lasciate, le avesse ? come anco si giudica di Timanthe, che vedendo non poter tanto ne con la mano, ne con l’arte, quanto bastasse per esprimere il dolore di Agamemnone sopra Ifigenia sua figliola che deveva esser allora inanzi al suo conspetto miserabilmente sacrificata, con l’astutia provide al difetto dell’arte.
Gilio, Giovanni Andrea, Degli errori e degli abusi de’ pittori circa l’istorie(publi: 1564), p. 17 (italien)
I quali[Explication : gli antichi.] hanno anco vagamente ritrovato l’uso di pingere Fauni e Silvani in cose ingeniose e belle, come fece Timante, il quale, avendo dipinto in una piccola tavoletta un Ciclope che si giaceva con le gambe piegate, e volendo dimostrare la grandezza di quel gigantone, né potendo per la piccolezza de la tavola, finse che i Satiri gli misurassero il deto grosso del piede coi tirsi.
Borghini, Vincenzio, Selva di notizie(redac: 1564), p. 139 (italien)
Timante dipinse l’Ifigenia tanto nominata. Dice Plinio di lui che nelle sue opere s’intende sempre più là che di quello che si vede dipinto.
Gilio, Giovanni Andrea, Degli errori e degli abusi de’ pittori circa l’istorie(publi: 1564), p. 27 (italien)
Parrà per aventura al pittore grave di fare isprimere a le figure coi colori l’allegrezza, la malenconia, la languidezza, l’audazia, la timidità, il riso, il pianto e l’altre passioni de l’animo. Ma se rettamente considera il caso e la forza de l’arte, troverà che vagamente e agevolmente far si possono. Dal che Cicerone ne dà l’esempio del grande pittore Timante ; il quale, avendo dipinta Iffigenia figliuola di Agamemnone inanzi a l’altare per esser sacrificata, con faccia tanto afflitta e lagrimosa che pareva movere a gran cordoglio i riguardanti ; dopo’ avendo dipinti i circonstanti lagrimosi, il zio addolorato, di maniera che al padre non gli pareva poter aggiunger più doglia e mestizia, dovendo tutti gli altri di dolore avanzare : lo finse col volto velato, quasi che dimostrasse, con la paterna pietà, per la tenerezza et interna doglia de la figliuola, non poter guardare in faccia, ne star presente al miserabil caso.
Adriani, Giovanni Battista, Lettera a m. Giorgio Vasari, nella quale si racconta i nomi, e l’opere de’più eccellenti artefici antichi in Pittura, in bronzo, et in marmo(publi: 1568, redac: 1567), p. 188-189 (italien)
In Timante, il quale fu al medesimo tempo[Explication : di Parrasio.], si conobbe una molto benigna natura ; di cui intra le altre ebbe gran nome – e che è posta da quegli che insegnono l’arte del ben dire per essempio di convenevolezza – una tavola dove è dipinto il sacrificio che si fece di Ifigenia figliuola di Agamennone la quale stava dinanzi allo altare per dover essere uccisa dal sacerdote, d’intorno a cui erano dipinti molti che a tal sacrificio intervenìeno e tutti assai nel sembiante mesti, e fra gli altri Menelao zio della fanciulla alquanto più degli altri ; né trovando nuovo modo di dolore che si convenisse a padre in così fiero spettacolo, avendo negli altri consumato tutta l’arte, con un lembo del mantello gli coperse il viso, quasi che esso non potesse patire di vedere sì orribile crudeltà nella persona della figliuola, ché così pareva che a padre si convenisse. Molte altre cose ancora rimasero di sua arte, le quali lungo tempo fecero fede della eccellenzia dello ingegno e della mano di lui, come fu un Polifemo, in una picciola tavoletta, che dorme ; del quale volendo che si conoscesse la lunghezza, dipinse appresso alcuni satiri che con la verga loro misuravano il dito grosso della mano. Et insomma in tutte le opere di questo artefice sempre s’intendeva molto più di quello che nella pittura appariva e, comeché l’arte vi fusse grande, l’ingegno sempre vi si conosceva maggiore.
Bocchi, Francesco, Discorso sopra l’eccellenza dell’opere d’Andrea del Sarto, pittore fiorentino(publi: 1989, redac: 1567), p. 127 (italien)
Onde quei pittori che sono forniti a pieno di questa intelligenza non possono ancora le lor figure recare col dipignere in quella maraviglia, che sono l’altre perfettamente condotte ; sì come noi leggiamo di Timante pittore de’ suoi tempi rarissimo, il quale volendo dipignere quando Ifigenia aveva ad esser sacrificata, et avendo di già dipinto Calchante sacerdote con volto mesto et Ajace et Menelao mestissimi per il dispiacere dell’infelice caso della fanciulla, non si confidando che l’arte, o veramente il suo ingegno nel dimostrar maggior dolore in Agamennone potesse far prova, gli coperse il capo, lasciando nel giudizio di ciascuno una imaginazione di eccesso dolore.
Castelvetro, Lodovico, La poetica d’Aristotele vulgarizzata e sposta(publi: 1570) (III, 16 ), t. I, p. 445 (italien)
E della varietà dei costumi, e non atta ad essere compresa sotto uno esempio perfetto solo, si vede l’esperienza nel sacrificio d’Ifigenia sacrificata in Aulide dipinto da Timante, tanto commentato da Plinio, da Quintiliano a da altri.
Commentaires : ed 1570, p. 342
Maranta, Bartolomeo, Discorso di Bartolomeo Maranta all’Ill.mo Sig. Ferrante Carrafa marchese di Santo Lucido in materia di pittura, nel quale si difende il quadro della cappella del Sig. Cosmo Pinelli, fatto per Tiziano, da alcune opposizioni fattegli da alcune persone [Biblioteca Nazionale di Napoli, ms. II c. 5](redac: (1571)), p. 872 (italien)
Parimente per cosa assai rara e di bel soggetto fu la Ifigenia posta al sacrificio, dipinta da Timante ; il quale avendo con diverse effigie di mestizia dipinti tutti i circostanti e per voler mostrar maggior dolore nel padre, il dipinse col viso velato, volendo che ’l pianto suo s’intendesse più che non si mostrasse. Quelli adunque che in tutte le loro pitture si sforzano di mostrare tutto il volto, dimostrano di aver poco animo e, mentre che han paura di non inciampare, si cautelano solo con lo astenersi di non errare. Ma questi, se bene fuggono la colpa, non per questo meritano laude. Et in questo pensiero fu sempre il Pistoia, pittore de’ nostri tempi, il quale fu stimato per uomo raro dal volgo, per aver solo una certa vaghezza nel colorire. Ma nelle sue pitture non vi s’intendea più di quello che mostrava, e di loro potean ugualmente dar giudizio il volgo e gli artefici ; e, veduta una volta, una sua opera non lasciava desiderare alcuno di ritornarvi, non altrimenti che fanno quali che con empir una volta ben bene il corpo di qualche cibo, l’hanno dopo per lungo tempo in abominazione. E fu di bell’arte eziandio appresso l’Ariosto il finire i suoi canti con lasciar il lettore sempre con desiderio di leggere appresso.
Gilio, Giovanni Andrea, Topica Poetica(publi: 1580), p. 73 (italien)
ENERGIA. E una figura per lo cui mezzo la forma, il ritratto, e l’imagine della cosa in modo col dire si spiega, che a gli occhi del lettore, o del auditore si rappresenta, che tosto si muove a cordoglio, o all’ira, o a l’allegrezza, o alle lacrime, secondo il soggetto del quale si ragiona. Questa figura in tutto il Petrarca si vede, e più ne’ sonetti, e canzoni fatte dopo la morte di Laura, e più nel Trionfo della morte, dove viva e morta di maniera la dipinge, che ben si vede quanto abbia forza l’energia. Tal dirò di Dante, del Ariosto, e de gli altri buoni poeti. Però dicono alcuni, che anco la pittura ha la sua energia ; come per le parole di Cicerone e di Pinio, e di molti altri si vedeva nel sacrificio di Ifigenia, dipinto da Timante ; il quale fù di tanta eccellenza, che meritò esser conservato per cosa rarissima al mondo nelle memorie de gli uomini eccellenti, per la pietà, che era nel patre, per l’imagine del dolore, che era nella giovina, e del cordoglio ne’ riguardanti.
Lily, John, Euphues and His England(publi: 1580), « The Epistle Dedicatory », p. 6 (anglais)
[1] And heere right Honourable, although the historie seeme unperfect, I hope your Lordship will pardon it. Appelles dyed not before he could finish Venus, but before he durst, Nichomachus left Tindarides rawly, for feare of anger, not for want of art, Timomachus broke off Medea scarce halfe coloured, not that he was not willing to end it, but that he was threatned : I haue not made Euphues to stand without legges, for that I want matter to make them, but might to maintein them : so that I am enforced with the olde painters, to colour my picture but to the middle, or as he that drew Ciclops, who in a little table made him to lye behinde an oke, wher one might perceiue but a peece, yet conceiue that al the rest lay behinde the tree, or as he that painted an horse in the riuer with halfe legges, leauing the pasternes for the viewer, to imagine as in the water.
- [1] voir aussi tableaux inachevés
Lily, John, Euphues and His England(publi: 1580), p. 178 (anglais)
Philautus beeing in a maze to what end this talke should tende, thought that eyther Camilla had made hir priuie to his loue, or that she meant by suspition to entrappe him : therfore meaning to leave his former question, and to aunswere hir speach proceeded thus. Mistris Frauncis, you resemble in your sayings the Painter Tamantes, in whose pictures there was euer more vnderstoode then painted: for with a glose you seeme to shadow yet, which in coulours you wil not shewe.
Lily, John, Euphues and His England(publi: 1580), p. 22 (anglais)
But as the painter Tamantes could no way expresse the griefe of Agamemnon who saw his onely daughter sacrified, and therefore drew him with a vale over his face, whereby one might better conceive his anguish, then the colour it : so some Tamantes seeing vs, would be constrained with a curtaine to shadow that deformitie, which no counterfait could portraie lyvely.
Montaigne, Michel de, Essais(publi: 1580:1588), « De la tristesse » (numéro I, 2) , incipit, p. 11-12 (fran)
Je suis des plus exempts de cette passion, et ne l’ayme ny l’estime : quoy que le monde ayt entrepris, comme à prix faict, de l’honorer de faveur particuliere. Ils en habillent la sagesse, la vertu, la conscience. Sot et vilain ornement. Les Italiens ont plus sortablement baptisé de son nom la malignité. Car c’est une qualité tousjours nuisible, tousjours folle : et comme tousjours couarde et basse, les Stoïciens en defendent le sentiment à leurs sages.
Mais le conte dit que Psammenitus Roy d’Ægypte, ayant esté deffait et pris par Cambysez Roy de Perse, voyant passer devant luy sa fille prisonniere habillee en servante, qu’on envoyoit puiser de l’eau, tous ses amis pleurans et lamentans autour de luy, se tint coy sans mot dire, les yeux fichez en terre : et voyant encore tantost qu’on menoit son fils à la mort, se maintint en cette mesme contenance : mais qu’ayant apperçeu un de ses domestiques conduit entre les captifs, il se mit à battre sa teste, et mener un dueil extreme.
Cecy se pourroit apparier à ce qu’on vid dernierement d’un Prince des nostres, qui ayant ouy à Trente, où il estoit, nouvelles de la mort de son frere aisné, mais un frere en qui consistoit l’appuy et l’honneur de toute sa maison, et bien tost apres d’un puisné, sa seconde esperance, et ayant soustenu ces deux charges d’une constance exemplaire, comme quelques jours apres un de ses gens vint à mourir, il se laissa emporter à ce dernier accident ; et quitant sa resolution, s’abandonna au dueil et aux regrets ; en maniere qu’aucuns en prindrent argument, qu’il n’avoit esté touché au vif que de cette derniere secousse : mais à la verité ce fut, qu’estant d’ailleurs plein et comblé de tristesse, la moindre sur-charge brisa les barrieres de la patience. Il s’en pourroit (di-je) autant juger de nostre histoire, n’estoit qu’elle adjouste, que Cambyses s’enquerant à Psammenitus, pourquoy ne s’estant esmeu au malheur de son filz et de sa fille, il portoit si impatiemment celuy de ses amis : C’est, respondit-il, que ce seul dernier desplaisir se peut signifier par larmes, les deux premiers surpassans de bien loin tout moyen de se pouvoir exprimer.
A l’aventure reviendroit à ce propos l’invention de cet ancien peintre, lequel ayant à representer au sacrifice de Iphigenia le dueil des assistans, selon les degrez de l’interest que chacun apportoit à la mort de cette belle fille innocente : ayant espuisé les derniers efforts de son art, quand ce vint au pere de la vierge, il le peignit le visage couvert, comme si nulle contenance ne pouvoit rapporter ce degré de dueil. Voyla pourquoy les Poëtes feignent cette miserable mere Niobé, ayant perdu premierement sept filz, et puis de suite autant de filles, sur-chargee de pertes, avoir esté en fin transmuee en rocher, diriguisse malis, pour exprimer cette morne, muette et sourde stupidité, qui nous transsit, lors que les accidens nous accablent surpassans nostre portee.
Paleotti, Gabriele, Discorso intorno alle immagini sacre e profane(publi: 1582), « Delle pitture mostruose e prodigiose » (numéro II, 26) , p. 421 (italien)
- [1] Ver. Hist., I, II ; Alex. ; Philopseudes
Mostri imaginati si possono pigliare in due modi, cioè non che sono falsamente finti dalla pura nostra imaginazione, overo che sono formati dalla imaginazione nostra, mossa però da cause superiori e divina revelazione. Nel primo modo si comprendono quelli che si hanno finti i poeti, come sono sirene, sfingi, arpie, pegasi e dette da Omero chimere, e quelle che chiamarono ciclopi, uno de’quali narra Plinio che fu dipinto con vaga invenzione, dicendo : Pictor Timanthes pinxit in parvula tabella Cyclopem dormientem et iuxta Satyros metientes thyrso pollicem eius etc. ; overo altri che ciascuno si va fabricando di sua imaginazione, come racconta Platone che fino al suo tempo s’usava da’pittori, scrivendo : veluti cum pictores tragelaphos et cetera huiusmodi multiplicia figmenta depingunt ; e quelli che narra Luciano [1] in varii luoghi, e simili se ne vedono nelle grottesche, de’quali parlaremo nei capi seguenti più diffusamente.
Paleotti, Gabriele, Discorso intorno alle immagini sacre e profane(publi: 1582), « Delle pitture imperfette » (numéro II, 29) , p. 381-382 (italien)
Terzo, ricordiamo che ci è una sorta d’imperfezzione, per dir così, perfetta, et una diminuzione con augumento, a guisa di quella figura de’ retori chiamata ἀποσιωπήσις, che col tacere significa cose maggiori. Così nella pittura si possono e si devono spesso dipingere le cose in tal maniera, che, col tralasciarne alcuna e solo accenarla destramente, s’imagini lo spettatore cose maggiori tra se medemo : la qual fu lode di gran meraviglia principalmente attribuita a Parasio, come scrisse Plinio, soggiongendo queste parole : Extrema corporum facere et desinentis picturæ modum includere rarum in successu artis invenitur ; ambire enim debet se extremitas ipsa et sic desinere, ut promittat alia post se, ostendatque etiam quæ occultat. Ond’è celebre l’atto che fece quel pittore detto Timanthe, del quale scrive l’istesso Plinio che, avendo dipinta Ifigenia che stava per essere sacrificata in presenzia di molti, e tra gli altri di un suo zio e di suo padre, non li dando animo di esprimere pienamente la mestizia del padre, li coperse la faccia con un velo : Cum mæstos, dice egli, pinxisset omnes, præcipue patruum, et tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, patris ipsius vultum velavit, quem digne non poterat ostendere ; dal cui esempio veggiamo alcuna volta molto giudiziosamente farsi da valenti pittori che, nel rappresentare le Marie a piedi del signore nostro crocifisso, volendo esprimere la grandezza della amaritudine loro, sogliono figurarne alcune col capo chinato in seno, e con le mani e manto coprirsi la faccia, per dare seno di maggior cordoglio, e di acerbità inesplicabile. Questo però se appartiene all’arte del disegno, ci è parso nondimeno di non tralasciarlo, potendo anco servire alla tessitura delle cose istoriche, dove alle volte lo usare simile arte serve ad esprimere più efficacemente quello che si intende.
Lamo, Alessandro, Discorso intorno alla scoltura, et pittura(publi: 1584), p. 13 (italien)
[1] Scuprono nulladimeno tanto leggiadramente, e somigliantemente al vero ne i colori, nell’attitudini, nelle linee, nell’ombre, e ne i getti gli artefici gli animi di coloro, che essi isprimono, che moversi, spirar, e favellar risembrano, e mostrano al difuori chiaramente nella fisionomia i secreti effetti de gli animi loro, il che anticamente si vedeva chiaro in tutte le figure di Demone, il quale era tanto perfetto fisionomista, che ne i depinti huomini da lui si conosceva espressa vivacemente le nature, e le qualità loro. Altertanta perfettione, et eccellenza contenevano l’opere di Aristide Thebano, se crediamo a Plinio, uguale ad Apelle. Il simile si scorgeva nel sacrificio d’Ifigenia depinto da Timante, la onde si può d’una bella, et eccellente opera o sia di pittura, o di scoltura dir, e credere quel tanto, che d’una depinta cagnuola scrisse Martiale.
Ipsam denique pone cum catella,
Aut utranque putabis esse veram,
Aut utranque putabis esse pictam.
E de gli scolpiti pesci di Fidia
Artis phydiacæ tercuma clarum
Pisces aspicis, adde aquam, et natabunt.
- [1] voir aussi Aristide de Thèbes
Borghini, Rafaello, Il riposo di Raffaello Borghini : in cui della pittura, e della scultura si fauella, de’piu illustri pittori, e scultori, et delle piu famose opere loro si fa mentione ; e le cose principali appartenenti à dette arti s’insegnano(publi: 1584), p. 271-272 (italien)
Fù[Explication : Parrasio.] nondimeno, si come dicono, vinto da Timante famoso pittore nel medesimo tempo, il quale dipinse l’Ifigenia dagli autori tanto celebrata; haveva egli finto la fanciulla avanti all’altare per dover esser uccisa nel sacrificio, e molti all’intorno havea dipinti in atti dolenti à così fiero spettacolo; ma piu di tutti il zio della fanciulla; laonde avendo consumata tutta l’arte nel fare attitudini dolorose, e vegnendo à dipingere il padre di lei, ne potendo in esso far conoscere maggior dolore, gli fece coperto il capo con un lembo del mantello, quasi non potesse soffrir di vedere la morte della figliuola. Dipinse in una tavoletta un Ciclope, che dormiva, e volendo far conoscere la sua grandezza gli fece alcuni satiri intorno che con il tirso gli misuravano il dito grosso della mano.
Lomazzo, Gian Paolo, Trattato dell’arte della pittura, scultura ed architettura(publi: 1584), « Composizione di mestizia » (numéro VI, 35) , p. 317-318 (italien)
Non è dubbio alcuno che, secondo le persone e loro qualità più atte alla mestizia, il pianto et il dolore si vuole distribuire e dimostrare; come già bene fece Timante cipriotto in quella tavola nella quale egli superò Collocritico, dove, avendo fatto nel sacrificio di Ifigenia Calcante mesto, Ulisse molto più, e consumato tutta l’arte e ingegno in Meneleo abbattuto dal dolore, e spesi tutti gli affetti, non ritrovando in che modo degnamente potesse rappresentare il volto del padre mestissimo, gli coperse la faccia co’ panni, lasciando più da pensare nell’animo la grandezza del dolore suo a riguardanti, che non averebbe egli potuto esprimere col penello. Donde piglieranno esempio i pittori nel distribuire questa mestizia e pianto, dipingendo la Crucifissione di Cristo, di esprimere nella Madre il sommo dolore, maggiore che in tutti gli altri circostanti alla Croce; doppo in Giovanni molto più che nelle Marie, sì come più prossimo era a Cristo per santità e parentato; poi nella Maddalena, dietro a lei in Marta e nelle altre, secondo le loro qualità, in qual più et in qual meno.
Et in queste composizioni sempre resterà estremamente lodato colui che mostrera alcuno in atto che ti guardi piangendo, come che ti voglia dire la causa del suo dolore e moverti a participar della doglia sua, mentre che alla cosa per cui si piange e si addolora gli altri guardano in atti tutti mesti e convenienti all’offizio loro.
Montjosieu, Louis de, Gallus Romae hospes. Ubi multa antiquorum monimenta explicantur, pars pristinae formae restituuntur. Opus in quinque partes tributum(publi: 1585), « Commentarius de pictura » (numéro IV) , p. 17 (latin)
Hic Timantes artem viros pingendi artifico suo complexus est. Addidit praeterea argutias picturae, cum in eius operibus plus semper intelligeretur, quam pictum esset. Exemplis Plinius rem illustrauit. Eius inquit & Iphigenia, qua astante ad aras peritura, cum maestos pinxisset omnes, praecipue patruum, & iam tristitiae omnem imaginem consumpsisset, patris ipsius vultum velauit, quem digne non poterat ostendere. Addit de Cyclope dormiente in parua tabula, cuius magnitudinem exprimere cupiens, pinxit iuxta satyros thyrso pollicem eius metientes.
Garzoni, Tommaso, La piazza universale di tutte le professioni del mondo(publi: 1585), « De’ pittori, e miniatori, et lavoratori di mosaico » (numéro Discorso XCI) , p. 290 (italien)
Timanthe che superò Parrhasio nell’Aiace, e che fece la bella Iphigenia, che s’havea da sacrificare col padre, e la madre, che quasi piangevano.
Montjosieu, Louis de, Gallus Romae hospes. Ubi multa antiquorum monimenta explicantur, pars pristinae formae restituuntur. Opus in quinque partes tributum(publi: 1585), « Commentarius de sculptura, cælatura et pictura antiquorum », p. 17 (latin)
Hic Timantes autem viros pingendi artificio suo complexus est. Addidit præterea argutias picturæ, cum in eius operibus plus semper intelligeretur, quem pictum esset. Exemplis Plinius rem illustrauit, Eius inquit et Iphigenia, qua astante ad aras peritura, cum mæstos pinxisset omnes, præcipue patruum, et iam tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, panis ipsius vultum velauit, quem digne non poterat ostendere.
Addit de Cyclope dormiente in parua tabula, cuius magnitudinem exprimere cupiens, pinxit iuxta satyros thyrso pollicem eius metientes.
Mazzoni, Jacopo, Della difesa della Comedia di Dante(publi: 1587, 1688, redac: 1587:1598), « Discorso intorno a concetti di scoltura e di pittura che si trovano in Dante » (numéro V, 16) , t. II, p. 379 (italien)
(En 8) Per isposizione delle quali Servio dice alcune cose, che chiaramente mostrano ch’egli non intese l’artificio della pittura toccato da Virgilio, dice dunque : Mulcere aeternos, non quod in pictura erat dicit, sed id quod intellegimus factum fuisse, ut, Ter circum Iliacos raptaverat Hectora muros. Ma io credo, che Virgilio volesse mostrare un’artificio che fù introdotto da Timante pittore, col quale egli fù solito sempre di rappresentare nelle pitture più di quello che ivi fose dipinto, come si vede nell’infrascritte parole di Plinio. Atque in omnibus ejus operibus intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tamen ultra est.
Mazzoni, Jacopo, Della difesa della Comedia di Dante(publi: 1587, 1688, redac: 1587:1598), « Discorso intorno a concetti di scultura, e di pittura, che si trovano in Dante » (numéro V, 16) , t. II, p. 379 (italien)
- [1] Lib. 35 cap. 10
Ma io credo, che Virgilio[Note contexte] volesse dimostrare in quella pittura un’artificio, che fù introdotto da Timante pittore, col quale egli fù solito sempre di rappresentare nelle pitture più di quello, che ivi fosse dipinto, come si vede nell’infrascritte parole di Plinio. [1] Egl’è dunque verisimile, che Virgilio volesse dimostrare un’artificio simile di Vulcano, come sarebbe s’egli havesse lasciato quelche segno nel fanciullo, che all’hora non era allevato dalla lupa, per lo quale altri potesse giudicare, che poco prima fosse stato allevato.
Comanini, Gregorio, Il Figino(publi: 1591), p. 271 (italien)
Così ancora, grato spettacolo non sarebbe stato ad occhio pietoso mirare l’infelicissima Ifigenia presso all’altare per dover essere ivi sacrificata dal sacerdote, il quale vicino le stava col ferro ignudo nella destra, e d’intorno la turba mestissima de’ parenti ; e l’istesso Agamennone, padre della fanciulla, che afflitto attendeva il duro avenimento della figliuola. Tuttavia la tavola, sopra la quale Timante effigiò questa istoria et in cui, diffidatosi di poter a pieno esprimere l’estremo dolor d’Agamennone, dipinse l’affannato padre con un velo al volto, che gliel celava, era mirata con maraviglioso diletto da ciascheduno e pregiata molto.
Possevino, Antonio, Tractatio De Poesi et Pictura ethnica, humana et fabulosa collata cum sacra(publi: 1593), « Ieannem Andream Lilium, et Bartholomæum Ammanatum architectum, et sculptorem florentinum alia de recte pingendis imaginibus præcepta tradidisse » (numéro caput XXV) , p. 292 (latin)
[[1 :Plin. lib. 35. cap. 9]] Id vero effici posse ex eo nos doceri, quod a Timanthe Zeuxis tempore factum est. Eius enim erat Iphigenia oratorum celebrata, qua stante ad aras peritura, cum mæstos pinxisset omnes, et tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, patris vultum velauit, quem digne non poterat ostendere : itaque omnibus eius operibus intelligebatur plus, quam in is fuerat pictum. Quod ipsum poeta quoque planius attigit, inquiens.
Format enim natura prius nos intus ad omnem
Fortunatum habitum : iuuat, aut impellit ad iram :
Aut ad humum mœrore graui deducit, et angit :
Post effert animi motus interprete lingua.
Si dicentis erunt fortunis absona dicta,
Romani tollent equites, peditesque cachinnum.
Guttierez de los Rios, Gaspar, Noticia general para la estimacion de las artes, y de la manera a en que se conocen las liberales de las que son mecanicas y serviles(publi: 1600), « Libro tercero en que se defiende que las artes del dibuxo son liberales, y no mecanicas, cap. XIII, « Competencia que tienen la pintura y artes del dibuxo, con la retorica, y dialetica », p. 181-182 (espagnol)
Y mas adelante dize.
Apelles tamen imaginem Antigoni latere tantum altero ostendit, ut amissi oculi deformitas lateret. Quid ? non in oratione operienda sunt quaedam siue ostendi non debent siue exprimi pro dignitate non possunt ? Ut fecit Timantes, ut opinor, Cithnius in ea tabula qua Colotem Teium vicit. Nam cum in Iphigeniae immolatione pinxisset tristem Calchantem, tristiorem Ulixem, addidisset Menelao, quem summum poterat ars efficere maerorem, consumptis adfectibus non reperiens quo digne modo patris vultum posset exprimere, velavit eius caput, et suo cuique animo dedit aestimandum. Nonne huic simile est illud Sallustianum: « nam de Carthagine tacere satius puto quam parum dicere »?
Es a saber.
Apeles pintò el retrato de Antigono por un lado, para dissimular la fealdad del ojo. Que ? en las oraciones y actos retoricos no se han de cubrir, y no mostrar muchas cosas que no se pueden o no se deven significar, guardando el decoro, como hizo Timantes, o segun pienso Cithnio en aquella tabla en que vecio a Colote Teyo. Porque aviendo pintado en la imolacion y sacrificio del Ifigenia, triste a Calcante, y an adjedo mas triste a Ulixes a Menelao, consumidos ya todos los afectos, no hallando mas suma tristeza que pudiesse hazer el arte para poder significar dignamente el rostro triste del padre, le cubrio su cabeça y rostro, dando al animo de cada uno el pensar sobre el grado de su tristeza. Por ventura no es semejante a esto aquello de Salustio : porque callar de Cartago es mejor que dezir poco ? etc.
Todo es de Quintiliano, que no lo faco yo de mi cabeça, en lo qual da a entender lo que tenemos dicho : y que assi como a Timantes le faltaron afectos de tristeza, y lo dissimulò con el cubrir del rostro : assi ni mas ni menos a Salustio le faltaron palabras para significar dignamente las cosas de Cartago, y lo dissimulo con este color retorico de dezir, porque de Cartago mas vale callar que dezir poco.
Van Mander, Karel, Het leven der oude antijcke doorluchtighe schilders(publi: 1603:1604 ), « Van Timanthes, den seer constighen Schilder », fol. 71r (n)
- [1] Dese gheschiedenis leest in Metamorphosij 12. Boec, en Valeri. Max. lib. 8. cap. 12.
- [2] Merckt de behendige uytbeeldinghe des vaderlijcken drucks, die men mocht bedencken inwendich oft verborgen te wesen onder het cleedt
Hy was een Man van uytnemende verstandt en gheest. Hy heeft onder ander tot een bysonder hooftstuck ghemaect, de gheschiedenis van de seer beweeghlijcke en droevighe Offerhande van de maeght Iphigenia, in Dianen Tempel, by den Griecken op de reyse na Troyen [1] bestaen, oft voorghenomen. Ten love van dit stuck zijn veelderley constighe Griecksche ghedichten geweest gemaeckt: want Timanthes hadde hier grooten aendacht en Const te weghe ghebracht. Iphigeniam hadde hy ghemaeckt, staende voor den Altaer, om onnooselijck ten Offer ghedoodt te worden, en al den omstandt jammerlijck suchtende en schreyende, over het sterven van dese jonghe edel Princesse. Den waersegger Calchas hadde hy ghemaeckt bedroeft, Vlysses swaerwoedigh, Ajax roepende tegen den Goden, Menelaus schreyende, claghende, en alle uyterste ghedaenten van droefheyt bewijsende, om dat hy des Dochters Oom was. Daer naer willende noch maken alder bedroefst [2] Agamemnon haren Vader, heeft hem gheschildert het aenschijn bedeckt met een eynde van den mantel, om dat den druck zijns herten niet moghelijck en was uyt te beelden, en dat hy niet hadde connen aen zijn lief Kindt den wreeden dootslagh sien gheschieden. Hy maeckte noch veel ander Tafereelen van grooter Inventie, bysonder eenen slapenden Reus Cyclops, dien hy in een cleen stuck maeckte: niettemin willende uytbeelden zijn Reuslijcke groote gestaltenisse, maeckte hy een deel cleen Satyrkens, die met perskens oft roedekens zijnen duym overmaten. In summa, hy hadde sulck een constige behendicheyt in alle zijn wercken, datter altijts eenighe heymelijcke verstanden oft bediedtselen in verborghen laghen, boven het ghene dat het punct was, dat hy in zijn Historie hadde uytghebeeldet. Want hoewel (seyt Plinius) dat de Const van het schilderen in haer selven groot is, soo behouden nochtans de diepsinnighe Inventien, dieder daerenboven noch in t’Aenmercken zijn, hun behoorlijcke plaetse des lofs op hun selven.
Céspedes, Pablo de, Discurso de la comparacion de la antigua y moderna pintura y escultura, donde se trata de la excelencia de las obras de los antiguos, y si se aventajaba á la de los modernos, dirigido a Pedro de Valencia y escrito á instancias suyas año de 1604 (redac: 1604), p. 315 (espagnol)
Este mismo argumento pintó en Roma en una loggia de la viña de Madama con tanto dibuxo y buena manera de colorido Julio Romano, discípulo de Rafael de Urbino, que parece que el arte no se extiende á mas. Y si se ha de encarecer la de Timántes por ser hecha in parvula tabella, come dice Plinio, D. Julio Clovio de Croacia el mas excelente iluminador que jamas se ha conoscido, en las horas que iluminó á su amo elcardenal Farnes, que son un milagro prodigioso del arte. Hizo muchísimas figuras divinamente, que sin la solercía de los sátiros, ni de otros adherentes parecen gigantes en el poco lugar que les puden dar unas pequeñas hojas, uy algunas escorzadas con tal ademan, que muestran no ser menores que las otras, y cúberlas un cuartin, moneda romana, que es como una blanca de las que se usan en España, y aun ménos.
Van Mander, Karel, Den grondt der edel vry schilder-const(publi: 1604) (V, §58-59), fol. 27v (n)
- [1] Merckt hier een aerdighe vercieringe uyt t’leven van Timanthes nae gebootst, om d’Aenschouwers te doen bedencken, dat Venus soomense van voor mocht sien, de schoonste van al soude wesen, ghelijck men Agamemnon bedeckt den droefsten oordeelde.
§58. maer t’gheen t’overlegghen en te aensiene
Stondt, seer vernuftich, bevallijck, ydoone,
Was de groote aendacht, fraey van ingiene,
Van desen discreten Schilder, door wiene
Daer stonden ghemaeckt, uytnemende schoone
Iuno en Minerva elcke persoone,
Soo gants volcomen, als dat hy van beter
Te doen niet hadde moghen zijn vermeter.
§59. Nu hy Venus dan schoonder, nae t’behooren,
Als d’ander twee te maken niet en wiste,
Heeft hy, daer dese twee stonden van vooren, [1]
Venus gheschildert subtijl in’t orbooren,
Met den rugg’ om ghewent, als wijs Artiste,
Ontschuldighende t’behaghen met liste,
Ghevende t’bedencken, mocht sy haer keeren,
Sy soude des anders schoonheyt onteeren.
Van Mander, Karel, Den grondt der edel vry schilder-const, (trad: 2009), p. 76-77 (trad: "Principe et fondement de l’art noble de la peinture" par Noldus, Jan Willem en 2009)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
- [1] Faites ici attention à cette invention intéressante, reprise d’un élément de la vie de Timanthe. Elle suggère au spectateur que, si on pouvait voir Vénus de face, elle serait la plus belle de toutes, comme Agamemnon, la tête voilée, donnait l’impression d’être le plus triste.
§58. Mais quoi qu’il y eût à voir et à interpréter,
tout témoignait de la perspicacité, la grâce et la bienséance,
de l’application pleine de génie de ce Peintre intelligent
par les soins de qui Junon et Minerve
exceptionnellement belles, avaient été peintes,
chacune manifestant une telle perfection
qu’il n’aurait jamais pu espérer faire mieux.
§59. Puisqu’il ne pouvait pas, comme il faudrait, [1]
rendre Vénus plus belle que les deux autres,
il a, tandis que celles-ci se présentaient de face,
profitant avec subtilité de ce qui est possible, dans les limites du convenable,
peint Vénus nous tournant le dos.
En artiste ingénieux, avec malice, il a suggéré la délectation en impliquant que, si elle se retournait, elle pourrait flétrir la beauté des autres.
Van Mander, Karel, Den grondt der edel vry schilder-const(publi: 1604, trad: 2009) (VI, §39-43), fol. 26r (n)
- [1] Demon was constich in uytbeelden der affecten, leest in zijn leven.
- [2] Ooc Timanthes in't uytbeelden des voorgenomen offers van Iphigenia, leest oock zijn leven.
maer Demon Athener met zijn colueren, [1]
Een excellent Schilder te zijnen daghen,
T’scheen zijn Beelden onderscheydelijck saghen,
Onstadich, gram, boos, goedertieren, sachtich,
Bevreest, stoutmoedich, ootmoedich, en prachtich.
§40. Iae verscheyden affecten socht hy tsamen
Oock te begrijpen in een Beeldt alleenich: [2]
Timanthes uyt Sypren quam oock ter famen,
Hebbende gheschildert, wel nae t’betamen,
De groote droefheyt en t’jammer beweenich,
Daer men sach ghestelt voor den Altaer steenich
Iphigenia de maeght, die sy dachten
Onnooselijck t’eenen offer te slachten.
§41. Om de gramme Diana te paysieren,
En de rasende Zee-tempeesten slissen,
Daer bewesen die t’werck souden bestieren,
Oock den omstandt melijdighe manieren,
Calcas ghelaet sachmen vol droeffenissen,
maer noch al seerder bejammert Vlissen
Den Oom, hertelijck verschrickt zijnde van de
Grouwelijcke moordadigh’ offerhande.
§42. Als nu den Schilder alle droeve gesten,
Handen wringhen, weenen en suchten clachtich,
Hadt in alle dese ghebruyckt ten besten,
Heeft boven al uytnemende ten lesten
Agamemnon den Vader alsoo crachtich
Gheschildert mistroost, van herten onmachtich,
Dat hy niet en mocht met aensienden ooghen
Den wreeden dootslach aen zijn Kindt ghedooghn.
§43. Dit bracht hy door deckinghe des ghesichten
Te weghe, met cleyderen, oft met handen,
Op dit constighe stuck heeftmen gaen stichten
Diveersche veersen, en Poeetsche dichten,
Tot een heerlijck gherucht in verre Landen,
Altijts eenighe verborghen verstanden
Heeftmen in zijn wercken bespueren connen,
Colotes en Demon heeft hy verwonnen.
Van Mander, Karel, Den grondt der edel vry schilder-const, (trad: 2009), p. 95-96 (trad: "Principe et fondement de l’art noble de la peinture" par Noldus, Jan Willem en 2009)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
- [1] Démon était très habile dans la représentation des Affects. Lisez sa vie.
- [2] Timanthe aussi, dans la représentation du sacrifice prévu d’Iphigénie. Lisez sa vie aussi.
En ce qui concerne Démon d’Athènes, [1]
un Peintre qui excellait dans son temps par ses couleurs,
il semble que ses figures exprimaient respectivement
l’inconstance, la colère, la méchanceté, la bienveillance, la douceur,
la peur, l’audace, l’humilité et l’ostentation.
§40. Oui, il cherchait à combiner différents affects dans une seule Figure. [2]
Timanthe de Chypre est devenu célèbre
après avoir peint selon les convention
la grande tristesse, l’état lamentable et déplorable
dans lesquels on vit, devant l’autel de pierre,
la Vierge Iphigénie, prête à être immolée,
victime innocente du sacrifice
§41. destiné à apaiser Diane courroucée,
et calmer les furieuses tempêtes marines.
Ceux qui devaient accomplir la besogne
ainsi que l’assistance faisait montre de pitié ;
le visage de Calchas était pleine de tristesse
mais l’oncle Ulysse se lamentait davantage encore,
profondément bouleversé
par cette atroce offrande qui l’horrifiait.
§42. Lorsque le peintre eut utilisé au mieux
toutes les expressions de la tristesse,
se tordre les mains, pleurer et gémir plaintivement,
il peignit enfin, se distinguant de tous,
le père, Agamemnon, si désolé, d’un cœur si défaillant
qu’il ne pouvait à la fois autoriser et regarder
le meurtre cruel de son enfant.
§43. Il accomplit ceci en couvrant le visage
de voiles ou de mains.
Sur cette œuvre ingénieuse,
on a écrit plusieurs poèmes et textes poétiques
contribuant à sa grande renommée en des pays lointains.
On a toujours pu trouver
dans ses œuvres quelque sens caché :
il a éclipsé Colotès et Démon.
Commentaires :
Scribani, Charles (Carolus Scribanius), Antverpia(publi: 1610), « Ars pictoria », p. 35 (latin)
Ingens gloria Timantis, cuius est Iphigenia, oratorum laudibus celebrata : qua stante ad aras peritura, cum mœstos pinxisset omnes, præcipue patruum : in quo cum omnem tristitiæ imaginem consumpsisset, patris velauit vultum, quem digne non poterat ostendere. Eritne minor Quitini Messys, a quo habes demortuum Christi corpus linteo inextensum ? Videbis hic sub carae ceruicis onere, non tam pondere quam dolore fatiscentem Nicodemum, succidentibus genibus. Videbis Dei matrem, quae in cruce steterat, in filii morte tamquam laxatis nervuis, soluta compage, decoriter subsidentem, ni a discipulo, cui commissa, sustentetur quasi in subsidium : cui etiam, non vt sub pondere cari pignoris, sed vt sub ingenti moeroris mole, genua labant. Videbis et Magdalenam pugnantibus inter praecordia moestitudine et amore, vicariamque animam pro dilecti anima spondentem, dum capillum spargit, vnguenta parat, et capillorum et vnguentorum et oblitam sui.
Scribani, Charles (Carolus Scribanius), Antverpia, (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Quentin Metsijs sera-t-il jugé inférieur, lui dont on a ce corps mort du Christ couché sur un linceul de lin ? Vous y verrez Nicodème ployant sous le fardeau d’une tête bien aimée, non tant en raison du poids supporté que de la douleur éprouvée, avec ses genoux qui fléchissent. Vous verrez la Mère de Dieu – elle qui, près de la Croix, s’était tenue debout – s’affaissant avec dignité face à la mort de son fils, comme si ses nerfs s’étaient relâchés, ses articulations disjointes, si ce n’est qu’elle est soutenue comme en renfort par le disciple à qui elle a été confiée ; elle aussi a les genoux qui fléchissent, non pas comme sous le poids de son cher enfant, mais comme sous la masse énorme de son chagrin. Vous verrez également Madeleine, le cœur partagé par une lutte entre tristesse et amour, jurant d’échanger sa vie pour celle de son bien-aimé, tandis qu’elle répand ses cheveux et prépare les onguents, oublieuse à la fois de ses cheveux, de ses onguents et d’elle-même.
Triptyque de la Déploration (1511) huile sur panneau
Marino, Giovanni Battista, Dicerie sacre(publi: 1614), « La pittura, parte terza » (numéro Diceria I) , fol. 88r-v (italien)
Ma perché la varietà di tante cose non si può in così picciol fascio ristrignere, mi atterrò all’industria di Timante, ilqual rappresentando di scorcio in picciolissima tavoletta Polifemo smisurato Ciclopo, nè sapendo come meglio in così angusto campo dar la prodigiosa statura di quel gran busto ad intendere, finselo addormentato, e dipinsegli a piedi un satiro, che col thirso gli prendeva la misura d’un dito, lasciando a’giudiciosi riguardanti dalla proportione considerare, se tanta era una menoma particella della mano, quanta esser dovesse la mano istessa, quanto il braccio, e quanto il rimanente dell’altre membra. Così havendo io di materia vasta in breve spatio preso a ragionare, laqual più cresce e si dilata, quanto più moltiplicano i concetti, et essendo dell’ampia mole di tal Pittura[Explication : la santa Sindone.] l’angustia del mio ingegno, e del mio stile incapace, tanto solo basterammi haverne accenato, quanto detto se n’è.
Marino, Giovanni Battista, Dicerie sacre(publi: 1614), « La pittura, parte prima » (numéro Diceria I) , fol. 6v (italien)
Nella parte che conviene alla scienza, et al sapere dee il buon Pittore abbondar non solo d’ingeno nel ritrovare, ma di giudicio nel rappresentare, e d’eruditione nel comporre. Ingegno, conciosiacosache quelle sien le dipinture degne di loda, e di maraviglia, nelle quali si sottointende più che non si dimostra, e tuttoche l’arte per sestessa sia grande, l’argutia nondimeno l’eccede; e cotali è fama che fussero l’opere particolarmente di Timante.
Nunes (das Chagas), Filipe, Arte da pintura, symmetria e perspectiva(publi: 1615), p. 9-10 (portugais)
Não foi menor Thimantes na pintura de Iphigenia, que pintando a todos tristes, pintou a Agamemnon, pay della, com a cabeça virada, pela grande tristeza, que se divisava mais nelle, que nos outros ; sendo assim, que a todos pintou tristissimos.
Servin, Loys, Actions notables et plaidoyez de Messire Loys Servin conseiller du Roy en son conseil d’Estat, et son advocat general en sa Cour de Parlement(publi: 1619), "Cause sur le testament du feu comte de Laval aagé de dix-huict ans", "Arrest d'appoincté au conseil, donné en la chambre de l'edict le dix-neuviesme juillet 1606", p. 184 (fran)
La mere est incontinent advertie de la perte de son fils unique: et en ce lieu il seroit à propos de faire comme le peintre qui entreprist de pourtraire ce grand et memorable sacrifice qui fut faict par les Grecs d'Iphigenie fille du Roy Agamemnon, parce que ce peintre eut bien l'industrie de representer le visage et la contenance de tous ceux qui estoient presents en ce sacrifice, fors que du pere Agamemnon, duquel la face estoit si triste et desploree, que la nature surmontant ce qui estoit de son art, il fut contrainct de luy mettre un voile devant le visage. Car il se peut dire aussi qu'il n'y a langue tant diserte soit-elle, ny orateur, quelque eloquent qu'il soit, qui puisse exprimer l'ennuy, la tristesse et desolation de la mere quand elle a eu advis de la mort inopinee de son fils. Ce n'est plus elle, il n'y a plus rien en elle de son ancienne forme, la grandeur et l'extremité de l'ennuy a tout changé et alteré. Et parmy les larmes et les pleurs tout ce qu'elle peut faire, c'est d'avoir le soing de faire amener le corps, et y contribuer elle seule plus que tous les heritiers ensemble, et le faire rendre en l'Eglise de Laval pour y estre inhumé avec ses predecesseurs.
Caussin, Nicolas, Eloquentiæ sacræ et humanæ parallela(publi: 1619), « Narrationis virtutes », p. 315 (latin)
Prima, expedita breuitas, in qua nihil tamen mancum, nihil concisum et decurtatum videatur : neque enim putes te semper Timanthis tabulas auditoribus obiicere, in quibus plus intelligendum erat, quam pingeretur ; si vis intelligi, narrare oportet ; sed caue ne longas periodos, vbi nihil opus est, curiosus hic affectes ; breuitas per commoda conficietur simplicibus verbis, semel vnaque re dicenda, nulli rei, nisi vt dilucide dicas, seruiendo.
Tassoni, Alessandro, Pensieri diversi, libri dieci(publi: 1620), « Statue, e pitture antiche e moderni » (numéro libro X, cap. XIX) , p. 388 (italien)
Che Timante industriosamente significasse la grandezza del Ciclope col tirso del satiretto, non fu gran cosa. E i nostri la saprebbono rappresentare ancor essi, con altri mezzi, il qual si voglia picciolissimo campo. Non biasimo però l’accortezza di Timante in rappresentare al discorso quello, che l’occhio non può vedere: che così fanno anco i nostri moderni, quando a rappresentar la grandezza delle balene, fingono che i pescatori vi salgano sopra con una scala: ma queste non sono cose, che quanto alla pittura levino della schiera comune; perché nonostante quello, si può dipinger male quello, che si dipinge. Oltre che non sempre quegli antichi famosi ebbero ne anch’essi il giudizio, che conveniva; imperoche quella pernice di Parrasio tanto celebre essendo dipinta sopra d’una colonna, non era in luogo, dove naturalmente sogliano volar le pernici. Ed era il medesimo, che s’egli avesse dipinta un’oca sopra d’un pino, o una gallina in mare: così non l’avrebbono dipinta il Caravaggio, e’l Bassano, a’quali nel dipignere al vivo qual si voglia animale, cede l’età moderna, e l’antica.
Tassoni, Alessandro, Pensieri diversi, libri dieci(publi: 1620), « Statue, e pitture antiche e moderni » (numéro libro X, cap. XIX) , p. 386-387 (italien)
Parrasio fu avanzato da Timante, quegli che nel sacrificio d’Ifigenia dipinse, fra l’altra gente mesta, il padre suo Agamennone con la faccia coperta da un lembo della vesta. La quale invenzione fu poi celebrata tanto dalla vanità greca, ne so perché; essendo tal atto naturalissimo, e solito di qualunque padre, che si ritrovi in tal accidente, cioè di coprirsi la faccia, per non vedere così orrendo spettacolo dell’uccisione della figliuola, e per coprirle le lagrime. E’l poeta Euripide anch’egli, che morì pochi anni dopo Timante, nell’Ifigenia così descrisse.
Puellam euntem ad vemus, ut interficeretur,
Ingemuit, et iterum vertens caput,
Emisit lachrymas ex oculis, veste tengens eos etc.
Fu Timante nel giudicio superiore a tutti gli altri di quel secolo, e per questa eccellenza fu mirabilmente lodata una sua pittura di Polifemo, che dormiva, la quale perché era in un quadro piccolo, egli per significare le smisurata grandezza del Ciclope, gli dipinse accanto un satiretto, che con un suo tirso gli misurava un dito d’una mano.
Sorel, Charles, Histoire comique de Francion(publi: 1623), p. 341-342 (fran)
Quelle riche langue ou quelle docte plume pourrait assez dignement exprimer le deuil de la belle Doristée, il est impossible, et celui qui l’entreprendrait derait faire ainsi que ce savant peintre, qui ne pouvant assez naïvement représenter la tristesse du père d’Iphigénie, voyant immoler sa fille, lui mit un voile devant les yeux comme si nulle contenance ne pouvait démontrer cette tristesse : il faut donc se taire, et par le silence l’on donnera à connaître la grandeur de l’affliction de Doristée.
Marino, L’Adone(publi: 1623) (Canto 192)(italien)
Più non dirò, né saprei meglio in carte
Tanta beltà delinear già mai,
Onde poì ch’al desir mancando l’arte
Dal soggetto lo stil vinto è d’assai,
Industre imitator del gran Timante,
Gli porrò del silenzio il velo avante.
Borromeo, Federico, De pictura sacra(publi: 1624, trad: 2010), "Quam difficile sit exprimere affectus animi" (numéro I, 10) , p. 38-40 (latin)
Atqui tantum hoc tamque praecipuum artis munus Statuarii Pictoresque nostri ne respicere quidem videntur, ac si quando respexere, tentavereque in eo genere aliquid, absurdi ineptique reperiuntur, sicuti demonstrabimus, affectusque ostendere volunt eos, qui minime decent, veluti cum afflictam Crucis adspectu et vicinitate Deiparam, plenumque doloris eum vultum toto artis conatu facere nescii, confugiunt eo, ut exanimem pingant; id quod et facie factu erat, et auctoritati Patrum adversabatur. [...] Velim igitur ego Artifices nostros, aut magnopere elaborare in eo, ut exprimere affectus possint, aut si ita assequi non potuere, fateri utique conatum eius rei et dolorem aliquo modo, sicuti priscus ille fecit, qui paternos in filiae nece sensus effingere se posse diffidens, velavit Agamemnonis caput.
Commentaires : éd. 1624, p. 32-33 correction orthographique ok
1 sous-texteBorromeo, Federico, De pictura sacra, (trad: 1994), "Quanto sia eccellente l'esprimere l'affetto" (numéro I, 10) , p. 32-33 (trad: "Della pittura sacra: libri due" par Agosti, Barbara en 1994)(italien)(traduction récente d'un autre auteur)
E pure di questa parte tanto principale mostrano di essersi dimenticati i nostri pittori e scultori quasi afffatto. E quando pure danno indizio di voler fare, ciò fanno sconciamente, come appresso diremo; e oltre a ciò rappresentano quegl’affetti che non dovrebbono rappresentare, come a dire essi non sanno esprimere il dolore della Virgine mentre è sotto la Croce, e in quel volto e in quel capo occupano tutte le forze dell’arte, e perciò riccorrono a ciò che è più facile da farsi, e la figurano tramortita contro all’opinione dei più gravi scrittori, e contemplante. [...] Almeno vorrei che i nostri pittori fossero sommamente abili in questa parte degl’affetti, e che a tutto loro potere la conseguissero e, non potendo ciò fare, almeno dessero alcun indizio di dolersene, sì come già fece quel buon pittore che, disperando di esprimere il dolore paterno, coperse il capo di Agamemnone con un velo.
Borromeo, Federico, Musaeum(publi: 1625), p. 9 (latin)
Sanctus Joannes cum Magdalena certare videtur affectu ; ha dua figura cum omnes mæstitiæ imaginem consumpsisset, difficile opus restabat, ut sanctissima Virginis dolor digne ostenderetur. Ideo Titianus veterem illum, excellentissimumque pictorem dissimili invento imitatus ; deiparam fecit inter mortui Filii bracchia osculo hærentem, tenebrisque circumfusum. Ita plus ostendit, quam pinxit, protulitque etiam ea, quæ occultavit.
Butrón, Juan de, Discursos apologeticos, en que se defiende la ingenuidad del arte de la pintura, que es liberal, de todos derechos, no inferior a las siete que comunmente se reciben(publi: 1626), « Discurso decimoquinto. Donde se muestra la veneracion en que los antiguos tuvieron la pintura, los principes que la professaron, y algunas de las muchas honras, y mercedes que le hizieron », fol. 116r (espagnol)
Timantes pintò a Ifigenia, assistiendo al altar donde avia de ser sacrificada ; a quien cercavan muchas personas de semblante triste, y dolorido : a Menelao empero, hermano de su padre, y tio suyo, pintò tan afligido, tan triste, y de rostro tan lamentable, que no tuvo el arte mayor genero de dolor que expressar para el rostro, y aspecto de Agamemnon su padre, a quien (para denotar ser el sentimiento mayor que el de los circunstantes, y que no podia comprehender el pincel las ansias que el paternal amor en caso tan desdichado padecio) cubrio con un panno el rostro, no atraviendose a afectar mas la desdicha, y su sentimiento ; dando a entender, que el estudio no podia imitar mas triste semblante, ni acciones mas lastimeras. Pintò tambien en pequeña tabla a Polifemo con los satiros : y el juyzio de las armas de Ayax (tabla con que vencio Timantes a Parrasio). Pintò un ciclope dormido, y para denotar su grandeza pintò alli unos satiros que le median el dedo pulgar.
Espinosa y Malo, Felix de Lucio, El pincel, cuyas glorias descrivia Don Felix de Lucio Espinosa y Malo(publi: 1681), p. 10-11 (espagnol)
- [1] Plin. lib. 35. cap. 10. Tristitiæ omnem imaginem consumpsisset.
Aplaudida fue la sagacidad de Timantes [1], que en el sacrificio de Ephigenia avia pintado melancolico à Calcante, afligido à Ulises, desesperado à Menelao, y furioso à Ayaz ; y queriendo que excediesse Agamenon à los afectos de todos, le pintò con la cabeça baxa, fingiendo, que al enjugarse las lagrimas, avia quedado del todo cubierto su semblante ; pues aviendole de pintar como padre, avia de ser dolorido, y con la ternura de perder a una inocente, y unica hija : y aviendole de representar como rey, era preciso delinearle magestuoso, y grave ; y no sabiendo como acordar tales extremos, discurriò el mañoso desempeño de ocultar el rostro. Esto es à lo que no llega la mas subida retorica ; esto es lo que no alcança la eficacia mas persuasiva de las vozes.
Pacheco, Francisco, Arte de la pintura(publi: 1638) (III, 9), t. II, p. 156 (espagnol)
- [1] Elegia a la muerte de Conde de Galves
Timantes que tan prudentemente se hubo en el Sacrificio de Efigenia, cubriendo con el velo el rostro del doloroso padre por no poder expresar la grandeza del sentimiento, suceso que tocó, elegantemente, Bartolomé Leonardo de Argensola en la mejor de sus obras [1] :
Estienda Euterpe el ingenioso velo
con que antiguo pincel en igual caso
nos descubrió el paterno desconsuelo.
Junius, Franciscus, The Painting of the Ancient(publi: 1638) (III, 1, 13), p. 242-243 (anglais)
- [1] lib. II, cap. 13
- [2] Lib. XXXV, cap. 10
Timanthes also perceived that he was to cover something in his picture with the which he overcame Colotes, judging that some circumstances might not be shewed, or else that they could not be expressed as the matter did require: For when in the Sacrifice of Iphigenia, says Quintilian [1], he had painted Calchas sad, Ulysses sadder, and had attributed unto Menelaus the greatest sorrow art could effect; having spent all his passions, and not finding how to express her fathers countenance worthily, he thought it good to cover his head, and to leave the apprehension of the fathers heavinesse to the consideration of the beholders. Plinie doth mention the same picture, Timanthes did abound in wit, sayth he [2], that same Iphigenia so much extolled by the orators, as shee stood neere the altar readie tho die, was his worke: for having painted all them that stood by full of griefe, especially her uncle, when he had now consumed the whole image of sadnesse, he covered her fathers face, not knowing how to shew it as it was fit. There are also other proofes of his wit: as namely a sleeping Cyclops in little: whose greatness when he studied to expresse, he painted some satyrs hard by measuring his thumb with the stalk of some kind of hearbes. There is ever much more understood in his workes, than there is painted; and though the art be great, yet doth his wit goe beyond the art.
Junius, Franciscus, The Painting of the Ancient(publi: 1638) (III, 1, 15), p. 250 (anglais)
Poesie likewise, “being haughty and of a lofty style, as Lucian speaks, is able to enlarge our conceits. Neither do we find among the Ancient any artificers more renowned, than those that drew their inventions out of excellent poets. “The spirits and weithtiness of the matter, says Quintilian, the whole gesture of the affections, the decent comeliness of persons is drawn out of poets”. Demetrius Phalereus, Dionys. Halicarnass. and Pliny, ascribe unto Phidias a certain kind of accurate greatness and worthy magnificence: and our conjecture shall not be vain if we affirm, that he fetched the chiefest strength of his invention out of poets: seeing he himself was not ashamed to confess, that his much admired Elean Jupiter was made after the image of Jupiter described by Homer. Apelles also when he painted Diana among the sacrifiing virgins, took his pattern out of the same Homer. It is likewise evident that Timanthes, whose wit ancient authors do so highly extoll, for that pretty shift he made in the picture of Iphigenia did owe his invention unto Euripides seeing this same wise tragedian brings in Agamemnon with a vaile before his eyes.
Pacheco, Francisco, Arte de la pintura(publi: 1638), « De la órden, decencia e decoro que se debe guarder en la invencion » (numéro II, 2) , t. I, p. 283-284 (espagnol)
Cuanto al órden, es necesario que el pintor vaya disponiendo el suceso de la historia que pretende pintar, con tanta prioridad, que los que la vieren jusguen que non pudo suceder de otra manera de como él la pintó. Ni ponga lo que fué antés, después, ni lo que fue después, antés, sino, ordenadamente, las cosas como pasaron. Esto mesmo enseña Aristoteles en su poética a los escritores de comedias y tragedias ; por esto Timantes, uno de los famosos pintores antiguos, pintó a Efigenia, hija de Agamemnón (de quien Euripides compuso una famosa tragedia) delante del altar donda espereba ser ofrecida en sacrificio a Diana, y habiendo el pintor espresado en los rostros de los circunstantes, diversamente, la imagen del dolor, incierto de poderla dimostrar mayor en el semblante del afligido padre, hizo que él mesmo se cubriese con el canto de la vestidura; observando admirabilmente la conveniencia, porque siendo padre la parecía no poder sufrir ver con sus proprios ojos la muerte de su querida hija. Parrasio, tambien ilustre pintor de aquella edad, hizo dos figuras, una de las cuales habiendo contendido y peleado, parecía que sudaba, y la otra se desarmaba y mostraba claramente que estaba anhelando. Estos dos exemplos de antiguos pintores bastan para mostrar de cuanta importancia sea la propriedad en la invencion, porque de ahì se derivan todas las buenas partes de debuxo. Y no dexaré de decir adelante de algunos pintores modernos.
La Mesnardière, Jules Pilet de, La Poëtique(publi: 1639), p. 386-387 (fran)
- [2] Tasso in Amynta
- [1] Manieres que le Poëte doit imiter dans l’expression de la douleur
Comme on approuva l’artifice de ce peintre judicieux, qui pour figurer la douleur qu’eut le sage Agamemnon lorsqu’on sacrifia sa fille, lui fit le visage couvert ; pour montrer que la peinture ne pouvoit réprésenter une si grande affliction. Ainsi on loüeroit le Poëte de ne point faire déclamer avec tant d’ajustement les personnes infortunées.
[1] On les treuveroit plus belles au milieu de leurs disgraces, si elles étoient moins parées ; et au iugement des maistres, elles seroient fort éloquentes, si alors on voyoit sortir plus de larmes de leurs yeux, que de parolles de leurs bouches.
Spesso in un dir confuso,
E’n parole interrote
Meglio si esprime il core. [2]
Rampalle, Daniel de, L’Erreur combatuë. Discours académique où il est curieusement prouvé, que le monde ne va point de mal en pis(publi: 1641), p. 140-141 (fran)
Timante fut sans doute plus iudicieux, non seulement quand il couvrit le visage du père d’Iphigénie pour figurer sa douleur au delà des forces du pinceau, mais aussi lorsque pour exprimer la grandeur d’un cyclope qu’il avoit mis dans un petit quadre, il peignit un satyre qui de son thyrse lui mesuroit un doigt ; et toutesfois nos moindres peintres, usent d’un pareil artifice, lors que pour figurer de grosses balenes dans un petit tableau, ils font tout autour des pescheurs qui montent dessus avec des eschelles.
Guillebaud, Pierre (Dom Pierre de Saint Romuald), Trésor chronologique et historique contenant ce qui s’est passé de plus remarquable et curieux dans l’Estat, tant civil qu’ecclésiastique, depuis l’an de Jésus Christ 1200 jusqu’à l’an 1647(publi: 1642:1647), t. III, p. 931 (fran)
Il[Explication : le sieur Nicolas de la Fage.] a cela de propre aussi d’observer en ses traits une si juste proportion, particulierement quant aux traits du visage, et de ses couleurs, qu’il y exprime les mouvemens de son esprit, de sorte qu’il n’est pas difficile à un bon physionomiste de cognoistre à les voir combien les personnes qu’ils representent ont d’aage, et de quelle humeur elles sont* : c’est parce qu’il sçait parfaitement l’arithmétique, et la geometrie, qui sont des sciences tout à fait necessaires pour la perfection de la peinture.
* Timonaque (à ce qu’escrit Natalis Comes au livre de sa Mitologie) a le mieux rencontré en cela, témoin son Iphigenie preste d’estre immolée sur l’autel de Diane, car on lisoit en son visage sa tristesse et sa pudeur, par le soin qu’elle avoit d’accommoder sa robbe, afin de choir honnestement sans rien descouvrir.
Ridolfi, Carlo, Le meraviglie dell’arte, overo le vite de gl’illustri pittori veneti, e dello stato(publi: 1648), p. 6 (italien)
- [1] Eupompo. Androcide. Timante.
[1] Furono suoi[Explication : di Zeusi.] concorrenti Eupompo, Androcide, e Timante, che dispiegò ne’volti gli effetti della pietà, e del dolore, come diede a vedere nella tavola d’Ifigenia immolata dal padre ; fece in oltre un Ciclope in picciola tavoletta, et alcuni satiri, che gli misuravano il dito grosso, per dimostrare quale fosse la di lui grandezza ; fece anco un Heroe bellissimo, che si vede in Roma nel Tempio della Pace.
Ridolfi, Carlo, Le meraviglie dell’arte, overo le vite de gl’illustri pittori veneti, e dello stato(publi: 1648), "Vita di Paolo Caliari veronese", t. I, p. 312-313 (italien)
[Note contexte]. Celebri la greca eloquenza la tavola di Timante, nella quale l’industre pittore dato che hebbe a vedere in Calcante Auruspice, in Ajace, in Achille e in Menelao gli affetti tutti della pietà e del dolore, ricoperse con tenebroso velo il volto del Padre Agamennone, celando in questa guisa quell’affanno, che stimò inesplicabile dal suo pennello, che in questo caso fù da Paolo superato, che dispiegò non solo nel volto della Madre, delle Mogli e degli amici de’ Santi gli affetti della pietà e della commiserazione, ma giunse ad esprimere nel sembiante del dolente Padre i caratteri d’un impareggiabile dolore.
La Mothe le Vayer, François de, Petits traitez en forme de lettres escrites à diverses personnes, Lettre IX, « Sur la peinture »(publi: 1662, redac: 1649:1662), « Sur la peinture » (numéro Lettre IX) , t. II, p. 440-441 (fran)
- [1] Plin. ib.
Timanthe est prisé d’avoir toûjours donné davantage à comprendre dans ses ouvrages, que son pinceau ne representoit, et fait en sorte que son esprit y paroissoit plus grand que l’industrie de sa main, bien qu’il l’eust tres-exquise. Ainsi pour faire concevoir la grandeur de son Cyclope dormant, et fait en petit volume, il mit des satyres auprés de luy qui mesuroient son pouce avec une perche. Certes nous lui pouvons comparer pour ce regard le sçavant Rubens que nous venons de perdre, qui a toûjours joint l’invention à l’excellence de son art, et ce qu’il tenoit d’une profonde lecture à la beauté de son coloris. Les Galeries du Palais d’Orleans le témoigneront autant qu’elles dureront, avec le reste de ses pieces, ubi intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tament ultra artem est [1]
Vossius, Gerardus Joannes, De quatuor artibus popularibus, de philologia et scientiis mathematicis, cui operi subjungitur chronologia mathematicorum, libri tres, cap. V, De Graphice(publi: 1650), "De Graphice" (numéro cap. V, §40) , p. 80 (latin)
Primus eorum Timanthes. De quo sic idem Plinius cap. prox. Timanthi plurimum adfuit ingenii. Ejus enim est Iphigenia, oratorum laudibus celebrata ; qua stante ad aras peritura cum moestos pinxisset omnes, praecipue patruum (Menelaum ;) cum tristitiæ omnem imaginem consumsisset, patris ipsius vultum velavit quem digne non poterat ostendere. Sunt et alia ingenii ejus exemplaria, veluti Cyclops dormiens in parvula tabella : cujus et sic magnitudinem exprimere cupiens pinxit juxta Satyros, thyrso pollicem ejus metientes : atque in omnibus ejus operibus intelligitur plus semper, quam pingitur : et cum ars summa sit, ingenium tamen ultra artem est. De Iphigenia Timanthis similia apud Valerium Max. legas lib. VIII cap. XI, & Quinctilianum lib. II cap. XIII ; ubi scite ait : In oratione operienda sunt quaedam, sive ostendi non debent, sive exprimi pro dignitate non possunt. Vt fecit Timanthes, ut opinor, Cithnius, in ea tabula, qua Coloten Tejum vicit. Nam cum in Iphigeniæ immolatione pinxisset tristem Calchantem, tristiorem Vlixen, addidisset Menelao, quem summum poterat ars efficere moerorem ; consumtis affectibus, non reperiens quo digne modo patris vultum posset exprimere, velavit ejus caput, et suo cuique animo dedit æstimandum. Etiam in Timanthis picturis fuit pugna Aratis, Pellenenses ab Aetolorum incursione liberantis : uti est apud Plutarchum in Arato.
Ottonelli, Giovanni Domenigo ; Berettini, Pietro, Trattato della pittura et scultura, uso et abuso loro(publi: 1652), "Se sia uso buono, o abuso, che l'artifice si chiuda nel luogo del lavoro", "la terza ragione" (numéro III, 19) , p. 210 (italien)
Trovasi, dice [Explication : Vasari.], che Lionardo per l’intelligenza dell’arte cominciò molte cose, e non le finì, parendogli, che la mano giungere non potesse alla perfezione dell’arteficio, che egli s’imaginava : consiosia che formavasi nell’idea alcune difficoltà tanto maravigliose, che con le mani, ancorche elle fussero eccellentissime, non si sarebbero mai espresse. Egli fece in Milano a’ Religiosi di S. Domenico un Cenacolo, cosa bellissima, e maravigliosa, che con le mani, ma non lo perfezionò : peroché diede alle teste degli apostoli tanta maestà, e bellezza, che poì parve costretto a lasciar quella di Christo imperfetta, non pensando poterle dare quella divinità, che si richiede all’immagine di tal Signore.
Mambrun, Pierre, Dissertatio peripatetica de epico carmine(publi: 1652), p. 60-61 (latin)
Qui enim pictor Iphigeniam in Aulide coloribus adumbrare suscipiet, alienum nihil ab ea actione immiscebit. Aderit pater Agamemnon, et cultu corporis, et vultus, animique mæstitie insignis : tum Græcorum viri principes varia corporis quidem gestione, tristi tamen omnes ; deinde ara, et sacrificuli : non vero Thebarum expugnator Capaneus, aut Theseus Athenarum fundator.
Scudéry, Georges; Scudéry, Madeleine, Clélie(publi: 1654:1660) (III, 2)(fran)
Valérius voyant donc les choses réduites à cette extrémité, ne fit pas appeler Brutus, lui semblant qu’il y avait trop de cruauté à vouloir qu’il fût le spectateur de la mort de ses propres enfants. [...] Si bien que ramassant alors[Note contexte] toutes les forces de son âme, il se tint ferme, et cachant le désordre de son esprit, il sembla regarder avec beaucoup de constance le plus funeste objet du monde. Il est pourtant vrai qu’il ne voyait pas ce qu’il regardait, car la première vue de ces morts, lui remettant dans l’esprit tous ses malheurs en foule, l’image de Lucrèce morte lui revint devant les yeux, et se mêlant à celle de ses fils qui expiraient, mit dans son esprit une si grande douleur, qu’elle le fit paraître insensible.
Tesauro, Emmanuele, Il cannocchiale aristotelico, o sia idea delle argutezze heroïche, vulgarmente chiamate imprese, e di tutta l’arte simbolica e lapidaria, esaminata in fonte co’ rettorici precetti del divino Aristotele, che comprendono tutta la Rettorica, e Poetica elocuzione(publi: 1654), « Arguzie umane », p. 27 (italien)
Anzi tanto vale la voce « arguto », quanto « ingegnoso ». Questo appare assai chiaro nella pittura e nella scultura : però che color che sanno perfettamente imitar la simmetria de’ corpi naturali si chiamano artefici dotti ; ma quei soli che pingono argutamente si chiamano ingegnosi. Pittore ingegnoso era Timante, perciò che (siccome scrive Plinio secondo) « in omnibus ejus operibus intelligitur plus semper quam pingitur » : ecco l’argutezza laconica ; « et cum ars summa sit, ingenium tamen supra artem est ».
Aubignac, François Hédelin d’, La Pratique du théâtre(publi: 1657), « De l’unité de l’action » (numéro II, 3) , p. 137-139 (fran)
Nous avons dit qu’un tableau ne peut représenter qu’une action, mais il faut entendre une action principale ; car dans le même tableau le peintre peut mettre plusieurs actions dépendantes de celle qu’il entend principalement représenter. Disons plutôt qu’il n’y a point d’action humaine toute simple et qui ne soit soutenue de plusieurs autres qui la précèdent, qui l’accompagnent, qui la suivent et qui toutes ensemble la composent et lui donnent l’être ; de sorte que le peintre qui ne veut représenter qu’une action dans un tableau, ne laisse pas d’y mêler beaucoup d’autres qui en dépendent, ou pour mieux dire, qui toutes ensemble forment son accomplissement et sa totalité. Celui qui voudra peindre le sacrifice d’Iphigénie, ne la mettra pas seule au pied de l’autel avec Calchas ; mais à l’exemple de Timanthes, il y ajoutera tous les princes grecs avec une contenance assez triste, Ménélaus son oncle avec un visage extrêmement affligé, Clytemnestre sa mère pleurant et comme désespérée, enfin Agammenon avec un voile sur son visage, pour cacher sa tendresse naturelle aux chefs de son armée, et montrer néanmoins par cette adresse l’excès de sa douleur. Il n’oublierait pas aussi de faire paraître dans le ciel Diane toute prête d’arrêter le bras et le glaive du sacrificateur ; à cause que toutes ces différentes actions accompagnent et font partie de cette triste et pieuse cérémonie, qui serait faible et dénuée de tous ses ornements sans toutes ces ingénieuses circonstances. C’est de la même façon que le poème dramatique ne doit contenir qu’une seule action, car il la faut mettre sur le théâtre toute entière avec ses dépendances, et n’y rien oublier des circonstances qui naturellement lui doivent être appropriées.
[Félibien, André], De l’origine de la peinture et des plus excellens peintres de l’Antiquité(publi: 1660), p. 31 (fran)
Ce dernier estoit un homme d’esprit et de jugement, qui faisoit tous ses ouvrages avec art et science. La figure d’un Cyclope et le sacrifice d’Iphigénie qu’il représenta, ont esté si celebres et si loüez par les meilleures plumes de l’Antiquité, qu’il n’y a personne qui sur le rapport des historiens n’en conçoive une estime tres-particuliere.
Fréart de Chambray, Roland, Idée de la perfection de la peinture(publi: 1662), p. 254 (fran)
Elle[Explication : L’Extrême-Onction de Poussin.] est un vrai parallèle du fameux chef-d’œuvre de Timanthe sur le Sacrifice d’Iphigénie, dont j’ai déjà ci-devant parlé, et que Pline et Quintilien nous dépeignent comme le plus rare, le plus ingénieux et le plus parfait tableau de l’Antiquité. Mais de savoir maintenant lequel des deux, ou leur Antique, ou notre Moderne a exprimé son sujet avec plus d’art, et d’une manière plus pathétique, c’est une question à quoi je ne touche point, me contentant seulement de dire qu’entre les modernes notre Poussin est comme un autre Timanthe.
Fréart de Chambray, Roland, Idée de la perfection de la peinture(publi: 1662), p. 225 (fran)
Et ce n’a peut-être été qu’en ce genre-là[Explication : le costume.] que ces grands peintres de l’Antiquité, Apelles, Timanthe, Protogenes, Zeuxis, et leurs semblables, ont surpassé nos modernes, vu que ni du coloris, ni de la régularité de la perspective, ni des proportions des corps, ni des diverses manières de peindre, ni de tout le reste du mécanique de l’art, il n’y a point d’apparence qu’ils aient eu aucun avantage sur les nôtres. Aussi Philostrate, Quintilien, Pline, et tous les autres qui le sont immortalisés par leurs écrits, ne les louent principalement que de cette pointe d’esprit et de l’excellent génie qu’ils faisaient paraître dans leurs ouvrages : comme on peut juger par ce qu’ils disent du noble chef-d’œuvre du Sacrifice d’Iphigénie, où l’ingénieux Timanthe ayant dépeint, par une expression très judicieusement partagée, tous les degrés de regret et de pitié sur le visage de ceux qui étaient présents à ce funeste spectacle, et après avoir déjà épuisé et consommé tous les traits de son pinceau, et toutes les forces de l’art, avant que d’en être encore venu jusqu’au père de cette innocente et déplorable victime, ne lui restant plus aucun moyen de le représenter assez dignement, comme il eût fallu, entre les autres, dans la douleur et dans la consternation extrême où il devait être, il lui couvrit le visage; laissant ainsi à penser à un chacun ce qui s’en pouvait imaginer.
Voilà ce qu’en dit Pline au trente-cinquième livre, chapitre dix, et incontinent après il ajoute encore à la louange de ce grand maître, qu’en tous ses ouvrages il donnait toujours beaucoup plus de choses à entendre qu’il n’en faisait voir, et que bien que la peinture fût un art très excellent et très sublime, l’esprit de ce peintre était néanmoins encore plus élevé.
Commentaires : éd. 1662, p. 60-61
Loménie de Brienne, De pinacotheca sua(publi: 1662)(latin)
[Note contexte]
Tu Jephten mihi non inerte dextra
Tu sacri meditaris apparatus
Quo nihil flebiliusve sanctiusve
Fecit religio dolorve luxit :
Nec velo facies obteges paternam,
Dignum nescius assequi dolorem :
Hic Timanthis honos ; tuus colore
Nil non pingere, non referre vivo,
Hic Bruni labor, hoc opus stupendum.
Fréart de Chambray, Roland, Idée de la perfection de la peinture(publi: 1662), p. 234-237 (fran)
D’un tel échantillon, on peut conclure à l’avantage de notre peintre moderne[Explication : Raphaël], qu’il est véritablement digne de la même gloire qu’on a donnée aux plus célèbres de l’Antiquité, puisque ses ouvrages montrent le même génie qu’on admirait en Timanthe, et d’où il prit occasion de dire de lui, que In omnibus eius operibus intellegitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tamen ultra artem est, lib. 35, cap. 10. Paroles excellentes et très glorieuses à ce peintre, lesquelles j’avais déjà rapportées ci-devant en notre langue, au sujet de son incomparable chef-d’œuvre du Sacrifice d’Iphigénie : mais je les répète encore ici à dessein de les faire convenir à Raphaël. […] Il arrivait même quelquefois que la détresse du lieu à peindre et la stérilité du sujet donnaient occasion à ces beaux génies d’en tirer de l’avantage, et de faire une production d’esprit qui surpassait en grandeur de réputation les plus abondantes compositions. Ce que Pline nous apprend encore au même chapitre, où il fait un si beau récit et une si élégante description du Sacrifice d’Iphigénie dépeint par Timanthe, dans lequel apparemment il y avait une assez nombreuse multitude de figures, car il parle ensuite d’un autre ouvrage de la même main, qui représentait un Polyphème endormi, mais dans un petit tableau, dont le peu d’espace ne laissait pas le moyen au peint d’y dessiner réellement un corps gigantesque tel que devait être celui de ce prodigieux Cyclope, si bien que cette détresse donna lieu à l’ingénieux Timanthe de faire connaître que son esprit était en effet plus élevé et plus puissant que toutes les forces de la peinture. Il s’avisa donc, pour suppléer au défaut de la matière, de faire voir seulement aux yeux de l’esprit ce qu’il ne pouvait montrer à ceux du corps.
INGÉNIEUSE REPRÉSENTATION D’UN GRAND CYCLOPE DANS UN PETIT LIEU PEINT PAR TIMANTHE
Pour cet effet, il introduisit un gentil parergue dans son sujet qui était de soi trop simple, n’ayant à représenter qu’une figure endormie, et une figure énorme et hideuse. Or cet acccompagnement parergique était une troupe de satyres, qu’il mit à l’entour de son Cyclope dormant, les uns effrayés à une rencontre si affreuse, et prenant la fuite, d’autres le considérant de loin, avec une contenance mêlée de crainte et d’admiration, quelques-uns desquels s’étant un peu approchés d’un de ses bras qu’il étendait assez loin du corps, tâchaient de lui mesurer le poue avec leurs thyrses, mais tout doucement sans le toucher, de peur qu’il ne s’éveillât. De sorte que par la comparaison qu’on faisait de ces satyres auprès du Cyclope (où ils paraissaient plus petits même qu’un de ses doigts) on jugeait incontinent de la masse prodigieuse de ce Polyphème. Et cette pensée du peintre fut trouvée si ingénieuse et si nouvelle, qu’elle donna une grande réputation à son tableau, qui néanmoins était de lui-même fort petit, et d’un sujet assez peu considérable.
IMITATION DU MÊME SUJET PAR JULES ROMAIN
Il me souvient d’avoir vu à Rome, dans le palais de Vigna Madama, ce même sujet traité d’une autre manière aussi fort galante, quoique la pensée n’en soit proprement qu’une imitation de celle-ci, mais elle a pourtant je ne sais quoi de particulier, qui semble encore enchérir en quelque façon sur l’original. C’est un ouvrage du plus excellent élève qu’ait fait Raphaël, l’esprit le plus pellegrin (comme parlent les Italiens) que les derniers siècles aient vu naître pour la peinture, auquel il semble que Raphaël ait déposé et comme transmis tout son génie en mourant : aussi le fit-il son principal héritier par son testament.
Ce tableau est peint à fresque, sur un mur qui fournissait plus que l’étendue nécessaire à y pouvoir dessiner le Cyclope tout de son long, sans que le peintre eût besoin d’autre artifice pour faire voir sa grandeur démesurée. Néanmoins comme l’hyperbole a quelquefois aussi bonne grâce dans la peinture que dans la poésie, et même que le pinceau de ce peintre était extraordinairement poétique, il s’avisa d’introduire fort plaisamment dans cette composition, d’autres satyres plus drôles que ceux de Timanthe, folâtrant autour du Cyclope pendant qu’il dort, quelques-uns desquels s’étant saisis de ses chalumeaux, et les ayant tirés à l’écart, glissent (comme parlent les enfants) à écorche-cul le long de chaque tuyau, tenant leurs thyrses entre les jambes pour en couler mieux, avec plusieurs autres singeries fort capricieuses, qui font rire, et donnent en même temps à connaître quelle énorme gueule il fallait à cet effroyable musicien pour emboucher une telle flûte.
Voilà une espèce d’imitation si rare et si spirituelle, qu’elle peut aller en concurrence avec l’original même, et je m’assure que si Timanthe l’eût vue, au lieu de prendre de la jalousie de cette galante émulation, il eût, estimé la gentillesse d’esprit de notre moderne, et fait grand état de son ouvrage.
Félibien, André, Entretiens sur la vie et les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, vol. 1(publi: 1666) (Premier Entretien), p. 70 (fran)
Ce dernier estoit un homme d’esprit et de jugement, qui faisoit tous ses ouvrages avec art et science. Le tableau qu’il fit d’un Cyclope et celuy du sacrifice d’Iphigénie ont esté si celebres et si loüez par les meilleures plumes de l’Antiquité, qu’il n’y a personne qui sur le rapport des historiens n’en conçoive une estime tres-particuliere.
Scheffer, Johannes, Graphice, id est, de arte pingendi liber singularis, cum indice necessario(publi: 1669), "Primum argumentum est, quod appello rem pingendam, ingenio judicioque pictoris decenter inventam aut dispositam" (numéro §28) , p. 100-101 (latin)
Observandum ergo, duo esse genera argumentorum, quæ pingenda veniunt ; aliud, quod pendet totum ab ingenio pictoris ; aliud, quod ad certa constrictum est exemplaria. Illud, cum exempli gratia historiæ aut fabulæ pinguntur, aut imagines Deorum Dearumve, aut figuræ emblematicæ : hoc, cum imitandæ res naturales artificialesve certæ, ac iconicæ picturæ, sicut Plinius appellat, vulgus contrafacturas nominare solet, faciendæ. In primo genere admodum necessarium ingenium pictoris esse ac judicium, quis ambigat ? Ostenduntque laudatissimæ veteribus picturæ, ut Timantis Iphigenia, et Cyclops dormiens, de quo posteriore, Plinius XXXV. c. 10 : Sunt et alia ingenii hujus exempla, veluti Cyclops dormiens in parva tabella, cujus et sic magnitudinem exprimere cupiens pinxit juxta Satyros, thyrso pollicem ejus metientes. Addit deinde : In omnibus ejus operibus intelligitur semper plus, quam pingitur, et, cum sit ars summa, ingenium tamen ultra artem est.
Pline (Gaius Plinius Secundus); Gronovius, Johann Friedrich (Johannes Federicus), C. Plinii Secundi Naturalis historiae, Tomus Primus- Tertius. Cum Commentariis & adnotationibus Hermolai Barbari, Pintiani, Rhenani, Gelenii, Dalechampii, Scaligeri. Salmasii, Is. Vossii, & Variorum. Accedunt praeterea variae Lectiones ex MSS. compluribus ad oram Paginarum accurate indicatae(publi: 1669), vol. 3, p. 577 (latin)
Nam Timanthi vel plurimum affuit ingenii. [1]Ejus enim est Iphigenia, oratorum laudibus celebrata, qua stante ad aras peritura cum mœstos pinxisset omnes, præcipue patruum, cum tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, [2]patris ipsius vultum velavit, quem digne non poterat ostendere. Sunt et alia ingenii eius exemplaria, veluti Cyclops dormiens in parvola tabella : cujus et sic magnitudinem exprimere cupiens, pinxit juxta Satyros, thyrso pollicem ejus metientes : atque in omnibus hujus operibus intelligitur plus semper quam pingitur : et, cum sit ars summa, ingenium tamen ultra artem est.
- [1] Ejus enim est Iphigenia.] Valer. C. II lib. 8. Quintil ; lib. 2. Idem.
- [2] Patris ipsius vultum velavit.] Pictor, quamis id ejus industriæ tribuatur, ac posteritas in eam partem sit interpretata, Euripidis ingenium secutus, ita fecisse videtur,
Ἔμπαλιν σρέψας κάρα,
Δάκρυα προῆγειν, ὀμμάτων προθεις πέπλον.
Idem.
Huret, Grégoire, Optique de portraicture et peinture(publi: 1670), p. 105 (fran)
Qu’on[Note contexte] louë beaucoup Thimante de Cypre, de ce qu’ayant dans son tableau de l’immolation d’Iphigynie, representé Calcanta avec un visage triste, et Ulysse avec un visage plus triste ; puis ayant employé toute son industrie pour donner à Menelaüs encore un visage plus triste, et ne pouvant faire au pere de ladite Iphigynie un visage plus triste, eut l’adresse de luy faire un visage couvert, afin que l’on pust plûtost penetrer la douleur de ce pere par la meditation que par la veuë. Or voilà excuser adroitement l’imprudence et le peu de conduite de Thymanthe, qui se trouva mal-heuresement au bout de son sçavoir, à l’endroit où il en avoit le plus de besoin, et qui fut constraint de laisser son ouvrage imparfait à l’endroit où il devoit estre le plus achevé ; et tout cela pour n’avoir prudemment distribué sa boëte à la tristesse ; sçavoir, commencé et jetté son plus grand effort à representer premierement le visage de ce père, puis de suite ceux de ses plus proches parens et amis ; car de plus, en voyant ce tableau, sans estre averty de cette excuse, n’aura-t-on pas sujet de douter s’il y rit ou pleure, ou sommeille, ou plûtost s’il n’en cache point quelques chancres, ou bien si c’estoit la coûtume des rois de ces contrées ou de ce temps-là, de porter un voile sur le nez, bref plusieurs autres railleries. Enfin, c’est un bon expedient pour les peintres ignorans, ou qui voudront expedier besogne, de couvrir de semblables voiles tous les endroits les plus considerables et les plus difficiles de leurs ouvrages, afin de donner à mediter sur la beauté qui peut estre cachée dessous.
Huret, Grégoire, Optique de portraicture et peinture(publi: 1670), p. 108 (fran)
Tout son livre[Explication : le Trattato de Lomazzo.] n’est remply d’autres choses que d’une multitude d’allusions, de comparaisons, et de distinctions ridicules et entierement inutiles, avec quantité de mots mal adaptez, comme de nommer forme ce qui n’est que figure ; comme aussi il n’a pas oublié le chef-d’œuvre de Thymanthe en son voile d’Agamemnon, non plus que le tableau où Protogene appliqua quatre couches de couleurs pour le faire durer davantage ; ensemble plusieurs autres fables de Pline etc. touchant la peinture.
Lamy, Bernard, La Rhétorique ou l’art de parler(publi: 1675), « La parole est un tableau de nos pensées. Avant que de parler il faut former dans son esprit le dessein de ce tableau » (numéro I, 2) , p. 113 (fran)
Cette brièveté si nécessaire pour rendre un ouvrage net et fort, ne consiste pas dans le seul retranchement de tout ce qui est inutile ; mais dans le choix de certaines circonstances qui tiennent lieu de plusieurs choses que l’on ne dit pas. À peu près comme fit Timanthe ce fameux peintre de l’Antiquité, pour représenter dans une petite table la grandeur prodigieuse d’un géant. Il le peignit couché par terre, dormant au milieu d’une troupe de satyres, qui se jouaient autour de lui. L’un mesurait sa tête, un autre appliquait un thyrse à son pouce, faisant connaître par cette invention ingénieuse quelle était la grandeur de ce corps, dont les plus petites parties étaient mesurées avec le thyrse d’un satyre. Ces inventions demandent de l’esprit et de l’application. C’est pourquoi un auteur fort célèbre[Note contexte] qui avait cette adresse de renfermer beaucoup de choses en peu de paroles, s’excuse agréablement de ce que l’une de ses lettres est trop longue, sur ce qu’il n’avait pas eu le loisir de la faire plus courte.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst(publi: 1678), « Van de hartstochten en driften des gemoeds: Zijnde het eerste lit in de tweede waerneminge; te weten van de daed der Historie » (numéro III, 8) , p. 110-111 (n)
- [1] 2. Boek
- [2] Verscheide droef heden
- [3] Droef heyt Marie.
Wat vorder de droef heit betreft, den vermaerden Timanthus zijn Iphigenia voor het Altaer en offerreede schilderende, maekte al den omstand droevich schreyende, over’t sterven van d’onschuldige [1] maegt, maer zoodanich, datmen yders treuricheyt van eens anders kon [2] onderscheiden : want den waerzegger Kalchas stont’er gansch bedroeft, Ulisses zwaermoedich, Ajax als raezende tegen de goden, en Menelaus als haer Oom jammerlijk weenende. Maer als hy quam tot Agamemnon, zoo maekte hy hem het aenschijn bedekt, met een slip van sijn mantel, om dat hem den druk des benaeuden en jammerenden Vaders, over’t nootlot van zijn lieve Dochter, onmogelijk dacht te kunnen uitdrukken. Hier en kan ik niet voorbygaen, hoe wy Schilders gewoon zijn, in het bitter lijden Christi, de Moeder Maria, als den Zalichmaker aldernaest, met de grootste beweeging, die ons mogelijk is, uit te beelden: ’t welk gemeenlijk is met haer te doen bezwijmen, en in d’armen van d’andere Maryen van haer zelve te doen vallen: groote Meesters hebben dit niet oneygen geacht, wy hebben [3] ook hier in nagevolgt. Maer zeekeren Johannes, tans by de zijne genoemt Bisschop van Uitrecht, beweert in zeeker tractaet, dat deze wijfsche teederheyt aen de grootmoedige en hoog verlichte Maegt niet en past, die haer zoo gansch overgegeven hadde, om alles wat haer van God overquam, geduldich te lijden. ’t Welk ook van Metaphrastes uit zeekere oude schriften betuigt wordt, en dat zy haer wel betoonde als een Moeder, maer Moeder van den geenen, die aen de hartstochten maet stelde. Johannes den Evangelist zegt, dat zy met d'andere Maryen by den kruisse stont, en aldaer het bevel ontfing, van den Discipel, dien de Heere lief hadde, tot Zoon aen te nemen, en van hem als Moeder aengenomen te worden. Ik, wat my aengaet, wil haer in ’t toekomende liever, met Timanthus, als Agamemnon het aenschijn bedekken, als my, met haer te veel weemoedicheyt, of anders te veel stantvasticheyt toe te eygenen, te vergrypen. Dit dient echter by een vernuftich Schilder vast te staen, dat hy de beweegingen van droef heyt, zoo veel hem mogelijk is, nae den aerd en eygenschap der Persoonen, of meerder of minder doe blijken. De Stoiken riepen, dat deeze hartstocht een rechtschaepen man noit en behoorde te beweeen: maer de Schilders en Treurdichters geven aen haere Tafereelen en Toneelen, door het uitbeelden van verscheyde droef heden en jammerklachten, het beste sieraet.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst, « Première partie de la deuxième observation concernant l’action de l’histoire : les sentiments et les passions de l’âme » (numéro III, 8) , p. 214-215 (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Pour ce qui concerne à présent la tristesse, le fameux Timanthe peignit son Iphigénie devant l’autel et le sacrifice. Et il fit pleurer de tristesse tous les spectateurs sur la mort de l’innocente vierge, mais d’une telle façon que l’on pouvait différencier la tristesse des uns et des autres. Car le devin Calchas se tenait debout, tout affligé. Ulysse était mélancolique. Ajax semblait furieux contre les dieux. Ménélas pleurait plaintivement comme son oncle. Mais lorsque Timanthe en vint à représenter Agamemnon, il lui fit le visage recouvert par un pan de son manteau, parce qu’il pensait qu’il était impossible d’exprimer l’émotion de ce père effrayé et plaintif devant le destin de sa chère fille. Et je ne puis ici manquer (bien que nous, peintres, y soyions habitués) de représenter dans l’amère Passion du Christ la mère Marie, quand elle fut la plus proche du Sauveur, en lui donnant la plus grande émotion qui nous est possible, ce que l’on fait habituellement en la faisant s’évanouir et en la faisant tomber dans les bras des autres Marie. Les grands maîtres ne l’ont pas fait improprement, et nous les avons aussi suivis en cela. Mais un certain Johannes, nommé aujourd’hui évêque d’Utrecht par les siens, prétend en un traité que cette tendresse féminine ne convient pas à la Vierge. Celle-ci doit être généreuse et très soulagée, car elle s’était dévouée corps et âme à souffrir avec patience de tout ce qui lui venait de Dieu. Siméon Métaphraste en témoigne aussi dans certains anciens écrits, disant qu’elle se montra bien comme une mère mais comme la mère de celui qui mesure les passions. Jean l’Evangéliste dit qu’elle se tenait près de la Croix, avec les autres Marie, à l’endroit où elle reçut l’ordre de prendre comme fils le disciple que le Seigneur avait aimé et d’être acceptée par lui comme mère. Pour ce qui me concerne, je préférerais à l’avenir lui recouvrir le visage, comme Timanthe avec Agamemnon, plutôt que de lui attenter en lui donnant trop de mélancolie ou, à l’inverse, en le représentant trop impassible. Il est toutefois utile qu’un peintre ingénieux sache bien faire apparaître, autant que cela lui est possible, les mouvements de la tristesse plus ou moins en fonction du caractère et des propriétés des personnages. Les Stoïciens en appelaient à ce que ces passions n’agitassent pas l’homme véritable. Mais c’est par la représentation des tristesses et des lamentations variées que les peintres et les tragédiens procurent à leurs tableaux et à leurs scènes le meilleur ornement.
Malvasia, Giulio Cesare, Felsina pittrice(publi: 1678), "Lodovico, Agostino et Annibale Carracci" (numéro Parte terza) , t. I, p. 447-448 (italien)
Nel capitolo della nostra cathedrale[Note contexte], il nuovo capriccio di quel S. Pietro che in compania degli apostoli si genuflette a passar ufficio di consoglienza per la morte del suo Maestro e Signore, con la SS. Vergine Madre ; e dove, dopo averci fatto vedere il detto S. Pietro sì amaramente al solito piangere, la gran Madre del morto Redentore sì addolorata, gli apostoli così lagrimosi, non sapendo come più e meglio rappresentare una sì sterminata maestizia nell’altra Maria, la finse ricopertasi tutto il volto col manto, piangervi sotto ; siccome Timante finse il volto velato ad Agamemnone, per non saperlo far piangere più degli altri (ciò dovendosi a lui come a Padre) la figliuola Ifigenia, vittima già destinata alla mannaia sul altare, e simili che si lasciano, come più proporzionato oggetto alla fortunata vista dei dotti spettatori che all’imperita mia riflessione.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst(publi: 1678), « Hoemen zich van eens anders werk dienen zal » (numéro V, 6) , p. 193-194 (n)
- [1] Poëten naevolgen
Dewijl ook de Poëzy met de Schilderkonst in veel dingen gelijk loopt, [1] zoo zal ’t onze Schilderjeugt geoorloft zijn, met het stomme penseel, de spreekende penne der dichters te volgen. Phidias schaemde zich niet te belijden, dat hy het weezen en de grootzicheyt van zijnen Eleaenschen Jupiter van Homerus ontleent hadde. Zoo heeft ook Apelles zijne Diane nae des zelven Poëets voorschrift geschildert. Timanthus bracht ook zijnen Agamemnon, met een sleuijer bedekt in zijn Tafereel, gelijk hem Euripides, by ’t offer van Iphigenia, had op ’t toneel gevoert. Zoo volgde Praxiteles denzelven Euripides in zijnen Bacchus. En voorts alle andere Schilders en beelthouwers denzelven in ’t uitbeelden van Medea.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst, (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Puisque la poésie suit aussi en de nombreuses choses un chemin parallèle à celui de l’art de peinture, il sera permis à notre jeune peintre d’imiter la plume parlante des poètes. Phidias n’eut pas honte de confesser qu’il avait emprunté l’apparence et la majesté de son Jupiter Eléen à Homère. C’est ainsi qu’Apelle a peint également sa Diane d’après les indications du même poète. Timanthe introduit aussi dans son tableau la figure d’Agamemnon recouvert d’un voile, comme Euripide l’avait mis sur la scène, dans son sacrifice d’Iphigénie. C’est ainsi que Praxitèle imita ce même Euripide dans son Bacchus, et ensuite que tous les autres peintres et sculpteurs imitèrent ce même Euripide pour représenter Médée.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst(publi: 1678), « Van de minzaeme harmonie, of gevoeglijkcheyt en maetschiklijkheit in hoegrootheit » (numéro V, 3) , p. 184 (n)
- [1] Satyrs teger een reus vergeleken
- [2] Maetschiklijkheyt
Plinius stelt, op’t [1] waernemen van hoegrootheit, den slaependen Reuze van Timanthes ten voorbeelt: want hy had’er, zegt hy, eenige Satyrs by geschildert, die zijnen duim met wilde klimop afmaten, om de grootte van een Reus, in zoo kleinen stuk werks (want het was maer een tafereelken) te beter te verstaen te geven. En hier by voegt hy dezen lof: Datmen altijts een dieper zin in zijne werken vond, alsmen in’t eerste aenzien wel zoude vermoed hebben. Zoo dat, schoon zijn konst groot was, zijn verstant die noch verr overtrof.
Vorder wat dwaesheyt waer het, een Oliphant met een Muis in eenderley gareelen te slaen? En een vlieg van geen kameel in hoogte t’onderscheyden? [2] Men slae dan acht op de natuer, die de groote dingen een Reusachtige grootsheyt, en de kleyne een onnaespeurlijke netticheyt mededeelende, dezelve op een behaeglijke wijze tegen elkander vergelijkt.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst, « De l’aimable harmonie, ou convenance et proportion des grandeurs » (numéro V, 3) , p. 310 (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Deuxièmement, il faut veiller à comparer en proportion les choses entre elles. Il est également nécessaire de remarquer comment un corps se montre par rapport à un autre. Sur l’observation de la grandeur, Pline donne l’exemple du Géant endormi de Timanthe. Car il avait, dit-il, peint près de lui quelques satyres mesurant son pouce avec un lierre sauvage, afin de mieux faire com- prendre la taille du géant dans une si petite œuvre – car il ne s’agissait que d’un tableautin. Et il ajoute à cela cet éloge : on trouvait toujours un sens plus profond en ses œuvres que l’on pouvait bien le supposer au premier coup d’œil, si bien que, quoique son art fût grand, son entendement le surpassait bien plus encore. Quelle sottise ce serait encore de donner à un éléphant le même harnais qu’à une souris, et de ne pas différencier la taille d’une mouche de celle d’un chameau ! Il faut ainsi prêter attention à la nature qui, départissant aux grandes choses une grandeur gigantesque et aux minuscules un fini indiscernable, les compare les unes aux autres d’une plaisante façon.
Valère-Maxime; Cantel, Pierre-Joseph, Valerii Maximi Exemplorum memorabilium libri novem. Interpretatione et notis illustravit Petrus Josephus Cantel,... jussu christianissimi Regis, in usum serenissimi Delphini(publi: 1679) (VIII, 11, exemplum externum 6)(latin)
Quid ille alter aeque nobilis pictor, luctuosum immolate Iphigeniae sacrificium referens, cum Calchanta tristem, maestum Ulixen, clamantem Aiacem, lamentantem Menelaum circa aram statuisset, caput Agamemmnonis inuoluendo nonne summi mæroris acerbitatem arte non posse exprimi confessus est ? Itaque pictura eius aruspicis et amici et fratris lacrimis madet, patris fletum spectantis affectui aestumandum reliquit.
Valère Maxime (Valerius Maximus), Factorum dictorumque memorabilium libri IX , (trad: 1935)(trad: "Faits et dits mémorables" par Constant, Pierre en 1935)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Que dirais-je de cet autre peintre non moins célèbre qui présenta le sacrifice si douloureux d’Iphigénie ? Après avoir placé autour de l’autel Calchas l’air abattu, Ulysse consterné, Ménélas poussant des plaintes, il couvrit d’un voile la tête d'Agamemnon : n’était-ce pas avouer que l’art ne saurait exprimer la douleur la plus profonde et la plus amère ? Il nous montre un aruspice, un ami, un frère en pleurs, son tableau est comme mouillé de leurs larmes ; mais il laissa la sensibilité du spectateur mesurer la douleur du père.
Félibien, André, Entretiens sur la vie et les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, vol. 3(publi: 1679) (VIe Entretien), p. 232-233 (fran)
Et parce que, dit Pymandre, on ne connoist pas toujours aisement quelle est la douleur des femmes à la mort de leurs maris, le Poussin a laissé à deviner dans son tableau celle d’Agrippine qui se cache le visage avec un mouchoir[Note contexte]. C’est l’adresse de cet excellent peintre, repartis-je, qui n’a pas creu devoir exprimer une douleur excessive, qu’en couvrant le visage de cette princesse, à l’imitation de cet ancien peintre[Explication : Timanthe.] que nous venons de nommer.
Germain, Des peintres anciens et de leurs manières(publi: 1681), p. 123-124 (fran)
Timante, peintre illustre, florissoit vers l’an du monde 3600. Quintilien, L. 11, c. 13, et Pline, l. 35, lui donnent la louange d’avoir fait connoître et imaginer dans ses peintures beaucoup plus de choses qu’il n’en représentoit en effet. In omnibus eius operibus, intelligitur plus semper quam pingitur. Témoin le Cyclope dormant qu’il représenta sur une piece de cuivre de la largeur de l’ongle[1], étendu de son long, et entouré de satyres, qui lui mesuroient le pouce avec une gaule, afin de sçavoir les dimensions de sa stature gigantesque ; témoin encore cette piece si célebre dans les histoires du sacrifice d’Iphigénie, et qu’il entreprit par un défi contre Colothen, qu’il surmonta, tant par la délicatesse de ses traits, que par l’industrie de son art ; car on dit qu’après y avoir représenté de la maniere du monde la plus touchante, tous les illustres parens de cette infortunée princesse dans une désoléation extrême à la vue du triste appareil du sacrifice et de la mort de cette innocente victime, quand il vint à dépeindre Agamemnon son pere, il lui couvrit le visage d’une partie de son manteau, pour insinuer par cet ingénieux artifice dans l’esprit des spectateurs une idée de la douleur et du désespoir de ce pere affligé, beaucoup plus grande et plus persuasive, que s’il la leur avoit tracée avec le pinceau. Et videntibus, dit Valere Maxime, l. 8, c. 11, cogitandum relinqueret summum illum luctum, quem penicillo non posset imitari.
- [1] Note de Cochin, 1760 : C’est un trait de jugement, mais un tableau grand comme l’ongle, difficilement mérite de passer à la postérité.
Pline l’Ancien; Hardouin, Jean, Caii Plinii Secundi Naturalis historiae libri XXXVII. Interpretatione et notis illustravit Joannes Harduinus,... in usum Serenissimi Delphini(publi: 1685), t. V, p. 205 (latin)
Nam Timanthi vel plurimum affuit ingenii. [1]Ejus enim est Iphigenia oratorum laudibus celebrata, qua stante ad aras peritura, cum moestos pinxisset omnes, praecipueque patruum, et tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, patris ipsius vultum velavit, quem digne non poterat ostendere. Sunt et alia ingenii ejus exemplaria, veluti Cyclops dormiens in parvula tabella: cujus et sic magnitudinem exprimere cupiens, pinxit juxta Satyros, thyrso pollicem ejus metientes. Atque in omnibus ejus operibus intelligitur plus semper, quam pingitur: et cum ars summa sit, ingenium tamen ultra artem est.
- [1] Ejus enim est Iphigenia. De hac pictura Valer. Max. lib. 8. cap. XI. pag. 400. Quid ille alter aeque nobilis pictor, luctuosum immolatae Iphigeniae sacrificium referens, cum Calchanta tristem, moestum Vlyssem, clamantem Ajacem, lamentantem Menelaum, circa aram statuisset, caput Agamemnonis involvendo nonne summi moeroris acerbitatem, arte exprimi non posse confessus est ? Vide et Tullium in Orat. num. 73 et Fabium, qui hoc elegantius prodidit, lib. 2. cap. 13 pag. 145.
Aglionby, William,, Painting Illustrated in Three Diallogues, Containing Choice Observations upon the Art(publi: 1685), Dialogue II, p. 41-42 (anglais)
Timantes, on the contrary, was of a sweet, and modest temper, and was admirable in the expression of passions; as appear’d in his famous picture of the Sacrifice of Iphigenia; where he drew so many different sorts of sorrow upon the faces of the spectators, according to the concerns they had in that tragical piece of religion, that being at last come to represent Agamemnon’s face, who was the father to the virgin, he found himself exhausted, and not able to reach the excess of grief that naturally must have been showed in his countenance upon that occasion; and therefore he covered his face with a part of his garnment; saving thereby the honour of his art, and yet giving some idea of the greatness of the father’s sorrow. His particular talent lay, in giving more to understand by his pictures, than was really express’d in them; as he shewed in the picture of a Polyphemus asleep, in little; where to intimate his gigantick proportion, he feigned some satyrs who were measuring the highness of his thumb.
Bouhours, Dominique, La Manière de bien penser dans les ouvrages d’esprit(publi: 1687) (Second Dialogue), p. 187-188 (fran)
- [1] Sunt qui sensus præcidant, et hinc gratiam sperent, si sententia pependerit, et audienti suspicionem sui fecerit. Senec. Ep. 114
- [2] In omnibus ejus operibus intelligitur plus semper quam pinguitur, et cum ars suma sit, ingenium tamen ultra artem est. Hist. natur. lib. 35. c. 10
Toutes ces pensées au reste sont de la nature de celles que Séneque nomme coupées et mysterieuses, ou l’on entend plus que l’on ne voit [1] ; comme dans ces tableaux dont Pline dit que quoy qu’il n’y eust rien de mieux peint, et que l’art y fust en sa perfection, les connoisseurs y découvroient toûjours quelque chose que la peinture ne marquoit pas, et trouvoient mesme que l’esprit du peintre alloit bien plus loin que l’art. [2]
[Callières, François de], Histoire poëtique de la guerre nouvellement déclarée entre les Anciens et les Modernes(publi: 1688) (livre onzième), p. 250-251 (fran)
Apelles, Protogenes et Thimante s’étant joints à leur conversation, je voudrois, dit Thimante, qu’ils posassent quelques-uns de leurs tableaux à mon tableau du sacrifice d’Iphigenie, qui fut admiré de toute la Grece à cause des differentes expressions de douleur et de pitié, que j’y marquay sur tous les visages des assistans à proportion de l’interrest qu’ils y prenoient, ainsi que l’art que j’eus d’y representer Agamemnon, le visage couvert d’un voile, pour faire connoître que la doulceur de ce pere affligé étoit au dessus de la plus vive expression, je voudrois qu’ils vissent mon Ciclope dormant, ou malgré le petit espace du tableau, je le peignis d’une figure gigantesque artificieusement marquée par de petits satyres qui mesuroient le tour de son pouce.
Dacier, André, La Poetique d’Aristote, contenant les Regles les plus exactes pour juger du Poëme Heroïque, et des Pieces de Theatre, la Tragedie et la Comedie, traduite en françois avec des remarques critiques sur tout l'ouvrage(publi: 1692), p. 287-288 (espagnol)
En mas estimo un descendimiento de la Cruz que pintó Antonio de Corregio en Parma, donde nuestra Señora se muestra dolorosísima con suma modestia, dando mucha expresion de sentimiento á S. Juan y á otras figuras; con todo tuvo bastante caudal para henchir omnem imaginem tristitiae en la Magdalena, quae plus ardebat caeteris, la qual figura ha sido celebrada, de suerte, que ella sola anda retratada en innuberables quadros de por sí.
n. 12: Celebrale mucho Plinio y otros autores, y en especial Quintiliano para declarar la variedad de los generos y formas de decir que han tenido los oradores; porque como á Salustio le faltáron palabras para significar dignamente las cosas de Cartago, y lo disimuló con este color retorico de decir, porqe de Cartago mas vale callar que decir poco. Asi á Timantes faltándole afectos de tristeza para el padre, lo disimuló con cubrirle el rostro, porque habiendo pintado en la inmolacion y sacrificio de Ifigenia triste á Calcante, y añadiendo mas tristes á Ulises y á Menelao, consumidos ya todos los afectos, no hallando mas suma tristeza, que pudiese hacer el arte para poder significar dignamente el rostro triste del padre, le cubrio su cabeza y rostro, dando al ánimo de cada uno el pensar sobre el grado de su tristeza.
Loménie de Brienne, Discours sur les ouvrages des plus excellents peintres anciens et nouveaux(redac: 1693:1695), col. 158-159 (fran)
Aussi Le Brun, l’Appelle de la France
Dans ce tableau scut marquer sa constance
Loin de cacher le visage et les yeux
Il les a peints elevez vers les cieux,
Et plus scavant en ce point que Timanth[e]
La fermeté du père m’épouvante
Encore plus que ne fait le trépas
D’une victime aussy pleine d’appas
Qu’en eut sa fille, offerte en anathème
En ce grand jour par le père luy mesme.
Dans ce tableau, Le Brun s'est surpassé
Et ce tableau, ne s'est point effacé
De ma mémoire, où Je croy voir encore
Cette Jephté plus belle que l'aurore
Junius, Franciscus, De pictura veterum(publi: 1694) (III, 1, 19), p. 157 (latin)
Timanthes certe, quem in Iphigeniæ immolatione ingenii palmam lutisse scriptores judicant, inventionem hanc videtur hausisse ex Euripidis in Iphigenia Aulidensi verbis :
— Ως δ’ἐσεῖδεν Αγαμέμνων ἄναξ
Επὶ σφαγὰς στείχουσαν εἰς ἄλσος κόρην,
Ανεστέναζε· κἄμπαλιν στρέψας κάρα,
Δάκρυα προήγεν, ὀμμάτων πέπλον προθείς.
Junius, Franciscus, De pictura veterum(publi: 1694) (III, 1, 13), p. 152 (latin)
Timanthi certe, in ea qua Coloten vicit, tabula, quædam operanda sibi animadvertit, aut ostendi ea non debere, aut pro dignitate exprimi non posse, judicans. Quamobrem Cum in Iphigeniæ immolatione pinxisset tristem Calchantem, tristiorem Vlixen, addidisset Menelao quem summum poterat ars efficere mærorem ; consumptis affectibus, non reperiens quo digno modo patris vultum posset exprimere, velavit ejus caput et suo quique animo dedit æstimandum, Quintil. 11, 13. De hoc plenius aliquanto Plinius XXXV, 10 : Timanthi vel plurimum adfuit ingenii. Ejus enim est Iphigenia, oratorum laudibus celebrata : qua stante ad aras peritura, cum mœstos pinxisset omnes, praecipueque patruum ; cum tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, patris ipsius voltum velavit, quem digne non poterat ostendere. Sunt et alia ingenii ejus exemplaria ; veluti Cyclops dormiens in parvola tabella : cujus et sic magnitudinem exprimere cupiens, pinxit juxta Satyros thyrso pollicem ejus metientes : atque in omnibus ejus operibus intellegitur plus semper, quam pingitur ; et, cum sit ars summa, ingenium tamen ultra artem est.
Junius, Franciscus, De pictura veterum(publi: 1694), "Catalogus [...] pictorum", p. 214 (latin)
Timanthi vel plurimum adfuit ingenii. Ejus enim est Iphigenia, oratorum laudibus celebrata : qua stante ad aras peritura, cum mœstos pinxisset omnes, praecipueque patruum ; cum tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, patris ipsius voltum velavit, quem digne non poterat ostendere. Sunt et alia ingenii ejus exemplaria ; veluti Cyclops dormiens in parvola tabella : cujus et sic magnitudinem exprimere cupiens, pinxit juxta Satyros thyrso pollicem ejus metientes : atque in omnibus ejus operibus intellegitur plus semper, quam pingitur ; et, cum sit ars summa, ingenium tamen ultra artem est. Pinxit et Heroa absolutissimi operis, arte ipsa complexus vires pingendi : quod opus nunc Romæ in templo Pacis est, Plinius lib. XXV, cap. 10.
Hanc Iphigeniæ tabellam, quam oratorum laudibus celebrata dixit Plinius, tangit Cicero de perfecto oratore : Pictor ille vidit, cum immolanda Iphigenia tristis Calchas esset, tristior Vlixes, maereret Menelaus, obvolendum caput Agamemnonis esse, quoniam summum illum luctum penicillo non posset imitari. Refer et ad eandem Virgilii in Ætna, Velatusque pater. Scite quoque hujus ipsius tabellæ mentionem injicit Quintilianus Orat. institut. lib. 11, cap. 13 : Cum in Iphigeniæ immolatione pinxisset tristem Calchantem, tristiorem Vlixen, addidisset Menelao quem summum poterat ars efficere mærorem ; consumptis affectibus, non reperiens quo digno modo patris vultum posset exprimere, velavit ejus caput et suo quique animo dedit æstimandum. Val. Maximus libro octavo, cap. 11, exemplo externo 6 : Nobilis pictor luctuosum immolatæ Iphigeniæ sacrificium referens, cum Calchantem tristem, clamantem Ajacem, lamentantem Menelaum circa aram statuisset ; caput Agamemmnonis involvendo nonne summi mæroris acerbitatem arte non posse exprimi confessus est ? Itaque pictura ejus, aruspicis, amicorum, et fratris lachrymis madet, patris fletum spectantis affectu æstimandum reliquit. Vide quoque Tzetzem Chi. VIII, hist. 198.
Minime interim hoc in loco prætermittanda sunt verba Eustathii ad vers. 163. Iliad. Ω, edit. Romanæ pag. 1343 : Ὑπερβολὴν φασι πένθους ἄξιαν οὐχ εὐρίσκων ὁ ποιητὴς τῷ γέροντι περιθεῖναι, καλύπτει αὐτόν· καὶ οὐ μόνον σιγῶντα ποιεῖ, ἀλλὰ καὶ μὴ δὲ βλεπόμυνον. Ἐντεύθεν φάσιν ὁ Σικθώνιος γραφέυς Σημάνθης (lege Τιμάνθης) τὴν ἐν Ἀυλίδι σφαγὴν τῆς Ἰφιγενείας, ἐκάλυψε τὸν Ἀγαμέμνονα : Poëta non inveniens aliquam doloris exuperantiam, quam digne tanto mœrori sensus adderet, operit eum ; neque tantum sientem facit, sed totum e conspectu veluti amovet. Hinc Sicyonius pictor Timanthes pingens illam Iphigeniæ mactationem in Aulide, obvelavit Agamemnonem. Hanc igitur inventionem capitis in gravissimo luctu obtecti non tam solertiae Timanthis tribuere videtur Eustathius, quam quod ipse Timanthes hac in re institerit Homeri vestigiis. Dalechampius vero censet benevolam posteritatem prono favore solertis ingenii famam in Timanthem contulisse, licet ipse artifex hanc acerbissimi doloris imaginem hausisse deprehendatur ex illa descriptione Agamemnonis inconsolabili dolore confecti, quam exhibebat ei Euripidis Iphigenia in Aulide, versu 1550 :
— Ως δ’ἐσεῖδεν Αγαμέμνων ἄναξ
Επὶ σφαγὰς στείχουσαν εἰς ἄλσος κόρην,
Ανεστέναζε· κἄμπαλιν στρέψας κάρα,
Δάκρυα προήγεν, ὀμμάτων πέπλον προθείς.
Rosignoli, Carlo Gregorio, La Pittura in giudicio overo il bene delle oneste pitture e’l male delle oscene(publi: 1697), « Saggia ammenda delle figure ignude col vestirle » (numéro cap. X, §2) , p. 187-188 (italien)
Direte forse, che in quel velo non tanto fu lodata la leggiadria dell’opera, quanto l’invention dell’ingegno. Sia così : e così facciasi. Truovisi qualche ingegnoso colorito per coprire, e panneggiare l’impuro Amore : come Timanthe trovò artificio di velare un immenso dolore nel celebre quadro d’Ifigenia, in cui erano tante belle figure addolorate per lo crudel sacrificio di lei : e pure portò il vantaggio sopra tutte quel pannolino, col quale Agamennone, padre della vergine, si copriva il volto, in atto di rasciugar gli occhi. Con che volle significare il pittore, che il suo pennello non valeva ad esprimere il cordoglio del padre ; havendo consumata tutta l’industria in effigiar l’affanno degli altri circostanti : [1]Cum tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, patris ipsius vultum velavit, quem digne non poterat ostendere. Tanto può l’Arte, che l’arguto velo scopriva il dolore, che pur copriva. E per dire alcuna cosa di più moderno. Tra le molte figure, che rappresentano le gloriose imprese della Vergine e Martire Santa Caterina, fu sempre ammirata la pretiosa veste, con la quale comparve nel Tempio a riprender l’Imperador Massimino della sua impietà. Il qual manto fu colorito con sì bella varietà di fiori, che vi si vede il biancolattato de’gigli, l’incarnato acceso delle rose, e’l cangiante maraviglioso degli anemoni. Opera d’eccellentissimo pennello, [2]quam imitati sunt multi, æquavit nemo : come disse Plinio d’un altra pittura.
- [1] Idem l. 35. c. 10.
- [2] L. 25. c. 11.
Rosignoli, Carlo Gregorio, La Pittura in giudicio overo il bene delle oneste pitture e’l male delle oscene(publi: 1697), Conclusione, p. 299 (italien)
Ho imitato (se mi è lecito così dire) l’industria di Timante, il quale, dovendo effigiare dentro angusta tavoletta Polifemo smisurato gigante, non sapea com’esprimere in picciol sito la vasta statura di sì gran corpo. Perciò dipinselo in iscorcio, disteso in fianco a riposo, con due satiri a lato, che con un tirso gli misuravano la grandezza del pollice : affinche i riguardanti dalla proportion di quel dito arguissero, quanta ne fosse la mano, quanto il braccio, e quanta tutta la corporatura. Onde di Timante lasciò scritto Plinio : [1]In operibus eius intelligitur plus semper, quam pingitur : Così in queste poche carte, con semplici bozze ho ristretto alcuna cosa di quel molto, che in sì ampia materia delle pitture buone e ree, si potrebb’esporre ; lasciando che altri da questo tenue saggio ne conghietturi i gran beni, e i gran mali.
- [1] L. 35. c. 10.
Nivelon, Claude, Vie de Charles Le Brun(redac: (1698)), p. 202-204 (fran)
Le tableau d’Iphigénie, qui était placé sur une cheminée, est un sujet de feu, qui a été ingénieusement choisi pour venir au but de ces belles pensées. Il est composé en cette manière : il est écrit que les Grecs étant prêts à faire voile du port de l’Aulide pour passer en Asie au siège de Troie et y étant arrêtés des vents contraires par le courroux de Diane (à cause qu’Agamemnon, chef de leur armée, avait tué à la chasse, dans la forêt d’Aulide, une biche qui lui était consacrée), l’oracle ayant marqué qu’il fallait apaiser cette déesse par l’expansion du sang de celui qui avait commis cette faute, et cet oracle étant interprété, le sort tomba sur la fille de ce prince, et sur le point qu’elle devait être sacrifiée pour cet intérêt commun, Diane, ayant compassion de cette beauté, l’enleva dans une nuée, supposant une biche en sa place, et la transporta dans une autre région, où, selon les poètes, elle fut prêtresse de cette déesse.
Le père de cette fille est à genoux sur un petit gradin ou marchepied d’or, orné des marques royales, en action de de couvrir ou de couvrir le visage, du côté de l’objet, d’un grand manteau de pourpre, et est disposé de sorte qu’il paraît ne le pouvoir. Cette duplicité d’action jointe au mouvement qu’il fait de se renverser un peu en arrière en ouvrant la main droite qui marque de l’étonnement, exprime savamment le combat de son esprit, qui ne peut, comme père, voir un coup si sensible, qu’il voudrait cependant voir faut une volonté bien déterminée, combattue d’amour, de crainte et du désir de voir, paraissant y être excité par une certaine commotion qui lui excite tous ses mouvements et que l’on juge aisément être causée des exclamations publiques qui arrivent aux spectacles, sans que l’on juge distinctement ce que c’est. Ce qui est délicatement dépeint dans cette belle et principale figure, et qui est si difficile, sans choquer l’Antiquité, qu’un de ces peintres savants, se trouvant dans l’impuissance, par son art et sa science, de représenter cet épisode peu commun et de rendre cette douleur et ce combat d’esprit visibles, se contenta, ou ne crut pouvoir mieux faire pour l’exprimer que de représenter son héros le chef entièrement couvert.
Commentaires : attacher gravure Le Brun
Dupuy du Grez, Bernard, Traité sur la peinture(publi: 1699), p. 53 (fran)
Timanthe, dont l’esprit êtoit extraordinaire pour l’invention : ce peintre ayant representé le sacrifice d’Iphigénie fille d’Agamemnon : on y voyoit la tristesse peinte sur tous les visages : mais elle paroissoit particulierement sur celuy de Ménélas son oncle : de sorte que ne pouvant rien faire au-delà, il s’avisa de lui cacher le visage avec une draperie. C’est aussi ce qu’a fait le chevalier Bernin à Rome dans la statuë du Nil, dont il a caché la tête, parce que la source de ce fleuve êtoit autrefois inconnue. Voici un autre exemple de l’esprit de Timanthe : il avoit peint un Cyclope qui dormoit, dont il vouloit faire comprendre la grandeur : il s’imagina de faire des Satyres qui mesuroient la longueur de ses doigts avec leur tirse.
Piles, Roger de, Abrégé de la vie des Peintres, avec des reflexions sur leurs ouvrages, et un Traité du Peintre parfait, de la connoissance des Desseins et de l’utilité des Estampes(publi: 1699), p. 118-119 (fran)
Parmi les ouvrages qu’il a faits, le plus célébre, et dont quantité d’auteurs ont parlé avec éloge, est le Sacrifice d’Iphigénie. Cette jeune fille y paroissoit d’une beauté surprenante, et sembloit volontairement dévouée à sa patrie. Le peintre qui y avoit réprésenté Calchas, Ulysse, Ajax, Ménélas, amis et parens de cette fille, s’étant épuisé à donner à chacun d’eux les caractéres différens de tristesse, selon la convenance des personnes, peignit Agamémnon, père d’Iphigénie, le visage caché dans sa draperie, ne pouvant d’une autre maniére éxprimer assez dignement les effets de sa douleur. De sorte que les éxpressions qui paroissoient sur le visage du frére et de l’oncle de cette victime, faisoient juger de l’état douloureux où pouvoit être le pére.
Timanthe ayant fait une autre fois dans un petit tableau un Cyclope dormant, s’avisa, pour faire juger de sa grandeur, de peindre auprés de luy des satyres qui mésuroient son pouce avec un tyrse, qui est une espéce de bâton fort haut. Pline fait mention des principaux ouvrages de Timanthe, et dit que ce peintre donnoit à entendre beaucoup plus de choses qu’il n’en avoit peint.
Palomino, Antonio, El museo pictórico y escala óptica(publi: 1715:1724), “Metáfora natural” (numéro Tomo I, Teórica della pintura, I, 7, §5) , vol. 1, p. 153-154 (espagnol)
[1] La metáfora natural, es aquella, que mediante algún signo natural, manifiesta el concepto del pintor. Tal fue la que expresó Nealces, ingenioso artífice; el cual, habiendo pintado una batalla naval entre persas y egipcios, para dar a entender, que ésta fue en el Nilo, cuyas aguas no tenían diferencia de las demás, puso un jumentillo bebiendo, y un cocodrilo acechándole, por ser privativa de aquel célebre río la producción de semejantes fieras. Tal fue la discreción del ingenioso Timantes, que para demostrar la grandeza del gigante Polifemo, en la estrechez de una pequeña tabla, habiéndole puesto escorzado, puso unos satirillos de muy desigual tamaño a tan vasta mole, midiéndole el pulgar de un pie con un bastoncillo de cuatro palmos: con cuyo argumento se viene a inferir, que el jayán tenía cuarenta y nueve varas de alto; pues siendo el pie la séptima parte del pie, multiplicado el siete por sí mismo, viene a cumplir las dichas cuarenta y nueve varas. Tal fue la discreción de un moderno, que pintando el desconsuelo de Agar, sedienta en el desierto, puso volcada la botella del agua, que sacó de casa de Abraham. Tal la discreción de otro que pintando aquella misteriosa zarza de Moisés, que ardía sin consumirse, ni puso cenizas, ni humo, en cuyos dos extremos se resuelve cualquiera materia combustible; pues si para consumirse eran signos naturales el humo y la ceniza; por el contrario, para no consumirse, es signo natural carecer de estos dos extremos. Y de esta clase son todos los conceptos, que en virtud de signos naturales se demuestran.
- [1] voir aussi Néalcès
Palomino, Antonio, El museo pictórico y escala óptica(publi: 1715:1724), “Propiedades accidentales de la pintura”, §7 (numéro Tomo I, Teórica della pintura, II, 8) , vol. 1, p. 326 (espagnol)
¿Quién no celebra la discredión de Timantes en el sacrificio de Ifigenia, tan decantada de oradores, y poetas?
Palomino, Antonio, El museo pictórico y escala óptica(publi: 1715:1724), “Inteligencia quo debe tener el pintor de la fisionomia para sublimar la perfeccion de sus obras” (numéro Tomo II, Práctica della pintura, VIII, 2, 1) , vol. 2, p. 296 (espagnol)
- [1] Timantes, ingenioso en la fisionomía, y perturbaciones del semblante
Respecto de lo cual, non será fuera de nostro propósito el tratar aquí de la fisionomía (sin que sus indicationes perjudiquen a las virtudes, que pueden contrastarlas en diferentes sujetos) para que el docto, y prático pintor sepa la que debe aplicar a el héroe, que describe, que sea correlativa a la acción, en que le supone empleado. Non siendo la menor parte, la que pertenece a las perturbaciones, y accidentes, que immutan el afecto, y color, y desfiguran la constitución natural del semblante ; en que fué tan peregrino aquel pintor ingenioso Timantes, [1] que Plinio, pondera, que en sus obras se leía mucho más de lo que la vista registraba : como la manifestó en aquel celebre sacrificio de Ifigenia, donde apuró en los cicunstantes toda imagen expresiva de dolor ; sublimando tanto la perfeccioón de sus obras con este tan exquisito primor, que mereció le cediese en esta parte el gran Apeles, constituyendose panegirista de las obras de Timantes, menos estimado de lo que mereciía en su patria, no siendo él en esta parte negligente, pues en el retrado de Helena parece le pintó las costumbres ; y en otros que hacia adivinaba Apión (gran astrologo) los sucesos del retratado, por las expresiones de los retratos ; y sin embargo se empeñó en acreditar a su contemporáneo, sublimándole en esta parte. ¡Oh, cuántos Timantes hubiera, si hubiera muchos Apeles ! ¡ Pero el caso es, que presumen serlo, sólo para la emulación, mas no para el aplauso !
Richardson, Jonathan, An Essay on the Theory of Painting(publi: 1715), p. 95-96 (anglais)
Polydore, in a drawing of the same subject (which I also have) has finely expressed the excessive grief of the Virgin, by intimating it was otherwise inexpressible : her attendants discover abundance of passions, and sorrow in their faces, but hers is hid by drapery held up by both her hands : the whole figure is very composed, and quiet ; no noise, no outrage, but great dignity appears in her, suitable to her character. This thought Timanthes had in his picture of Iphigenia, which he probably took from Euripides ; as perhaps this if Polydore is owing to one, or both of them.
Richardson, Jonathan, An Essay on the Theory of Painting(publi: 1715), p. 105 (anglais)
The hyperbolical artifice of Timanthes to express the vastness of the Cyclops is well known, and was mighlty admired by the Ancient. He made several satyrs about him as he was asleep, some were running away as frightened, others gazing at a distance, and one was measuring his thumb with his thyrsus, but seeming to do it with great caution lest he should awake. This expression was copied by Giulio Romano with a little variation.
Palomino, Antonio, El museo pictórico y escala óptica(publi: 1715:1724), “Metáfora vultuosa” (numéro Tomo I, Teórica della pintura, I, 7, §7) , vol. 1, p. 156-157 (espagnol)
No fué menos excelente Zeusis, que en la pintura de Penelope, parece que le pinto las costumbres. Y asimismo Polignoto (segun Aristoteles) en las efigies, o retratos astrologos vaticinaban los sucesos del retratado, por las expresiones del retrato : pero en los efectos fué singularisimo el ingenioso Timantes ; pues en sus obras se entendia mas de lo que pintaba ; y con ser en el arte tan excelente, en el ingenio era superior al arte. De su eroico pincel fué aquel celebre sacrificio de Ifigenia, ilustrado de tantas linguas, como plumas, donded se miraba la doncella infelice, exou-esta en las aras a ser victima de la fiera diosa de las fieras, y todos los circunstantes con tales afectos de tristeza, que habiendo consumido en ellos toda imagen expresiva del dolor ; u debiendo exceder a todos la del padre, deconfiado de hallarla puntual, le cubrio el rostro, haciendo de la dificultad misterio, y del caso expedicion : efecto posibile del paternal amor ; o por no ver tragedia tan precisa como lastimosa ; o por enjugar las lagrimas tan lastimosas, como precisas ; dejando a la discrecion mas diligente la puntual delineacion del semblante, y logrando, con los elocuentes colores de la retorica, lo que no pudo con las mudas frases de la pintura.
No carece de apoyo en las sagradas letras esta discreción de Timantes ; pues delineando el sagrado historiador aquel funesto espectáculo de la muerte de Cristo Señor nuestro, hablando de su Madre Santísima, sólo dice, que estaba junto a la Cruz ; porque siendo Madre y estando junto a la Cruz, es menos cualquiera otra expresión de dolor : y así, no quiso demostrar el que padecía, dejándolo a la consideración del que lo meditare, haciéndose cargo de las circunstancias.
Du Bos, Jean-Baptiste, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture(publi: 1719) (II, 38), p. 127 (fran)
On sait avec quelle affection Pline vante le trait ingénieux de Timanthes qui peignit Agamemnon la tête voilée au sacrifice d’Iphigénie, pour marquer qu’il n’avait osé tenter d’exprimer la douleur du père de cette jeune victime. Quintilien parle de cette invention, comme Pline, et plusieurs écrivains de l’Antiquité en parlent comme Quintilien. C’est ce que fit Timanthes […] Ayant à représenter Iphigénie, il avait peint Calchas triste, Ulysse encore plus triste, et donné à Ménélas le maximum d’affliction, ne sachant pas comment rendre convenablement l’expression du père, il lui voila la tête et laissa à chacun le soin de l’imaginer à son gré.
Du Bos, Jean-Baptiste, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture(publi: 1719), « Qu’il est des moyens propres spécialement pour la poésie et d’autres spécialement pour la peinture » (numéro I, 13) , p. 30-35 (fran)
C’est un chef-d’œuvre du Poussin que de nous avoir fait reconnaître Agrippine dans son tableau de La mort de Germanicus avec autant d’esprit qu’il l’a fait. Après avoir traité les différents genres d’affliction des autres personnages du tableau comme des passions qui pouvaient s’exprimer, il place à côté du lit de Germanicus une femme noble par sa taille et par ses vêtements, qui se cache le visage avec les mains, et dont l’attitude entière marque encore la douleur la plus profonde. On conçoit sans peine que l’affliction de ce personnage doit dépasser celle des autres, puisque ce grand maître, désespérant de la représenter, s’est tiré d’affaire par un trait d’esprit. Ceux qui savent que Germanicus avait une femme uniquement attachée à lui et qui reçut ses derniers soupirs reconnaissent Agrippine aussi certainement que les antiquaires la reconnaissent à sa coiffure et à son air de tête d’après les médailles de cette princesse. Si le Poussin n’est pas l’inventeur de ce trait de poésie, qu’il peut bien avoir emprunté du grec qui peignit Agamemnon la tête voilée au sacrifice d’Iphigénie sa fille, ce trait est toujours un chef-d’œuvre de la peinture.
Les passions sont variées, même dans les personnages qui, suivant la supposition de l’artisan, doivent prendre un égal intérêt à l’action principale du tableau. L’âge, la patrie, le tempérament, le sexe et la profession mettent de la différence entre les symptômes d’une passion produite par le même sentiment. L’affliction de ceux qui regardent le sacrifice d’Iphigénie vient du même sentiment de compassion, cependant cette affliction doit se manifester différemment en chaque spectateur. Or le poète ne saurait rendre cette diversité sensible dans ses vers. S’il le fait sur la scène, c’est à l’aide de la déclamation, c’est par le secours du jeu muet des acteurs. […]
La peinture se plaît à traiter des sujets où elle puisse introduire un grand nombre de personnages intéressés à l’action. Tels sont les sujets dont nous avons parlé et tels sont encore Le meurtre de César, Le sacrifice d’Iphigénie et plusieurs autres. Les émotions des assistants les lient suffisammment à la scène, dès que cette action les agite. L’émotion de ces assistants les rend, pour ainsi dire, des acteurs dans un tableau, alors qu’ils ne seraient que de simples spectateurs dans un poème. Par exemple, un poète qui traiterait le sacrifice de la fille de Jephté ne pourrait faire intervenir dans son action qu’un petit nombre d’acteurs très intéressés. Des acteurs, qui ne prennent pas un intérêt essentiel à l’action dans laquelle on leur fait jouer un rôle, sont froids à l’excès en poésie. Le peintre, au contraire, peut faire intervenir à son action autant de spectateurs qu’il juge convenable. Dès qu’ils paraissent touchés, on ne demande plus ce qu’ils font. [...]
La peinture a l’avantage de pouvoir mettre sous nos yeux ceux des incidents qu’elle traite, qui sont les plus propres à faire une grande impression sur nous. Elle peut nous faire voir Brutus et Cassius plongeant le poignard dans le cœur de César, et le prêtre enfonçant le couteau dans le sein d’Iphigénie.
Du Bos, Jean-Baptiste, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture(publi: 1719), « De la disposition du plan » (numéro I, 31) , p. 91 (fran)
Il faut encore que les personnages soient placés avec discernement et vêtus avec décence par rapport à leur dignité et à l’importance dont ils sont. Le père d’Iphigénie, par exemple, ne doit pas être caché derrière d’autres figures. [...] Il doit occuper la place la plus remarquable après celle de la victime. Rien n’est plus insupportable que des figures indifférentes placées dans le milieu d’un tableau.
Durand, David, Histoire de la peinture ancienne, extraite de l’Histoire naturelle de Pline, liv. XXXV, avec le texte latin, corrigé sur les mss. de Vossius et sur la Ie ed. de Venise, et éclairci par des remarques nouvelles(publi: 1725), p. 59-60; 252-253 (fran)
Pour ce qui est de Timanthe, dont il faut dire aussi quelque chose, on ne saurait nier qu’il n’ait eû un génie éxcellent pour la peinture. C’est de lui qu’on a, entr’autres, cette belle IPHIGÉNIE, qui a été célébrée par les louanges de tant d’orateurs. Aussi faut-il avouër que c’est un chef-d’œuvre. Le tableau la represente se tenant debout, devant l’autel, telle qu’une jeune et innocente Princesse, qui va être immolée au salut de sa patrie, et environnée de tous ses parens, tristes et abattus du spectacle, mais particulièrement son oncle. On cherche le visage du pere ; mais le peintre n’ayant plus de traits pour éxprimer une si grande douleur, lui a mis un voile sur les yeux, comme pour recevoir ses larmes, et cacher au spectateur l’émotion paternelle, qu’il ne se sent pas cappable de bien rendre, au moins telle qu’elle doit être, en une telle conjoncture[1]. On a encore de lui d’autres pièces, où brille le bon sens, et où paroissent les ressources ordinaires d’un génie heureux et fécond : comme ce CYLOPE dormant, par éxemple, en un tableau de petit volume, où de peur qu’on ne se trompe à la grandeur pittoresque qu’il lui donne, il a peint tout autour de très petits satyres, qui lui mesurent le pouce avec leurs thyrses : de sorte que par la petitesse des uns, on juge aisément de la puissance et des dimensions de l’autre. Enfin, dans tous ses ouvrages, il est le seul qui fasse voir plus d’intelligence que de travail, et qui laisse plus à penser qu’il ne dit ; et quoiqu’il y ait beaucoup d’adresse et de légèreté dans son pinceau, il y a infiniment plus de génie que d’adresse, et plus d’invention d’esprit que d’habileté de main.
Notes au texte latin, p. 252-253 :
(H) Ejus enim est Iphigenia. C’est ce tableau célèbre, dont tant de grands hommes ont fait l’éloge, comme Ciceron, Quintilien, Valere Maxime et plusieurs autres, dont on peut lire les passages dans Junius. Il suffit de remarquer ici, par rapport à l’article de l’invention, que le sujet étoit beau, grand, tendre et tout à fait propre à la peinture, mais qu’outre cela, il fut très bien disposé et éxécuté. Plusieurs l’ont imité depuis.
(I) Cum moestos oppinxisset omnes. C’est la leçon de la I. Venitienne, que je me fais scrupule de changer : car quoique nous ne trouvions pas des éxemples de ce mot, oppingere, dans les anciens auteurs, cela n’empêche pas qu’il n’ait pû être employé, comme tant d’autres, qui ne se trouvent que rarement, ou qu’une seule fois dans leurs ouvrages. On dit fort bien adpingere, expingere, depingere ; il y a même des auteurs qui ont dit repingere, subpingere, superpingere : pourquoi n’auroit on pas dit aussi obpingere ? Surtout lorsque la disposition du sujet semble le demander, cum moestos obpinxisset omnes : car on peut rapporter cet ob à la situation des personnages, qui environnoient Iphigenie, qui avoient les yeux sur elle et qui étoient pénétrez de son sort ; Cum calchanta tristem, moestum Ulyxen, clamantem Ajacem, lamentantem Menelaum circa aram statuisset ; voilà le moestos obpinxisset omnes : ceux qui ont fait reflexion sur la brièveté et sur la force du stile de Pline, goûteront peut-être cette remarque.
(K) Patris ipsius vultum velavit. Voilà un des traits de l’invention de Timanthe. Il avoit épuisé toutes les images d’une grande tristesse, avant que de venir au pere ; et c’étoit là où il falloit se surmonter. Hûreusement la nature vint au secours de l’art ; car il n’est pas naturel à un père de voir égorger sa fille ; il est naturel de la pleurer, lorsque les dieux la lui demandent ; voilà donc la tendresse et et la bienséance qui viennent au secours du peintre et qui le dispensent de répéter une passion déjà épuisée, et inéxprimable par rapport à un pere, quem digne non poterat ostendere ; ou, selon Montagne, comme si nulle contenance ne pouvoit rapporter ce degré de deuil. Il faut pourtant convenir de bonne foi que Timanthe n’est point l’auteur de cette idée, toute fondée qu’elle est dans la nature et dans la bienséance. La poësie l’avait déjà employée : voyez l’Iphigénie d’Euripide, vers la fin :
Ὡς δ’ἐσεῖδεν Ἀγαμέμνον ἄναξ
Ἐπὶ σφαγὰς σείχωσαν εἰς ἄλσος κόρην,
Ἀνεσέναξε· κἄμπαλιν σρέψας κάρα,
Δάκρυα προῆγειν, ὀμμάτων πέπλον προθείς.
C. à d. que lorsqu’Agamemnon vit la jeune fille qu’on menoit dans le bois, pour y être sacrifiée, il gémit, et détournant la tête, versa des larmes, et se couvrit les yeux de sa robbe. Voilà donc la poësie qui fournit des traits à sa rivale, et celle-ci qui encherit sur les beautez de sa sœur. Les tableaux d’histoire en ont aussi profité : C’est un chef-d’œuvre du Poussin que de nous avoir fait reconnoitre Agrippine dans son tableau de La mort de Germanicus avec autant d’esprit qu’il l’a fait. Après avoir traité les différens genres d’affliction des autres personnages, comme des passions, qui pouvoient s’éxprimer, il place à côté du lict de Germanicus une femme noble par sa taille et par ses vétements, qui se cache le visage avec les mains, et dont l’attitude entière marque encore la douleur la plus profonde. On conçoit sans peine que l’affliction de ce personnage doit dépasser celle des autres, puisque ce grand maître desespérant de la représenter, s’est tiré d’affaire par un trait d’esprit…. Si le Poussin n’en est pas l’inventeur ; s’il l’a emprunté du grec, qui peignit Agamemnon la tête voilée, au Sacrifice d’Iphigenie sa fille ; ce trait est toûjours un chef-d’œuvre de la peinture. Mais est-il permis à un peintre d’employer des traits célébres, dont un autre peintre s’est déjà servi ? Non, lorsque les ouvrages de ce peintre subsistent encore. Mais le tableau du peintre grec ne subsistoit plus quand le peintre françois fit le sien ; et il auroit été blâme d’avoir volé ce trait, s’il se fut trouvé dans un tableau de Raphaël, ou du Carache. C’est le raisonnement du savant auteur des Refl. sur la poës. et sur la peinture, tom. I p. 78 et suiv. tom. 2 p. 78. Voyez aussi Félib. Tome. 3 p. 146. Cette dernière reflexion justifie M. Coypel, de n’avoir pas suivi Timanthe, ni dans sa Suzanne, ni dans son Jephté : on voit dans le premier de ces tableaux le père et la mère de Suzanne à face découverte, mais l’une dans une douleur et l’autre dans un desespoir, qui feront l’admiration perpétuelle des connoisseurs. Je dirois presque, si je l’osois, qu’il a surpassé le peintre grec : car il a surmonté les difficultez de l’art et attaqué le sublime de la peinture dans son fort. À l’égard de Jepthé, qui revient plus au sujet d’Agamemnon et d’Iphigénie, je ne trouve pas que l’éxpression du père en soit si hûreuse, quoiqu’elle soit admirable. Je ne dis rien de son Abraham, qui pleure sur le visage de son fils avant que de l’immoler ; cette idée ne me paroit point digne de la foi, ne de la fermeté de cet illustre patriarche.
- [1] Poètes, orateurs, historiens, tous ont imité depuis cette artifice ; Les prédicateurs s’en sont mêlez ; et le voile de Timanthe a servi à nous cacher la tristesse d’Abraham.
Castelvetro, Ludovico, Opere varie critiche non più stampate(publi: 1727), p. 102 (italien)
E commendato Timanthe pittore da Cicerone in Oratore, da Plinio libro 35, cap. 10, da Valerio Massimo lib. 8 cap. 12, da Quintiliano lib. 2, cap. 13, per molto ingenio, che nel sacrificio d’Ifigenia avendo dipinto Calchante tristo, e Ulisse più tristo, e aggiunto il colmo di tutta quella tristizzia, che fosse possibile a Menelao, consumato ogni affezione, non avendo via di fare il volto del padre tristo, come si conveniva, gli coperse il capo col mantello, e volle che fosse libero a ciascuno a pensare tacitamente seco medesimo, quale tristizia vi dovesse apparere. Ma al parer mio, di questo trovamento è senza niuna raggione lodato Timante da tanti valentuomini, e essi senza dubbio sono da biasimare, siccome smemorati, e trascurati, i quali seguendo l’uno quello, che ha detto l’altro, senz’altra riguarduardamento si sono dimenticati d’aver letto in Euripide nell’Ifigenia in Aulide, che il messo racontante il sacrificio di lei dice esser avvenuto ciò, cioè che il padre col mantello si coprì per inestimabile dolore il capo. Dal qual racontamento il predetto pittore, senza sottigliare molto, prese l’istoria della sua pittura.
Rollin, Charles, Histoire ancienne, tome XI, livre XXIII(publi: 1730:1738), « De la peinture » (numéro livre XXIII, ch. 5) , p. 162-165 (fran)
- [1] Plin. liv. 35. Cap. 6. Quintil. Lib. 2 cap. 13. Val. Max. lib. 8 cap. II
L’Iphigénie de Timanthe, célébre par les louanges de tant d’écrivains [1], a été regardée par tous les grands maîtres comme un chef-d’œuvre de l’art dans ce genre ; et c’est principalement ce tableau qui a fait dire que[2] ses ouvrages faisoient concevoir plus de choses qu’ils n’en montroient, et que, quoique l’art y fût porté au suprême degré, le génie enchérissoit encore sur l’art. Le sujet étoit beau, grand, tendre, et tout-à-fait propre à la peinture ; mais l’exécution y donna tout le prix. Ce tableau représentoit Iphigénie se tenant debout devant l’autel, telle qu’une jeune et innocente princesse qui va être immolée au salut de sa patrie. Elle étoit environnée de plusieurs personnes, qui toutes s’intéressoient vivement à ce sacrifice ; mais néanmoins selon différens degrés. Le[3] peintre avoit représenté le prêtre Calchas fort affligé, Ulysse beaucoup plus triste, et Ménélas, oncle de la princesse, avec toute l’affliction qu’il étoit possible de mettre sur son visage. Restoit Agamemnon pere d’Iphigénie ; et c’était là où il faloit se surmonter. Cependant tous les traits de la tristesse étoient épuisés. La nature vint au secours de l’art. Il n’est pas naturel à un pere de voir égorger sa fille : il lui suffit bien d’obéir aux dieux qui la lui demandent, et il lui est permis de se livrer à la plus vive douleur. Le peintre ne pouvant exprimer celle du pere, prit le parti de lui jetter un voile sur les yeux, laissant aux spectateurs à juger de ce qui se passoit au fond de son cœur : velavit ejus caput, et suo cuique animo dedit æstimandum.
Cette idée est belle et ingénieuse, et elle a fait beaucoup d’honneur à Timanthe. On ne sait pourtant s’il en est véritablement l’auteur, et il y a beaucoup d’apparence que l’Iphigénie d’Euripide la lui a fournie : voici l’endroit. Lorsque Agamemnon vit sa fille qu’on menoit dans le bois pour y être sacrifiée, il gémit, et, détournant la tête, versa des larmes, et se couvrit les yeux de sa robe.
Un de nos illustres peintres, c’est le Poussin, a heureusement imité le trait dont je viens de parler, dans son tableau de la mort de Germanicus. Après avoir traité les différens genres d’affliction des autres personnages comme des passions qui pouvoient s’exprimer, il place à côté du lit de Germanicus une femme remarquable par sa taille et par ses vétements, qui se cache le visage avec les mains, dont l’attitude entiére marque la douleur la plus profonde, et fait clairement entendre que c’est la femme du prince dont on pleure la mort.
- [2] In omnibus ejus operibus intelligitur plus semper quam pingitur ; et, cum ars summa sit, ingenium tamen ultra artem est. Plin. lib. 35, c. 10.
- [3] Cum in Iphigeniæ immolatione pinxisset tristem Calchantem, tristiorem Ulyssem, addidisset Menalao quem summum poterat ars efficere mœrorem ; eo sumptis affectibus, non reperiens quo digne modo patris vultum posset exprimere, velavit ejus caput, et suo cuique animo dedit æstimandum. Quintil. lib. 2. cap. 13.
Lamotte, Charles, An Essay upon Poetry and Painting, with Relation to the Sacred History, with an Appendix Concerning Obscenity in Writing and Painting(publi: 1730), p. 44-45 (anglais)
The learned Fr. Junius thinks, that the painter Timanthes took the [1]hint of putting a veil over the face of Agamemnon, at the sacrifice of his daughter Iphigenia, from a place in Euripides, where that prince is described in that very posture. This device of the painters has been magnified and extoll’d by many great [2]men, and even by Tully himself, as a most happy thought, and ingenious invention. But I must own, I cannot find that the painter deserved such elogies, such an excess of praise, since (if there was any thing so very ingenious in it) it was not properly his own, but borrowed from the tragick poet ; which I wonder those writers take no manner of notice of. Neither do I think the honour of it is to be scribed either to the poet or the painter ; since it was nothing but what was usual and common, for mourners to have their heads covered, that they might the better indulge their passion, give a loose to their grief, and weep and lament with greater freedom and decency ; which custom I believe the poet alluded to in his tragedy.
- [1] Ὡς δ’ἐσεῖδεν Ἀγαμέμνον αναξ
Ἐπὶ σφαγὰς σείκουσαν εἰς ᾶλσον κόρην,
Ἀνεσέναξε· κἄμπαλιν σρέψας κάρα,
Δάκρυα προῆγειν, ὀμμάτων πέπλον προθεις.
Eurip. Iphigen. in Aulide v. 1550.
- [2] Pictor ille vidit, cum immolanda Iphigenia tristis Calchas esset, tristior Ulixes, maereret Menelaus, obvolendum caput Agamemnonis esse ; quoniam summum illum luctum penicillo non posset imitari. Cicero de Oratore.
Cum maestos pinxisset omnes, praecipueque patrum, et tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, patris ipsius voltum velavit quem digne non poterat ostendere. Plin. Nat. Hist. lib. 35. Cap. 10.
Cum in Iphigeniæ immolatione pinxisset tristem Calchantem, tristiorem Ulyssem, addidisset Menalao quem summum poterat ars efficere mœrorem, consumptis omnibus affectibus caput Agamemnonis velavit, et suo cuique animo dedit æstimandum. Lactant : Instit : c. 11. c. 13.
Brumoy, Pierre, Le Théâtre des Grecs(publi: 1730), notes sur l’Iphigénie d’Euripide, acte V, scène IX, t. I, p. lxxxv-lxxxvj (fran)
Voilà ce qui a donné lieu au tableau si vanté de Timante ; le Poëte méritoit au moins autant d’éloges que le Peintre. Racine a voilé aussi son Agamemnon, mais d’une maniere qui n’est pas à l’abri de toute critique.
Achille est à l'autel. Calchas est éperdu ;
Le fatal sacrifice est encor suspendu.
On se menace, on court, l’air gémit, le fer brille.
Achille fait ranger autour de votre fille
Tous ses amis, pour lui prêts à se dévouer.
Le triste Agamemnon qui n’ose l’avouer,
Pour détourner ses yeux des meurtres qu’il présage,
Ou pour cacher ses pleurs, s’est voilé le visage.
Comment cet Agamemnon, ce chef des rois, au lieu de prendre les armes pour empêcher la sédition, se contente-t-il de se voiler le visage, lui qui peu de temps auparavant avoit dit,
Ma gloire intéressée emporte la balance,
Achille menaçant détermine mon cœur.
Il devoit donc (ce semble) paroître en général d’armée au milieu de ce trouble, et non-pas en pere accablé de douleur. J’ai entendu cette réflexion d’une personne qui a beaucoup de sagacité d’esprit. Euripide n’est point dans le même cas ; toute l’armée est tranquille et prosternée au pied de l’autel : Achille même obéit aux Dieux malgré-lui, et respecte le vœu d’Iphigenie. Agamemnon a donc pû se livrer à sa douleur, et pour lors il est beau de le voir le visage voilé.
Turnbull, George, A Treatise on Ancient Painting(publi: 1740), p. 27 (anglais)
- [2] He excelled in what may be called the sublime in painting. It is described by Pliny as Longinus defines it in writing.
He[Explication : Timanthes.] is chiefly renowned for the invention and perfect judgment that appeard in his works. It was not the mechanical, but rather the poetical part in which he was so eminent. For tho’ he has a very light, and, at the same time, a bold pencil ; yet there was more genius, invention, spirit and compass of thought in his pictures, than ability of hand. It was his ideas and the talent of his mind, that were chiefly admired, in consequence of that mastrerly way he had, of awakening great thoughts and sentiments, by his ingenious works, in the breasts of spectators ; his wonderful talent of spreading their imaginations, and leading them to conceive in their own minds more than was expressed by his pictures. In all his works, says Pliny, there was something more understood than was seen ; and tho’ there was all the art imaginable, yer there was still more ingenuity than art[1]. This is the true sublime in painting, as well as in the poetry and oratory. [2] Longinus in giving an account of the reason why the true sublime hath such a powerful and pleasing effect, describes it just as Pliny does this excellency, he and all ancient authors ascribe to Timanthes above all the other painters.
- [1] In unius hujus operibus intelligitur plus semper quam pingitur, et cum sit ars summa, ingenium tamen ultra artem est.
Turnbull, George, A Treatise on Ancient Painting(publi: 1740), p. 51 (anglais)
Timanthe’s Iphigenia is greatly celebrated by Cicero, Quintilian, Valerius Maximus, Pliny, and several others, for the jugment he shewed in it. Having expressed a great variety of grief and affliction in the countenances and gestures of the priest, her brother, friends, relations, and admirers, he veiled the father’s face, thus leaving the spectators to measure his inexpressible anguish and misery, by the effect this confession of the difficulty of expressing it must naturally have had upon their minds[1]. Cicero mentions this as a great proof of the artist’s judgment, and of his skill in the most difficult part of painting. And all the Ancient praise it as a sublime thought, than which nothing could more powerfully move, and affect the mind of the beholders[2]. Nicolas Poussin has deserved great applause, by his ingenious imitation of this artful, sublime device of Timanthes ; by representing Agrippina, in his picture for the Death of Germanicus, hiding her face, and in such an attitude of the profoundest grief and sorrow, that she is felt to be afflicted beyond expression, and far above all the other persons in the piece. Euripides had employed the same ingenious stroke of art in his tragedy Iphigenia ; making the father Agamemnon turn away his head, and hide his face, quite over-power’d with grief[3].
The noble thought (as Eustathius observes) was originally Homer’s[4]; but it was first introduced into painting by the judicious hand of Timanthes; who well understood how to make the best use of every circumstance of a well-told story in a good poet, and to rival it in painting. Pliny commends the ingenious fancy, and good effect in another picture of Timanthes, representing one of the Cyclops fast asleep, and young satyrs measuring his thumb with their thyrsus, and expressing in their looks their wonder at the vastness of it[5]. Giulio Romano, in imitation of that ancient piece, did a Polyphemus, which appears of a prodigious size by means of satyrs and little infants playing about him.
- [1] Cicero speaks of the decorum in all works of genius, which he thus defines: Quasi aptum esse, consentaneumque tempori, et personae: quod cum in factis saepissime, tum in dictis valet, in vultu denique, et gestu, et incessu: contraque item dedecere). He gives this example of it in painting. Si denique pictor ille vidit, cum immolanda Iphigenia tristis Calchas esset, tristior Ulixes, maereret Menelaus, obvolendum caput Agamemnonis esse, quoniam summum illum luctum penicillo non posset imitari. Cic. Orat. 22.
- [2] Quint. Inst. lib. 2. c. 17. Consumptis affectibus, non reperiens quo digno modo patris vultum posset exprimere, velavit ejus caput et suo quique animo dedit æstimandum. So Pliny, lib. 35. c. 15. Eius enim est Iphigenia oratorum laudibus celebrata : qua stante ad aras peritura, cum mœstos pinxisset omnis, praecipueque patruum, et tristitiæ omnem imaginem consumpsisset, patris ipsius voltum velavit, quem digne non poterat ostendere.
- [3] — Vt vero Agamemnon vidit
Puellam euntem ad caedem in Nemus,
Ingemuit : et retro vertens caput,
Emisit lacrymas, oculis vestem opponens. Eurip. In Aulide. 1550.
- [4] Poeta non inveniens aliquam doloris exsuperantiam, quam digne tanto mœrori scenis adderet, operit eum ; neque tantum silentem facit, sed totum e conspectu veluti amovet. Hic Sicyonius pictor Thimanthes pingens illam Iphigeniæ mactationem obvelavit Agamemnonem. Eusthat. In Il. 24. Ver. 163. Edit. Rom. p. 1343. This notable circumstance in this picture ; and several other paintings, are thus described in the Ætna of Cornelius Severus, by some ascribed to Virgil.
Quin etiam Graiae fixos tenuere tabellae
Signave ; nunc Paphiae rorantes arte capilli ;
Sub truce nunc parvi ludentes Cholchide nati,
Nunc tristes circa subjectae altaria cervae,
Velatusque pater, — etc.
- [5] Sunt et alia ingenii ejus exemplaria : veluti Cyclops dormiens, in parvula tabella ; cujus et sic magnitudinem exprimere cupiens, pinxit juxta Satyros pollicem ejus metientes. Plin. ibid.
Turnbull, George, A Treatise on Ancient Painting(publi: 1740), p. 87 (anglais)
- [1] Of decorum
[1] The perfection of oratory, poetry, painting, and of every art, is said by Cicero to consist in τό πρέπον, that is, decorum[2]. “It is this (saith he) that is most difficult to obtain in life, or in art: it is the supreme beauty in both: in poems and orations are owing. The good painters have exceedingly studid it. Timanthes shewed his just taste of it in his picture of Iphigenia, by veiling the father. This was not only a most happy way of expressing his extreme grief, by a tacit confession of the impossibility of painting it; but more a judicious, decent way, as it could not have been represented more bitter and vehement then that of the other persons in the picture, who were each so violently afflicted, without being disagreeable, or giving to much pain to the spectators ; which ought carefully to be avoided in painting as well as in poetry[3].”
- [2] Cicero ad Brutum orat. N°21.
- [3] [2] Longinus de Sublim. s. 9 censures this fault. At vide quam dissimile sit illud ex Aspide Hesiodum de Justitia, si tamen hoc Hesiodi poemation est. Non enim tam horribilem nobis ejus imaginem objecti quam ingratam odiosamque.
Turnbull, George, A Treatise on Ancient Painting(publi: 1740), p. 83 (anglais)
The sublime in writing, as we have already had occasion to observe in the character of Timanthes[1], who is said to have been a very sublime painter, consists, according to Longinus, in exciting noble conceptions, which by leaving more behind them to be contemplated than is expressed, lead the mind into an almost inexhaustible fund of great thinking.
- [1] See Longinus, Sec. 7. et Plin. l. 35.
Diderot, Denis, Correspondance(redac: 1742:1779), Lettre à Madame Riccoboni, 27 novembre 1758, p. 79 (fran)
Quelle tête que celle du père d’Iphigénie sous le manteau de Timanthe ! Si j’avais eu ce sujet à peindre, j’aurais groupé Agamemnon avec Ulysse, et celui-ci, sous prétexte de soutenir et d’encourager le chef des Grecs dans un moment si terrible, lui aurait dérobé avec un bras le spectacle du sacrifice. Van Loo n’y a pas pensé.
Baillet de Saint-Julien, Louis-Guillaume, Lettre sur la peinture, la sculpture et l’architecture à M***(publi: 1748), p. 188 (fran)
En se cachant des deux mains le visage, il[Explication : Jason.] exprime par la violence de ses mouvements les sentiments dont son cœur est agité[1].
- [1] Cette pensée est assez semblable à celle qui a fait tant d’honneur à Timanthe ; dans son tableau du sacrifice d’Iphigénie, après avoir parfaitement rendu la douleur de tous ceux qui y assistaient ; pour faire sentir que celle du père était au-delà de toute expression, il lui couvrit le visage de son manteau. Mais sans ôter à ce peintre ancien le mérite de l’invention, M. de Troy ne l’aurait-il pas surpassé dans l’idée de ce vieillard qu’il fait sortir de l’appartement ?
Commentaires : lier image De Troy, "La toilette de Médée"
Bellori, Giovanni Pietro, Descrizione delle Immagini dipinte da Rafaello d’Urbino nelle camere del Palazzo Vaticano, con alcuni ragionamenti in onore delle sue opere, e della pittura, e scultura(publi: 1751), « La favola di Psiche », « Il Consilio degli Dei », p. 176 (italien)
Raffaelle nel effigiare questi tre fratelli, emulò l’ingegno, e la gloria degli antichi pittori li più illustri, e dell’istesso Timante, che ne’ concetti della mente avanzò ciascun’altro.
Bellori, Giovanni Pietro, Descrizione delle Immagini dipinte da Rafaello d’Urbino nelle camere del Palazzo Vaticano, con alcuni ragionamenti in onore delle sue opere, e della pittura, e scultura(publi: 1751), « Dell’ingegno, eccellenza e grazia di Raffaelle comparato ad Apelle », p. 93 (italien)
O gran Rafaelle, che nel suo dipingere seppe far solo quanto gli altri pittori tutti; ma non tutti gli altri quanto egli solo, avendo costretto il colore ne’ termini del disegno alle forme più emendate della natura, e dipinto con li corpi gli animi; onde nelle sue pitture più s’intende di quello che si vede.
Commentaires : éd. 1751, p. 232
Caylus, Anne-Claude Philippe de Tubières, comte de, « Réflexions sur quelques chapitres du XXXVe livre de Pline » (publi: 1759, redac: 1752:1753), « Du caractère et de la manière des peintres grecs » (numéro Troisième partie) , p. 197 (fran)
- [1] Chap. X.
[1] Ce Timanthe avoit beaucoup d’esprit pour son art, et cet esprit étoit accompagné de génie, nam Timanthi vel plurimum adfuit ingenii. Son Iphigénie sera célèbre à jamais, et donnera des preuves de la délicatesse et de la justesse de ses idées[2] ; ainsi l’on croira, sans peine, ce que Pline dit de lui en poursuivant, in omnibus ejus operibus intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium ultra artem est.
Il me semble qu’il n’est pas possible de faire un plus parfait éloge de l’esprit et du génie d’un peintre ; il donna plus à entendre dans ses ouvrages, qu’il n’en prononça. Ces sous-entendus sont les mêmes dans la peinture, ils ont autant de charmes et sont aussi nécessaires que dans toutes les autres parties de l’esprit ; et quelque étendu que l’art puisse être, l’esprit est encore par-delà. Pinxit et heroa absolutissimi operis, personne ne caractérisoit si parfaitement un héros, ou pour traduire plus littéralement, il peignit un héros qui ne laissoit rien à désirer. Pline semble donner la preuve de cette dernière opération en ajoutant, artem ipsam complexus viros pingendi. Il excella, ou, pour employer l’exagération comme Pline, il pratiqua l’art lui-même dans tout son entier, pour peindre les hommes. Nous avons eu quelques modernes qui n’ont pu rendre la délicatesse et les grâces que la nature a répandues dans les femmes.
- [2] Il était redevable à Euripide du trait qui lui a fait le plus d’honneur dans cet ouvrage. Mais un peintre a toujours du mérite lorsqu’il rend bien l’action qui lui est donnée.
Lacombe, Jacques, Dictionnaire portatif des beaux-arts ou abrégé de ce qui concerne l’architecture, la sculpture, la peinture, la gravure, la poésie et la musique(publi: 1752), article « Timanthe », p. 641 (fran)
C’est lui qui est l’auteur de ce fameux tableau d’Iphigénie que tant d’écrivains célebres, et que les grands maîtres ont regardé comme un chef-d’œuvre de l’art. Le peintre avait représenté Iphigénie avec toutes les graces attachées à son sexe, à son âge, à son rang ; avec le caractere d’une grande ame qui se dévoue pour le bien public, et avec l’inquiétude que l’approche du sacrifice devoit naturellement lui causer. Elle étoit debout devant l’autel, le grand prêtre Calchas avoit une douleur majestueuse, telle qu’elle convenoit à son ministere ; Ulysse paroissoit aussi pénétré de la plus vive douleur ; l’art s’étoit épuisé à peindre l’affliction de Ménélas oncle de la princesse, d’Ajax, et d’autres personnages présens à ce triste spectacle ; cependant il restoit encore à marquer la douleur d’Agamemnon pere d’Iphigénie, les expressions manquoient ici ; mais le peintre par un trait d’esprit également ingénieux et frappant, laissa à l’imagination du spectateur ému le soin de se représenter quelle était la situation de ce malheureux pere, et pour lui il se contenta d’envelopper d’un voile le visage d’Agamemnon. Qui ne sent que par là Timanthe donnoit infiniment plus à penser, qu’il n’auroit pu exprimer. Cette idée a été heureusement employée plus d’une fois depuis, et surtout dans le Germanicus du Poussin. Tel était le talent de Timanthe, il faisoit concevoir plus de choses qu’il n’en montroit.
[Baillet de Saint-Julien, Louis-Guillaume], Lettre à Mr. Ch[ardin] sur les caractères en peinture(publi: 1753), exergue du livre(latin)
Plus intelligitur quam pingitur. Plin.
La Nauze, abbé de, Mémoire sur la manière dont Pline a parlé de la peinture(publi: 1759, redac: 1753/03/20), p. 251 (fran)
Les finesses et les ressources d’esprit sont nécessaires dans la peinture comme dans tous les autres arts, qui rivaux de la Nature, mais plus bornés dans leurs ouvrages qu’elle dans les siens, ne peuvent pas toûjours nous la présenter dans un parfait degré de ressemblance : il faut pour lors appeler l’industrie au secours de l’art, comme l’ont fait quelques peintres cités par notre auteur. « Tous les ouvrages[1] de Timanthe, dit-il, donnent à entendre plus qu’ils n’expriment, et quoique le talent pour la peinture y brille au souverain degré, ils annoncent l’homme d’esprit encore plus que le grand peintre. » Il peignit le sacrifice d’Iphigénie, et pour indiquer la douleur du père, après avoir épuisé tout son art à exprimer celle des autres assistans, il couvrit d’un voile le visage d’Agamemnon. Il trouva le moyen aussi de peindre, dans un petit tableau, un énorme Cyclope, à qui des satyres prenoient la mesure du pouce avec un thyrse. On peut ajoûter deux autres exemples d’industrie, que Pline rapporte ailleurs ; l’un d’Apelle, qui peignit de profil Antigonus parce qu’il étoit borgne ; l’autre de Néalcès, qui représentant un combat sur le Nil, distingua la rivière d’avec la mer par un ânon à l’abreuvoir, et par un crocodile en embuscade. Ce judicieux écrivain exige qu’un peintre ait du moins assez d’esprit pour suivre le genre de peinture assorti à ses talens, et le plus propre à lui assurer un succès avantageux : Pausias, qui réussissait dans l’encaustique, ayant pris le pinceau pour rafraîchir d’anciennes peintures à fresque de Polygnote, perdit beaucoup au parallèle qui fut fait du travail de l’un et de l’autre ; c’est que Pausias, suivant la remarque de Pline, étoit sorti de son genre.
- [1] In omnibus huius operibus intellegitur plus semper quam pingitur et, cum sit ars summa, ingenium tamen ultra artem est.
Caylus, Anne-Claude Philippe de Tubières, comte de, « De la peinture ancienne » (redac: 1753/11/10), 149 (fran)
Timanthe avait beaucoup d’esprit et de génie pour son art. Son tableau d’Iphigénie sera célèbre à jamais. Ne pouvant exprimer la douleur du père de cette malheureuse victime, il lui mit un voile sur la tête. Il est vrai qu’Euripide lui avait fourni cette idée, mais il faut toujours du mérite pour prendre ce qui convient, le transporter d’un art à un autre et savoir le rendre propre à son talent. Pline, non content de ce premier éloge, en ajoute un autre : il donna, dit-il, plus à entendre dans ses ouvrages qu’il n’en prononça. Ces sous-entendus sont le charme et l’agrément de toutes les parties de l’esprit et quelque étendu que l’art puisse être, continue Pline, l’esprit est encore par-delà. Timanthe excella dans la manière de rendre les hommes. Nous avons eu quelques modernes qui n’ont pu exprimer la délicatesse et les grâces que la nature a répandues dans les femmes.
Caylus, Anne-Claude Philippe de Tubières, comte de, Description d’un tableau représentant le sacrifice d’Iphigénie, peint par M. Carle Vanlo(publi: 1757), p. 25-27 (fran)
Malgré le respect que j’ai pour l’Antiquité, je ne louerai point Timanthe d’avoir voilé le visage d’Agamemnon. L’objet qu’on prête à cet artiste présente quelque chose de séduisant et même de sublime. On dit que Timante après avoir épuisé toutes les ressources de son art pour exprimer les différentes douleurs qu’il avait à représenter, selon les dégrés convenables aux caractères et à la sensibilité des personnages qui assistoient au sacrifice d’Iphigenie, désespéré de ne trouver aucune expression pour rendre la douleur d’Agamemnon, prit le parti de lui voiler le visage. Ce procedé si vanté par les orateurs et par les poètes et dont l’application peut être en effet fort utile à l’éloquence et à la poësie, me paroît dans la peinture un contresens, et si j’ose dire, une absurdité. Chaque passion a son expression et son langage ; mais les nuances en sont infinies, et ces nuances qui la plûpart sont inaccessibles à l’éloquence et à la poësie, parce que les langues sont plus propres à exprimer les vues de l’esprit qu’à rendre les mouvemens de l’ame, ont dans la peinture des ressources et des moyens qu’aucun artiste ne pourra jamais épuiser.
Ainsi je suis persuadé que Timante n’avoit couvert les yeux d’Agamemnon du pan de sa robbe, que pour copier fidélement Euripide, et que les historiens peu exacts sur les parties des arts, ou trop amis de l’hyperbole, ont mal conçu l’objet du peintre, ou ont altéré la tradition d’un fait très-simple en soi. Le Brun frappé des éloges donnés à Timante, a voulu l’imiter dans son tableau de Jephté[1]. Il a placé en effet le manteau du pere entre lui et sa fille ; mais son visage est découvert au spectateur, ce qui donne à la douleur paternelle une expression plus étendue.
- [1] Ce tableau de la premiere maniere de Le Brun, est dans le cabinet de Monsieur Delalive, bon connoisseur et bon François, qui a rassemblé avec autant de soin que de dépense, tous les maîtres de l'Ecole françoise en peinture et en sculpture, et qui en a formé un très beau cabinet
Caylus, Anne-Claude Philippe de Tubières, comte de, Description d’un tableau représentant le sacrifice d’Iphigénie, peint par M. Carle Vanlo(publi: 1757), p. 16-19 (fran)
Agamemnon debout et placé entre la tente et le bucher est entièrement vû de face. L’artiste n’a rien caché de sa douleur ; elle est empreinte sur tous les traits de son visage ; on lit dans ses yeux tout l’abbatement de son ame. Il ne pleure point, sa douleur est trop profonde ; ses mains élevées jusqu’à sa poitrine sont jointes et s’accordent avec ses regards, pour reprocher au ciel la rigueur de ses ordres. Il n’est point tourné du côté de sa fille, il a jetté sur elle ses derniers regards, il ne la verra plus, Calchas a le bras levé. Ce prince est vétu richement et convenablement au Roi qui commande à tant de Rois. Cette magnificence, loin de détruire l'expression de la douleur, la rend peut être encore plus forte, en conduisant l'esprit par des routes cachées à l'idée des malheurs attachés à l'humanité, et dont la pompe et la majesté du trône ne garantissent pas les monarques. Le trépied, les vases, les haches placées près d’Agamemnon et au pied du bucher, présentent les riches et funestes apprêts du triste sacrifice.
Calchas lui-même, tout inflexible que les poëtes le dépeignent, est attendri, en levant le couteau sur sa victime ; cependant il est prêt à frapper. Le jeune sacrificateur qui lui a présenté le fer, baisse les yeux et semble vouloir se cacher derriere lui, pour ne pas voir porter le coup. Le victimaire est placé sur un plan plus bas, c’est-à-dire au-dessous d’une marche sur laquelle est élevé un autel simple et qui sert de base au bucher. Il tient une bassine pour recevoir le sang de la victime : il est à genoux, et malgré l’habitude où il est de voir couler le sang, il baisse les yeux et détourne la tête. Il a les épaules nues, et il est ceint de ses vétemens. Ses chairs qui contrastent admirablement avec les draperies de ce beau grouppe servent à en étendre la lumiere. On voit sur un plan plus éloigné un prêtre et quelques soldats différemment occupés de l'action dont ils sont témoins.
Un soldat posté derrière le jeune sacrificateur, semble vouloir détourner sa robe pour voir porter le funeste coup qu’il craint de voir porter cependant. Sa position indique à la fois ces deux mouvements : il est à genoux, et il paroît s’être avancé par un motif de curiosité. Sa main droite est étendue pour déranger la robbe du jeune prêtre ; son regard est ému et son attitude pleine d’action, mais action renfermée dans le caractère inférieur et subordonné d’un accessoire.
Caylus, Anne-Claude Philippe de Tubières, comte de, Description d’un tableau représentant le sacrifice d’Iphigénie, peint par M. Carle Vanlo(publi: 1757), p. 19-22 (fran)
La composition est terminée de ce côté-là par un grouppe de guerriers. Les personnages qui le composent présentent un des plus beaux effets du tableau, et la partie de l'art dans laquelle le génie a peut être le plus operé. Ils sont frappés de l’arrivée de Diane. Cette déesse fond et plane sur le bucher ; elle place du même mouvement la biche qui doit satisfaire pour Iphigenie. L’empressement de Diane ne saurait être ni plus sensible, ni plus frappant : elle n’a point de char, elle n’est portée sur aucun nuage[1], sa volonté seule l’apporte ; on voit qu’un clin d’œil a suffi pour l’amener, et que son arrivée annonce une révolution. En effet le grand prêtre a qui la déesse semble parler d’aussi loin qu’elle a pû se faire entendre, suspend l’action dont on est occupé ; un instant plus tard le coup étoit porté. Mais la main de Calchas s’entrouvre, et le couteau va lui échapper. Les soldats frappés de l’arrivée de Diane sont les seuls qui puissent l’appercevoir, ou du moins bien distinguer son action. La position des autres personnages, et l'accablement dans lequel ils sont plongés, ne leur permet point de prévoir, et encore moins de démêler un dénouement si extraordinaire ; ces soldats au contraire sont de face et placés dans le rayon de la vûe, le corps en arriere, la bouche ouverte, les mains étendues ; toutes leurs expressions indiquent les sentimens de surprise, d’admiration, d’espérance dont ils sont pénétrés.
La peinture n’a qu’un instant : elle ne présente d’ordinaire que la catastrophe des événemens, c’est-à-dire un seul moment principal. Ici l’artiste a reculé les bornes de l’art ; il en a étendu la puissance et l’énergie. Jusqu’à présent les peintres annoncoient le dénouement ; M. Vanlo l’a prononcé. Ce trait de génie toutefois ne détruit en aucune maniere l’intérêt de l’action : le spectateur n’en est frappé qu’après avoir versé des pleurs sur le malheur d’Iphigénie. L’artiste a plus fait encore : il a employé la ressource adroite de donner à quelques-unes de ses figures l’expression que le spectateur doit recevoir. C’étoit le seul moyen de le prévenir sur l’impression que doit nécessairement produire le premier aspect.
- [1] Diane se soutient en l’air sans le secours du nuage qui l’accompagne.
Webb, Daniel, An Inquiry into the Beauties of Painting(publi: 1760), p. 200 (anglais)
The same simplicity and happiness of invention are attributed in general to the painting of Timanthes; in one of which, he represented, in a little picture, a cyclops sleeping, and, to give an extraordinary idea of his size, near him were drawn some satyrs, measuring his finger with a thyrsus. On which occasion, Pliny makes this remark, “[1]In all his works there is more understood than expressed; and though his execution be masterly, yet his ideas exceed it.” This is, in so many words, a description of the poetry of Virgil. A circumstance, extremely favourable to the Greek artists, that the praises due to that divine poet, should be no less applicable to this excellent painter. FINIS.
- [1] In omnibus ejus operibus intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tamen ultra est. Lib. XXXV. c. 10.
Webb, Daniel, An Inquiry into the Beauties of Painting, p. 222-223 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
On a attribué à Timanthe la même sagacité et la même simplicité d’invention[Explication : que Néalcès.] : pour donner l’idée de la taille énorme d’un Cyclope qu’il avait peint en petit, il avait placé autour de lui des satyres qui mesuraient son pouce avec un tyrse. C’est ce tableau qui donna lieu à cette remarque de Pline[1], « que dans tous les ouvrages de ce peintre, il y a toujours plus à entendre qu’il n’a exprimé ; et que, quoique l’art y soit porté à son comble, le génie y paroît encore au-dessus de l’art ». Ne croiroit-on pas que c’est là mot pour mot une juste appréciation du mérite de Virgile ? C’est peut-être une des choses les plus honorables pour les artistes grecs, que le même éloge puisse devenir commun à un grand peintre et à ce poëte divin. FIN.
- [1] In omnibus ejus operibus intelligitur plus semper quam pingitur ; et cum ars summa sit, ingenium tamen ultra est. Lib. XXXV. c. 10.
Commentaires : Trad. Recherches sur les beautés de la peinture, 1765, p. 222-223
Webb, Daniel, An Inquiry into the Beauties of Painting(publi: 1760), p. 192-193 (anglais)
B — But, does not the very instance you have given, in the Iphigenia of Timanthes, show the advantage of a gradation in the expressions ; and of course, contradict all you have opposed to it ?
A — Had the passion of grief been actually expressed in the countenance of Agamemnon, the case could have been precisely as I stated it just now ; but his face being hid, and his feelings left wholly to our imagination, our attention fixes first on those expressions, which are the objects of sense, and rises from the real to a conception of the imaginary. Now this, you see, is not a matter of expression, but a stroke of ingenuity; which, as well as all the delicate, and less observable motions of the mind, are often found to owe their evidence and force to their associate ideas.
Webb, Daniel, An Inquiry into the Beauties of Painting, p. 213-214 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
B — L’exemple même que vous avez cité (l’Iphigénie de Timanthe) n’est-il pas très-propre à prouver l’efficacité de la gradation dans les expressions, et par conséquent, ne contredit-il point tout ce que vous avez avancé contre cette pratique ?
A — Si le peintre avoit effectivement exprimé la douleur d’Agamemnon sur son visage, c’eût été précisément le cas que j’ai établi tout-à-l’heure : mais il lui a couvert la tête d’un voile, et abandonné à notre imagination le soin de déterminer le dégré de son émotion : alors notre attention se porte d’abord sur les expressions qui frappent nos sens, et nous partons de ce que nous voyons pour concevoir ce qui nous reste à imaginer. Ce n’est donc point là une expression, mais un trait d’esprit, qui, comme sont presque toujours tous les mouvemens de l’ame déliés et articulés, ne doit son effet et sa force qu’à l’association des idées.
Commentaires : Trad. Recherche sur les beautés de la peinture, 1765, p. 213-214
Webb, Daniel, An Inquiry into the Beauties of Painting(publi: 1760), “Of composition” (numéro Dialogue VII) , p. 160 (anglais)
Pliny[1] in his description of that famous picture of the Sacrifice of Iphigenia, by Timanthes, observes, “that the painter having exhausted every image of grief in the by-standers, and above all in the uncle; threw a veil over the face of the father, whose sorrow he was unable to express.” If the ingenious Timanthes has left us to conceive an idea, which he could not execute, Aristides, on the other hand, has executed that which is almost above conception
- [1] Timanthi vel plurimum adfuit ingenii. Eius enim est Iphigenia oratorum laudibus celebrata ; qua stante ad aras peritura cum maestos pinxisset omnes, praecipue patruum, et tristitiæ omnem imaginem consumsisset, patris ipsius vultum velavit, quem digne non poterat ostendere. Lib. xxxv. c. 10. It has been imagined that Timanthes borrowed this thought from the following passage in Sophocles :
— Ως δ’εσειδεν Αγαμεμνων αναξ
Επι σφαγας στειχουσαν εις αλσος κορην,
Ανεστεναζε κἀμπαλιν στρεψας καρα,
Δακρυα προηγεν, ομματων πεπλον προθεις.
Webb, Daniel, An Inquiry into the Beauties of Painting, p. 176-177 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Pline[1], dans sa description du fameux tableau du sacrifice d’Iphigénie, peint par Timanthe, remarque que « l’artiste ayant épuisé tous les traits de l’affliction en peignant les assistans, et particuliérement Ménelas, couvrit d’un voile le visage du pere, dont il désespéroit de pouvoir rendre la douleur. »
- [1] [1] Timanthi vel plurimum adfuit ingenii. Eius enim est Iphigenia oratorum laudibus celebrata ; qua stante ad aras peritura cum maestos pinxisset omnes, praecipue patruum, et tristitiæ omnem imaginem consumsisset, patris ipsius vultum velavit, quem digne non poterat ostendere. Lib. xxxv. c. 10. On a cru que Timanthe avoir pris cette idée du passage suivant de Sophocle :
— Ως δ’εσειδεν Αγαμεμνων αναξ
Επι σφαγας στειχουσαν εις αλσος κορην,
Ανεστεναζε κἀμπαλιν στρεψας καρα,
Δακρυα προηγεν, ομματων πεπλον προθεις.
« Mais lorsqu’Agamemnon la vit s’avancer vers le lieu du sacrifice pour y être immolée, il gémit; et détournant la tête, il versa des larmes, ayant le visage couvert d’un voile. »
Webb, Daniel, An Inquiry into the Beauties of Painting(publi: 1760), "Of Composition" (numéro Dialogue VII) , p. 187-188 (anglais)
We have already taken notice in the Iphigenia of Timanthes, of the Climax in the expressions ; and of his singular ingenuity, in distinguishing his principal character ; can we suppose this artist unequal to trace the gradations of envy in Christ’s charge to Peter, or the different effects of Paul’s sermon at Athens ?
Webb, Daniel, An Inquiry into the Beauties of Painting, p. 208-209 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Nous avons déjà fait mention de l’Iphigénie de Timanthe, pour la gradation dans les expressions, et l’artifice ingénieux dont il usa en caractérisant son personnage principal ; croirons-nous que cet artiste n’eût point été en état de rendre les différens dégrés de l’envie dans la mission de S. Pierre, ou les effets divers que produisit sur les Athéniens la prédication de S. Paul ?
Commentaires : Trad. Recherches sur les beautés de la peinture, 1765, p. 208-209
Hagedorn, Christian Ludwig von, Betrachtungen über die Malerei(publi: 1762), „Von der Verbindung des dichterischen und mechanischen bey dem ersten Plan des Gemähldes“ (numéro I, 12) , p. 169-171 (allemand)
Allein dieser scheinbare Widerspruch der Figuren und Gruppen muß kein wirklicher Widerspruch, keine harte, unfreundliche, und übel vereinbarte Gegenstellung (Contrast) seyn. Die dichterische Erfindung, so bald sie der blossen Einbildungskraft überlassen ist, leidet Zwerge und Riesen beysammen, aber die mahlerische Erfindung oder die Vertheilung ist nicht so gutwillig und biegsam[1]. Man nehme das Beyspiel des Timanthes.
Das Alterthum rühmet dessen Einfall mit dem schlafenden Cyclopen. Dieses Riesen ungeheuere Grösse auszudrücken, hat der Künstler dessen Daumen durch darneben gestellte Satyren mit einem Thyrsen ausmessen lassen. Der Einfall ist artig und sinnreich, und überdies ist demjenigen, was so oft den Alten nachgeschrieben worden, gefährlich zu widersprechen. Allein die ersten Begriffe von Gruppiren verbieten mir audrücklich, diesen Gegenstand zu einer mahlerischen Zusammensetzung tauglicher, als jene harte Gegenstellung zu finden. Man wird auf gewisse Maasse einen verschönerten Callot oder Stephan della Bella, aber, meines Trachtens, niemals ein übereinstimmendes, und in allen Theilen[2], sich bindendes Gemählde heraus bringen: es mag nun der Riese zur Gruppe gehören, oder den andern Gruppen zum Grunde oder Felde dienen sollen. Von dem ungezwungegenen Gleichgewichte des Gemähldes, so hierbey leiden möchte, ist es noch nicht Zeit, ausführlich zu handeln.
Ganz anders rühret mich das von den Alten gepriesene Beyspiel der Iphigenia des Timanthes. Einem Beurtheiler soll es angenehm seyn, dem etwas Gemißbilligten das Rühmlichste von einem Urheber entgegen zu stellen. Dieses Gemählde wird hier, als ein Muster der schönsten Erfindung und ein anderes mal, als ein Vorbild des Ausdrucks der Leidenschaften, unsere Aufmerksamkeit verdienen. Ich darf das Lob, das diesem Künstler erheilt wird, hier wiederholen. Man hat, so heißt es von ihm, in seinem Gemählden allemal mehr Stoff zum Nachsinnen gefunden, als der blosse Pinsel ausgedrücket hat; dergestalt, daß, so hoch auch die Kunst getrieben worden, der Verstand noch allemal darüber hinaus gegangen ist.
Mir ist mit diesem Lobe des Künstlers zugleich alles dasjenige aus der Feder geflossen, was man von der klugen Erfindung in Gemählden, die das Herz und den Verstand des Beobachters nicht müßig lassen, überhaupt erinnern kann.
Könnte ich, geliebtester Freund, Sie jetzt bey Ihrer schönen Kupfersammlung überraschen: so würden Sie mir alles viel genauer, nach den herrlichen Werken des Raphaels, Rubens, le Brun und N. Poußin erläutern. Wir würden den Agamemnon des Timanthes an der Agrippina des Poußins bey dem Bette des sterbenden Germanicus, wie die Freunde der Dichtkunst, das Urbild des Timanthes in dem Euripides[3] finden.
- [1] Eclaircissements historiques sur un Cabinet de Tableaux, p. 70.
- [2] Nämlich nach unsern itzigen Begriffen vom Helldunkeln. Man kann freylich Kinder von kleiner Lebensgrösse einem männlichen Bilde über Lebensgrösse, das man einen Polyphem nennen will, zu ordnen, und sämmtliche Verhältnisse den Verhältnissen der Statue des Nils, mit den Kindern nach dem Maasse nähern. Als man von der Beschreibung der Dichter oder von dem Zyklopen in dem beschriebenen Gemählde abweichet. Dieses giebt gewissermassen andere Verhältnisse für die Anordnung, aber keine Gründe, für einen Zyklopen, zu dessen Abmessung der Gebrauch des Thyrsen warscheinlich wird.
Vielleicht ist dieses, wegen des Polyphems des Julius Romanus, für diejenigen zu erinnern nöthig, deren Grundsätze, bey jeglichem scheinbaren Beyspiele grosser Meister, schwanken. So lange die Wissenschaft, aus dem Helldunkel so grosse Vortheile für die Kunst zu ziehen, unbekannter, als zu des Rubens Zeiten gewesen, hat man freylich viele Zusammensetzungen, die sich hunter jenes Joch nunmehr nicht so willig biegen lassen, für vollkommen annehmen können, wo im übrigen die Zeichnung und der Ausdruck Bewunderung erweckten.
- [3] [3] Es wird nich überflüßig seyn, die Stelle, nach der lateinischen Uebersetzung hier anzuführen.
Ut vero Rex Agamemnon vidit
Puellam euntem ad caedem in nemus,
Ingemuit: et retro vertens caput,
Emisit lacrymas, oculis vestem opponens.
Iphigenia in Aulide, v. 1550.
Commentaires : attacher Poussin
1 sous-texteHagedorn, Christian Ludwig von, Betrachtungen über die Malerei, « De la liaison du poëtique et du mécanique dans le premier plan du tableau » (numéro II, 1, 12) , p. 154-155 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Mais il ne faut pas que cette opposition apparente des figures et des grouppes soit une opposition réelle ; il ne faut pas que ce soit un contraste dur, disgracieux et mal lié. L’invention poëtique, dès qu’elle est abandonnée à l’imagination sans frein, souffre l’assemblage des nains et des géants ; l’invention pittoresque ou la distribution n’est pas si accommodante ni si souple. Prenons l’exemple de Timanthe. L’antiquité vante l’idée ingénieuse de ce peintre par rapport à son Cyclope endormi. Pour exprimer la grandeur énorme de ce géant, il le fait environner par des Satires d’une petite proportion qui mesurent son pouce avec un thyrse. La pensée est très-jolie, on ne peut que l’approuver : d’autant plus qu’il seroit dangereux de contredire une chose qui a été si souvent répétée d’après les anciens. Toutefois les premieres notions de l’artifice des grouppes, me défendent expressément de trouver ce sujet plus praticable pour une composition pittoresque, que ce contraste dur dont nous avons parlé ci-dessus. Vous en tirerez bien un Callot embelli, ou un La Belle, mais d’après nos idées actuelles du clair-obscur, vous n’aurez, jamais, à ce que je crois, un tableau gracieux et harmonieux dans toutes ses parties[1], soit que le géant fasse partie du grouppe, soit qu’il serve seulement de fond ou de champ aux autres grouppes. D’ailleurs l’équilibre naturel du tableau pouroit souffrir, dans cette occasion, ce que je discuterai plus au long ci-après.
Je suis tout autrement touché du fameux exemple de l’Iphigenie du même Timanthe. Il est agréable pour un critique de pouvoir opposer une production généralement approuvée à une autre qui l’est moins du même auteur. Ce tableau mérite doublement notre attention, et comme un modèle de la belle invention, et comme un original de l’expression la plus savante des passions. Qu’on me permette de répéter ici les éloges qu’on a donnés à ce peintre. On a dit de lui qu’il fournissoit toujours dans ses tableaux plus de matiere à la réflexion que son pinceau ne sembloit avoir exprimée ; qu’à quelque dégré de perfection qu’il eût porté l’art, son pinceau alloit encore au de-là. En faisant l’éloge de ce maître, j’ai dit tout ce qu’on peut dire en général d’une savante invention dans des tableaux qui attirent et qui captivent le cœur et l’esprit de l’observateur.
Si je pouvois, mon cher ami, vous surprendre au milieu de votre belle collection d’estampes, vous me feriez sentir bien plus exactement toutes ces choses d’après les ouvrages immortels de Raphaël, de Rubens, de le Brun et du Poussin. Nous trouverions l’Agamemnon de Timanthe dans l’Agrippine du Poussin, assise auprès du lit de Germanicus mourant, comme les amateurs de poësie retrouvent l’original de Timanthe retracé dans la tragédie d’Euripide[2].
- [1] L’on poura sans doute subordonner des figures d’enfants de petite taille à une figure d’homme au dessus de la grandeur naturelle, laquelle on voudra donner le nom de Poliphême, et rapprocher toutes les proportions de celles de la fameuse statue du Nil avec les petits enfants. Ce procédé donne en quelque sorte d’autres proportions pour l’ordonnance, mais il ne donne nul fondement pour l’admission d’un Cyclope dont a stature est telle qu’il faut se servir d’un thyrse pour mesurer ses membres. Peut-être n’est-il pas mal de rapporter ceci, à cause du Poliphême de Jules Romain, pour ceux dont les principes se trouvent ébranlés à chaque exemple de quelque grand maître. Dans le tems que la science du clair-obscur étoit plus inconnue qu’elle ne le fut lorsque Rubens parut, on a pu recevoir comme parfaites des compositions disparates qui excitoient d’ailleurs l’admiration par la correction et par l’expression des passions.
- [2] Il ne sera pas superflu sans doute de rapporter le passage du poëte grec dans une traduction françoise : « Les Grecs s’assemblent autour d’Iphigénie. Agamemnon la voit s’avancer vers le terme fatal ; il gémit, il détourne la vue, il verse des larmes, et se couvre le visage de sa robe. »
Hagedorn, Christian Ludwig von, Betrachtungen über die Malerei(publi: 1762), „Von dem Ausdrucke den Leidenschaften“ (numéro III, 43 ) , p. 605-606 (allemand)
Nach diesen Vorzügen des Ausdrucks beschreiben uns die Alten noch ältere Gemählde von den Thaten der Helden. Ob sie, wie Titians Werke, das Auge vom weitem gelocket, ist uns weniger bekannt. Aber gerührt und traurig ist Calchas ; trauriger Ulysses ; Ajax bricht scheinbarlich in laute Klagen aus. Wir glauben, mit minderem Geräusche den ungleich betrübteren Menelaus ächzen zu hören ; so hart, so schwer, daß, um den gebeugten Vater der Iphigenia vorzustellen, nichts für den Künstler übrig bleibt, als dessen Haupt zu verhütten, und den väterlichen Schmerz, der gerührten Empfindung und dem Nachdenken des Beobachters zu überlassen.
Was folgern wir aber daraus, geliebter Freund ? Wird ein neuer Künstler allemal nur die blosse Nachbildung dieses Gedanken, worinn Timanthes, wie ich schon angezeigt habe, dem tragischen Dichter Euripides gefolget ist, daraus nehmen, um dem Agamemnon das Gesicht zu decken ? Blosse Anwendungen des Schönen auf einen einzigen Fall fesseln das Genie nicht weniger, als diejenigen thun, welche die nützlichsten Vorbildungen der Leidenschaften einiger Künstler für etwas mehrers, als blosse Anleitungen ansehen, aus dem Reichthum des Schönen und in der Mannichfaltigkeit der Natur neue Muster zu suchen. Mehr hat auch le Brun mit seinem Werke von den Leidenschaften unmöglich gewollt. Seine Niedergeschlagenheit ist die Niedergeschlagenheit der Gemahlin des Darius, aber sein Zorn ist nicht der Zorn des Achilles, und soll es auch nich seyn. Hier muß der Künstler selbst das Eigene seiner Personen beurtheilen.
Timanthes führet ihn also darauf. Er erlaubt ihm, eine besondere Anmerkung über den schichlichsten Ausdruck der Seele 1) nach deren besonderen Beschaffenheit 2) nach der Würde und dem Stande überhaupt, und 3) nach den äusserlichen Verbindungen mit dem Hauptgegenstande des Vergnügens oder des Schmerzens zu machen : woraus unter mehrern Personen 4) die Beobachtung gewisser Stufen der Leidenschaften nothwendig folget. Die allgemeine Kenntnis derselben und ihrer Wirkungen in die Geberden wird voraus gesetzt[1].
- [1] Künstler können hierüber den Lomazzo, Felibien oder auch des von Piles Einleintung in die Mahlerey aus Grundsätzen nachlesen.
Hagedorn, Christian Ludwig von, Betrachtungen über die Malerei, « De l’expression des passions » (numéro III, 43) , t. II, p. 104-105 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
C’est d’après les qualités de l’expression que les Anciens nous ont fait la description de quelques tableaux qui leur retraçoient les actions de leurs héros. Nous ignorons pourtant si ces peintures, à l’exemple de celles du Titien, appelloient de loin les regards du spectateur. Dans le sacrifice d’Iphigénie, Calchas a un air triste, Ulysse est encore plus triste, Ajax s’exhale ouvertement en plaintes, Ménélas qui éprouve une douleur plus concentrée, n’en paroît que plus affligé et ne peut étouffer ses gémissements : après avoir épuisé tous les caractères de l’affliction, il ne reste plus à l’artiste, pour donner une idée de la tristesse paternelle, que de représenter Agamemnon courbé par la douleur, la tête couverte, et de s’en rapporter à la sensibilité et à la réflexion du spectateur.
Mais, mon cher ami, quelle conséquence tirer de cet exemple ? L’artiste moderne, simple copiste de cette pensée de Timanthe, se bornera-t-il sans cesse à voiler le visage de son Agamemnon ? Ceux qui proposent toujours les mêmes modeles du beau pour les mêmes circonstances, ne donnent pas moins d’entraves au génie, que ne font ceux qui considèrent les exemples les plus utiles des passions donnés par d’habiles gens, comme des choses dont il n’est jamais permis de se départir. Nous devons les considérer comme des objets d’émulation, nous devons tâcher de trouver des modeles semblables dans les richesses de la beauté et dans la variété de la nature. Certainement Le Brun, par son ouvrage des passions, ne s’est pas proposé d’autre but. Son abattement est l’abattement de la femme de Darius ; mais sa colere, n’est pas la colere d’Achille, et ne doit pas l’être. Dans ces circonstances c’est au jugement de l’artiste à caractériser ses personnages.
Ainsi Timanthe donne à l’artiste le précepte et l’exemple. Il lui permet de faire des remarques particulieres sur l’expression la plus convenable, 1) d’après le caractere particulier de l’ame ; 2) d’après la dignité et la qualité en général du personnage ; 3) d’après les relations extérieures avec l’objet principal par rapport au plaisir et à la peine. De ces maximes il résulte nécessairement que dans une composition de plusieurs figures, il faut observer de certains dégrés de passions. On suppose ici une connoissance générale des affections de l’ame et de leurs effets par rapport aux gestes et aux attitudes.
Algarotti, Francesco, Saggio sopra la pittura, saggio sopra l’Academia di Francia che è in Roma(publi: 1763), p. 132-133 (italien)
Egli ha molto del probabile, che dalla tragedia di Euripide fosse suggerito a Timante quel bel pensiero di coprire con un lembo del mantello il viso ad Agamemnone nel sacrifizio d’Ifigenia[1]. Da que’ versi del suo poeta
Vergine madre figlia del tuo figlio
Umile ed alta più che creatura,
Termine fisso d’eterno consiglio,
Tu se’ colei, che l’umana natura
Nobilitasti sì, che’l suo Fattore
Non si sdegnò di farsi tua fattura,
fu spirato Michelagnolo a rappresentar Nostra Donna nella Passione riguardante il Figlio in croce ad occhio asciutto, non di lagrime atteggiata né di dolore, come è costume degli altri pittori rappresentarla. E il sublime concetto di Raffaello, quando figura Iddio nello spazio immenso, che l’una mano distende al Sole, e l’altra alla Luna, è come un parto di quelle parole di Davide : I cieli narrano la gloria d’Iddio, e le opere delle sue mani annunzia il firmamento[2].
- [1] Ὡς δ’ἐσεῖδεν Ἀγαμέμνον αναξ
Ἐπὶ σφαγὰς σείκουσαν εἰς ᾶλσον κόρην,
Ἀνεσέναξε· κἄμπαλιν σρέψας κάρα,
Δάκρυα προῆγειν, ὀμμάτων πέπλον προθεις.
Eurip. Nella Ifigenia in Aulide verso la fine.
- [2] Male a proposito viene da uno Inglese (Webb an Inquiry into the Beauties of Painting Dialog. VII) per questa sua invenzione criticato Raffaello. Un Dio, che stende l’una mano al Sole, e l’altra alla Luna, fa andare in niente la idea d’immensità, che accompagnar dovrebbe l’opera della creazione, riducendola a un Mondo, dic’egli, di pochi pollici. Da noi non vedesi altrimenti in quella pittura un Mondo di pochi pollici ; ma un Mondo di una scala molto maggiore, un Mondo, che si stende a millioni e millioni di miglia : e in virtù di quell’atto di Domeneddio, che con l’una mano arriva al Sole, e con l’altra alla Luna, si concepisce, come un tale vastissimo Mondo rispetto a Dio è un niente ; che è tutto quello, a che può guidare nostro intelletto la facoltà pittoresca. Tale invenzione, benché in senso contrario, è del genere di quella di Timante, il quale, per mostrare la disonesta grandezza di un Polifemo dormiente, gli mise appresso alcuni satiri, che col tirso gli misuravano il dito grosso della mano. Al qual proposito Plinio, che racconta il fatto, aggiunge, come nelle opere di costui s’intendeva sempre più che l’arte vi fosse grande ; Atque in ejus operibus intelligitur plus semper quam pingitur, et cum ars summa sit ingenium tamen ultra est. Nat. Hist. Lib. XXXV. cap. X.
Algarotti, Francesco, Saggio sopra la pittura, saggio sopra l’Academia di Francia che è in Roma, p. 173-174 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Il est très-probable que la tragédie d’Euripide suggéra à Timanthe la belle pensée de couvrir le visage d’Agamemnon avec un bout de la draperie dont il était vetu, dans le Sacrifice d’Iphigenie[1], et que les vers suivants produisirent le même effet :
Vergine madre figlia del tuo figlio
Umile ed alta più che creatura
Termine fisso d’eterno consiglio
Tu se’ colei, che l’umana Natura
Nobilitasti sì, che’l suo fattore
non si sdegnò di farsi tua fattura
« O Vierge, mere fille de ton fils, plus humble et plus élevée que toutes les autres créatures, tu fus l’objet sur lequel l’Eternel jeta les yeux. Tu es celle qui as annobli la nature humaine au point que ton Créateur ne dédaigna point de devenir ta créature. »
Ces vers inspirerent à Michel-Ange l’idée de représenter la Vierge dans un tableau de la Passion, qui regarde son fils en croix sans répandre des larmes et sans donner des marques sensibles de sa douleur contre l’usage de tous les artistes. Il paroit encore que l’idée sublime de Raphael qui dans son tableau de la création du monde représenta Dieu dans l’immensité des airs mettant une main sur le soleil et l’autre sur la lune, lui a été inspirée par les mots du pseaume, Cæli enarrant gloriam Dei et opera ejus annuntiat firmamentum. Les cieux annoncent la gloire de Dieu et le firmament manifeste l’ouvrage de ses mains[2].
- [1] Ὡς δ’ἐσεῖδεν Ἀγαμέμνον αναξ
Ἐπὶ σφαγὰς σείκουσαν εἰς ᾶλσον κόρην,
Ἀνεσέναξε· κἄμπαλιν σρέψας κάρα,
Δάκρυα προῆγειν, ὀμμάτων πέπλον προθεις.
Euripide dans Iphigenie en Aulide vers la fin de la piece.
- [2] Cette pensée a été critiquée mal-à-propos par un Anglois. Un Dieu, dit-il, qui étend sa main sur le soleil et l’autre sur la lune fait disparoître l’idée de l’immensité qui devroit accompagner l’ouvrage de la création en réduisant le monde à une étendue de quelques pouces. Nous voyons bien différemment ce monde si borné, nous le mesurons avec une échelle beaucoup plus grande et nous le regardons comme ayant des millions de milliards de pouces. Dieu atteignant le soleil et la lune avec ses deux mains nous fait voir que le monde dans son immensité n’est rien vis-à-vis de lui ; c’est à quoi les ressources de la peinture doivnet alors élever notre esprit. Cette pensée est dans le genre de celle de Timanthe quoique dans un sens contraire. Cet artiste grec voulait donner une idée de la grandeur de Poliphême endormi, plaça quelques satyres qui mesuroient son pouce avec leurs thyrses. Pline qui nous raconte ce trait ajoute que les ouvrages de ce peintre donnoient encore plus de choses à entendre qu’ils n’en montroient, quoique Timanthe eut beaucoup de talens pour la peinture, on voyoit encore qu’il avait beaucoup d’esprit. Atque in ejus operibus intelligitur plus semper quam pingitur, et cum ars summa sit ingenium tamen ultra est. Nat. Hist. Lib. XXXV. cap. X.
Commentaires : Trad. Pingeron, 1769, p. 173-174
Diderot, Denis, Salon de 1765(redac: 1765), p. 85-86 (fran)
Le sacrifice de Jephté. L’ordonnance de ce tableau est assez bonne. Au milieu de la toile un autel allumé; à côté de l'autel, Jephté penché sur sa fille, le bras levé et prêt à lui enfoncer le poignard dans le sein ; sa fille étendue à ses pieds, la gorge découverte, le dos tourné à son père, les yeux levés vers le ciel. Le père ne voit point sa fille ; la fille ne voit point son père. Devant la victime, un jeune homme agenouillé tenant un vaisseau et disposé à recevoir le sang qui va couler. A droite, derrière Jephté, deux soldats ; à gauche, sur le fond, au delà de l’autel, trois vieillards.
Beau sujet, mais qui demande un poète moins sage, plus enthousiaste que la Grenée. – Mais ce Jephté ne manque pas d’expression. – Il est vrai ; mais a-t-il celle d’un père qui égorge sa fille ? Croyez-vous que si ayant posé sur la poitrine de sa fille une main qui dirigeât le coup, prêt à enfoncer un poignard qu’il tiendrait de l’autre main, il eût les yeux fermés, la bouche serrée, les muscles du visage convulsés et la tête tournée vers le ciel, il ne serait pas plus frappant et plus vrai ? Ces deux soldats, oisifs et tranquilles spectateurs de la scène, sont inutiles. Ces trois vieillards, oisifs et tranquilles spectateurs de la scène, sont inutiles. Et au milieu de ces froids et muets assistants qui donnent à Jephté l’air d’un assassin, ce jeune homme qui prête son ministère sans sourciller, sans pitié, sans commisération, sans révolte, est d’une atrocité insupportable et fausse. La fille est mieux, encore est-elle faible, de plâtre et non de chair. En un mot, demandez aux indulgents admirateurs de ce morceau s’il inspire rien de cette terreur, de ce frémissement, de cette douleur qu’on éprouve au seul récit. C’est que le moment que le peintre a choisi, le plus terrible par la proximité du péril, n’est peut-être ni le plus pathétique ni le plus pittoresque. Peut-être m’aurait-on affecté davantage en me montrant une jeune fille couronnée de bandelettes et de fleurs, soutenue par ses compagnes, les genoux défaillants, et s’avançant vers l’autel où elle va mourir de la main de son père; peut-être le père m’aurait-il paru plus à plaindre attendant sa fille pour l’immoler, que le bras levé, l’immolant.
Commentaires : atacher Jephté Lagrenée
Dandré-Bardon, Michel François, Traité de peinture, suivi d’un essai sur la sculpture(publi: 1765), « Usage de la poésie de style et de détail », p. 140 (fran)
Que la tristesse inexprimable de Jephté prêt à sacrifier sa fille unique, que la douleur accablante d’Agammenon, à qui Calchas demande la mort d’Iphigenie, soient voilées du même manteau, ou caractérisées par des signes également expressifs ! Que les pleurs de l’inconsolable Rachel et sa consternation peignent les sentiments qu’elle éprouve à la vûe de ses enfans égorgés ! Que les mêmes traits retracent dans Agrippine la triste situation où l’a reduite le trépas de son cher epoux Germanicus !
Jaucourt, Louis de, Encyclopédie, art. « Peintres grecs », tome XII(publi: 1765), p. 264-265 (fran)
Timanthe étoit natif de Sycione, ou selon d’autres, de Cythné. Cet artiste si renomme avoit en partage le génie de l’invention, ce don précieux de la nature qui caractérise les talens supérieurs, et que le travail le plus opiniâtre, ni toutes les ressources de l’art, ne peuvent donner. C’est Timanthe qui est l’auteur de ce fameux tableau du sacrifice d’Iphigénie, que tant d’écrivains ont célébré, et que les grands-maîtres ont regardé comme un chef-d’œuvre de l’art. Personne n’ignore que pour mieux donner à comprendre l’excès de la douleur du pere de la victime, il imagina de le représenter la tête voilée, laissant aux spectateurs à juger de ce qui passoit au fond du cœur d’Agamemnon. Velavit ejus caput, dit Pline, & sibi cuique animo dedit æstimandum. Tout le monde sait encore combien cette idée a été heureusement employée dans le Germanicus de Poussin. Les grands hommes, et sur-tout les Peintres, parlent tous, pour ainsi dire, le même langage, et le tableau de Timanthe ne subsistoit plus quand le Poussin fit le sien.
Commentaires : attacher Poussin
Dictionnaire d’anecdotes, de traits singuliers et caractéristiques, historiettes, bons mots, naïvetés, saillies, reparties ingénieuses, etc. etc.(publi: 1766), art. « Peintres », vol. 2, p. 535 (fran)
Timanthe, peintre de l’antiquité, se servit d’un moyen assez ingénieux pour faire connoître la prodigieuse grandeur d’un géant endormi. Il représenta un satyre qui mesuroit, avec un thyrse, le pouce de ce géant.
Lessing, Gottold Iphraïm, Laokoon(publi: 1766), p. 281-282 (allemand)
Jammer ward die Betrübnis gewildert. Und wo diese Wilderung nicht statt finden konnte, wo der Jammer eben so verkleinernd als entstellend gewesen wäre, — was that da Timanthes ? Sein Gemälde von der Opferung der Iphigenia, in welchem er allen Umstehenden den ihnen eigenthümlichen zukommenden Grad der Traurigkeit ertheilte, das Gesicht des Vaters aber, welches den allerhöchsten hätte zeigen sollen, verhüllte, ist bekannt, und es sind viel artige Dinge darüber gesagt worden. Er hätte sich, sagte dieser, in den traurigen Physiognomien so erschöpft, daß er dem Vater eine noch traurigere geben zu können verzweifelte. Er bekannte dadurch, sagt jener, daß der Schmerz eines Vaters bei dergleichen Vorfällen über allen Ausdruck sei. Ich für mein Teil sehe hier weder die Unvermögenheit des Künstlers, noch die Unvermögenheit der Kunst. Mit dem Grade des Affects verstärken sich auch die ihm entsprechenden Züge des Gesichts ; der höchste Grad hat die allerentschiedensten Züge, und nichts ist der Kunst leichter, als diese auszudrücken. Aber Timanthes kannte die Grenzen, welche die Grazien seiner Kunst setzen ? Er wußte, daß sich der Jammer, welcher dem Agamemnon als Vater zukam, durch Verzerrungen äußert, die allerzeit häßlich sind. So weit sich Schönheit und Würde mit dem Ausdrucke verbinden ließ, so weit trieb er ihn. Des Häßliche wäre er gern übergangen, hätte er gern gelindert ; aber da ihm seine Composition beides nicht erlaubte, was blieb ihm anders übrig, als es zu verhüllen ? Was er nicht malen durfte, ließ er errathen. Kurz, diese Verhüllung ist ein Opfer, das der Künster der Schönheit brachte. Sie ist ein Beispiel, nicht wie man den Ausdruck über die Schranken der Kunst treiben, sondern wie man ihn dem ersten Gesetze der Kunst, dem Gesetz der Schönheit, unterwerfen soll.
Le Mierre, Antoine-Marin, La Peinture : poème en trois chants(publi: 1769), p. 58-59 (fran)
Mais il est des objets, mais il est des tableaux,
Sur qui la main stérile use en vain ses pinceaux,
Change de route alors et qu’un beau stratagême
Remplace sous tes doigts l’art qui manque à lui-même.
Le Poëte doit peindre, et le Peintre exprimer ;
S’il est quelques objets qu’il ne puisse animer,
Connois mieux la peinture, elle a sa réticence,
Et tire son secours de sa propre impuissance.
Iphigénie en pleurs sous son bandeau mortel
De festons couronnée avance vers l’autel ;
Tous les fronts sont empreints de la douleur des ames,
Clytemnestre se meurt dans les bras de ses femmes,
Sa fille laisse voir un désespoir soumis,
Ulisse est consterné, Ménélas, tu frémis,
Calchas même est touché : mais le pere, le pere… !
D’atteindre à sa douleur l’artiste désespere ;
Il cherche, hésite, enfin le génie a parlé ;
Comment nous montre-t-il Agamemnon ? voilé.
Clément, Jean Marie Bernard, Observations critiques sur la nouvelle traduction en vers français des Géorgiques de Virgile et sur les poèmes des Saisons, de la Déclamation et de la Peinture(publi: 1771), p. 460 (fran)
Le tableau que L.M.[Explication : Le Mierre.] a peut-être le plus mal rendu, est celui d’Iphigénie et d’Agamemnon, par Timanthe. [...] Vous êtes frappé du ridicule de cette répétition, le père, le père, et de cette interrogation froide, qui amène une réponse d’un laconisme très-plat. Ce mot voilé, qui n’a aucune consistance, termine, on ne peut pas plus mal, une tirade.
Falconet, Etienne, Traduction des XXXIV, XXXV et XXXVI livres de Pline l’Ancien, avec des notes(publi: 1772), Addition à la note sur le tableau de Timanthe, t. I, p. 324-337 (fran)
Je suis fâché de ne pas entendre la langue allemande, et de ne pouvoir lire un ouvrage de M. Lessing, dans lequel il prescrit les limites de la Poësie et de la Peinture, ainsi que le titre du livre l’annonce. L’édition est de Berlin, 1766. On m’en a traduit le morceau suivant, tel que je vais le raporter.
M. Lessing, après avoir avancé page 15, que les anciens artistes se gardoient bien de représenter les passions dans toute leur force ; après avoir dit qu’ils s’abstenoient entièrement de représenter des positions du corps si forcées que les lignes de beautés qui le circonscrivent dans un état de repos, soient perdues (Il faut croire que le groupe des Luteurs ne présentoit pas dans cet instant, toutes les beautés à M. Lessing), il ajoute page 18 : « L’extrême afliction étoit adoucie en tristesse, et quand cet adoucissement ne pouvoit avoir lieu ; quand l’afliction extrême auroit avili et défiguré, que fait en ce cas Timanthe ? On connoit son tableau du Sacrifice d’Iphigénie dans lequel il a donné à chacun des assistans, le dégré d’afliction qui lui convient. Mais à l’egard du pere, auquel il auroit dû donner le plus haut degré de douleur, il lui a voilé le visage. Que de belles choses n’a-t-on pas dites sur cette composition ! Timanthe a exprimé tous les diférens degrés de tristesse qui pouvoient être propres à son sujet ; mais il voilà le visage du pere sur lequel on auroit dû apercevoir la plus forte douleur. Il s’étoit, dit Pline, si fort épuisé en phisionomies tristes, qu’il désespéra d’en pouvoir donner au pere une plus triste encore. Il avoua par là, dit Valère Maxime, que la douleur d’un pere dans une pareille circonstance, est au dessus de toute expression. Quant à moi, je ne vois ici ni l’impuissance de l’art, ni celle de l’artiste. Avec le degré de passion se renforcent aussi les traits du visage qui les manifestent. Le plus grand degré a les traits les plus décidés, et rien n’est plus facile à l’art que de les exprimer. Mais Timanthe connoissoit les bornes que lui préscrivoient les graces de son art : il savoit que la douleur qui convenoit à Agamemnon comme pere, se manifeste par des contorsions qui sont toujours hideuses. Jusqu’où la beauté et la dignité peuvent s’allier avec l’expression, jusques-là a-t-il été. Il auroit volontiers franchi le pas jusqu’au hideux, il l’auroit volontiers adouci ; mais sa composition ne lui permettoit ni l’un ni l’autre. Que lui restoit-il à faire, qu’à le voiler ? Ce qu’il n’a pas osé peindre, il l’a laissé deviner : bref, ce voilement est un sacrifice que l’artiste a fait à la beauté. Elle est un exemple, non comme on doit pousser l’expression au-delà des bornes de l’art, mais comme on doit l’assujetir à la première règle de l’art ; la règle de la beauté.
Maintenant, en apliquant cela au Laocoon, la raison que je cherche est claire. L’artiste travailla pour la plus grande beauté dans les circonstances admises de la douleur corporelle : celle-ci dans tout son excès défigurant, ne pouvoit être alliée avec l’autre ; il dut donc la rendre moins vive, et changer les cris en soupirs, non parce que les cris décelent une ame ignoble, mais parce qu’ils défigurent le visage d’une manière dégoutante. Car on n’a qu’a s’imaginer le Laocoon la bouche ouverte, et juger ; qu’on le fasse crier, et qu’on regarde. C’étoit une figure qui excitoit la pitié, parce qu’elle faisoit voir à la fois de la beauté et de la douleur ; à présent elle est devenuë une figure hideuse et afreuse, de laquelle on détourne volontiers les yeux ; parce que la vuë de la douleur excite le déplaisir, sans que la beauté de l’objet soufrant puisse changer ce déplaisir en un doux sentiment de pitié.
L’ouverture extraordinaire de la bouche (en faisant abstraction combien en même tems les autres parties du visage deviennent par là plus tirées et plus déplacées) fait une tache dans la peinture, et un creux dans la sculpture qui forment les éffets les plus désagréables du monde. Montfaucon montra peu de goût en donnant une vieille tête barbue avec une bouche extrêmement ouverte, pour un Jupiter qui prononce des oracles. Un Dieu doit-il crier quand il prédit l’avenir ? Un agréable contour de la bouche rendroit-il ses discours suspects ? Je ne crois pas non plus Valerius, lorsqu’il dit que dans le susdit tableau de Timanthe, Ajax devoit crier. Des maîtres bien plus mauvais, du tems que les arts étoient déjà dans la décadence, n’ont jamais fait ouvrir la bouche jusqu’à crier, aux barbares les plus sauvages, lorsque dans les combats, sous le fer du vainqueur, ils avoient devant les yeux l’efroi et la mort presente.
Il est certain que cette dégradation de douleur extérieure du corps, au plus bas dégré du sentiment, est visible dans plusieurs ouvrages anciens. L’Hercule soufrant dans sa tunique empoisonnée, de la main d’un ancien statuaire inconnu, n’étoit point celui de Sophocles qui crioit si efroyablement, que les roches de la Locride et le promontoire de l’Eubée en rétentissoient. Il étoit plus sombre que furieux. Le Philoctète de Pythagoras Leontin sembloit communiquer sa douleur au spectateur ; éffet que le moindre trait hideux auroit empêché. Peut-être me démandera-t-on, d’où je sais que ce maître a fait une statue de Philoctète ? D’un endroit de Pline, qui n’auroit pas dû atendre ma correction, tant il est falsifié ou tronqué. »
Dissertons un instant sur ce passage, mais avec tous les égards qui sont dus à un homme du mérite de M. Lessing. L’inconvénient de ces discussions est, que le savant et l’artiste sont deux hommes dont le langage de l’un n’est pas toujours absolument familier à l’autre : le moïen alors de bien s’entendre ? Le savant calcule ordinairement dans son cabinet avec ses livres, et son calcul peut être juste ; mais l’artiste sent bien que ce calcul n’est pas toujours celui de l’art : il sait aussi que la meilleure démonstration à lui oposer, seroit des tableaux. Ne pouvant pas ici emploïer ce moïen de nous faire entendre, essaïons cependant d’y parvenir sans son secours : bien persuadé d’ailleurs, que M. Lessing ne s’en est pas tenu aux auteurs qui parlent de la peinture, et qu’il a aussi beaucoup étudié les ouvrages de l’art même.
M. Lessing assure que Timanthe connoissoit les bornes que lui préscrivoient les graces de son art. J’oserois croire, qu’avant de l’affirmer, il faudroit que nous eussions vu plusieurs tableaux de Timanthe atendu que le raport des Anciens ne sufit pas pour le décider. On a pu voir ailleurs les raisons que j’ai aportées d’étendre un peu moins les talens de ce peintre. Elles sont, à ce qu’il me semble, puisées dans le sentiment intime de l’art ; et dans ce cas, les juges seulement érudits, ne forment pas pour elles un tribunal légitime et asséz universel.
M. Lessing croit, que la situation où se trouvoit alors Agamemnon, ne peut être exprimée en peinture que par des contorsions hideuses ; moïen qui certainement rendroit son visage trop diforme pour l’exposer à la vuë, sans déroger à la dignité du personnage. Une imagination forte, un organe sensible, un artiste, en un mot, qui connoît les passions et leurs éffets sur les diférentes parties du visage, et qui n’exprime que les ressources et la puissance de l’art, ne voudra jamais croire que la douleur d’Agamemnon ne puisse être réprésentée que par des contorsions hideuses. J’ai essayé de prouver, ou plutôt de faire sentir, la possibilité du contraire de cette assertion.
Je voudrois pouvoir mettre sous les yeux du lecteur une Sophonisbe de Gregorio Lanzarini. Cette princesse lit le décret de Scipion ou la lettre de Massinissa, contenant l’ordre de s’empoisonner. Toute l’horreur de l’instant fatal est alliée sur son visage avec l’intrépide résolution de mourir, et sans altérer les traits de la beauté. Ce tableau, dont la principale figure n’est pas voilée, est dans une des galeries de S. M. l’Impératrice de Russie. Si M. Lessing l’a vu, soit à Berlin où il a été, soit ailleurs, je présume trop de son bon goût et de sa sensibilité, pour ne pas croire qu’il a dû vivement sentir, que la peinture peut exprimer sur le visage d’Agamemnon toute la douleur qui lui convient, sans contorsions hideuses, et sans donner ateinte aux principes et aux traits de la beauté. Laissons à certains fous ces vils sarcasmes qui, ne suposant aucun mérite, aucune raison aux hommes qui contredisent leur ignorance, insultent à qui peut les instruire ; et croïons qu’un habile homme, pour avoir pu se tromper, ne mérite pas moins l’hommage de notre réconnoissance, lorsqu’il peut nous éclairer d’ailleurs.
Si Laocoon, ce père désespéré doublement soufrant et par la perte de ses deux fils et par ses propres douleurs, peut bien être réprésenté à visage découvert ; si sa tête est un chef-d’œuvre de l’art, si son extrême afliction n’est point adoucie en tristesse, pourquoi Agamemnon ne pourroit-il pas être aussi avantageusement réprésenté à visage découvert, et sans que ce visage fut défiguré d’une manière dégoûtante ?
Je demande encore si les traits de la beauté ont disparu dans les têtes des enfans du Laocoon, quoique la douleur fasse relever considérablement leurs sourcils et ouvrir convenablement leur bouche, pour exprimer par des cris tout le mal qu’ils ressentent ? Je demande si le Laocoon ne paroît pas encore, tout nud qu’il est, un homme distingué, quoique toutes les parties de son visage expriment fortement l’extrême anxiété et les plus vives souffrances, car il faut aller au fait ?
Enfin, je demande si, comme le dit M. Winckelmann, le Laocoon ne nous offre pas le spectacle de la nature humaine dans la plus grande douleur dont elle soit susceptible, dans un homme qui tâche de rassembler contre elle toute la force de l’esprit ? Si là où est le siège de la plus grande douleur ne se trouve pas aussi la plus sublime beauté ? J’invite le lecteur à voir ce morceau entier dans l’Histoire de l’art : M. Winckelmann l’a aussi bien senti que sa description de l’Apollon sublime du Belvedere.
Nous avons encore dans les restes précieux de la sculpture grecque, un exemple frapant de l’inutilité d’un voile. La Niobé voit périr à coups de flêches ses quatorze enfans ; elle les a tous sous les yeux ; les uns mourans, les autres morts ou prêts à être percés. Elle a donc, s’il est permis de plaisanter ici sur l’abus des calculs dans les objets de sentiment ; elle a donc treize degrés de désespoir et de douleur de plus qu’Agamemnon, lequel avoit au moins l’espoir d’un heureux et prochain retour en Grèce : ajoutez qu’il avoit consenti au sacrifice politique et religieux de sa fille. Cette Niobé cependant n’est pas voilée ; on n’a même jamais pensé qu’elle dût l’être, et on l’a toujours admirée, quoiqu’à visage découvert. Pourquoi cela ? C’est aparemment qu’on lui a trouvé l’expression convenable à sa situation. Si le statuaire, privé des secours du peintre, a sû réussir dans cette expression ; à combien plus forte raison le peintre ne réussiroit-il pas ? Ce statuaire connoissoit Homère, Euripide, et sans doute Eschile qui a voilé Niobé ; mais il aura dit : je ne récite pas ma statue et sa douleur ; je les fais, je les montre, et mon sujet doit parler à visage découvert.
Dira-t-on que la statue de Niobé ne répond pas à la douleur de cette mère désolée ? Tant pis vraiment. Dira-t-on qu’étant seule, et non pas comme Agamemnon au milieu d’une famille acablée de tristesse, il n’y a pas à craindre que son expression soit partagée et afoiblie par celle des autres acteurs ? Je demanderai qui sont donc ces quatorze personnes qui l’environnent, et qui elles-mêmes sont là pour jouër un grand rôle à expression douloureuse ? Au surplus, cette question, qu’il seroit trop long de traiter ici, demande un examen particulier ; et si le livre de M. Lessing et la suite qu’il a promise, étoient traduits, je pourrois peut-être m’ocuper d’une discussion si convenable à un artiste qui s’amuse à écrire.
Ne s’ensuivroit-il pas du principe que veut établir M. Lessing, que tout peintre qui auroit à représenter un sujet de douleur, devroit constament voiler, par une règle invariable de l’art, le personnage qui doit prendre la plus grande part à l’événement représenté ? Ou bien, sous le prétexte de ne pas vouloir dégrader la beauté, il priveroit lui et le spectateur d’une source riche, profonde et immense de beautés. Je laisse à penser combien il seroit risible d’entendre le peintre, quand il diroit vous verrez toute la sublimité de mon tableau, sitôt que j’aurai fait la figure voilée.
On ne prend pas garde, non plus, que de tous les suejts à expression douleureuse que les anciens artistes ont traités, il n’est fait mention que du seul tableau de Timanthe, où la douleur principale fut voilée, je crois qu’on a fait beaucoup trop de bruit pour peu de chose, et surtout pour ce qui auroit dû en faire le moins.
Je n’entrerai pas ici dans la discution des bouches ouvertes, et je m’en tiendrai à dire que le fameux Milon du Puget a la bouche ouverte, et que ce creux dans la sculpture, loin de former un éffet des plus désagréables, ajoute à l’étonnante expression de cette figure sublime. Quant aux prétenduës taches que font ces bouches dans la peinture, je n’en dirai rien non plus ; parce qu’on doit savoir que l’art des grands peintres qui ont fait des bouches ouvertes, a su les garentir de tous reproches.
Pour la tête de Jupiter du P. Montfaucon, je crois qu’elle ne valloit pas la remarque. C’est un Mascaron presque ridicule, surtout par sa coëffure, et qui ne peut jamais faire autorité quand il s’agira d’expression. Lorsqu’un ouvrage de l’art est à un certain dégré de foiblesse, et que d’ailleurs il n’est préconisé par qui que ce soit, je pense qu’il est du discernement d’un critique habile de le laisser en repos dans le coin où le premier auteur l’a déposé, particulièrement si cet auteur n’en parle pas d’une manière qui tire à conséquence.
Mais le P. Montfaucon eut pu dire : « Je n’ai donné cette tête de Jupiter que comme j’ai donné celle d’Apollon ou du Soleil, laquelle ouvre une grande bouche : vous la trouverez à la page 86 du premier tome de mon Suplément. Ce ne sont là que des monumens du culte superstitieux des Gaulois, et jamais on n’a prétendu que ces sortes de caricatures dûssent faire autorité dans l’art. Ces masques ridicules et à grande bouche ouverte, rendoient, disoit-on, des oracles ; voilà tout, chacun le sait ; et je n’en ai parlé que sur ce pied-là : ayez donc la bonté de suprimer cette preuve de mon peu de goût ? »
Commentaires : lier: Niobé, Milon puget
Falconet, Etienne, Traduction des XXXIV, XXXV et XXXVI livres de Pline l’Ancien, avec des notes(publi: 1772), t. I , p. 156; 308-322 (fran)
Timanthe eût l’esprit très fécond ; aussi son Iphigénie fut-elle célébrée par les orateurs. Ayant fait cette princesse debout devant l’autel où elle devoit être sacrifiée ; ayant réprésenté tous les assistants dans la tristesse, et particulièrement son oncle ; enfin ayant épuisé tous les caractères de la douleur, il couvrit le visage du père qu’il ne pouvoit montrer avec une expression convenable à la situation (39). Il y a encore d’autres preuves de son génie ; comme un Cyclope endormi, peint dans un très petit tableau, auprès duquel, pour faire sentir la grandeur de sa taille, il a peint des satyres qui mesurent son pouce avec un thyrse[1]. Il en est de même de tous ses ouvrages, où il y a toujours plus de sous-entendus que d’exprimé ; et quoique l’art en soit excellent, le génie le surpasse encore.
Notes, t. I, p. 308-322 : (39) Ainsi Timanthe, ayant épuisé tous les caractères de la tristesse et de l’affiction, fut obligé de voiler le visage d’Agamemnon. C’est que Timanthe ne savait pas placer ses personnages de la manière la plus convenable à leur donner le plus ou le moins d’intérêt nécessaire dans sa composition, ou qu’il ignoroit la gradation des caractères. Ce qui n’est pas la marque d’un bon jugement, ne doit pas être l’objet d’un éloge. Mais pourquoi raisonner à côté de l’objet ? Voyons en deux mots si Timanthe savoit rendre les expressions. Pline dit qu’Aristides fut le premier qui peignoit l’âme, les sentiments, les caractères, les troubles de l’esprit. Or cet Aristides étoit en réputation vers la 108e ou 110e Olympiade, environ 60 ans après Timanthe. Vous voïez bien que Timanthe ne devoit pas être trop savant dans une partie qui ne fut connuë que 60 ans après lui. Les contemporains, qui n’avoient pas encore vu chez les peintres de véritable expression, admiroient les tableaux qui en suposoient, comme on admiroit les statues de Dédale et la première montre qui fut faite. Ces contemporains écrivirent, furent copiés par d’autres, qui le furent aussi ; et Pline compila ce qui lui en parvint. Voilà comme il écrivoit l’histoire de l’art, comme il entendoit lui-même ce qu’il écrivoit, comme on le fait lire, et comme la postérité a de bons mémoires.
Mais suposons que Timanthe, emporté par les expressions dont il étoit vivement pénétré, les eut épuisées sur les autres figures, il sut habilement, dit-on, reparer cette faute par un grand trait de génie : c’est ce que nous allons voir. L’étenduë de l’esprit, la force de l’imagination, et l’activité de l’âme, voilà le génie. (Encycl. Art. Génie). Quand on se ressouvient de ce qu’un autre a fait, on a de la mémoire et point de génie. Quand on fait ce qu’un autre a fait, et qu’on fait précisément la même chose, on n’imagine pas, on imite. Quand un autre, dans l’activité de son ame, a trouvé un trait de génie, il dispense la nôtre de la même activité, lorsque nous voulons exécuter une chose pareille. Apliquons ces définitions au prétendu trait de génie de Timanthe.
Euripide, par le temps où il vivoit, auroit été le père de Timanthe ; il avoit fait son Iphigénie plus de 50 ans avant que celui-ci fît la sienne. Il dit au cinquième acte : Agamemnon la voit s’avancer vers le terme fatal ; il gémit ; il détourne la vuë ; il verse des larmes, et se couvre le visage de sa robe[2] : trait que le poëte avoit habilement préparé dès le second acte, en faisant dire à Agamemnon : Roi, je rougis de verser des pleurs ; et pere infortuné, je rougis de n’en pas répandre. Il paroît de là que ce n’est pas tant pour laisser imaginer au spectateur l’expression de la plus forte douleur qu’Euripide couvre le visage du pere d’Iphigénie, que pour conserver la décence et la dignité bien ou mal entenduës, de ce roi de tant de rois : caractère que le poëte a fort ingénieusement soutenu dans le dernier acte. J’ignore si d’autres ont fait atention à cette nuance délicate ; mais le Père Brumoy ne l’a point aperçuë, et M. Racine le fils l’a fait disparoître dans son examen d’Iphigénie : on pourroit, ce me semble, élever son pere sans abaisser son aïeul. Ainsi on a mal vu, si je ne me trompe, le trait que le peintre a emprunté du poëte, tant qu’on n’y a vu que le voile d’une douleur inéxprimable. Ce n’est pas trop avancer que de dire, que toute la Grèce savoit par cœur l’Iphigénie d’Euripide, et le peintre Timanthe ne l’ignoroit pas. Comment donc des hommes d’esprit, des savans sans nombre, tant chez les Anciens que parmi les Modernes, ont-ils pris le change ? Pourquoi se sont-ils extasiés sur cette prétenduë imagination de Timanthe, et comment n’ont-ils pas vu que son génie n’était là qu’une copie de celui d’Euripide ?
Quant aux Grecs ; ils retrouvoient avec plaisir dans le tableau de leur peintre, l’Agamemnon de leur poëte. Voilà, dit une note dans le père Brumoy sur ce passage, voilà ce qui a donné lieu au tableau si vanté de Timanthe ; le poëte méritait au moins autant d’éloges que le peintre[3]. Après une observation aussi juste, aussi frappante ; après la publication en français de l’Iphigénie d’Euripide, comment les écrivains françois ont-ils le courage de dire encore, Timanthe imagina de représenter Agamemnon la tête voilée ? Mr. de Jaucourt qui copioit les discours de Mr. de Caylus, voyoit pourtant la note, p. 197 tom. 25 des Mém. de l’Acad., où il est dit, que Timanthe étoit redevable à Euripide du trait qui lui a fait le plus d’honneur dans son tableau. Il avoit dû lire aussi dans les Réflexions sur la poësie de M. Louïs Racine, Agamemnon est présent au sacrifice, mais il s’est voilé le visage ; voile heureux dont fit usage le peintre vanté par Cicéron : cela était imprimé dès l’année 1747. Cette démonstration une fois posée dans un poëte antérieur à Parrhasius, est un point duquel il n’est plus permis de s’éloigner.
On peut voir aussi la description du tableau où Carle Vanloo a traité le même sujet ; elle est imprimée en 1754. On y trouvera, page 25, Malgré le respect que j’ai pour l’Antiquité, je ne loüerai point Timanthe d’avoir voilé le visage d’Agamemnon. Page 26, Ce procédé me paroît dans la peinture un contresens, et si j’ôse le dire, une absurdité. Et page 27, Je suis persuadé que Timanthe n’avoit couvert les yeux d’Agamemnon du pan de sa robe, que pour copier fidèlement Euripide, et que les historiens peu exacts sur les parties des arts, ou trop amis de l’hyperbole, ont mal conçu l’objet du peintre, ou ont altéré la tradition d’un fait très simple en soi. Voilà qui concourt à la preuve que Timanthe n’a point imaginé ce voile ; et l’auteur désapprouve aussi les historiens qui en ont exagéré l’éloge[4].
Quant à Pline le compilateur indigeste, il vouloit, comme tant d’autres, voir dans Timanthe un peintre de génie ; ainsi, toute idée qui ne le lui eût pas présenté tel, devoit s’afoiblir, disparoître même, au point de le laisser entièrement livré à son opinion. Cette Iphigénie avoit été tant célébrée par les orateurs, oratorum laudibus celebrata. C’en étoit assez pour Pline : eh ! ne l’en plaisantons point ! C’est aussi tout autant qu’il en faut pour des milliers de gens d’esprit, je n’ôse pas dire des savants. C’est ainsi qu’emporté par le torrent de l’autorité, la préoccupation jointe à l’ignorance de la chose, n’aperçoit que ce qu’elle a bien résolu de voir. Nous dependons de tant de causes qui nous tirannisent, que fort peu de ces ressorts qu’on apelle gens d’esprit, sont en état d’agir autrement ; il faut du travail et d’excellents organes pour se conduire le moins mal possible ; et voilà l’esprit juste.
Si l’autorité des Anciens et celle de quelque homme que ce soit, quand elle n’est fondée que sur elle-même, étoit un rempart contre la saine critique, où en seroient les sciences et les arts ? Si sur chaque matière dont quelques écrivains se sont emparés, et sur laquelle ils se sont avisés de trancher net, quoiqu’ils y fussent fort peu éclairés, si, dis-je, des hommes profondément instruits et tenaces, eussent consacré leurs veilles, quels services n’eussent-ils pas rendus à l’humanité ! L’homme qui cherche de bonne foi la vérité dans quelque matière que ce soit, ne se trouveroit pas égaré par des guides infidèles. Nos jugemens, avant d’être formés, sont pervertis par des écrivains légers qu’une vaine renommée a métamorphosés en docteurs irréfragables.
Il y a une petite observation à faire encore à l’occasion du passage de Pline ; je m’y arrête, parce que le texte est sous mes yeux. Pline dit : patris ipsius vultum velavit ; et dans le douzième vol. de l’Encyl. Page 264, on lit, velavit ejus caput, dit Pline, et sibi cuique animo dedit aestimandum. Les recueils ou la mémoire de M. de Jaucourt l’auront trompé. Peut-être aussi se sera-t-il trompé en lisant ce latin dans l’abbé Du Bos : le nom de Pline et celui de Quintilien, placés quelques mots avant le passage, peuvent induire en erreur quand on est pressé. Quoi qu’il en soit, cette fin de phrase est de Quintilien, de inst. orat. lib. 2 c. 13. Ce n’est là qu’une petite faute que tout écrivain peut commettre par inadvertance, surtout quand on n’a pas le tems de se relire, mais pourtant qu’il est à propos d’observer, pour ne pas induire en erreur ou y laisser ceux qui ne lisent pas les originaux.
Mr. de Jaucourt observe au même endroit que le Poussin a emploïé dans son Germanicus l’idée de Timanthe, sans la devoir au peintre grec ; et la preuve qu’il en donne, c’est que le tableau de Timanthe ne subsistoit plus quand le Poussin fit le sien. Que le tableau de Timanthe ne subsistât plus alors, c’est un fait indiscutable ; mais il résulteroit du raisonnement de Mr. de Jaucourt copié d’après celui de l’Abbé Du Bos, que le tableau d’Euripide subsistant lorsque Timanthe fit le sien, le peintre pouvoit bien devoir son idée au poëte, et que le Poussin peut devoir également la sienne au même poëte qui subsiste encore. Les mots exprimant les idées dans le discours, ce n’est qu’en les emploïant à propos qu’on ne confond pas les idées. Imiter et copier ne sont pas sinonimes : on peut donc imiter l’idée d’un tableau, quand, par une description exacte, cette idée est déposée chez un écrivain ; alors on n’a pas besoin du tableau pour emploïer la même idée. Mais pour copier le tableau, on sait que sa présence est nécessaire, et que la plus exacte description n’y serviroit à rien.
Il ne se présente pas à l’esprit du lecteur comment on peut se résoudre à donner les raisons les plus foibles, et même les plus fausses, quand on a les meilleures ; et très assurément M. de Jaucourt n’en manquoit pas. Il pouvoit dire, par exemple, qu’une femme auprès du lit de Germanicus mourant n’est pas Agamemnon qui voit arriver sa fille dans le camp des Grecs, pour y être assassinée à la vuë de toute l’armée ; que le Poussin a dû prendre dans la nature, comme tous les peintres et les sculpteurs, l’idée d’une femme qui essuie ses larmes avec un mouchoir ; qu’il n’y a pas d’actrice qui n’en fasse autant tous les jours au théâtre, sans penser seulement qu’il ait subsisté un tableau de Timanthe. Voilà peut-être des raisons qui eussent été présentables ; mais il ne falloit pas donner pour preuve du génie autodidacte du Poussin, la non-existence du tableau de Timanthe ; parce que si le Poussin eût voulu recourir à d’autres autorités qu’à celle de la nature, pour savoir s’il devoit donner un mouchoir à son Agrippine, et qu’il eût cru bonnement que la tête d’Agamemnon couverte lui fût nécessaire, n’avait-il pas Euripide, Cicéron, Pline, Quintilien, et Valère-Maxime ? Mais le Poussin eût montré aussi peu de sens et de jugement dans son art, qu’Euripide mettoit d’intelligence dans le sien. Quel raport, en effet, entre le mouchoir d’Agripine et le voile d’Agamemnon ? Revenons au tableau grec.
Nous distribuons volontiers le blâme et l’éloge un peu trop légèrement. De ce qu’Euripide a voilé le visage de son Agamemnon, s’ensuit-il nécessairement que Timanthe a dû voiler le sien ? Avant de décider ce point, il faut examiner les raisons du poëte, et voir si le peintre en avait de semblables. Si Euripide est parti du cruël embarras où se trouvoit Agamemnon qui, comme pere, ne pouvoit retenir ses larmes et, comme roi, les vouloit cacher à ses prêtres et à son armée, Timanthe a très bien fait d’imiter Euripide. Mais si, comme on le supose communément, le poëte n’ayant d’autre objet que celui de laisser de l’exercice à l’imagination du spectateur, emploia l’artifice de ce voile, ne pourroit-on pas, en se rapelant les usages du théatre grec, apercevoir que les masques des acteurs s’oposoient absolument à l’effet des expressions composées et successives ? Raison assez forte pour qu’Euripide jettât un voile sur le visage de son acteur, si la scène eût été en action ; mais puisqu’elle n’est qu’un récit, il est évident que l’objet du voile est de conserver le caractère d’Agamemnon, comme on l’a vu plus haut ; ôtez cette unité de caractère, vous trouverez que le récit est un voile sufisant, qui laissoit tout le jeu à l’imagination du spectateur, et qu’il était très inutile de lui dire que le roi s’étoit effectivement voilé le visage. Quant à Homère, les mêmes raisons sont pour lui contre Timanthe.
Il n’en est pas ainsi du tableau de ce peintre, si l’on veut que son voile ne fut mis que pour cacher une douleur inéxprimable. 1° La peinture n’admet point les masques sur le visage de ses acteurs. 2° Le peintre expose sa scène en action. Timanthe devoit donc prendre un autre parti que le poëte, sous peine d’être un peintre sans jugement, un servile imitateur. O imitatores servum pecus. C’est ainsi qu’en croiant célébrer un ancien, on n’en fait qu’un artiste médiocre : observation qu’on auroit dû faire avant d’écrire que les peintres et les statuaires doivent prendre, non seulement leurs sujets chez les poëtes, mais peindre aussi d’après eux les épisodes, les emblêmes ou allégories ; comme si une idée, quelquefois très ingénieuse ou sublime en poésie, n’étoit pas souvent ridicule ou monstrueuse en peinture et en sculpture. L’Agamemnon de Timanthe en seroit une preuve, si on vouloit que ce voile ne fût autre chose qu’un trait de génie pour cacher une douleur inexprimable.
Mais acordons au peintre grec le sens, le discernement qui doivent lui apartenir, et disons qu’il a vu Agamemnon comme Euripide l’avoit fait ; c’est-à-dire pere et roi en même temps, voulant cacher et réunir l’ame du pere et la majesté du trône : métaphysique des plus subtile dans le cas dont il s’agit. Disons aussi que Timanthe a changé les tems, et qu’il a placé le voile au moment du sacrifice, tandis que le poëte l’avoit placé lorsqu’Iphigénie, allant à l’autel, rencontre son pere. Ainsi le peintre, même en voilant mal à propos son Agamemnon, n’a pas copié fidèlement Euripide : il a fait une transposition, ce qui d’ailleurs ne doit jamais être pris pour une imagination. Ne disons donc plus que Timanthe imagina de représenter Agamemnon la tête voilée, attendu que nous dirions un mensonge, et que peut-être nous ferions une imputation à un artiste qui ne l’auroit pas méritée, si nous ajoutions, comme les orateurs, Timanthe couvrit la tête d’Agamemnon, parce qu’ayant épuisé sur tous les assistans la tristesse, le chagrin, l’abattement, les pleurs, les gémissements, les sanglots, les cris, et toute l’amertume de la douleur, il n’avoit plus d’expression assez forte ; et par cette invention il a laissé au spectateur à imaginer l’excès d’afliction où étoit plongé ce pere infortuné. Voyez Cicéron in Orat. num. 74. Quintilien, l. 2 c. 13. Valère Maxime, l. 8 c. 12 et Pline.
Cette note étoit faite, lorsque les Questions sur l’Encyclopédie parurent. On y lit, à la page 295. première partie : « Si le peintre Timanthe venoit aujourd’hui présenter à côté des tableaux du Palais Royal son tableau du Sacrifice d’Iphigénie, peint de quatre couleurs ; s’il nous disoit, des gens d’esprit m’ont assuré en Grèce que c’est un artifice admirable d’avoir voilé le visage d’Agamemnon, dans la crainte que sa douleur n’égalât pas celle de Clitemnestre, et que les larmes du père ne déshonorassent la majesté du monarque ; il se trouveroit des connaisseurs qui lui répondroient : c’est un trait d’esprit, et non pas un trait de peintre. Un voile sur la tête de votre principal personnage fait un effet affreux dans le tableau. Vous avez manqué votre art. Voyez le chef-d’œuvre de Rubens, qui a su exprimer sur le visage de Marie de Médicis la douleur de l’enfantement, l’abattement, la joie, le sourire et la tendresse, non pas avec quatre couleurs, mais avec toutes les teintes de la nature. Si vous vouliez qu’Agamemnon cachât un peu son visage, il faloit qu’il en cachât une partie avec ses mains posées sur son front et sur ses yeux, et non pas avec un voile que les hommes n’ont jamais porté[5] et qui est aussi désagréable à la vuë, aussi peu pittoresque, qu’il est opposé au costume ; vous deviez alors laisser voir les pleurs qui coulent, et que le héros veut cacher ; vous deviez alors exprimer dans ses muscles les convulsions d’une douleur qu’il veut surmonter ; vous deviez peindre dans cette attitude la fermeté et le désespoir. Vous êtes grec, et Rubens est belge ; mais le Belge l’emporte. »
L’auteur de cette observation n’est pas ce qu’on appelle un connoisseur en peinture ; on aperçoit même qu’il ne s’en pique pas, quand il dit qu’il falloit voir couler les pleurs d’Agamemnon, et qu’il devoit cacher une partie avec ses mains posées sur ses yeux : ce n’eût été qu’un personnage du second ordre. Il ne connoît pas non plus assez le tableau de Timanthe, quand il fait dire à l’artiste qu’il a voilé la tête d’Agamemnon dans la crainte que sa douleur n’égalât pas celle de Clitemnestre : Clitemnestre n’étoit pas au sacrifice. Voïez cependant, malgré ses fautes, de combien cet observateur l’emporte ici sur le prétendu connoisseur Pline. C’est qu’il ne copie pas sans jugement des éloges antiques. C’est qu’il voit, comme tous les hommes bien organisés, une partie de l’art qui apartient à tous les hommes, sans qu’ils ayent besoin d’être connoisseurs ; car ce qu’il fait dire à des connoisseurs, n’est autre chose, que le jugement d’un esprit droit qui raisonne sur l’idéal d’un tableau.
M. de Voltaire avait déjà fait, à peu près, les mêmes observations dans ses Nouveaux mélanges philosophiques (troisième partie, p. 362, in-8°, 1765) : « Certains traits d’imagination ont ajouté, dit-on, de grandes beautés à la peinture. On cite surtout cet artifice avec lequel un peintre mit un voile sur la tête d’Agamemnon dans le sacrifice d’Iphigénie ; artifice cependant, bien moins beau, que si le peintre avoit eu le secret de faire voir sur le visage d’Agamemnon le combat de la douleur d’un père, de l’autorité d’un monarque, et du respect pour ses dieux ; comme Rubens a eu l’art de peindre, dans les regards et dans l’atitude de Marie de Médicis, la douleur de l’enfantement, la joie d’avoir un fils, et la complaisance dont elle envisageoit cet enfant. »
Ce peu de paroles anonce un observateur sensible, qui ne veut pas qu’on lui donne un foible tour d’adresse pour un trait de génie. Quant à l’expression de Marie de Médicis, peut-être n’est-elle pas bien précisément un objet de comparaison avec Agamemnon témoin du meurtre de sa fille. Mais si Rubens eût voilé le visage de la Reine, pour quelque raison que ce fut, et tous les personnages du tableau eussent-ils concouru à l’intérêt du sujet, on en seroit reduit aux vaines déclamations, aux exclamations vagues sur le voile mystérieux. La belle carrière que ce seroit pour les scrutateurs profonds ! Et qui sait si Timanthe, fatigué des si et des mais, ne s’est pas ainsi débarassé de beaucoup de tracasseries de la part des gens d’esprit de son temps, lesquels prêchoient, obsédoient et faisoient peut-être aussi comme au nôtre, manquer une belle chose à un artiste ? Si Rubens eût traité le sujet de Timanthe, vous lui eussiez vu développer tous les ressorts de l’art : jugez-en par sa Marie de Médicis. Mais s’il eût manqué son Agamemnon, bien plus difficile encore, je ne répondrois pas qu’alors il ne lui eût jeté un voile sur le visage ; et à coup sûr il aurait trouvé des admirateurs enthousiastes de sa foiblesse. Voyez par le tableau du Luxembourg ce qu’une tête, peinte avec tout le sentiment d’un grand maître, fait sentir et dire ; comparez-le aux idées vagues et incertaines, ou plutôt au silence qu’a produit le voile de Timanthe, car vous ne pouvez rien me citer de tout ce qui a été dit et écrit, où la nature de l’expression cachée sous ce voile soit fixée autrement que selon l’imagination, qui varie à l’infini chez tous les hommes. Le tableau des onze mille vierges, avec son rideau qui le couvre tout entier, pourroit faire imaginer aussi les plus belles choses du monde à celui qui auroit le cerveau assez creux pour s’en donner la peine ; et je vous défierois d’avoir un droit bien fondé pour lui nier sa vision. Mais vous ne préfererez pas le masque illusoire et menteur au visage qui vous dit une vérité frappante ; et vous regarderez comme un tribut payé à la coutume tirannique et moutonière, ces trois vers qu’un de nos poètes a fait paroître encore en 1769 :
D’atteindre à la douleur l’artiste désespère
Il cherche, hésite, enfin le génie a parlé
Comment nous montre-t-il Agamemnon ? voilé.
Tant il est vrai que les vieilles erreurs de toutes les espèces, ont une peine incroyable à se déraciner. C’est une hydre que les coups les mieux assenés ne peuvent empêcher de se réproduire, si on n’y emploie la recette d’Hercule.
Finissons par un trait d’artiste, et ne faisons ni voiler ni pleurer Agamemnon, parce qu’en peinture le voile est une sottise foible, et que l’extrême douleur ne fait pas verser de larmes, elle les arrête. Agamemnon voit lever le couteau sacré sur le sein de sa fille : la paleur est sur son visage ; le saisissement est prêt à lui ôter le sentiment ; il ne se soutient que par le choc des convulsions intérieures ; sa majesté, sa fierté, sont devenues torpeur ; ses bras abatus et roidis, ne s’expriment que par la violente contraction des muscles : le serrement est universel : Agamemnon existe-t-il ? Il ne le sait pas ; l’empire du roi sur le père, celui du père sur le roi, sont aussi dificiles à distinguer qu’ils sont confondus. Si vous voulez tempérer toute l’expression de la douleur d’un père dans ce fatal moment, que ce soit par l’expression de la fermeté d’une ame forte qui cède à la nécessité divine et humaine. Peignez les plus beaux traits, un homme de la proportion la plus noble, l’habillement le plus majestueux, le plus imposant : voilà mon Agamemnon. Il déchireroit votre âme, vous seriez vous-même cet Agamemnon. Mais était-il possible de le réprésenter ainsi 60 ans avant qu’on sût peindre l’expression ? Pour Clitemnestre, on sent bien que si elle eût assisté au sacrifice, elle fût tombée évanouie. Mais tot capita tot sensus : on peut sans doute faire encore d’autres forts beaux Agamemnons qui ne seroient ni celui de Mr. de Voltaire ni le mien.
Mais voici où le voile est à propos, où il est indispensable, où il faut laisser agir l’imagination du spectateur sur l’objet principal. Suposez un personnage très intéressant, qui, dans une émeute, ait eu le visage fracassé au point d’être défiguré d’une manière afreuse. Cachez sa tête avec sa robe, faites ruisseler le sang sur son vêtement de dessous ; mon imagination verra le visage le plus horrible, mais qu’il ne vous est pas permis de montrer à découvert. Voilà ce qu’il faut laisser peindre au spectateur. Mais un père affligé ! Mais un Roi ! Mais Agamemnon ! Vous êtes peintre, et vous me cachez la situation la plus expressive, la plus intéressante, et vous emploïez encore le sophisme pour me faire approuver ce vol que vous me faites. Vous n’êtes qu’un peintre foible, un homme sans ressorts ; vous ne connaissez pas tous ceux de vôtre art. Que m’importe l’espèce de voile dont vous vous servez ! Que ce soient des mains jointes et des bras levés, ou tel autre geste qui me cache le visage du héros : en voilant Agamemnon, vous avez dévoilé vôtre faiblesse. Un peintre réprésente Agamemnon voilé, est aussi ridicule que le seroit un poëte qui dans une situation pathétique, me diroit pour remplir mon attente et pour se tirer d’affaire, que les sentimens de son personnage sont au-dessus de tout ce qu’on peut dire.
Mais quoique le visage d’Agamemnon soit caché, son atitude ne peut-elle pas, dira-t-on, exprimer la douleur, l’abattement, le désespoir ? En ce cas on peut voiler toutes les figures d’un tableau ; leurs atitudes sufiront pour donner l’idée de leurs expressions. Ouï, mais l’imagination du spectateur, échauffée par les expressions des autres personages, ne conçoit-elle pas encore plus que l’artiste n’aurait pû lui représenter ? Je n’en crois rien, parce que cela dépend du plus ou moins de vivacité que le spectateur a dans l’imagination. Or un éffet aussi incertain, aussi conditionel, ne doit point être donné pour règle ; et l’impression reçuë de la part des autres personnages pourroit bien être autant de pris sur l’Agamemnon. Voyez ce qui se passe au théâtre : souvent on reproche avec raison à de fort bonnes pièces que les caractères du second ordre nuisent au personage principal, et le voile d’un beau récit n’y suplée pas toujours. Si on vous arrache des larmes en vous racontant la catastrophe d’Hippolyte, c’est que vous avez vu Hippolyte, que vous l’avez entendu parler, que le tissu de ses avantures vous a passé par les yeux et par les oreilles ; la succession seule a fait chez vous ce que l’instant unique de la peinture n’y peut jamais produire, si cet instant est masqué. Pourquoi la Judith de Rubens fait-elle frémir ? Pourquoi laisse-t-elle dans l’imagination des traces inéfaçables ? C’est qu’il a montré une bouchère qui hache le col d’un homme endormi. Le sang jaillit sur les bras de l’exécutrice. Holopherne lui mord deux doigts de la main qu’elle appuie sur son visage. Rubens a peint une juive inspirée ; il a déploïé toute l’horreur du sujet. Peignez les mœurs, le caractère des personnes et des nations, vous peindrez la nature. Si des coutumes trop délicates ne vous laissent pas cette liberté, renoncez ou à la peinture, ou à de pareils sujets.
- [1] Ce n’est là qu’un trait de jugement fort simple et fort commun ; l’exemple en est dans la nature, et chacun l’y voit à chaque instant. Qui est-ce qui n’a pas rencontré une femelle avec tous ses petits autour d’elle, et tant d’autres oppositions semblables ? Quand on ne le rencontreroit pas communément, un peintre qui a vu dans Homère le Cyclope Polyphème avec Ulysse et ses compagnons, ne donne pas une preuve de génie quand il en fait l’équivalent, et ce n’est point une invention. Si je fais la statue de Vénus ornée de sa ceinture imaginée par Homère, aurai-je inventé la ceinture de Vénus ? On dit que ce tableau de Timanthe étoit grand comme l’ongle.
- [2] Remarquez qu’Euripide fait couvrir le visage d’Agamemnon lorsque sa fille s’achemine à l’autel, qu’il la rencontre, et qu’il lui parle ; ce qui n’est pas l’instant du sacrifice.
- [3] D’autres prétendent que Timanthe doit son voile à Homère qui fait couvrir le visage de Priam de son vêtement après la mort de son fils Hector.
- [4] J’ai placé vers la fin de cette note sur le tableau de Timanthe, le préambule de la description dont je viens de copier deux ou trois passages ; non que je trouve en rien ce préambule fort singulier, mais seulement pour montrer à certains lecteurs que moi-même je ne le suis point, et que les personnes qui cultivent et connoissent le plus nos arts, sont nécessairement de l’avis des artistes. Au surplus je me fais honneur d’être blâmé par la vanité aveugle et blessée, et (sur cet article) je serois un peu fâché de plaire à ceux qui boudent M. le Comte de Caylus auteur de la Description.
- [5] Mais si c’étoit sa robe. Euripide se sert, il est vrai, du mot pepplos. Il ne faut pas entendre ici par ce mot un voile de femme, mais celui dont les hommes se couvroient la tête quand ils offraient des sacrifices. Cicéron dit, obvolvere (envelopper, cacher) ; Quintilien dit, velare (couvrir) ; Valère-Maxime dit, involvere (envelopper) ; Pline dit, velare (couvrir). Cela peut se faire avec une robe ou avec un manteau.
Commentaires : attacher Rubens
Mercier, Louis Sébastien, Du théâtre ou nouvel essai sur l’art dramatique(publi: 1773), « Épître à mon frère », p. XII (fran)
Quand Timanthe voilà le front d’Agamemnon pendant le sacrifice, ils appellèrent artifice ingénieux ce qui n’était qu’impuissance. Rubens depuis a peint sur le même visage et les joies d’une mère, et les douleurs de l’enfantement et nos critiques ont loué absolument et sur le même ton et le chef-œuvre de l’art et son mensonge.
Nougaret, Pierre Jean Baptiste ; Leprince, Thomas , Anecdotes des beaux-Arts, contenant tout ce que la peinture offre de plus piquant chez tous les peuples du monde(publi: 1776), t. I, p. 196-197 (fran)
Ce peintre, dans son tableau du Sacrifice d’Iphigénie, s’efforça de rendre les passions qui devoient agiter les différents personnages présens à cette action, si célèbre dans l’Antiquité ; mais, désespérant de pouvoir exprimer toute la douleur dont Agamemnon étoit pénétré, à la vue de sa fille immolée sous ses yeux, par son ordre et pour le salut de la Grèce, il prit le parti de lui couvrir le visage d’un voile, laissant ainsi à deviner, par ce trait ingénieux, les sentimens qui ont dû se peindre sur le visage de ce père au désespoir, et que le peintre craignoit de représenter trop foiblement[1].
Une autre fois Thimanthe eut recours à un expédient, peut-être plus ingénieux. Voulant faire concevoir la grandeur énorme d’un Cyclope endormi, qu’il avoit représenté en petit, il s’avisa de placer auprès de ce Cyclope une foule de Satyres, qui lui mesuroient le pouce avec une longue perche.
- [1] [1] On pourroit soupçonner que le poëte Euripide a fourni à Timanthe cette idée, qui fit tant d’honneur au peintre. Qu’il nous suffise de rapporter ce passage de son Iphigénie : « Lorsqu’Agamemnon vit sa fille, qu’on menoit dans le bois pour être sacrifiée, il gémit ; et, détournant la tête, versa des larmes, et se couvrit les yeux de sa robe ». Homère représente aussi le vieux Priam, qui se couvre le visage d’un voile, afin de cacher son extrême douleur. Iliade liv. 24. V la Dissertation de M. Cocquart, Mercure, 1740, Juin. Ce qui pourroit encore ôter à Timanthe une partie de sa gloire, c’est que dans les cérémonies funéraires, il étoit d’usage que les Grecs se couvrissent le visage. M. Guys, dans son excellent Voyage littéraire de la Grèce, observe même que ces peuples ont toujours porté, et portent encore une espèce d’écharpe, attachée au bout de leur robe, afin de s’en voiler la tête, dans certaines circonstances. V. la lettre 7, pag. 77, tom. I. Nous avons dit ailleurs que les peintres persans voilent le visage d’Ali, craignant de ne pouvoir en rendre la beauté.
Diderot, Denis, Pensées détachées sur la peinture(publi: (1777)), p. 817 (fran)
Le peintre Timanthe, d’après le poète Euripide, a voilé la tête d’Agamemnon. C’est bien fait ; mais cet artifice ingénieux fut usé dès la première fois; et il n’y faut pas revenir[Note contexte].
Reynolds, sir Josuah, Discourses on Art(publi: 1778) (VII), p. 163-165 (anglais)
I have observed that every candidate has copied the celebrated invention of Timanthes in hiding the face of Agamemnon in his mantle; indeed such lavish encomiums have been bestowed on this thought, and that too by men of the highest character in critical knowledge, — Cicero, Quintilian, Valerius Maximus, and Pliny —, and have been since re-echoed by almost every modern that has written on the Arts, that your adopting it can neither be wondered at nor blamed. It appears to be now so much connected with the subject, that the spectator would perhaps be desappointed in not finding united in the picture what he always united in his mind, and considered as indispensably belonging to the subject. But it may be observed, that those who praise this circumstance were not painters. They use it as an illustration of their own art; it served their purpose, and it was certainly not their business to enter into the objections that lie against it in another Art. I fear we have but very scanty means of exciting those powers over the imagination which make so very considerable and refined a part of poetry. It is a doubt with me, wether we should ever make the attempt. The chief, if not the only occasion which the painter has for this artifice, is, when the subject is improper to be more fully represented, either for the sake of decency, or to avoid what would be desagreeable to be seen; and this is not to raise or increase the passions, which is the reason that is given for this practice, but on the contrary to diminish their effect.
It is true, sketches, or such drawings as painters generally make for their works, give this pleasure of imagination to a high degree. From a slight undetermined drawing, where the ideas of the composition and character are, as I may say, only just touched upon, the imagination supplies more than the painter himself, probably, could produce, and we accordingly often find that the finished work disappoints the expectation that was raised from the sketch; and this power of the imagination is one of the causes of the great pleasure we have in viewing a collection of drawings by great painters. These general ideas, which are expressed in sketches, correspond very well to the art often used in poetry. A great part of the beauty of the celebrated description of Eve in Milton’s Paradise Lost, consists in using only general indistinct expressions, every reader making out the detail according to his own particular imagination, — his own idea of beauty, grace, expression, dignity, or loveliness : but a painter, when he represents Eve on a canvas, is obliged to give a determined form, and his own idea of beauty distinctly expressed.
We cannot on this occasion, nor indeed in any other, recommand an undeterminate manner, or vague ideas of any kind, in a complete and finished picture. This notion, therefore, of leaving any thing to the imagination, opposed a very fixed and indispensable rule in our art — that every thing should be carefully and distinctly expressed, as if the painter knew, with correctness and precision, the exact form and character of wathever is introduced into the picture. This is what with us is called Science, and Learning; which must not be sacrified and given up for an uncertain and doubtful beauty, which, not naturally belonging to our Art, will probably be sought for without success.
Mr. Falconet has observed, in a note on this passage in his translation of Pliny, that the circumstance of covering the face of Agamemnon was probably not in consequence of any fine imagination of the painter; which he considers as a discovery of the critics; but merely copied from the description of the sacrifice, as it is found in Euripides.
The words from which the picture is supposed to be taken, are these : Agamemnon saw Iphigenia advance towards the fatal altar; he groaned, he turned aside his head, he shed tears, and covered his face with his robe.
Falconet does not at all acquiesce in the praise that is bestowed on Timanthes; not only because it is not his invention, but because he thinks meanly of this trick of concealing, exept in instances of blood, where the objects would be too horrible to be seen; but, says he, « in an afflicted Father, in a King, in Agamemnon, you, who are a painter, conceal from me the most interesting circumstance, and then put me off with sophistry and a veil. You are (he adds) a feeble painter, without resources; you do not know even those of your Art : I care not what veil it is, wether closed hands, arms raised, or any other action that conceals from me the countenance of the Hero. You think of veiling Agamemnon; you have unveiled your own ignorance. A Painter who represents Agamemnon veiled, is as ridiculous as a poet would be, who in a pathetic situation, in order to satisfy my expectations, and rid himself of the business, should say, that the sentiments of his Hero are so far above whatever can be said on the accasion, that he shall say nothing. »
To what Falconet has said, we may add, that supposing this method of leaving the expression of grief to imagination, to be, as it was thought to be, the invention of the painter, and that it deserves all the praise that has been given it, still it is a trick that will serve but once; whoever does it a second time will not only want novelty, but be justly suspected of using artifice to evade difficulties. If difficulties overcome make a great part of the merit of art, difficulties evaded can deserve but little commendation.
Watelet, Claude-Henri ; Levesque, Pierre-Charles, Encyclopédie méthodique. Beaux-Arts(publi: 1788:1791), art. « Passions », « Pratique des artistes grecs dans la représentation des passions », p. 615 (fran)
Les anciens représentoient, dans les personnages héroïques, les passions réprimées par le courage et la sagesse. Quand on ne connoîtroit de toute l’antiquité que les apophtegmes de Plutarque, on devroit savoir que c’est un contre-sens de représenter les anciens se livrant à la fougue et aux désordres des impressions de l’ame, même dans les crises les plus violentes de la nature. Xénophon continuant son sacrifice lorsqu’il vient d’apprendre la mort de son fils, doit-il être représenté dans l’abandon de la douleur. Quand un homme grave, mais souffrant, ne pouvoit résister au choc des affections violentes il se couvroit le visage. Il auroit cru manquer à la décence et à lui-même en montrant son front dégradé par la douleur. C’est peut-être cette décence que Timanthe voulut observer, en couvrant d’un voile la tête d’Agamemnon.
Watelet, Claude-Henri ; Levesque, Pierre-Charles, article « Peinture chez les Grecs », Encyclopédie méthodique. Beaux-Arts(publi: 1788:1791), p. 644 (fran)
Né dans un temps où l’on commençoit à faire une étude de l’expression, il chercha à se distinguer dans cette partie. Il ne négligea pas non plus ce que, dans le sarts, on nomme des pensées : ce fut ainsi qu’ayant représenté dans un fort petit tableau un cyclope endormi, et voulant faire connoître que cette petite figure du cyclope étoit celle d’un géant, il peignit des satyres beaucoup plus petits qui mesuroient son pouce avec leurs thyrses.
Les éloges des orateurs firent beaucoup valoir son tableau du sacrifice d’Iphigénie il avoit représenté tous les spectateurs affligés, et avoir surtout épuisé les caractères de la tristesse sur la figure de Ménélas, oncle de la victime : il mit un voile sur le visage du père qu’il ne pouvoit montrer dignement. Patris ipsius vultum velavit, quem digne non poterat ostendere. C’est ainsi que s’exprime Pline, et ses expressions sont au-dessus de la critique. On sait que les anciens trouvoient indécent de se montrer dans une extrême douleur, et qu’ils se couvroient la tête de leurs manteaux quand ils n’avoient pas la force de la dompter. Suivant les principes de cette décence, Timanthe ne pouvoit montrer dignement Agamemnon, digne non poterat ostendere, qu’en le couvrant d’un voile. Pline a mesuré tous ses termes : il dit que le peintre avoit épuisé sur les autres figures l’expression de la tristesse ; mais il y a loin de la tristesse à l’expression de l’extrême douleur.
Cicéron, Quintilien, Eustathe prétendent que Timanthe, après avoir épuisé sur les autres personnages l’expression de la douleur, fut obligé de voiler son Agamemnon ; Valere Maxime s’exprime d’une manière qui paroît s’accorder mal avec les principes des Grecs sur les convenances de l’art. Il prétend que le peintre avoit représenté Calchas triste, Ulysse affligé, Ajax criant, Ménélas se lamentant, et que ne pouvant plus caractériser la douleur du père, il le couvrit d’un voile. Croira-t-on qu’un peintre grec, qui respectoit le caractère de la décence et celui de la beauté, ait représenté des princes, criant et se lamentant comme des esclaves qui se livrent sans frein à toutes leurs passions, à toutes leurs affections ? Auroit-il donné à des princes une foiblesse qu’il n’auroit pas même osé prêter à la dernière femme de Sparte ? Je crois donc que Cicéron, Quintilien, Eustathe n’avoient pas vu le tableau de Timanthe, qui ne paroît pas être du nombre de ceux qui eurent une longue durée, et qui furent apportés à Rome. Je ne crois pas non plus que Pline l’ait vu ; mais je pense que dans la description qu’il en a donnée, il a suivi quelqu’auteur grec à qui le tableau étoit bien connu. Timanthe s’étoit montré bon peintre d’expression en épuisant sur ses différens personnages le caractère de la tristesse ; il avoit senti que la tristesse ne suffisoit pas pour peindre la situation du père, que cependant il ne pouvoit le montrer dignement dans les crises de la douleur, et il prit le parti de le voiler. C’est cette délicatesse et ce sentiment des convenances dont Pline fait l’éloge : mais les autres nous montrent un peintre qui ayant épuisé tout son art sur les figures subalternes ou du moins secondaires, ne sait plus comment traiter sa figure principale, et la couvre d’un voile. Il font un grand éloge de cette ressource, qui ne seroit que celle de la stérilité. Suivant eux, c’est une sublime invention que ce voile ; mais, comme l’a fort bien remarqué Daléchamp, cette invention appartient à Euripide.
Barthélémy, Jean-Jacques, Le Voyage du jeune Anacharsis en Grèce, dans le milieu du quatrième siècle avant l’ère vulgaire(publi: 1788), « Réflexions sur le siècle de Périclès » (numéro Seconde partie, Section troisième, Siècle de Périclès, vol. 1) , p. 232 (fran)
A ces deux artistes succédèrent Timanthe, dont les ouvrages faisant plus entendre qu’ils n’expriment, décèlent le grand artiste, et encore plus l’homme d’esprit[1] ; Pamphile, qui s’acquit tant d’autorité par son mérite, qu’il fit établir dans plusieurs villes de la Grèce, des écoles de dessin, interdites aux esclaves[2] ; Euphranor, qui, toujours égal à lui-même, se distingua dans toutes les parties de la peinture[3]. J’ai connu quelques-uns de ces artistes, et j’ai appris depuis, qu’un élève que j’avois vu chez Pamphile, et qui se nomme Apelle, les avoit tous surpassés.
- [1] Plin. ibid. p. 694.
- [2] Id. ibid.
- [3] Id. ibid. cap. 11, p. 703.
Watelet, Claude-Henri, Dictionnaire des arts de peinture, sculpture et gravure(publi: 1792), art. « Accessoires », t. I, p. 13 (fran)
Il paraît donc qu’on doit regarder le mot accessoire sous deux points de vue. Si dans un tableau, l’on envisage l’Art en général, on pourra justement dire, en parlant des vêtements les plus essentiels d’une figure peinte : « Les accessoires de cette figure n’empêchent pas qu’on sente qu’elle est incorrecte et que l’ensemble en est altéré. » Mais si l’on a égard au sujet de la représentation, on n’appellera pas accessoires les vêtements consulaires de Cicéron, ni même le voile dont Agamemnon recouvre sa tête, pendant le sacrifice de sa fille. On appellera accessoires, dans le tableau qui représente ce sujet, certains objets dont le peintre aura fait choix pour désigner le lieu de la scène ; par exemple, une grande partie des divers ornements du sacrifice, le nombre des spectateurs ; enfin les objets qui, à la vérité, contribuent par leur forme et par leur caractère, à rendre la composition plus riche, plus variée ; mais qui auraient pu se trouver plus ou moins abondants et disposés différemment, sans que le fond du sujet en fût altéré, et que l’intérêt qu’il doit inspirer en fût moindre.
Füssli, Johann Heinrich, Lecture I. On Ancient Art(redac: 1801/03/16), p. 362-368 (anglais)
No picture of Antiquity is more celebrated than his Immolation of Iphigenia in Aulis, painted, as Quintilian informs us, in contest with Colotes of Teos, a painter and sculptor from the school of Phidias; crowned with victory at its rival exhibition, and since, the theme of unlimited praise from the orators and historians of antiquity, thought the solidity or justice of their praise relatively to the art has been questioned by modern criticism. On this subject, wich non only contains the gradations of affection from the most remote to the closest link of humanity, but appears to me to offer the fairest specimen of the limits which the theory of the ancient had prescribed to the expression of pathos, I think it my duty the more circumstantially to expatiate, as the censure passed on the method of Timanthes, has been sanctioned by the highest authority in matters of art, that of your late President, in his eight discourse at the delivery of the academic prize for the best picture painted from this very subject.
How did Timanthes treat it? Iphigenia, the victim ordained by the oracle to be offered for the success of the Greek expedition against Troy, was represented standing ready for immolation at the altar, the priest, the instruments of death at her side; and around her, an assembly of the most important agents or witnesses of the terrible solemnity, from Ulysses, who had disengaged her from the embraces of ther mother at Mycenae, to her nearest male relations, her uncle Menelaus, and her own father, Agamemnon. Timanthes, say Pliny and Quintilian with surprising similarity of phrase, when, in gradation he had consumed every image of grief within the reach of art, from the unhappy priest, to the deeper grief of Ulysses, and from that to the pangs of kindred sympathy in Menelaus, unable to express with dignity the father’s one, indiscriminately borrowed, as might easily be supposed, by all the concurrents for the prize, gave rise to the following series of criticism:
“Before I conclude, I cannot avoid making one observation on the pictures now before us. I have observed, that every candidate has copied the celebrated invention of Timanthes in hiding the face of Agamemnon in his mantle; indeed such lavish encomiums have been bestowed on this thought, and that too by men of the highest character in critical knowledge, — Cicero, Quintilian, Valerius Maximus, and Pliny —, and have been since re-echoed by almost every modern that has written on the Arts, that your adopting it can neither be wondered at nor blamed. It appears to be now so much connected with the subject, that the spectator would perhaps be desappointed in not finding united in the picture what he always united in his mind, and considered as indispensably belonging to the subject. But it may be observed, that those who praise this circumstance were not painters. They use it as an illustration of their own art; it served their purpose, and it was certainly not their business to enter into the objections that lie against it in another Art. I fear we have but very scanty means of exciting those powers over the imagination which make so very considerable and refined a part of poetry. It is a doubt with me, wether we should ever make the attempt. The chief, if not the only occasion which the painter has for this artifice, is, when the subject is improper to be more fully represented, either for the sake of decency, or to avoid what would be desagreeable to be seen; and this is not to raise or increase the passions, which is the reason that is given for this practice, but on the contrary to diminish their effect.
Mr. Falconet has observed, in a note on this passage in his translation of Pliny, that the circumstance of covering the face of Agamemnon was probably not in consequence of any fine imagination of the painter; which he considers as a discovery of the critics; but merely copied from the description of the sacrifice, as it is found in Euripides.
The words from which the picture is supposed to be taken, are these: Agamemnon saw Iphigenia advance towards the fatal altar; he groaned, he turned aside his head, he shed tears, and covered his face with his robe.
Falconet does not at all acquiesce in the praise that is bestowed on Timanthes; not only because it is not his invention, but because he thinks meanly of this trick of concealing, exept in instances of blood, where the objects would be too horrible to be seen; but, says he, « in an afflicted Father, in a King, in Agamemnon, you, who are a painter, conceal from me the most interesting circumstance, and then put me off with sophistry and a veil. You are (he adds) a feeble painter, without resources; you do not know even those of your Art : I care not what veil it is, wether closed hands, arms raised, or any other action that conceals from me the countenance of the Hero. You think of veiling Agamemnon; you have unveiled your own ignorance. A Painter who represents Agamemnon veiled, is as ridiculous as a poet would be, who in a pathetic situation, in order to satisfy my expectations, and rid himself of the business, should say, that the sentiments of his Hero are so far above whatever can be said on the accasion, that he shall say nothing. »
To what Falconet has said, we may add, that supposing this method of leaving the expression of grief to imagination, to be, as it was thought to be, the invention of the painter, and that it deserves all the praise that has been given it, still it is a trick that will serve but once; whoever does it a second time will not only want novelty, but be justly suspected of using artifice to evade difficulties. If difficulties overcome make a great part of the merit of art, difficulties evaded can deserve but little commendation.”
To this string of animadversions, I subjoin with diffidence the following observations:
The subject of Timanthes was the immolation of Iphigenia; Iphigenia was the principal figure, and her form, her resignation, or her anguish the painter’s principal task; the figure of Agamemnon, however important, is merely accessory, and no more necessary to make the subject a completely tragic one, than that of Clytemnestra the mother, no more than that of Priam, to impress us with sympathy at the death of Polyxena. Is is therefore a misnomer of the French critic, to call Agamemnon “the hero” of the subject. Neither the French nor the English critic appears to me have comprehended the real motive of Timanthes, as contained in the words, “decree, pro dignitate, and digne”, in the passages of Tully, Quintilian, and Pliny[1], they ascribe to impotence what was the forbearance of judgment; Timanthes felt like a father: he did not hide the face of Agamemnon, because it was beyond the power of this art, not because it was beyond the possibility, but because it was beyond the dignity of expression, because the inspiring feature of paternal affection at that moment, and the action which of necessity must have accompanied it, would either hae destroyed the grandeur of the character and the solemnity of the scene, or subjected the painter with the majority of his judges to the imputation of sensibility. He must either have represented him in tears, or convulsed at the flash of the raised dagger, forgetting the chief in the father, or shown him absorbed by despair, and in that state of stupefaction, which levels all features and deadens expression; he might indeed have chosen a fourth mode, he might have exhibited him fainting and palsied in the arms of his attendants, and by this confusion of male and female character, merited the applause of every theatre in Paris. But Timanthes had too true a sense of nature to expose a father’s feelings or to tear a passion to rags; nor had the Greeks yet learnt of Rome to steel the face. If he made Agamemnon bear his calamity as a man, he made him also feel it as a man. It became the leader of Greece to sanction the ceremony with his presence, it did not become the father to see his daughter beneath the dagger’s point: the sale nature that threw a real mantle over the face of Timoleon, when he assisted at the punishment of his brother, taught Timanthes to throw an imaginary one over the face of Agamemnon; neither height nor depth, propriety of expression was his aim.
The critics grants that the expedient of Timanthes may be allowed in “instances of blood”, the supported aspect of which would change a scene of commiseration and terror into one of abomination and horror, which ought for ever to be excluded from the province of art of poetry as well as painting: and would not the face of Agamemnon, uncovered, have had this effect? Was not the scene he must have witnessed a scene of blood? And whose blood was to be shed? That of his own daughter – and what daughter? Young, beautiful, helpless, innocent, resigned – the very idea of resignation in such a victim, must either have acted irresistibly to procure her relief, or thrown a veil over a father’s face. A man who is determined to sport wit at the expence of heart alone could call such an expedient ridiculous – “as ridiculous, Mr Falconet continues, “as a poet woud be, who in a pathetic situation, instead of satisfying my expectation, to rid himself in the business, should say, that the sentiments of his hero are so far above whatever can be said on the occasion, that he shall say nothing.” And has not Homer, though he does not tell us this, acted upon a similar principle? Has he not, when Ulysses addresses Ajax in Hades, in the most pathetic and conciliatory manner, instead of furnishing him with an answer, made him remain in indignant silence during the address, then turn his step and stalk away? Has not the universal voice of genuine criticism with Longinus told us, and if it had not, would not Nature’s own voice tell us, that silence was characteristic, that it precluded, included, and soaring above all answer, consigned Ulysses for ever to a sense of inferiority? Nor is it necessary to render such criticism contemptible to mention the silence of Dido in Virgil, or the Niobe of Aeschylus, who was introduced veiled, and continued mute during her presence on the stage.
But in hiding Agamemnon’s face, Timanthes loses the honour of invention, as he is merely the imitator of Euripides, who did it before him?[2] I am not prepared with chronologic proofs to decide whether Euripides or Timanthes, who were contemporaries, about the period of the Peloponnesian war, fell first on this expedient; though the silence of Pliny and Quintilian of that head, seems to be in favour of the painter, neither of whom could be ignorant of the celebrated drama of Euripides, and would not willingly have suffered the honour of this master-stroke of an art they were so much better acquainted with than painting, to be transferred to another from its real author, had the poet’s claim been prior: nor shall I urge that the picture of Timanthes was crowned with victory by those who were in daily habits of assisting at the dramas of Euripides, without having their verdict impeached by Colotes or his friends, who would not have failed to avail themselves of so flagrant a proof of inferiority as the want of invention, in the work of his rival: – I shall only ask, what is invention? If it be the combinationof a fact with the most varied effects of the reigning passion on the characters introduced – the invention of Timanthes consisted in showing, by the gradation of that passion in the faces of the assistant mourners, the reason why that of the principal one, was hid. This he performed, and this the poet, whether prior or subsequent, did not and could not do, but left it with a silent appeal to our own mind and fancy[3].
In presuming to differ on the propriety of this mode of expression in the picture of Timanthes from the respectable authority I have quoted, I am far from a wish to invalidate the equally pertinent and acute remarks made on the danger of its imitation, though I am decidedly of opinion that it is strictly within the limits of our art. If it be a “trick”, it is certainly one that “has served more than once”. We find it adopted to express the grief of a beautiful female figure on a basso-rilievo formerly in the palace Valle at Rome, and preserved in the Admiranda of S. Bartoli; it is used, though with his own originality, by Michael Angelo in the figure of Abijam, to mark unutterable woe; Raphael, to show that the thought it the best possible mode of expressing remorse and the deepest sense of repentance, borrowed it in the expulsion from Paradise, without any alteration, from Masaccio; and like him, turned Adam out with both his hands before his face[4]. And how has he represented Moses at the burning bush, to express the astonished awe of human in the visible presence of divine nature? By a double repetition of the same expedient; one in the ceiling of a Stanza, and again in the loggia of the Vatican, with both his hands before his face, or rather with his face immersed in his hands. As we cannot suspect in the master of expression the unworthy motive of making use of this mode merely to avoid a difficulty, or to denote the insupportable splendour of the vision, which was so far from being the case, that, according to the sacred record, Moses stepped out of his way to examine the ineffectual blaze: we must conclude that Nature herself dictated to him this method as superior to all he could express by features; and that he recognized the same dictate in Masaccio, who can no more be supposed to have been acquainted with the precedent of Timanthes, than Shakespeare with that of Euripides, when he made Macduff draw his hat over his face.
Masaccio and Raphael proceeded on the principle, Gherard Lairesse copied only the image of Timanthes, and has perhaps incurred by it the charge of what Longinus calls parenthyrsos, in the ill-timed application of supreme pathos, to an inadequate call. Agamemnon is introduced covering his face with his mantle, at the death of Polyxena, the captive daughter of Priam, sacrificed to the manes of Achilles, her betrothed lover, treacherously slain in the midst of the nuptial ceremony, by her brother Paris. The death of Polyxena, whose charms had been productive of the greatest disaster that could befall the Grecian army, could not perhaps provoke in its leader emotions similar to those which he felt at that of his own daughter: it must however be owned that the figure of the chief is equally dignified and pathetic; and that, by the introduction of the spectre of Achilles at the immolation of the damsel to his manes, the artist’s fancy has in some degree atoned for the want of discrimination in the professor.
- [1] Cicero, Oratore, 73 seq. : In alioque ponatur, aliudque totum sit, utrum decere an oportere dicas ; oportere enim, perfectionem declarat officii, quo et semper utendum est, et omnibus ; decere, quasi aptum esse consentaneumque tempori et personæ ; quod cum in factis sæpissime, tum in dictis valet, in vultu deumque, et gestu, et incessu, contraque item dedecere. Quod si poeta fugit, ut maximum vitium, qui peccat, etiam, cum probam orationem affingit improbo, stultoque sapientis : si denique pictor ille vidit, cum immolanda Iphigenia tristis Calchas esset, tristior Ulixes, maereret Menelaus, obvolendum caput Agamemnonis esse, quoniam summum illum luctum penicillo, non posset imitari ; si denique histrio quid deceat quærit : quid faciendum oratori putemus?
M.F. Quintilianus, l. II c. 14 : Operienda sunt quaedam, sive ostendi non debent, sive exprimi pro dignitate non possunt: ut fecit Timanthes, ut opinor, Cythnius, in ea tabula, qua Coloten Teium vicit. Nam cum in Iphigeniæ immolatione pinxisset tristem Calchantem, tristiorem Ulixen, addixisset Menelao quem summum poterat ars efficere mærorem ; consumptis affectibus, non reperiens quo digne modo patris vultum posset exprimere, velavit ejus caput et suo quique animo dedit æstimandum.
It is evident to the slightest consideration, that both Cicero and Quintilian lose sight of their premises, and contradict themselves in the motive they ascribe to Timanthes. Their want of acquaintance with the nature of plastic expression made them imagine the face of Agamemnon beyond the power of the artist. They were not aware that by making him waste expression on inferior actors at the expense of a principal one, they call him an improvident spendthrift, and not a wise economist.
From Valerius Maximus, who calls the subject « luctuosum immolatae Iphigeniae sacrificium » instead of immolandae, little can be expected to the purpose. Pliny, with the digne of Quintilian, has the same confusion of motive.
- [2] It is observed by an ingenious critic, that in the tragedy of Euripides, the procession is described, and upon Iphigenias’s looking back on her father, he groans, and hides his face to conceal his tears; whilst the picture gives the moment that precedes the sacrifice, and the hiding has a different object and arises from another impression.
Ως δ’εσειδεν Αγαμεμνων αναξ
Επι σφαφας στειχουσαν εις αλσος κορην,
Ανεστεναξε κἀμπαλιν στεψας καρα,
Δακρυα προηγεν, ομματων πεπλον προθεις.
- [3] It may be questionned whether, under the circumstances, Agamemnon could have been represented in any other way. Notwithstanding his conviction that his attendance was necessary to sanction the deed, he could not look upon it; it would be unnatural. W.
- [4] It was made use of also by Polygnotus long before either Timanthes or Euripides. In the Destruction of Troy, in the Lesche at Delphi, an infant is represented holding his hands before his eyes, to escape the horrors of the scene. Pausanias, XI, 26. W.
Commentaires : attacher images Masaccio, raphael, Michel Ange, Moise et buisson ardent
Grimm, Friedrich Melchior, Correspondance littéraire, philosophique et critique(publi: 1877:1882), t. III, p. 430-431 (fran)
Ce tableau[Explication : Le sacrifice d’Iphigénie de Van Loo.] mérite sans doute des éloges à plusieurs égards ; mais il y a aussi de grands défauts à relever. Je ne parle pas des petits détails, comme de ce soldat placé derrière le petit sacrificateur dont M. de Caylus fait un éloge si pompeux, et qui est la figure la plus maussade qu’on puisse trouver ; j’irai à des reproches plus graves. Plusieurs connaisseurs ont remarqué que les draperies de ce tableau avaient l’air d’être collées sur la chair des personnages ; ce n’est pas ainsi qu’il faut flatter le nu ; la figure d’Iphigénie est froide, elle a l’air d’une personne qui dort ; la douleur d’Agamemnon est commune, c’est un homme qui lève les yeux et les bras au ciel ; il n’y a point de génie dans tout cela ; même la figure de Clytemnestre ne me touche pas ; celle de Calchas m’a paru fort noble et fort belle. Le censeur de M. Van Loo lui reproche durement cette Clytemnestre froidement évanouie pour perpétuer la triste monotonie de son tableau. Il aurait voulu voir cette mère infortunée en fureur courir à l’autel pour arracher sa fille au glaive qui la menace, et les chefs des Grecs occupés à la retenir. On a relevé l’injustice de cette critique. Peut-on reprocher à un peintre d’avoir suivi sa pensée plutôt que celle d’un autre, surtout quand on ne peut prouver que la sienne est fausse et mauvaise ? Ce n’est pas tout. Dans le cas dont il s’agit, c’est la pensée du censeur qui me paraît fausse. Clytemnestre doit être livrée à tous les excès du désespoir aussi longtemps qu’Iphigénie n’est point sur l’autel ; dès ce moment redoutable où elle ne peut plus être sauvée par aucune puissance humaine, sa mère doit succomber sous le poids de la douleur, et tomber sans vie : voilà la gradation de la nature. Le désespoir le plus profond suppose une étincelle d’espoir ; quand cette étincelle a disparu, on n’est plus furieux, mais on meurt. Un reproche juste qu’on peut faire à M. Van Loo, c’est de n’avoir pas mis les personnages les plus célèbres à la place de ces simples soldats ; j’aurais volontiers supprimé Clytemnestre, mais est-il permis d’avoir oublié Ulysse, qui a joué un si grand rôle dans cette affaire ? Quel personnage à peindre ! M. Diderot aurait voulu le voir embrasser Agamemnon dans ce moment terrible, pour lui dérober, par ce mouvement de pitié feinte, l’horreur du spectacle ; cela aurait été admirablement dans le caractère d’Ulysse. Je ne sais si l’effet d’une pensée aussi déliée aurait été assez frappant en peinture.
[...] Qui est-ce qui osera se flatter de trouver une idée plus heureuse que celle du peintre de l’Antiquité qui, désespérant d’exprimer la douleur d’Agamemnon pendant l’horrible cérémonie du sacrifice, lui cacha le visage d’un voile ? Un des peintres de notre école, et je crois que c’est Coypel, ayant à traiter le même sujet, a répété cette pensée ; et croyant devoir l’embellir, il met bien le voile entre le père et la fille, mais, au lieu de cacher par ce moyen le visage d’Agamemnon, il le tourne du côté de ceux qui regardent le tableau, sans doute pour leur dire : Voyez, Messieurs, si mon peintre n’est pas plus habile que celui de l’Antiquité. Rien n’est si ridicule que cette fatuité, ni plus froid que tout ce tableau.
Eustathe de Thessalonique , Eustathii commentarii ad Homeri Iliadem pertinentes ad fidem codicis Laurentiani(trad: 1971-1987) (1343, 59-67 (cf Reinach 309)), t. IV, p. 883 (grecque)
κεκάλυπτο δὲ οὕτως ὁ γέρων τἀχα μὲν καὶ ἐπεὶ ἄϋπνος ἦν, ἀφ’ οὖ Ἕκτωρ τέθνηκε, μάλιστα δὲ διὰ τὸ πένθος διάκετιται. ὑπερβολὴν καλύπτει αὐτὸν, καὶ οὐ μόνον σιγῶνα ποιεῖ, ἀλλὰ καὶ μηδὲ, βλεπόμενον. ἐντεῦθεν, φασίν, ὁ Ζικυώνιος γραφεὺς Σημάνθης τὴν ἐν Αὐλίδι γράφων σφαγὴν τῆς Ἰφιγενείας ἐκάλυψε τὸν Ἀγαμέμνονα, ὅπερ καῖ Αἰσχυλος μιμησάμενος τήν τε Νιόβην καὶ ἄλλα πρόσωπα ὀμοίως ἐσχημάτισε, σκωπτόμενος μὲν ὑπὸ τοῦ Κωμικοῦ, ἐπαινούμενος δὲ ἄλλως διὰ τὸ τῆς μιμήσεως άχιόχρεων.
Commentaires :
1 sous-texteReinach, Adolph (éd.), Textes grecs et latins sur la peinture ancienne. Recueil Milliet, (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Homère ne trouvant pas le moyen d’attribuer au vieux Priam l’excès de chagrin qui eût convenu, il le couvre d’un voile, et le représente non seulement silencieux, mais ne voyant plus rien. À son exemple, dit-on, le peintre Timanthe, de Sicyone, représentant le sacrifice d’Iphigénie, a couvert d’un voile Agamemnon.
Commentaires : Eustathe, Sur l’Iliade, XIIe siècle, p. 1343, 60 (Reinach 309)