Protogène, L’Ialysos (la bave du chien faite par hasard)
Bibliographie
Corneille, Pierre, Clitandre(publi: 1632), Préface, p. 169 (fran)
Il n’en va pas de la comédie comme d’un songe qui saisit notre imagination tumultuairement et sans notre aveu, ou comme d’un sonnet ou d’une ode, qu’une chaleur extraordinaire peut pousser par boutade, et sans lever la plume. Aussi l’antiquité nous parle bien de l’écume d’un cheval, qu’une éponge jetée par dépit sur un tableau exprima parfaitement après que l’industrie du peintre n’en avait su venir à bout ; mais il ne se lit point que jamais un tableau tout entier ait été produit de cette sorte. Au reste je laisse le lieu de ma scène au choix du lecteur, bien qu’il ne me coûtât ici qu’à nommer. Si mon sujet est véritable, j’ai raison de le taire : si c’est une fiction, quelle apparence pour suivre je ne sais quelle chorographie, de donner un soufflet à l’histoire, d’attribuer à un pays des princes imaginaires, et d’en rapporter des aventures qui ne se lisent point dans les chroniques de leur royaume ? Ma scène est donc en un château d’un roi proche d’une forêt, je n’en détermine, ni la province, ni le royaume ; où vous l’aurez une fois placée, elle s’y tiendra.
Fronton (Marcus Cornelius Fronto), Epistulae (redac: :(170), trad: 2003) (Ad Marcum Caesarem et inuicem, II, 3, 4 (cf Reinach 496)), p.75-77 (grecque)
Ἀπολογήσομαι δὲ τοὐντεῦθεν ἤδη ὅθεν ἂν ῥᾷστα συγγνώμης τύχοιμι. Tί δὴ τοῦτό ἐστιν; ὅτι συγγράφων τὸ τοῦ βασιλέως ἐγκώμιον ἔπραττον μὲν, ὃ μάλιστα σοί τε καὶ τῷ σῷ παιδὶ κεχαρισμένον ἐστίν· ἔπειτα δὲ καὶ ὑμῶν ἐμεμνήμην καὶ ὠνόμαζόν γε ὑμᾶς ἐν τῷ συγγράμματι, ὥσπερ οἱ ἐρασταὶ τοὺς φιλτάτους ὀνομάζουσιν ἐπὶ πάσῃ κύλικι. ᾿Αλλὰ γὰρ τέχνωσις τῶν εἰκόνων ἐπεισρεῖ καὶ ἐπιφύεται. Αὕτη γοῦν παρεφάνη, ἣν ἐπὶ πάσαις λέγω, ἥτις καὶ δικαιότατα εἰκὼν ἂν προσαγορεύοιτο οὖσα ἐκ ζωγράφου· τὸν Πρωτογένη τὸν ζωγράφον φασὶν ἕνδεκα ἔτεσιν τὸν Ἰάλυσον γράψαι, μηδὲν ἕτερον ἐν τοῖς ἕνδεκα ἔτεσιν ἢ τὸν Ἰάλυσον γράφοντα. Ἐμοὶ δὲ οὐχ εἷς, δύο δὲ ἅμα Ἰαλύσω ἐγραφέσθην, οὐ δὴ τοῖν προσώποιν οὐδὲ ταῖν μορφαῖν μόνον, ἀλλὰ καὶ τοῖν τρόποιν καὶ ταῖν ἀρεταῖν οὐ μετρίω ὄντε ἄμφω οὐδὲ γράφεσθαι ῥᾳδίω, ἀλλ᾽ ὁ μέν ἐστιν μέγας βασιλεὺς ἄρχων πάσης τῆς γῆς καὶ θαλάττης, ὁ δὲ ἕτερος υἱὸς μεγάλου βασιλέως, ἐκείνου μὲν οὕτω παῖς ὥσπερ Ἀθάνα τοῦ Διός, σὸς δὲ υἱὸς ὡς τῆς Ἥρας ὁ Ἥφαιστος· ἀπέστω δὲ τὸ τῶν ποδῶν ταύτης τῆς τοῦ Ἡφαίστου εἰκόνος. Ἡ μὲν οὖν ἀπολογία αὕτη ἂν εἴη πάνυ τις εἰκαστικὴ γενομένη καὶ γραφικὴ εἰκόνων ἔκπλεως αὐτὴ.
Fronton (Marcus Cornelius Fronto), Epistulae , (trad: 2003)(trad: "Correspondance " par Fleury, Pascale en 2003)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Protogène le peintre passa, dit-on, onze ans à exécuter son Ialysos ; et, pendant ces onze années, il travailla seulement à son Ialysos.
Commentaires : Fronton, Lettres grecques, av. 170, livre 1, lettre 10 (Reinach 496)
Fronton (Marcus Cornelius Fronto), Epistulae , (trad: 2003) (A Marc Aurèle, II, 3, 4), p. 74-76 (trad: "Correspondance " par Fleury, Pascale en 2003)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Dès lors, je chercherai maintenant le pardon précisément là où sans peine je le trouverai. De quoi est-il question? Voici: en écrivant l'éloge de l'empereur, j'accomplissais ce qui est surtout agréable pour toi et pour ton fils; ensuite, je me suis souvenu de vous deux et vous ai nommés dans mon ouvrage, comme les amants nomment leur bien-aimé sur toutes les coupes. Mais la formation d'images s'infiltre et naît par la suite. Celle-ci en tout cas est survenue à l'improviste; je la joins à toutes les autres, et il est particulièrement légitime de l'appeler εἰκών, puisqu'elle se rapporte à un peintre. On dit que le peintre Protogénès prit onze ans pour peindre l'Ialysos, qu'il ne peignit rien d'autre dans ces onze années de l'Ialysos. Pour ma part, ce n'est pas un mais deux Ialysos à la fois que j'ai peints; ils ne sont ni l'un ni l'autre communs, ni faciles à peindre, non seulement pour leurs visages et leurs apparences, mais aussi pour leurs mœurs et leurs vertus, car l'un est le grand empereur, régisseur de toutes les terres et de toutes les mers; l'autre est le fils du grand empereur, enfant de ce grand homme comme Athéna est fille de Zeus, ton fils comme Héphaïstos est fils d'héra. Mais qu'on ne s'arrête pas aux pieds de cette image sur Héphaïstos. Cette défense même semblerait tout à fait allégorique et picturale, toute pleine qu'elle est d'images.
Valère Maxime (Valerius Maximus), Factorum dictorumque memorabilium libri IX (redac: 1:50, trad: 1935), « Quam magni effectus artium sint », « De effectibus artium raris apud externos », 7 (numéro VIII, 11) , t. II, p. 244 (latin)
Atque ut eiusdem studii adiciam exemplum, praecipuae artis pictor equum ab exercitatione uenientem modo non uiuum labore industriae suae conprehenderat. Cuius naribus spumas adicere cupiens tantus artifex in tam paruula materia multum ac diu frustra terebatur. Indignatione deinde accensus spongeam omnibus inbutam coloribus forte iuxta se positam adprehendit et ueluti corrupturus opus suum tabulae inlisit. Quam fortuna ad ipsas equi nares directam desiderium pictoris coegit explere. Itaque quod ars adumbrare non ualuit casus imitatus est.
Valère Maxime (Valerius Maximus), Factorum dictorumque memorabilium libri IX , (trad: 1935) (VII, 11, ext. 7), t. II, p. 245 (trad: "Faits et dits mémorables " par Constant, Pierre en 1935)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Ajoutons encore un exemple également emprunté à la peinture. Un artiste d’un rare talent était parvenu grâce à un soin extrême à représenter un cheval sortant du manège ; on eût presque dit l’animal vivant. Il voulut encore peindre l’écume autour des naseaux ; mais, malgré toute son habileté, ce petit détail donna lieu à de nombreux et longs essais qui restèrent vains. Enfin, d’impatience et de dépit, il saisit une éponge qui se trouvait près de lui et qui était imprégnée de toutes sortes de couleurs et la jeta sur le tableau comme pour détruire son ouvrage. Mais la fortune la dirigea vers les naseaux du cheval et lui fit réaliser le désir du peintre. Ainsi ce que l’art du peintre n’avait pas pu représenter, le hasard réussit à l’imiter.
Plutarque (Πλούταρχος), Ἠθικὰ (Moralia) (redac: (50):(125), trad: 1972:2004), "La fortune" (peri tuchês), 4, 99b (Reinach 522) (fran)
(Νεάλκη) μέντοι φασὶν ἵππον ζωγραφοῦντα τοῖς μὲν ἄλλοις κατορθοῦν εἴδεσι καὶ χρώμασι, τοῦ δ’ἀφροῦ τὴν παρὰ τῷ χαλινῷ χαυνότητα καὶ τὸ συνεκπίπτον ἆσθμα μὴ κατορθοῦντα, γράφειν τε πολλάκις καὶ ἐξαλείφειν, τέλος δ’ ὑπ’ ὀργῆς προσβαλεῖν τῷ πίνακι τὸν σπόγγον ὥσπερ εἶχε τῶν φαρμάκων ἀνάπλεων, τὸν δὲ προσπεσόντα θαυμαστῶς ἐναπομάξαι καὶ ποῆσαι τὸ δέον.
Commentaires : ED BUDE?
1 sous-texteReinach, Adolph (éd.), Textes grecs et latins sur la peinture ancienne. Recueil Milliet, (Reinach 522)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
On raconte que Néalkès, peignant un cheval, avait réussi à rendre selon son goût toutes les formes et toutes les couleurs, sauf pour l’effervescence de l’écume autour du mors et l’haleine sortant en même temps de la bouche ; en cela, il échouait, s’y reprenait à plusieurs reprises, effaçait ce qu’il avait fait, jusqu’à ce qu’enfin de colère il jeta contre le tableau son éponge, pleine de couleurs comme elle était ; l’éponge, en l’imbibant par son contact, fit admirablement ce qu’il fallait.
Dion Chrysostome (Δίων ὁ Χρυσόστομος), Orationes (redac: (66):(125)), ΠΕΡΙ ΤΥΧΗΣ ΠΡΩΤΟΣ ΛΟΓΟΣ, 4-5 (Reinach 471) (numéro LXIII) , t. V, p. 36-38 (grecque)
Ὁρᾶν δὲ χρὴ καὶ τὸ εὐμήχανον αὐτῆς. ἤδη γοῦν τις ἐκπεσὼν νεὼς ἐν πελάγει εὐπόρησε τοῦ ζῆν, ἐλθούσης τύχης. ἄξιον δὲ εἰπεῖν καὶ τὸ συμβὰν ἀπὸ τῆς τύχης Ἀπελλῇ τῷ ζωγράφῳ. ὡς γὰρ λόγος, ἵππον οὐχὶ ἐξ ἐργασίας ἀλλὰ ἐκ πολέμου ἐποίει· ὑψηλὸς ἦν τῷ αὐχένι καὶ ἐπανεστὼς καὶ τὰ ὦτα ὄρθιος καὶ δριμὺς τὰς ὄψεις, ὡς ἐκ πολέμου παρών, τὸν ἐκ τοῦ δρόμου θυμὸν ἐν ταῖς ὄψεσιν ἔχων, οἱ δὲ πόδες ὑπεφέροντο ἐν τῷ ἀέρι, μικρὰ ψαύοντες ἀνὰ μέρος τῆς γῆς. καὶ ὁ ἡνίοχος ἐκράτει τοῦ χαλινοῦ, τὸ πολεμικὸν σάλευμα τοῦ ἵππου ἀπὸ ῥυτῆρος ἄγχων. ἅπαντα δὲ ἐχούσης τῆς εἰκόνος ἐοικότα ἔλειπεν ἀφροῦ χρῶμα, οἷον ἂν γένοιτο μιγέντος αἵματος καὶ ὑγροῦ κατὰ συνεχῆ μῖξιν, διώκοντος μὲν τοῦ ἄσθματος τὸ ὑγρὸν τῶν στομάτων, ἀφρίζοντος δὲ τῇ κοπῇ τοῦ πνεύματος, αἷμα δὲ ἐπιρραινούσης τῷ ἀφρῷ τῆς ἐκ τοῦ χαλινοῦ ὕβρεως. οὐ δὴ εὐπόρει γράφειν ἵππου ἀφρὸν κεκμηκότος ἐν ἀγῶνι. ἀπορῶν δὲ ἐπὶ πλέον, τέλος ἀπαλγήσας ἐνέσεισε περὶ τοῦς χαλινοὺς τῇ γραφῇ τὴν σπογγιάν. πολλὰ δὲ αὕτη ἔχουσα χρώματα ἐοικότα ἀφρῷ ᾑμαγμένῳ ἐφήρμοσε τῇ γραφῇ τὸ χρῶμα. Ἀπελλῆς δὲ ἰδὼν ἐχάρη τῷ ἐν ἀπογνώσει τύχης ἔργῳ καὶ ἐτέλεσεν οὐ διὰ τῆς τέχνης, ἀλλὰ διὰ τῆς τύχης τὴν γραφήν.
Reinach, Adolph (éd.), Textes grecs et latins sur la peinture ancienne. Recueil Milliet, (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Un heureux succès que le peintre Apelle dut à la Fortune, mérite d’être cité. On conte qu’il peignait un cheval, non point un cheval de labour, mais un coursier de combat. [...] L’effigie, en tout, était d’une vérité parfaite, mais la couleur de l’écume était manquée, de cette écume que produit le mélange continuel du sang et de la bave, le souffle chassant au dehors par la bouche l’humeur du corps, la respiration haletante produisant de l’écume et l’effort violent du frein, qui blesse l’animal, y mêlant des files de sang. Apelle ne savait comment rendre cette écume d’un cheval épuisé au combat ; de plus en plus en peine, il en vint, de colère, à lancer son éponge sur le tableau à l’endroit du mors ; il se trouva que les nombreuses couleurs dont elle était imprégnée, donnant la ressemblance de l’écume sanglante, rendirent sur la peinture la couleur désirée. Apelle, à cette vue, se réjouit que l’œuvre du hasard suppléât si bien à l’impuissance de l’art, et que l’achèvement de son tableau fût dû, non à l’art, mais à la Fortune.
Pline l'Ancien (Gaius Plinius Secundus), Naturalis Historia, liber XXXV(redac: 77, trad: 1985) (102-104 (Reinach 491))(latin)
Palmam habet tabularum eius Ialysus, qui est Romae dicatus in templo Pacis. Cum pingeret eum, traditur madidis lupinis uixisse, quoniam sic simul et famem sustineret et sitim nec sensus nimia dulcedine obstrueret. Huic picturae quater colorem induxit contra subsidia iniuriae et uetustatis, ut decedente superiore inferior succederet. Est in ea canis mire factus, ut quem pariter et casus pinxerit. Non iudicabat se in eo exprimere spumam anhelantis, cum in reliqua parte omni, quod difficillimum erat, sibi ipse satisfecisset. Displicebat autem ars ipsa: nec minuit poterat et uidebatur nimia ac longius a ueritate discedere, spumaque pingi, non ex ore nasci. Anxio animi cruciatu, cum in pictura uerum esse, non uerisimile uellet, absterserat saepius mutaueratque penicillum, nullo modo sibi adprobans. Postremo iratus arti, quod intellegeretur, spongeam inpegit inuiso loco tabulae. Et illa reposuit ablatos colores qualiter cura optauerat, fecitque in pictura fortuna naturam. Hoc exemplo eius similis et Nealcen successus spumae equi similiter spongea inpacta secutus dicitur, cum pingeret poppyzonta retinentem eum. Ita Protogenes monstrauit et fortunam.
Pline l'Ancien (Gaius Plinius Secundus), Naturalis Historia, liber XXXV, (trad: 1985) (102-104)(trad: "Histoire naturelle. Livre XXXV. La Peinture" par Croisille, Jean-Michel en 1985)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Parmi ses tableaux, la palme revient à l’Ialysus, qui est à Rome, consacré dans le Temple de la Paix. Quand il y travaillait, on raconte qu’il vécut de lupins bouillis, aliment qui lui permettait en même temps de satisfaire sa faim et sa soif et de ne pas émousser sa sensibilité par un régime trop agréable. Pour cette peinture il utilisa quatre couches de couleur afin qu’elle résistât aux menaces des dégradations et de la vétusté, de telle sorte que, si la couche supérieure disparaissait, celle de dessous la remplaçât. Il y a dans ce tableau un chien dont l’exécution est objet de curiosité, car cette effigie doit aussi au hasard, et pour une part égale, sa réalisation. L’artiste trouvait que, chez ce chien, il n’arrivait pas à rendre l’écume de l’animal haletant, alors que tous les autres détails le satisfaisaient, ce qui était fort difficile. En fait, ce qui lui déplaisait, c’était l’habileté technique elle-même : il ne pouvait en atténuer l’effet, bien qu’elle lui semblât excessive et trop éloignée de la vérité : l’écume avait l’air d’être peinte et non naturellement issue de la gueule. L’esprit inquiet et tourmenté, voulant obtenir dans sa peinture le vrai et non le vraisemblable, il avait bien souvent effacé, avait changé de pinceau, sans arriver en aucune manière à se contenter. Finalement, il se mit en colère contre cet art trop perceptible et lança son éponge contre la partie du tableau qui ne lui plaisait pas. Or l’éponge remplaça les couleurs effacées de la façon qu’il avait souhaitée dans son souci de bien faire. C’est ainsi que, dans cette peinture, la chance produisit l’effet de la nature. On dit qu’à son exemple Néalcès obtint un succès semblable pour rendre l’écume d’un cheval : il lança son éponge sur le tableau de la même manière, alors qu’il peignait un homme retenant l’animal en claquant de la langue. Ainsi Protogène montra-t-il jusqu’aux effets de la chance.
Pline l’Ancien; Landino, Cristoforo, Historia naturale di C. Plinio secondo tradocta di lingua latina in fiorentina per Christophoro Landino fiorentino, fol. 241r-v (italien)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Delle sue picture e piu lodata laliso elquale ancora hogi e in Roma nel tempio della pace elquale mentre che lui dipigneva dicono che visse di lupini maceri perche sostentano insieme la fame e la sete accioche per troppa dolceza non ingrossassi e sensi. In questa pittura per riparare ala ingiuria dell’antichita soprapose e colori quattro volte acioche venendo meno quel di sopra l’altro succedessi. Et in quella un cane maravigliosamente dipincto e facto dall’arte e dal caso. Allui pareva havere sattisfacto in tute l’altre parti, ilche era difficil ma non gli pareva exprimere la schiuma quando esso anxa. Dispiacevagli essa arte ne si potea partir da quella et era anxio perche voleva che paressi che la schiuma nascessi de la bocca e non paressi dipincta e desiderava nela pictura el vero e non el verisimilie e mutava spesso el color rasciugando el pennello nela spugna. Finalmente adiratosi col’arte frego la spugna in qual luogo che gli dispiaceva nela pictura e nela spugna collaquale lui asciugava e pennelli di varii colori a caso per la commistione di quelli era facto tal colore quale lui desiderava e per questo la fortuna fece nella pictura el naturale. Il medesimo intervenne a Nealte nella schiuma del cavallo dipingnendo lui Popizonte ritenuto da pane. Ilche gli dimostro la fortuna.
Pline l’Ancien; Brucioli, Antonio, Historia naturale di C. Plinio Secondo nuovamente tradotta di latino in vulgare toscano per Antonio Brucioli, p. 993 (italien)(traduction ancienne d'un autre auteur)
La palma delle sue tavole ha Ialyso, il quale è à Roma, dedicato nel tempio della pace, ilquale quando lo dipingeva, si dice essere vivuto di lupini stati nell’acqua, perché insieme sostenessino la fama, e la sete, accioché non ingrossasse i sensi per la troppa dolcezza. A questa pittura, insussidio della ingiuria, e della antiquita, sopra pose quattro volte i colori, accioché cadendo il superiore, succedesse lo inferiore. E in essa un cane maravigliosamente fatto, ilquale parimente dipinse il caso, e l’arte. Non giudicava di potere esprimere in esso la schiuma di chi ansa, avvenga che in ogni altra parte (ilche è difficilissima cosa) havesse satisfatto à se stesso. Et dispiaceva gli essa arte, ne sene poteva partire, e parevagli partirsi troppo discosto dalla verità, e quella schiuma, che si dipingeva, non nascesse dalla bocca, ansio di animo, volendo che nella pittura fusse il vero, non il verisimile, haveva spesso nettato, il pennello, e mutato, e per nessuno modo si piaceva. Ultimamente adirato con la arte, dette di quella spugna, con laquale nettava i pennegli, in quella parte della pittura che gli dispiaceva, e quella vi pose, que nettati colori, come desiderava la cura. Et così la fortuna fece nella pittura il naturale. Con questo esemplo, e simile successo, si dice, Nealce haverlo seguitato nella schiuma di uno cavallo, con una spungia, con laquale vidette dentro, quando dipigenva Popizonte, che riteneva il cavallo. Et così Protogene mostro il cane, e la fortuna.
Pline l’Ancien; Domenichi, Lodovico, Historia naturale di G. Plinio Secondo tradotta per Lodovico Domenichi, con le postille in margine, nelle quali, o vengono segnate le cose notabili, o citati alteri auttori… et con le tavole copiosissime di tutto quel che nell’opera si contiene…, p. 1102-1103 (italien)(traduction ancienne d'un autre auteur)
- [1] Scrive Eliano nel lib. 12. della Varia istoria che Protogene penò sette anni a dipignere Ialiso, e che quando Apelle l’hebbe veduto disse con molto stupore che l’opera, e l’artefice erano grandi, ma che gli mancava la gratia; laquale se Protogene havesse havuta, la sua fatica sarebbe stata immortale.
E tenuta per la miglior figura che facesse mai il Ialiso, ilquale in Roma è dedicato nel tempio della pace. Mentre che egli faceva questa figura si dice che egli non mangiò altro che lupini dolci, perche a un tratto cacciavano la fame e la sete, accioche non ingrossassero i sensi per la troppa dolcezza. Sopra questa figura diede quattro mani di colori, perch’ella reggesse al tempo, e alla vecchiaia, et cadendo giu il colore di sopra, ve ne rimanesse un’altro di sotto. In questa figura è un cane mirabilmente fatto, si come quello che il caso e l’arte egualmente il dipinse. Egli giudicava di non potere esprimere in esso la schiuma di chi ansa, ancora che in ogni altra parte, il ch’è difficilissima cosa, havesse sodisfatto a sestesso. Et dispiacevagli essa arte, ne se ne poteva partire, e parevagli partirsi troppo discosto dalla verità, e quella schiuma, che si dipigneva, non nascesse dalla bocca, tutto sospeso dell’animo, volendo che nella pittura fosse il vero, non il verisimile, haveva spesso netto il pennello, e mutato, e per nessun modo si compiaceva. Ultimamente adirato con l’arte, diede di quella spugna, con laquale nettava i pennegli, in quella parte della pittura, che gli dispiaceva, e quella si pose que’ nettati colori, come era il suo desiderio. Et cosi la fortuna fece nella pittura il naturale. Con questo esempio si dice, che un simile successo avvenne a Nealce, havendo similmente avventata una spugna, quando egli dipigneva Popizonte, che riteneva il cavallo. Et cosi Protogene, e la fortuna, mostrò il cane. [1]
Pline l’Ancien; Du Pinet, Antoine, L’histoire du monde de C. Pline second… mis en françois par Antoine du Pinet, p. 954-955 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Toutesfois on tient pour la meilleure de ses pieces, un Ialysus qu’il fit, qui est au temple de Paix à Rome. Et dit-on, que durant le temps qu’il fit ce tableau, il ne mangeoit que des lupins destrempez, qui luy servoyent de boire et de manger tout ensemble : et ce de peur que le goust des viandes ne luy empescha ou luy chargeast le sens Mesme afin que ce tableau fust de plus longue duree, il luy bailla partout quatre charges, à ce que quand le temps en auroit consommé une, l’autre se trouvast fraische dessous. En ce tableau y a un chien, qui est quasi divinement et miraculeusement fait : car il fut fait selon l’art et par cas fortuit. Car ayant fait ce chien du tout à sa fantaisie (qui neantmoins estoit grand cas, qu’une fois il eust contenté son esprit), il ne savoit comment exprimer en peinture l’escume que rend un chien, ayant couru. D’un costé, il estoit fort marri du grand artifice qui estoit au dit chien, lequel neantmoins il ne pouvoit diminuer, et voyoit bien que l’escume qu’il avoit faite à son chien, estoit trop curieusement faite, et par trop esloignee du naturel, de sorte qu’on voyoit bien que c’estoit escume peinte, au lieu qu’il falloit qu’elle sortit de la bouche du chien. Lui donc qui ne vouloit point de choses vraysemblables en sa besongne, ains taschoit que le tout y fust au naturel ; estant fort fascché, avoit souvent changé de pinceau et de couleurs, et souvent osté avec une sponge les couleurs qu’il avoit assises pour faire ceste escume. Et voyant qu’il ne faisoit chose qui fust à sa fantasie, il se despita contre sa besongne : et pour monstrer que ce tableau n’estoit à sa fantasie il jetta de despit son esponge contre la place qui luy desplaisoit au dit tableau : laquelle, estant pleine des couleurs qu’elle avoit prinse audit tableau (car Protogenes s’en servoit à enlever les couleurs qui ne luy plaisoyent pas) les remit en place mesme, qui tenoit Protogenes en si grande fascherie : et neantmoins elles se trouverent assises si à propos, que Protogenes y trouva l’escume de son chien faite par cas fortuit, comme il desiroit. Nealces en usa de mesme, pour representer au naturel l’escume d’un cheval qu’il avoit fait, avec un garçon qui le retenoit à le flatter.
Pline l’Ancien; Poinsinet de Sivry, Louis, Histoire naturelle de Pline, traduite en françois [par Poinsinet de Sivry], avec le texte latin… accompagnée de notes… et d’observations sur les connoissances des anciens comparées avec les découvertes des modernes, (vol. 11), p. 261-263 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Parmi toutes ses compositions, on donne la palme à l’Ialisus[1], qui est à Rome, dédié au temple de la Paix. Tant qu’il demeura à le composer, on assure qu’il ne vécut que de lupins (ou pois sauvages) détrempés, parceque ce légume a la propriété de statisfaire également la faim et la soif, et que Protogene ne vouloit point d’ailleurs, en cette circonstance, prendre aucune nourriture propre à faire diversion à l’objet dont il s’occupoit, par une sensation trop flatteuse. Il eut la précaution de peindre ce tableau à quatre couches de couleurs ; car il voulut en sa faveur prévenir l’injure des tems, et faire survivre la peinture subsidiaire à celle que leur injure auroit enlevée. On y voit un chien qui passe pour une merveille, précisément par la raison que ce qu’il y a de merveilleux en lui est autant l’ouvrage du hasard, que celui du peintre. Protogene étoit satisfait de tout le reste du tableau ; mais à l’égard de l’écume du chien haletant, il n’étoit point content de lui-même. Il se déplaisoit dans son art, désespéroit de l’amener au point de subtilité nécessaire à rendre cet effet, je veux dire à le rendre semblable à la nature, à peindre une véritable écume, qui sortît réellement de la gueule du chien, et qui n’eût pas l’air d’être appliquée là comme une simple couche de peinture. En un mot, il vouloit la vérité même, et non le simple vraisemblable. Souvent il avoit passé l’éponge sur cette partie, souvent il avoit changé de pinceau, et toujours avec aussi peu de satisfaction, à son propre jugement. A la fin il se dépita contre l’art, et jetta de courroux son pinceau sur l’endroit même (comme l’on a été à portée d’en juger depuis) où son talent s’étoit trouvé en défaut. Le pinceau rétablit accidentellement les couleurs cur cet endroit, de la maniere dont le souhaitoit le peintre ; et le hasard devint nature. On prétend qu’à l’exemple de Protogene, le peintre Nealce[2] parvient pareillement, en jettant contre la toile une éponge, à peindre l’écume d’un cheval retenu tout-à-coup par l’écuyer, au signal qu’il lui donne en le sifflant. Mais Protogene ne dut un tel effet qu’à la fortune, et son chien fut l’ouvrage du peintre, et d’un hasard imprévu.
- [1] Dont font mention Strabon, liv. 14, p. 652, et Cicéron, Ep. 21.
- [2] Valere Maxime, liv. 8, chapitre 11, p. 401 : Praecipuae artis pictor equi navibus spumas adjicere cupiens, tantus artifex in tam parvula materia multum ac diu frustra tenebatur. Indignatione deinde accensus, spongiam omnibus imbutam coloribus forte juxta se positam apprehendit, et veluti corrupturus opus suum, tabulae illisit : Quam fortuna ad ipsas equi nares directam, desiderium pictoris coegit explere. Itaque quod adumbrare non valuit, casus imitatus est.
Élien (Κλαύδιος Αἰλιανός), Ποικίλη ἱστορία(redac: (201):(235)) (XII, 41 (Reinach 495))(grecque)
Πρωτογένης ὁ ζωγράφος τὸν Ἰάλυσον, φασίν, ἑπτὰ ἔτεσι διαζωγραφῶν ἐξετέλεσεν.
Reinach, Adolph (éd.), Textes grecs et latins sur la peinture ancienne. Recueil Milliet, (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Le peintre Protogène mit sept ans, dit-on, à achever son Ialysos.
Ausone (Decimus Magnus Ausonius), Epigrammata(redac: (301:400), trad: 2010), Griphus ternarii numeri (numéro Technopaegnion, X (cf Reinach 10)) , p. 242 (latin)
Hunc locum de ternario numero ilico nostra illa poetica scabies coepit exsculpere, cuius morbi quoniam facile contagium est, utinam ad te quoque prurigo commigret et fuco tuae emendationis adiecto impingas spongiam, quae imperfectum opus equi male spumantis absoluat.
Commentaires :
2 sous-textesReinach, Adolph (éd.), Textes grecs et latins sur la peinture ancienne. Recueil Milliet, (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Puisses-tu, en ajoutant à cette ébauche le vernis de tes corrections, lui lancer le coup d’éponge qui achève l’image imparfaite du cheval dont l’écume mousse mal.
Commentaires :
Ausone (Decimus Magnus Ausonius), Epigrammata, (trad: 2010), L'entrelacs du ternaire (numéro Technopegnion, X) , p. 242 (trad: "Épigrammes" par Combeaud, Bernard en 2010)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Sur ce lieu du nombre trois, aussitôt ma démangeaison poétique bien connue s'est mise à creuser. C'est un mal dont la contagion est aisée: puisse ce prurit vous gagner aussi, et, en y apportant la mise en beauté de vos corrections, puissiez-vous y passer l'éponge, de façon à boire les imperfections de cet autre "cheval à l'écume manquée"!
Leonardo da Vinci, Libro di pittura(publi: 1651, redac: 1485:1519), « Precetti del pittore » (numéro § 60, t. I) , p. 174 (italien)
Quello non fia universale che non ama equalmente tutte le cose che si contengono nella pittura ; come se uno non li piace li paesi, esso stima quelli essere cosa di breve e semplice investigazione, come disse il nostro Botticelli, che tale studio era vano perché col solo gittare d’una spugna piena di diversi colori in un muro, esso lasciava in esso muro una macchia, dove si vedeva un bel paese. Egli è ben vero che in tale maccchia si vede varie invenzioni di ciò che l’uom vuole cercare in quella, cioè teste d’uomini, diversi animali, battaglie, scogli, mari, nuvoli e boschi et altri simili cose ; e fa com’il sono delle campane, nelle quali si può intendere quelle dire quel ch’a te pare. Ma ancora ch’esse macchie ti dieno invenzione, esse non t’insegnano finire nessuno particolare. E questo tal pittore fa tristissimi paesi.
Il codice Magliabechiano cl. XVII. 17 contenente notizie sopra l’arte degli antichi e quella de’ fiorentini da Cimabue a Michelangelo Buonarroti, scritte da anonimo fiorentino(redac: (1540:1550)), p. 26-27 (italien)
Protogene Phycauno (Cauneus) pittore nacque in Rhodj di bassa conditione. Fu nel principio molto pouero et operaua con grandissima diligentia et guadagno poco et fece anchora fiure di bronzo. Et delle sue pitture furno le piu lodate queste cioe : Ialiso, citta di Cipro, in tauola, ch’era in Roma nel tempio della Pace. Et è fama, che mentre che la dipigneua essere vissuto di lupinj macerj, perche insieme sostentauono la fame e la seta, acio che per troppa dolcezza di cibj e sua sensj non fussino ingrossatj. Et per acio tal pittura fussj in perpetuo durabile et quasi fussj eterna, messe quattro uolte e colorj, l’uno sopra l’altro, acio che manchando il disopra, il disotto succedessi. Et dipinse marauigliosamente in quella un cane, il quale con grandissima arte haueua dipinto in modo, che li pareua hauere sotisfatto in tutte le partj, eccetto che non li pareua hauere expresso la schiuma della boccha di quello, che per il troppo ansare faceua. Et uoleua pure, che la schiuma nascessj et fussj al naturale piu che possibil fussj dipinta. Et per trouare la uera spesso mutaua colore, rasciugando il pennello nella spugna il quel luogo doue la schiuma faceua ; et essendo pregna la spugna di piu sorte colorj, perche d’essa asciugare i pennellj, come s’è detto, adoperaua, con tal presto fregare con la spugna li venne fatto il colore, che esso desideraua, et cosj l’ira li fece fare nella sua pittura il naturale.
Hollanda, Francisco de, Da pintura antiga(redac: 1548) (Quarto Dialogo), p. 339 (portugais)
No mesmo tempo foi Protogenes, o qual foi muito prove, pola primeira pola muita suma perfeição que punha na arte, e por isso não ganhava muito. Costumava de comer cousas mui delicadas e temperadas para lhe não engrossarem o engenho. Desprazia-lhe esta arte, porém não lhe podia dar aquella imperfeição e desmancho que elle desejava de fazer, de maneira que depois de mui enfadado, lhe arremessou a esponja com que as colores alimpava ; e acertou de dar na boca do cão, e fazer o que elle queria em vez de o desmanchar. Mas como pintarão agora os modernos tão bem como aquelles por quem a mesma fortuna pintava ? O mesmo aconteceo ao outro, que queria pintar o cavallo escumando.
Hollanda, Francisco de, Da pintura antiga et Diálogos de Roma (2e partie), (trad: 1911), p. 185 (trad: "Quatre dialogues sur la peinture" par Rouanet, Léo en 1911)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
À la même époque vivait Protogène, lequel fut très pauvre, à cause surtout de l’extrême perfection qu’il apportait à son art ; aussi ne gagnait-il guère. Il avait coutume de manger des choses très délicates et épicées pour ne pas s’alourdir l’esprit. Son art lui déplaisait ; toutefois il n’y pouvait renoncer. Il travailla beaucoup à peindre un chien qui ne semblât pas peint, mais vivant, et qui haletât et eût l’écume à la gueule. Mais, pour parfaite qu’il fît cette écume, il ne pouvait lui donner l’imperfection et l’irrégularité qu’il souhaitait, si bien qu’il lança de dépit contre son tableau l’éponge qui lui servait à nettoyer ses couleurs, et, ayant atteint le chien à la gueule, il réussit à faire ce qu’il cherchait, au lieu de gâter son travail. Comment, après cela, les modernes pourraient-ils égaler ces hommes pour qui peignait la Fortune elle-même ? Pareille chose arriva à un autre peintre qui voulait peindre l’écume d’un cheval.
Varchi, Benedetto, Lezzione. Nella quale si disputa della maggioranza delle arti e qual sia più nobile, la scultura o la pittura, fatta da lui publicamente sulla Accademia Fiorentina la terza domenica di Quaresima, l’anno 1546. In Due lezzioni, di M. Benedetto Varchi, sulla prima delle quali si dichiara un sonetto di M. Michelangelo Buonarroti. Nella seconda si disputa quale sia più nobile arte, la scultura o la pittura, con una lettera d’esso Michelagnolo e più altri eccellentissimi pittori e scultori sopra la questione sopradetta(publi: 1549), p. 30 (italien)
Credono alcuni che il detto d’Agatone si debba intendere e riferire per quei pittori i quali, non possendo fare alcuna cosa con l’arte, la fecero a caso, non pensando di farla, come si legge, et in Plinio et in Valerio Massimo, di Nealce, che, non potendo contraffare la spuma d’un cavallo, gittata via stizzosamente la spugna e colto a punto il cavallo nella bocca, fece quello a sorte, senza pensarvi, che non avea potuto fare, pensando, coll’ industria.
Conti, Natale (dit Natalis Comes ou Noël le Conte), Mythologiae, sive explicationis fabularum libri decem(publi: 1551), "De Dedalo" (numéro liber VII, cap. XVI) , p. 417 (latin)
Protogenes patria Caunius nobilissimus fuit pictor, qui cum multa eximia opera fecisset, principatum tamen Ialyso illi celebri tribuere solitus est, in quo nondum perfecto septem annos Rhodi oingendo absumpsit: et cani illi pulcherrimo anhelanti exprimenda spuma ex ore manante diutius laborauit.
Conti, Natale (dit Noël le Conte); Montlyard, Jean de (pseudonyme de Jean de Dralymont), Mythologiae, sive explicationis fabularum libri decem, p. 798-799 (trad: "Mythologie, c’est à dire Explication des fables, contenant les généalogies des dieux, les cérémonies de leurs sacrifices, leurs gestes, adventures, amours et presque tous les préceptes de la philosophie naturelle et moralle. Extraite du latin de Noël Le Comte... par I. D. M.")(fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Protogene Caunien tres-fameux peintre fit plusieurs excellens tableaux : mais il vouloit donner le premier rang à ce beau Ialyse (que l’on dit avoir fondé une ville de mesme nom en l’isle de Rhode) auquel il emploia sept ans à Rhode, sans toutefois l’achever : en second rang il mettoit son chien, auquel il travailla longtemps pour bien exprimer l’escume qui lui sortoit de la bouche.
Dolce, Lodovico, Dialogo di pittura intitolato l’Aretino, nel quale si raggiona della dignità di essa pittura e di tutte le parti necessarie che a perfetto pittore si acconvengono(publi: 1557), p. 183 (italien)
Protogene, volendo ancora egli dimostrar con la similitudine de’ colori certa schiuma che uscisse di bocca a un cavallo tutto stanco et affannato da lui dipinto ; avendo ricerco più volte, mutando colori, d’imitare il vero, non si contentando, nel fine, disperato, trasse la spugna, nella quale forbiva i pennelli, alla bocca del cavallo ; e trovò che’ l caso fece quello effetto, che egli non aveva saputo far con l’arte. FABRIANO — Non fu adunque la lode del pittore, ma del caso.
Gilio, Giovanni Andrea, Degli errori e degli abusi de’ pittori circa l’istorie(publi: 1564), p. 42 (italien)
Protogene Ficauno casualmente espresse la bava che fa ansando per la bocca il cane ; un altro il fumo che manda fuora per il naso il cavallo ne l’annasar e ne lo sbufare. Altri ancora hanno con vaghezza mostrate cose difficilissime e poco da altri tentate.
Borghini, Vincenzio, Selva di notizie(redac: 1564), p. 143 (italien)
Delle sue opere si da la palma a l’Ialiso et dice che gli dette quatro volte di colore acciò che mancando quello di sopra succedesse quel di sotto etc. Evvi è un cane colla spuma alla bocca fatto colla spugna, e questa è quella tavola che, potendo da quella parte dove l’era Demetrio pigliar Rodi, volte più presto perdere la vittoria che guastare la tavola.
Adriani, Giovanni Battista, Lettera a m. Giorgio Vasari, nella quale si racconta i nomi, e l’opere de’più eccellenti artefici antichi in Pittura, in bronzo, et in marmo(publi: 1568, redac: 1567), p. 195 (italien)
Fu diligente molto, e nel dipignere tardo e fastidioso né così bene in esso si sodisfaceva. Il vanto delle sue opere porta lo Ialiso, il quale insino al tempo di Vespasiano imperadore si guardava ancora a Roma nel tempio della Pace. Dicono che nel tempo che egli faceva cotale opera non mangiò altro che lupini dolci, sodisfacendo a un tempo medesimo con essi alla fame et alla sete per mantenere l’animo et i sensi più saldi e non vinti da alcuno difetto. Quattro volte mise colore sopra colore a questa opera, riparo contro alla vecchiezza e schermo contro al tempo, acciò consumandosi l’uno succedesse l’altro di mano in mano. Vedevasi in questa tavola stessa un cane di maravigliosa bellezza fatto da l’arte et insieme dal caso in cotal modo. Voleva egli ritrarre intorno alla bocca del cane quella schiuma, la quale fanno i cani faticati et ansanti, né poteva in alcun modo entro sodisfarvisi : ora scambiava pennello, ora con la spugna scancellava i colori, ora insieme gli mescolava, che arebbe pur voluto che ella uscisse della bocca dell’animale, e non che la paresse di fuora appiccata ; nè si contentava in modo veruno, tanto che, avendovi faticato intorno molto, né riuscendogli meglio l’ultima volta che la prima, con istizza trasse la spugna che egli aveva in mano piena di quei colori nel luogo stesso dove egli dipigneva. Maravigliosa cosa fu a vedere : quello, che non aveva potuto fare con tanto studio e fatica d’arte, lo fece il caso in un tratto solo. Percio che quelli colori vennero appiccati intorno alla bocca del cane di maniera che ella parve proprio schiuma che di bocca gli uscisse. Questo stesso dicono essere avvenuto a Nealce pittore nel fare medesimamente la schiuma alla bocca d’un cavallo ansante, o avendolo apparato da Protogene, o essendoli avvenuto il caso medesimo.
Montaigne, Michel de, Essais(publi: 1580:1588), « La fortune se rencontre souvent au train de la raison » (numéro I, 34) , p. 221 (fran)
Surpassa elle[Explication : la fortune.] pas le peintre Protogenes en la science de son art ? Cettuy-cy ayant parfaict l’image d’un chien las, et recreu à son contentement en toutes les autres parties, mais ne pouvant representer à son gré l’escume et la bave, despité contre sa besongne, prit son esponge, et comme elle estoit abreuvee de diverses peintures, la jetta contre, pour tout effacer : la fortune porta tout à propos le coup à l’endroit de la bouche du chien, et y parfournit ce à quoy l’art n’avoit peu attaindre.
Lily, John, Euphues and His England(publi: 1580), «The Epistle Dedicatory», p.3 (anglais)
Since that, some there haue bene, that either dissembling the faultes they saw, for feare to discourage me, or not examining them, for the loue they bore me, that praised mine olde worke, and urged me to make a new, whose words I thus answered. If I should coyne a worse, it would be thought that the former was framed by chaunce, as Protogenes did the foame of his dogge, if a better, for flatterie, as Narcissus did, who only was in loue with his own face, if none at all, as forward as the musition, who being entreated, will scarse sing sol fa, but not desired, straine aboue Ela.
Lily, John, Euphues and His England(publi: 1580), p. 98 (anglais)
For in like manner hast thou built a bed in thine owne brains, wherin every one must be of thy length if he love you cuttest him shorter, either with some od devise, or grave counsel, swearing (rather then thou woldst not be beleved) yet Protogenes portraid Venus with a sponge sprinkled with sweete water, but if once she wrong it, it would drop bloud : that hir ivorie Combe would at the first tickle the haires, but at the last turne all the haires into adders : so that nothing is more hatefull then Love. If he love not, then stretchest out lyke a wyre-drawer, making a wire as long as thy finger, longer then thine arme, pullyng on with the pincers with the shoemaker a lyttle shoe on a great foote, till thou crack thy credite, as he doth his stitches, alleadging that Love followeth a good wit, as the shadowe doth the body, and as requisite for a Gentleman, as steele in a weapon.
Lomazzo, Gian Paolo, Trattato dell’arte della pittura, scultura ed architettura(publi: 1584), « Di alcuni motti di cavalli » (numéro II, 19) , p. 155 (italien)
Concludo finalmente che d’ogni sorte di moto se nè può trovar un’ essempio appresso a’ buoni poeti cosi latini come toscani […]. Basti d’aver accennato questi pochi, secondo che di sopra promisi di dover fare; acciò che si conoscesse in qual modo sopra tutto si hanno da dare a cavalli i moti convenienti, e corrispondenti a gl’atti che fanno, si come Leonardo principalmente ne designò gran parte, il quale in questa parte è stato principale fra i moderni, e fra gl’antichi forsi ha superato Nealze pittore il quale, avendo come unico ch’egli era in questo, dipinto un’ cavallo stracco, gli volle far’ ancora la schiuma alla bocca, nel modo che si legge.
Commentaires : éd. 1584, p. 177
Borghini, Rafaello, Il riposo di Raffaello Borghini : in cui della pittura, e della scultura si fauella, de’piu illustri pittori, e scultori, et delle piu famose opere loro si fa mentione ; e le cose principali appartenenti à dette arti s’insegnano(publi: 1584), p. 278-279 (italien)
Era[Explication : Protogene.] tardo nell’operare, ma diligente molto e delle cose sue non bene si sodisfacea, laonde venne poscia al colmo di gloria nella pittura. Sopra tutte l’altre sue opere, fu celebrata quella del Ialiso che fu poi dedicato in Roma nel tempio della Pace e dicono che mentre egli fece tal opera non mangiò se non lupin dolci, perché a un tratto cacciano la fame e la sete, accioché non mangiando altri cibi non se gli ingrossassero i sensi : diede sopra questa figura quattro mane di colori, acciò che se col tempo ne cadesse uno vi restassero gli altri e così molto tempo dalle ingiurie del tempo si difendesse. Era in questa tavola un cane mirabilmente fato, come quello che era dall’arte e dalla sorte parimente stato dipinto. Conciosiacosaché avesse Protogene dipinto un cane che ansava et avesse benissimo, come che difficil cosa sia, espresso tal atto, nondimeno non gli riusciva a suo modo il fargli la schiuma alla bocca che da un ansante deriva e più volte si era riprovato, né mai gli pare ache naturale apparisse ; per la qual cosa sdegnato avendo la spugna in mano, alla quale aveva nettato più volte i pennelli de’ colori, la trasse in quella parte della pittura che non gli sodisfaceva, la quale percotendo nella bocca del cane, vi lasciò il segno de’ colori in forma di schiuma naturalissima e così gli venne fatto a caso quello che con istudio e con arte non aveva prima potuto fare. Dicono che egli penò sette ani a conducere a fine questa opera e che come Apelle la vide, disse con gran maraviglia che il maestro era eccellente e l’opera sua bellissima, ma che le mancava una certa grazia, la quale s’ella avesse avuta sarebbe stata immortale.
Sales, François de, Recueil de Similitudes (redac: 1600:1604), p. 116 (fran)
Protogenes, Rhodien, fit un Dalylus, un chien aupres de luy, avec un si grand soin quil ne mangeoit, pendant ce tems, que lupins detrampés, de peur que le goust des viandes ne luy changeast ou chargeast le sens. Le chien fut presque miraculeusement fait, car ayant peint ce chien exquisement et du tout a sa fantasie (ce qui luy arrivait peu souvent), il ne pouvait rencontrer a bien exprimer l’escume qu’un chien jette apres quil a couru. Ayant donq souvent osté les couleurs quil avoit assisses avec un’esponge, voyant quil ne luy succedait pas, il jetta l’esponge contre le lieu du tableau qui luy desplaisoit ; et icelle estant pleyne des couleurs qu’ell’avoyt prinses et ostees du tableau, elle les rendit en ce lieu la, et se treuverent assisses si a propos que l’escume fut faitte comm’il desiroit. Hélas ! combien souvent Dieu dirige vers le bien nos efforts, alors que nous nous proposions autre chose ! Ainsi... comme sp... et je suis tombé bien pour eux… des passions […] Nealces en usa de mesme pour l’escume d’un cheval quil avoit peint, avec un garçon qui le retenoit a le flatter.
Van Mander, Karel, Het leven der oude antijcke doorluchtighe schilders(publi: 1603:1604 ), « Van Protogenes, van Caunus, Schilder », fol. 82r-v (n)
Men hiel evenwel voor het beste werck, van alle de stucken die hy oyt maeckte, eenen Ialysus, die van hem ghedaen was, en stondt noch ten tijde Plinij in den Tempel van vrede. En men seght, dat Protogenes, gheduerende den tijt dat hy aen dit Tafereel doende was, niet anders en at als geweyckte Lupinen, dat is een gheslacht van boonen, by den Hoochduytschen Seigbonen oft Wolfs schotten, by ons Vijgboonen geeheten, de welcke hem dienden voor eten en drincken t’samen, vreesende of de smaken der spijsen hem mochten doen eenich belet, oft zijn sinnen overladen hebben. En om dat dit stuck te langher mocht in wesen, en gheduerich blijven, heeft hy’t viermael overdaen, en vier verwen d’een op d’ander gegheven, op dat als den tijdt d’een verwe verteert soude hebben, d’ander daer onder noch schoon en versch soude overblijven. Dit luydt heel vreemt voor den Schilders te hooren, hoe dit mocht toegaen met Ey oft Lijm-verwe. Dit hadde doenlijcker geweest van Olyverwe, daer sy niet van en wisten. In dit Tafereel was eenen Hondt, die schier met der Goden hulp, oft door mirakel ghemaeckt was: want hy was ghedaen eensdeels door Const, en eensdeels door gheval: Want doe hy den Hondt seer aerdich hadde ghedaen, en geheel naer zijnen sin (dat nochtans een wonder sake was, dat hy eenmael zijnen gheest hadde connen vernoeghen), doe was hy verleghen, niet connende ghenoech in Schilderije uytbeelden het schuym, dat eenen Hondt, die geloopen heeft, om de muyl heeft: ter eender sijde was hy seer bedroeft, om de groote Const, die hy in den Hondt te wege hadde gebracht, en dat hy de selve met dit schuym qualijck te maken verminderen soude. Doe hy evenwel sagh, dat zijn Honde-schuym moeylijck ghedaen zijnde, te verre afgescheyden was van het natuerlijck, dat men wel sagh dat het geschildert schuym was, en dat het niet alsoot behoorde den Hondt uyt de muyl en quam. En alsoo hy niet en wilde, dat zijn dingen alleen het waer wesen gheleken, maer zijn vlijt dede alles te maken eyghen en natuerlijck, was seer t’onvreden. Hy hadde dickwils verandert van verwen en pinceelen, en dickmael de verwen met een sponsie weder wech ghenomen, die hyder toe hadde ghebesight. Eyndlinge siende, dat het nae zijn voornemen hem niet en wou ghelucken, werdt hy op zijn werck vergramt: en om te toonen, dat dit Tafereel niet en was nae zijnen sin, wierp hy uyt onverduldicheyt zijn sponsie teghen het Tafereel, teghen de plaetse die hem soo qualijck behaeghde: en also de sponsie vol verwe was, van diese ingedroncken hadde met soo dickmael af te vaghen, (want Protogenes ghebruycktese om de verwen wech te nemen, die hem niet en bevielen ) stuyttese en gaf slach recht ter plaetsen, daer Protogenes mede bemoeyt was, en haddet daer bespat soo eygentlijck, dat Protogenes het schuym van zijnen Hondt daer ghemaeckt sagh, ghelijck hy begeerde dat het wesen soude. Dit selve is Nealces (van wien wy in’t leven van Melanthus verhaelden) oock gheschiedt, doe hy een Peerdt geschildert hadde, dat eenen Iongen stondt en flatteerde oft toefde.
Van Mander, Karel, Den grondt der edel vry schilder-const(publi: 1604, trad: 2009) (ch. IX, § 18-23), fol. 39v-40r (n)
- [1] Exempel van een Schilder, die t’schuym by gheval maeckte
- [2] Exempel van Peerdenschuym, in de Bataille Constantini in Belvidere.
- [3] Exempel van t’Hondeschuym
- [4] Noch van schuym Exempel.
- [5] T’is al goet, wat wel staet.
§18. Seer verleghen vondt hem eens een bysonder [1]
Schilder, nae grooten Valery beschrijven,
Die hadd’ een Peerdt gemaeckt seer schoon te wonder,
Welck quam uyt den arbeydt, en als hy onder
Ander dinghen wouw, tot zijns Consts beclijven,
Maken dat schuym te mondt uyt quame drijven,
Desen constighen werckman heeft al langhen
Vergheefschen tijdt en moeyt daer aen ghehanghen.
§19. Zijn constich werck en cond’ hy niet ghebrenghen
Ten eynde, noch comen tot zijn vermeten,
Hoe dat hy proefde, dus met soo gheringhen,
Onweerdighen, oft ongheachten dinghen
Wesende ghequelt, het heeft hem ghespeten,
En heeft om verderven daer op ghesmeten
De sponsy, daer hy zijn verwen me vaeghde,
En de sake gheviel soo’t hem behaeghde.
§20. Want de spattingh der sponsy is ghebleven
Aen zijn Peerdts mondt hanghend’, uyt quaden spele,
Ghelijck natuerlijck schuym, dus is becleven
Zijn voorneem en werck, t’gheluck toegheschreven,
En niet zijn Conste, maer t’is even vele:
In summa, men bevindt met wat een zele
En yver sy van oudts, soo sy best mochten,
All’ eyghenschappen uyt te beelden sochten. [2]
§21. Te Room oock in de sale Constantini,
Daer is dat schuymen uytghebeeldt ten rechten.
Protogenes, nae’t ghetuyghenis Pliny,
Conde niet ghemaken nae zijn opiny
T’schuym aen eenen Hondt, en gingh om soo slechten
Ondoenlijck dinghen oock zijn werck bevechten [3]
Metter sponsy, ghelijck gheseyt is boven,
Doe stond’t oock soo wel, dat yeder most loven.
§22. Want eerst en stonde dit schuym niet natuerlijck,
Seyt Plinius, maer te seer afghescheyden
Van’t oprecht in’t leven, maer scheen figuerlijck
Gheschildert met vlijt, t’welck hy wilde puerlijck
Wt den mondt doen vloeyen met veel arbeyden.
Nealcas deed’ oock eenen Ionghen leyden, [4]
Oft houden een Peerdt, en troetelen mede,
Daer zijn sponsy oock dus mirakel dede.
§23. Dus moghen wy oock, alst past, op het schuymen
Der peerden letten, met neerstich volheerden,
Hoe een dinghen ghemaeckt is, t’zy met duymen,
Met sponsy, oft anders buyten costuymen,
T’is al goet wat wel staet, ick houdt in weerden: [5]
maer wat grooter vlijt men voormaels wel Peerden
Te schilderen dede, canmen versinnen,
Nadiender oock Prijs mede was te winnen.
Van Mander, Karel, Den grondt der edel vry schilder-const, (trad: 2009), p. 143-144 (trad: "Principe et fondement de l’art noble de la peinture" par Noldus, Jan Willem en 2009)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
- [1] Exemple d'un peintre qui faisait l'écume par hasard
- [2] Exemple d’écume de Cheval, dans la Bataille de Constantin au Belvédère. Exemple d’écume de Chien
- [3] Un autre exemple d’écume
§18. Un excellent peintre se trouva un jour [1]
Très gêné, selon la description de Valère Maxime
Il avait fait un cheval merveilleusement beau
Qui rentrait du travail. Quand il voulut, pour affirmer son art,
Représenter entre autres comment l’écume sortait de la bouche,
Cet artiste habile dépensa en vain
Beaucoup de temps et de peine.
§19. Il ne put pas achever son œuvre d’art,
Ni, quoi qu’il fît, arriver à ses fins.
Alors, se rendant compte
Qu’il se torturait lui-même avec des choses aussi dérisoires,
Indignes et insignifiantes, il fut pris de chagrin
Et, pour détruire son œuvre, jeta
L’éponge avec laquelle il essuyait la peinture.
Mais le résultat fut tel qu’il en était très content.
§20. En effet, après ce mauvais geste,
L’éclaboussure de l’éponge était restée sur la bouche du cheval,
Comme si c’était de l’écume réelle.
Ainsi, son idée se réalisa dans son travail,
Même si le résultat était dû au hasard,
Et non à l’art : c’était le même.
Bref, on constate avec quel zèle et quelle diligence
On cherchait jadis à représenter le mieux possible tous les détails.
§21. À Rome, dans la salle de Constantin, [2]
L’écume est représentée avec justesse.
Protogénès ne parvenait pas
Selon le témoignage de Pline,
A faire à son idée l’écume d’un chien.
Alors, pour faire cette chose si simple et pourtant si difficile,
Il s’attaqua lui aussi à son œuvre avec une éponge :
Le résultat fut tel qu’il méritait l’éloge de tous.
§ 22. Juste avant, cependant, selon Pline, l’écume n’était pas naturelle, [3]
Mais trop différente de la vraie réalité.
Pourtant, on voyait que c’était peint avec application,
Car l’artiste voulait, à grand-peine,
Faire couler l’écume de la gueule, comme dans la vie.
Néalcès représenta un garçon
Qui tenait ou conduisait un cheval, en le caressant.
Ici aussi, son éponge fit des miracles.
§ 23. Ainsi, nous pouvons être attentifs, si c’est opportun, <>
A l’écume des chevaux, avec une persévérance assidue.
Peu importe comment une chose est faite,
Que ce soit avec les pouces, une éponge ou d’une autre manière, aussi inhabituelle soit-elle :
Tout ce qui se présente bien est bien. Je l’apprécie.
Commentaires :
Vauquelin de la Fresnaye, Jean, L'Art poetique françois, où l'on peut remarquer la perfection et le defaut des anciennes et des modernes poësies(publi: 1605) (I), v. 1033-1042 (fran)
Toutefois la fortune aux arts ne sert de rien:
Sinon qu’elle seruit à ce peintre ancien,
Lequel ayant tiré de main presque animante,
Un cheval furieux à la bouche ecumante,
Il n’en put onc l’écume representer :
Ce qui le fist cent fois à la fin dépiter :
Et jetant dédaigneux son éponge souillee,
Et de toutes couleurs du pinceau barbouillee,
Au mors de son coursier, le dedain par hasard
Fit ce que le pinceau ne peut faire par art.
Mais le beau iugement à l’art conioint, assemble
Une perfection qui les unit ensemble.
Scribani, Charles (Carolus Scribanius), Antverpia(publi: 1610), « Ars pictoria », p. 38 (latin)
Laudatus etiam, et inter primos numeratus Protogenes, qui anhelantis canis spumam, melius irata spongia quam penicillo expressit : cuius etiam est Satyrus tibias tenens et inflans, et varia concentus expectatione auditorem fallens.
Marino, Giovanni Battista, Dicerie sacre(publi: 1614), « La pittura, parte prima » (numéro Diceria I) , fol. 45v-46r (italien)
- [1] Plin. et Val. Max.
[1] Formava Nealce Pittore illustre un corsiero feroce in atto di maneggio, et havendogli tutte quelle parti compiutamente date, che renderlo potevano riguardevole; cervice alta, testa breve, collo elevato, orecchie aguzze, occhi vivaci, nari gonfie, petto colmo, fianchi larghi, ventre picciolo, groppa spianata, cosce polpute, gambe nervose, ginocchia ritonde, crine raro, coda lunga, fronte stellata, piede balzano; volendo già sodisfatto di tutto il resto, finger la bocca spumante per l’anhelito della fatica, dopo l’haverla più volte schizzata, e guasta, fatta, disfatta, e rifatta, cangiati pennelli, raddoppiati colori, non bastandogli finalmente l’animo di piacere a se stesso, e diffidando d’esprimerla a suo talento, montato in corruccio trasse per annular la pitttura quella spugna, in cui sogliono i dipintori gli stromenti nettare; et o maraviglia, dove giugner non potè l’arte, arrivò il caso, la sorte nella pittura adempì l’ufficio della naturalezza, e quelche la quiete della diligenza non seppe, fece l’impero della stizza; percioche la spugna bruttata di que’ colori, ch’egli pur dianzi haveva in essa forbiti, insù la faccia del cavallo avventata, venne a fargli mirabilmente la bocca, morso angusto, ringhi sbarrati, forge sbuffanti, freno d’oro, spuma d’argento, e per fine a darle tutte quelle qualità, che l’arte richiedeva, et il desiderio procurava. Il simile (s’Iddio mi guardi) si può dire essere alla Sinagoga Hebrea adivenuto, il cui pessimo disegno era di deturpare e del tutto distruggere questo divino ritratto. Né ad altro fine (per quanto io mi stimi) racconta l’evangelica historia, ch’ella contro lui adoperasse appunto la spugna intinta nel fiele, e nell’aceto, senon per dispietatamente imbrattarlo, e renderlo oscuro e difforme. Ma ecco che le macchie l’illustrano, gli scherni l’abbelliscono, gli stratii l’essaltano, onde viene ella a conseguire fine intutto contrario al suo protervo et iniquo pernsiero, poiche per mezo di quetsa amara passione ottenne Christo la grandezza della sua Chiesa.
Butrón, Juan de, Discursos apologeticos, en que se defiende la ingenuidad del arte de la pintura, que es liberal, de todos derechos, no inferior a las siete que comunmente se reciben(publi: 1626), « Discurso decimoquinto. Donde se muestra la veneracion en que los antiguos tuvieron la pintura, los principes que la professaron, y algunas de las muchas honras, y mercedes que le hizieron », fol. 115r (espagnol)
La pintura mas celebre de su mano fue el Ialyso, que estuvo en Roma en el Templo de la Paz : puso tanto estudio, y cuidado en esta obra, que segun Natal gastò siete años en trabajarla ; y en todo el tiempo que durò la pintura, no comio otra cosa mas que altramuzes remojados, ni bevio otra bevida, porque lo grasso de las otras viandas, y lo rezio de la bevida no le embaraçasse el ingenio, y lo dexasse mal dispuesto para su obra. Pintò en esta tabla con grande estudio un perro ; si bien jamas se satisfizò de las espumas que le salian de la boca ; cosa que mudò infinitas vezes, no hallando a su gusto imitacion a las verdaderas. Vencio la paciencia, que devian engendrar los remojados altramuzes lo irascible deste enojo, y deseando executar en lo pintado de las espumas su no acostumbrada colera, tirò hazia aquella parte una esponja que borrasse la obra que le dava tanto disgusto, y (raro acaecimiento) el capo, el no pensado pincel obrò las espumas no queriendo, que ignorò estudiando nuestro pintor celebre.
Jauregui, Don Juan de , Don Juan de Iauregui, cavallerizo de la Reina nuestra señora, cuyas universales letras, y emenencia en la Pitura, han manifestado a este Reino, y a los estraños sus nobles estudios(publi: 1633), fol. 197r-197v (espagnol)
- [1] Protogenes abstinente por la pintura
En la gentilidad tambien consta que se preciavan de virtud los Pintores, y de abstinencia: traere exemplos desto que de nuevo compruevan quanto pertenece al ingenio esta profession, y quan poco a las manos: pues siendo necessarias las fuerças del cuerpo para otras Artes nobles, y previniendose para ellas los Artifices de refecciones y alimento; los que han de usar la pintura suelen prevenirse de lo contrario: y al modo de los santos contemplativos, se maceran y ayunan por dar sutileza al ingenio su principal agente. [1] Exemplo es Protogenes, que el tiempo que tardò en pintar una tabla insigne, se sustentò de una sola legumbre mojada que sirviesse tambien de bebida: notable abstinencia! Quam cum pingeret (dize Plinio) traditur madidis lupinis vixisse, quoniam simul famem sustinerent, ac sitim, ne sensus nimia cibi dulcedine obstrueret. Lo mismo confirma otro lugar peregrino de Plinio, y Atheneo, qui çà no entendido hasta oi. Dizen estos, que Parrasio en las inscripciones de sus mejores tablas se llamava, Abrodietos, palabra griega compuesta, que segun muchos se interpreta, delicatus in cibo, y advertida aun tiene mas fuerça para mi intento, porque abrœtos, es el que no come, y dieta, la tassa en comer: de suerte que abrodietos, en todas maneras significa, falto de alimento, o sobrio, y ayuno; y un tal epiteto se aplicava Parrasio en sus tablas. Natal Conde en la version de Atheneo, y Alecampo en sus notas a Plinio, traduzen simplemente, mollis, aut delicatus, lo qual no es creible en este caso, pues a no ser falto de juizio el Artifice, no avia de preciarse destos titulos, y escrivir en sus tablas con sencillez, Parrasio el blando ò el delicato la hizo: parece satira, y para escrita de si mismo no lleva camino, ò proposito. Preciariase (digo yo) de templado en comer, ò abstinente quando pintava: como la palabra lo muestra, reforçada con el exemplo de Protogenes. Que es maravilloso misterio para inferir quanto pertenece al espiritu esta profession, y como es toda del entendimiento, pues assi huian los Artifices de las viandas por no entorpecerle. Negavan al cuerpo la fuerças, de que no necessita su Arte, por darlas al espiritu: y aunque ayunassen con solo este fin, es calidad generosissima de la Pintura, que requiera y pida abstinencia.
Carducho, Vicente, Diálogos de la pintura, su defensa, origen, essencia, definicion, modos y diferencias(publi: 1633), “Dialogo quinto. Tratase del modo del juzgar de las Pinturas, singularidad de la Perspectiva; que es Dibujo; y que es Colorido: y pruebase, que los antiguos fueron grandes artifices”, fol.80r (espagnol)
¿ Pero quién no se admira de que hayan celebrado tanto el engañar à los animales con las pinturas, sin ponderar el Arte esencial con que obraban, y que le excediesse el aplauso de aquel engaño, conseguido de la simple imitacion, abstraida de toda doctrina y sabiduria, como tambien celebraron tanto aquella espuma, imitada por un caso de Protogenes, en un fatigado perro ? Y en un furioso caballo imitò lo mismo Nealte, arrojando la esponja, variada en varios colores al freno, cansado de haberlo errado muchas vezes, cuando advertido deseò el acierto.
Lancelloti, Secondo, Farfalloni degli antichi historici(publi: 1636), "Che due valentissimi dipintori, mancando loro non so come di far bene la spuma nella bocca d’un cane, e d’un cavallo, gittando irati una spugna nella tavola, la facessero ; e che ad un sonatore di citara, rompendosi una corda, una cicala volandovi supplisse al mancamento" (numéro Farfallone XCIX) , p. 495-498 (italien)
- [1] Plut. de Fort. Val. M. li. 8 cap. 11
- [3] Dion. Crys. er. 64
- [4] Strab. li. 6
- [2] Spuma fatta a caso da un dipintore nella bocca d’un cavallo
- [5] Eunomo sonatore famoso. Cicala colata sopra una corda d’un istromento rotta suplisse a quel suono
Per FARFALLONI battezzo i proposti, che sono stati creduti da ognuno fino ad ora, se non m’inganno. [1]. [2]. Ebbero origine per quanto raccolgo da Plutarco e Plinio da voler dire qualche cosa, o caso di buono proceduto dalla Fortuna. Anzi Plutarco chiaramente dice, che questo esempio è singolare. Come fù ? Fù che avendo un dipintore fatto un bel cavallo corrente, et annelante voleva c’avesse attorno alla bocca ancora della spuma, accioché fosse in tutto al naturale, ma non sapeva trovarla a suo modo, quando dall’impazienza, e collera prese una spugna, che quivi era usata, e tinta di diversi colori, e trattala nell’opera, la colse nel luogo appunto, nel quale voleva rappresentare la spuma, e vide seguito l’effetto senz’arte del desiderio suo. Plutarco non pone il nome di colui, ne meno Valerio. Plinio scrive, que fù Nealce. Ma Dione Crisostomo [3], che fù Apelle. A chi ha da darsi fede ? Plinio aggiunge l’istesso caso essere avvenuto a Protogene in un cane, ch’egli tentava di far comparire, come stracco, e dansante. Se vogliamo ammettere tutti, e casi, potiamo lasciar passare quest’ancora, e tacere. Ma io quando a me sento delle difficoltà grandi a fare il bollettino, e dare il passaporto a quest’historia, e n’ho sospetto maggiore, che non hanno i guardiani in questi tempi di peste, quando veggono venire da paesi, che fù contagioso, e non ha troppo buona cera in viso, che non sia FARFALLONE. Di Plinio e di Valerio ho io un concetto così fatto. Dimandai una volta ad un dipintore, se gli pareva possibile, ma non mi ricordo quello che mi rispondesse. Può ciascheduno da se stesso facilissimamente informarsene. Ancorche si è tanta la riputazione, che l’istorici antichi hanno si acquistato, che o non è dubitato della verità de’ loro detti, o se pure girava qualche dubbio per la mente d’alcuno, l’hanno scacciato via quasi una tentazione a qualche sacrileggio, o almeno non hanno avuto ardimento d’affermare liberamente contra di loro. Si che i maestri di quest’arte interrogati, l’andaranno masticando per avventura un poco. All’udire di detti istorici pare, che la spuma del cavallo, o del cane sia qualche passo di Malamocco nella dipintura, di maniera che quando uno sapesse farla, sarebbe giunto al colmo, e doverebbe essere divenuto in proverbio, quando si volesse ingrandire il profitto fatto da un giovanetto per qualche tempo alla scuola. Ha imparato così presto che già sa fare la spuma del cavallo, e del cane, e pure penso che sarebbe una sciochezza estrema il dirlo, e far ridere particolarmente quegli artigiani. Come dunque i Nealci, Protogeni, gli Apelli non sapevano dipingerla ? Bisogna in oltre vedere se per quella facitura vi cogliono tutti e colori. Tutti erano in quella spugna, pre ira spongiam ut era plena pigmentorum in tabulam coniecisse, Plutarco, spongiam omnibus imbutam coloribus iuxta se positam apprehendit et veluti corrupturus opus suum tabulae illisit, Valerio. Come poteva essere inzuppara in tutti e colori, se la spugna s’adopera per nettare, e poi si mette da parte, e viene a disseccarsi, o questo, o quello, o nell’acqua od altro liquore solo, che la lava da tutti gli altri ? Che hanno da fare il verde, il rosso, il turchino, ed altri colori accesi per la rappresentazione della spuma, ch’è tutta bianca ? Quel tirare così giusto, e di mira ch’andasse a colpire nella bocca di quegli animali, e sunito senz’altro pennello avesse le sue ombre, e’l suo luogo, che paresse spuma naturale ? FARFALLONE. E alquanto simile a questo causale avvenimento quello, che più volte intesi dire, e poi ho letto in Strabone [4], non poeta, ma istorico, o cosmografo, che rottasi una corda nella citara d’un sonatore, ecco una cicala a porvisi sopra, e proseguire per mancamento di quella corda in ogni modo. O bel cicalamento appunto è questo, e bello. [5] Importa che ciò non accade nell’Indie, ma nella nostra Italia appresso Locri nobilissima già città della Magna Grecia, o Calabria, e’l sonatore chiamossi Eunomo, e meritò non so se per l’eccellenza sua, o per amore della cicala, che gli fosse alzata la statua, che al tempo di Strabone vedevasi. Nam cum inter certandum chordarum una fracta defecisset, cicada supervolans adstitit, quae supplementa vocis faceret. Dove c’immaginiamo noi, che si fermasse quella cicala su’l manico, o su’l corpo dell’instromento sù i tasti, o sù i biscati, dove ? Io non arrivo a specolar tant’alto, mi rimetto a certe buone creature c’hanno il cervello pastoso, che d’ogni figura, cioè FARFALLONE sono capevolissimi ; confesso la mia grossolanaggine, e ruvidezza. C’ha da farsi bisogna aver pazienza, e comportarsela al meglio, che puossi in questo mondo. Dato che tutti l’istorici antichi preedessero, che tutti che per tante centinaia d’anni dovevano fare a’ loro farfalloni buon’accoglienza, e c’hora si ritrovassero in luogo dove potessero ridersene, non l’hanno indovinata meco qual’io mi sia, che con un palmo di bocca mi rido d’essi, ed insieme (che paradosso !) non ha veruno, che più forse di me leggesse, o legga, e ricerisca, e celebri le lor fatiche.
Pacheco, Francisco, Arte de la pintura(publi: 1638) (II, 12), t. I, p. 494-495 (espagnol)
Mas, recogiendo lo que hemos dicho, si l’arte es un hábito del entendimiento, y tiene todas las razones de su parte, y la fortuna no tiene razón niguna, sino que obra por accidente, porque dice Aristóteles en el 6 de las Éticas, alegando el verso de Agaton, « la arte ama la fortuna, y ella la arte ». Algunos creen que el verso de Agaton se debe entender y referir por los pintores, que no pudiendo (como se ha dicho) hacer alguna cosa con arte, la hicieron acaso, como se lee en Plinio y en Valerio Máximo. Pongamos el lugar de Plinio a la letra, y responderémos a él ; hablando de Protógenes, dice : « Pintó un pero maravilliosamente hecho de l’arte y del caso. Porque pareciéndole haberse satisfecho en todo, no podía pintar la espuma procedida del cansancion, porque procuraba que no pereciese pintada, y deseaba lo verdadero y no lo verisimil, y mudaba una y otra vez los colores enxugando el pincel ; finalmente, airado contra l’arte, refregó la esponja con que limpiaba los pinceles de varios colores en la pintura, y acaso por la mescla que tenía hizo lo que él deseaba, y po resto la fortuna obró en su pintura lo natural que él procuraba ». Y más abaxo : « Lo mesmo sucedió a Nealte (sic) en la espuma de un caballo ; a quien favoreció tambien la fortuna ». Hasta aquí Plinio.
Parece que este suceso defiende la opinión de que se suele acertar acaso ; pero no tiene fuerza alguna ; pues sin duda le sería más fácil a Protógenes pintar un perro que pareciese vivo, que formar la espuma que le salía de la boca, porque para la forma de un animal se había de ayudar de la naturaleza y de la arte con sus precetos, y para pinar la espuma bastaba una simple imitación de lo natural ; y la espuma del animal, aunque no la tuviera presente, la podía artificiosamente contrahacer o fingir ; pues hay poca diferencia de una espuma a otra, siendo toda blanca, y para la viveza de su pintura no era esto lo esencial. Y a mi, no siendo Protógenes (recíbase esto con más humildad que suenan las palabras), no me diera tanto cuidado la espuma como el perro. Además, que es imposible que una esponja teñida en varios colores pueda formar una espuma blanquísima, porque había de hacer un jaspe variado ; y cuando estuviera manchada de solo blanco, tampoco podía con ella hacer la espuma con el imperio y gallardía que con el pincel : la salva que me parece más digna de la veneración deste lugar, es (a mi juicio) estar esta tan nobilísima arte en sus principios y no haber llegado en la experiencia y execución de muchas cosas menores a su perfeción, aun en los hombres de tan gran opinión ; porque no sujetar un famoso artífice cosa tan fácil, no se puede créer aún de los medianos deste tiempo. Ni hay que argüir en Plinio que como historiador refiere el caso, que en muchos lugares deste libro de la pintura es admirable y digno de ser creido.
Ridolfi, Carlo, Le meraviglie dell’arte, overo le vite de gl’illustri pittori veneti, e dello stato(publi: 1648), p. 8 (italien)
- [2] Eliano lib. 12
- [1] Protogene
[1] [2] Protogene da Cauno città soggetta à Rodiani fù assiduo, e diligente, e celebrano gli scrittori della sua mano, la tavola del Ialiso, nella quale impiegò sette anni, nel condurla à fine, ove interveniva un cane ansante, nella cui bocca havendo tentato più volte in vano di formar la schiuma, impatiente al fine, vi gettò la spungia intita ne’ colori, formandola in quella guisa, impensatamente al naturale (e lo stesso avvenne à Nealce nel cavallo, che dipinto haveva tenuto da Popizonte), che veduta da Apelle, disse, che se l’autore vi havesse usata maggior gratia, e vaghezza, come vi appariva lo artificio, sarebbe stata opera immortale.
[Félibien, André], De l’origine de la peinture et des plus excellens peintres de l’Antiquité(publi: 1660), p. 38-39 (fran)
Le plus estimé de tous ses ouvrages fut un Ialysus, lequel a esté long-temps conservé à Rome dans le Temple de la Paix. On écrit que pendant qu’il travailloit à ce tableau il ne vivoit que de lupins trempez, de crainte que les vapeurs que les autres viandes envoyent d’ordinaire au cerveau, ne diminuassent la force de son esprit et n’offusquassent cette belle imagination qui le faisoit reüssir si heureusement. Ce fut ce tableau qui surprit si fort Appelle, qu’il confessa que c’estoit la plus belle chose du monde ; il dist neantmoins pour se consoler, qu’il y manquoit encore cette Grace, que luy seul sçavoit donner si parfaitement à ses ouvrages. Protogene pour conserver la durée de ce tableau le couvrit de quatre couches de couleurs, afin que le temps en effaçant une, il s’en trouvast une autre qui fust toute fraische.
Je pense qu’il n’est pas besoin que je m’arreste à vous décrire ce tableau : on y voyoit entre autres choses un chien que l’Art et la Fortune avoient égallement contribué à rendre parfait. Car Protogene estant en colere de ne pouvoir assez bien representer à son gré l’écume qui sort de la gueule des chiens lors qu’ils sont fort échauffez, il jetta par dépit son pinceau contre son ouvrage ; et vit alors qu’en un moment le hazard avait produit tout ce que son art n’avait pu faire en beaucoup de temps.
Je croyois, dit Pymandre, avoir oüy dire que cet accident estoit arrivé en peignant un cheval. Il est vray aussi, répondis-je, que Protogene n’a pas été le seul qui a receu de la Fortune un secours si favorable. Car la même chose arriva au peintre Neacles, lorsqu’il vouloit, comme vous le dites, representer l’écume d’un cheval.
Félibien, André, Le Portrait du Roy(publi: 1663), p. 19 (fran)
Je pourrois encore monstrer avec quelle grandeur, et quelle noblesse il represente ce cheval, dont l’action extraordinaire et difficile paroist neanmoins si vraye, et fait voir si parfaitement un cheval vigoureux, qu’on diroit qu’il s’emporte, et qu’il resiste au mords et à la main qui le retient. Combien de beautez et d’expressions differentes ne peut-on point remarquer dans toutes les parties qui composent ce noble animal ; soit dans ses jambes ; soit dans son estomac qui paroist enflé de l’effort qu’il fait ; soit dans ses yeux pleins de feu ; soit dans ses nazeaux ouverts, et d’où il semble qu’on voye sortir le souffle ; soit dans sa bouche qui jette une écume, mais une écume où la fortune et le hazard n’ont point eu de part, comme autrefois dans ce tableau que fit Protogene, et dont l’antiquité a tant fait de bruit, mais où la science et l’artifice du peintre ont representé ce qu’il y a de plus semblable et de plus vray dans l’action d’un cheval jeune et plein de vigueur qui se voit à la teste d’une armée, et qui se sent animé par la main qui le conduit.
Félibien, André, Entretiens sur la vie et les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, vol. 1(publi: 1666) (Premier Entretien), p. 77-79 (fran)
- [1] Fils de Cercaphus et fameux chasseur qui fit bâtir une ville dans l’Isle de Rhodes à laquelle il donna son nom. Strab. lib. 14
Le plus estimé de tous ses ouvrages fut un Ialysus [1], lequel a esté long-temps conservé à Rome dans le Temple de la Paix. On écrit que pendant qu’il travailloit à ce tableau il ne vivoit que de lupins trempez, de crainte que les vapeurs que les autres viandes envoyent d’ordinaire au cerveau, ne diminuassent la force de son esprit et n’offusquassent cette belle imagination qui le faisoit réüssir si heureusement.
Ce fut ce tableau qui surprit si fort Appelle, qu’il confessa que c’estoit la plus belle chose du monde ; il dit neanmoins pour se consoler, qu’il y manquoit encore cette Grace, que luy seul sçavoit donner si parfaitement à ses ouvrages. Protogene pour conserver la durée de ce tableau le couvrit de quatre couches de couleurs, afin que le temps en effaçant une, il s’en trouvast une autre qui fust toute fraische.
Je pense qu’il n’est pas besoin que je m’arreste à vous décrire ce tableau : je vous diray seulement qu’entre autres choses on y voyoit un chien à la perfection duquel l’Art et la Fortune avoient également contribué. Car Protogene estant en colere de ne pouvoir assez bien representer à son gré l’écume qui sort de la gueule des chiens lors qu’ils sont fort échauffez, il jetta par dépit son pinceau contre son ouvrage ; et vit alors qu’en un moment le hazard avait produit tout ce que son art n’avait pu faire en beaucoup de temps.
Je croyois, dit Pymandre, avoir oüy dire que cet accident estoit arrivé en peignant un cheval. Il est vray aussi, répondis-je, que Protogene n’a pas été le seul qui a receu de la Fortune un secours si favorable. Car la même chose arriva au peintre Neacles, lorsqu’il vouloit, comme vous le dites, representer l’écume d’un cheval.
Dati, Carlo Roberto, Vite de' pittori antichi(publi: 1667), p. 154-155 (italien)
- [2] Elian. Var. St. 12. 41
- [5] Plin. 35.10
- [1] V.
- [3] VI
- [4] VII.
[1] Tra tutte queste portò la palma il Gialiso di Rodi, il quale fu poi dedicato in Roma nel tempio della Pace, e da tutti ammirato per uno sforzo maraviglioso dell’arte. Raccontano che Protogene in dipigner quest’ opera si cibasse di lupini indolciti, si per saziare in un tratto, e la fame, e la sete, si per non ingrossare in sensi coll soavità de’ sapori. [2] E ciò sarebbe stata gran cosa, perchè si legge che in condurla consumasse sett’anni. [3] Quattro volte colorì questa tavola per assicurla dall’ingiurie del tempo, acciò mancando il color di sopra succedesse il di sotto. In essa era quella pittura, che fece stupire Apelle, benche non vi trovasse grazia eguale alla diligenza, ed alla fatica. [4] Fu sempre in dubbio, e si disputa ancora, di quel che fosse rappresentato in Gialiso: chi crede la veduta d’una città, o d’una contrada di Rodi, chi l’immagine d’un cacciatore, chi di Bacco, e chi d’altri. Io per me in tanta varietà, e dubbiezza inclinerrei a credere, che in quella tavola si scorgesse effigiato un bellissimo Giovane rappresentante l’Eroe Gialiso fondatore d’una delle tre città di Rodi, da esso denominata, o pure il Genio tutelare, e l’ideal sembianza della medesima. [5] Di certo sappiamo esservi stato un cane fatto di maraviglia, sendosi accordati a dipignerlo l’arte, e la fortuna. Non giudicava Protogene di potere esprimere in esso la schiuma orginata dall’ansamento, essendosi egli in ogn’altra parte (il che era difficilissimo) pienamente sodisfatto. Dispiacevagli l’arte medesima, ne sapeva come scemarla, parendogli troppa, e lontana fuor di misura dal vero, perchè la schiuma rassembrava dipinta, e non nasceva nella bocca dell’animale. Questo a lui recava travaglio non ordinario, bramando la verità, e non il verisimile nella pittura. Aveva perciò spesse fiate nettati, e mutati i pennelli, non piacendo a se stesso. Finalmente sdegnatosi coll’arte, che si scopriva, gettò la spugna in quel luogo della tavola, il quale gli era quasi venuto a noia, ed ella quivi ripose i colori poco avanti levati, come appunto averebbe voluto la diligenza; sicchè la fortuna in dipignere fè da natura.
Dati, Carlo Roberto, Vite de' pittori antichi(publi: 1667), "Vita di Apelle", p. 94-95 (italien)
- [1] XXV.
- [2] Causs. l. 12. 40. S. Simbol. Marz. l. 1. ep. 22
[1] Bellissimo è il caso, che gli[Explication : Apelle] avvenne in delineare un’altro destriero, e ciò si racconta pur di Nealce. Erasi egli messo in testa di figurare un corsiere, che tornasse appunto dalla battaglia. Fecelo adunque alto di testa, e surto di collo, con orecchi tesi, occhi ardenti, e vivaci, narici gonfie, e fumanti, e come se proprio uscisse di zuffa ritenente nel sembiante il furore conceputo nel corso. Parea che battendo ad ogni momento le zampe si divorasse il terreno, e incapace di fermezza sempre balzasse appena toccando il suolo. Raffrenavalo il cavaliere, e reprimeva quell’impeto guerriero tenendo salde le briglie. Era ormai condotta l’immagine con tutti i requisiti, sicchè sembrava spirante. Null’altro mancavale, che quella spuma, la quale mischiata col sangue per l’agitazione del morso, e per la fatica suole abbondar nella bocca a’ destrieri, e gonfiandosi per l’anelito dalla varietà de’ restessi prende vari colori. Più d’una volta, e con ogni sforzo, ed applicazione tentò di rappresentarla al naturale, e non appagato cancellò la pittura tornando a rifarla, ma tutto indarno; onde sopraffatto dalla collora, come se guastar lo volesse, avventò nel quadro la spugna, di cui si serviva a nettare i pennelli tutta instrisa di diverse colori; la quale andando a sorte a percuotere intorno al morso lasciovvi impressa la schiuma sanguigna, e bollente similissima al vero. Rallegrossi Apelle, e gradì l’insolito beneficio della fortuna, dalla quale ottene quanto gli fu negato dall’arte, essendo in questo fatto superata dal caso la diligenza. Talmentechè alla mano di lui puossi adattar quel verso fatto per la destra di Scevola [2] Ell’avea fatto men se non errava.
Dati, Carlo Roberto, Vite de' pittori antichi(publi: 1667), « Postille alla vita di Protogene », p. 167-170 (italien)
V. Tra tutte queste portò la palma il Gialiso di Rodi.
Plinio l. 35. c. 10. Palmam habet tabularum eius Ialysus, qui est Romae dicatus in templo Pacis: quem cum pingeret traditur madidis lupinis vixisse, quoniam simul famem sustineret, et sitim, ne sensus nimia dulcedine obstrueret. Eliano, e Plutarco alle somme lodi, aggiungono che Protogene in far questa pittura consumasse sett’anni. E l’ultimo nella Vita di Demetrio asserisce ch’ ella fu portata a Roma, dove abbruciò. Sicchè secondo Plinio a tempo di Vespasiano era in essere, per detto di Plutarco sotto Traiano era già consumata dal fuoco. Cicerone sempre la pone tra l’opere maravigliose. Nel principio dell’Oratore a Bruto. Sed ne artifices quidem se artibus suis removerunt, qui aut Ialysi, quem Rhodi vidimus, non potuerunt, aut Coae Veneris pulchritudinem imitari. Nella Quarta Verrina. n. 60. Quid Thespienses ut Cupidinis signum, propter quod unum visuntur Thespiae ? Quid Cnidios ut Venerem marmoream ? quid ut pictam Coos ? quid Ephesios ut Alexandrum ? quid Cizicenos ut Aiacem, aut Medeam ? Quid Rhodios ut Ialysum ? Quid Athenienses, etc. E l. 2 epist. ad Attico. Et ut Apelles si Venerem, aut si Protogenes Ialysum suum coeno oblitum videret, manum credo acciperet dolorem. Oltre a quello che ne dicono Gellio, Strabone, e altri.
VI. Quattro volte colorì questa tavola, ec.
Plinio l. 35 c. 10. Huic picturae quater colorem induxit subsidio injuriae, et vetustatis, ut decedente superiore inferior succederet. Come ciò possa farsi, mi rimetto a’ Professori. Pare che Plinio intenda, che Protogene in un certo modo facesse quattro volte questa pittura l’una sopra l’altra, e che consumata l’una, l’altra venisse a scoprirsi. E se tale è il sentimento di Plinio, m’arrisico a dire che questo non si può fare. Credo bene, che Protogene volendo dare un buonissimo corpo di colori a quest’opera, nell’abbozzarla e nel finirla, la ripassasse e sopra vi tornasse sino a quattro volte sempre migliorandola, e più morbida riducendola, come se proprio di nuovo la dipignesse. E questo è certissimo che molto giova alle pitture per conservarsi fresche, e vivaci.
VII. Fu sempre in dubbio, e si disputa ancora quel che fusse rappresentato in Gialiso.
Tutti gli antichi, i quali parlano di questa pittura, non dicono tanto che basti per chiarir questa difficultà. Da Suida solamente si cava che il Gialiso, esser potesse una figura di Bacco, affermando che Protogene secondo le storie dipinse il Dionigi di Rodi, quell’opera maravigliosa, la quale anche Demetrio Espugnatore sommamente ammirò quando per due anni continui assediò Rodi con mille navi, e con cinquantacinque mila soldati. E perchè ciò si racconta pur del Gialiso, si deduce che il Gialiso, e’l Bacco fossero la medesima cosa. A questo parere tanto, o quanto aderisce il Corrado sopra il Bruto di Cicerone a 128. Tocca anche questa tra l’altre opinioni Marcantonio Maioraggio sopra l’Oratore di Cicerone a 11. ma però stima la migliore, e la più sensata quella di chi reputa, che il Gialiso di Protogene rappresentasse una delle tre contrade, o città di Rodi. E tal concetto pare a me che avesse anche Ermolao Barbaro sopra Plinio l.35 cap. 10. Io non volio in questo luogo rinvenire la vera genealogia dell’Eroe Gialiso, ne meno la denominazione della città, che da esso ebbe l’origine, e’ l nome, per farlo una volta con più agio, e con più maturo consiglio. Basti per ora leggere quanto diffusamente ne scrissero Bernardo Martini l. 4 c. 20 delle Var. Lez. e Lelio Bisciola l. 3 c. 13 dell’Ore Sussecive, i quali di proposito esaminarono quel che veramente fosse figurato per lo Gialiso. L’ultimo di questi tiene che in essa tavola fosse rappresentata la città di tal nome con diverse altre cose; il primo pure la città, ma sotto sembianza d’un bellissimo giovane; dalla quale opinione io non sarei lontano, benchè per avventura più mi piacesse, come piacque eziandio al Dalecampio, che in quel giovane fosse espresso l’Eroe Gialiso, per detto di Pindaro, di Cicerone, di Diodoro, d’Arnobio, e d’altri descendente del Sole. Questo mi muove, anzi mi sforza a credere il non sapere immaginarmi artificio maggiore nella pittura, che il ben delineare figura umana. E tale mi persuado che fosse quanto in quella tavola dipinse Protogene, accennato da Plinio con quelle parole, quem cum pingeret, e dichiarato da Gellio con quell’altre, memoratissima illa imago Ialysi; la quale immagine fù sempre da Cicerone accoppiata con la Venere d’Apelle, come abbiamo visto nella V. Postilla di questa Vita. Onde a me parebbe sproposito il paragonare le fabbriche d’una città ben dipinte, alle fattezze gentilmente delineate d’una bellissima femmina, e molto ragionevole il mettere di rincontro alla figura d’un leggiadro garzone la pittura d’una vaga donzella. E anche da avvertire l’errore del Martini, il quale a confermazione di cosa a mio giudicio verissima porto per ultimo una falsissima conghiettura, quand’egli disse. Denique meam illam de Protogenis Ialyso opinionem penitus firmat πέριηγήσεως Dionysii commentator, et interpres Eustathius, qui de Rhodo agens, de colosso ingenti, de que rebus aliis insignioribus, quae ibi visebantur, addit, ἐκεῖ, δὲ καὶ ὁ καλὸς πέρδιξ ἦ τὸ τοῦ πρωτογένους ὑμνούμενον ἔργον. Ubi πέρδιξ, opinor, sumi debet pro delicatulo, et formosulo puello. Ma donde cav’ egli per vita sua che ὁ καλὸς πέρδιξ significhi mai un delicato e bel giovanetto ?
Dati, Carlo Roberto, Vite de' pittori antichi(publi: 1667), « Postille alla Vita d’Apelle », p. 141 (italien)
XXV. Bellissimo è il caso, che gli avvenne in delineare un’altro destriero, ec.
Raccontano questo caso della spugna come seguito ad Apelle Dione Grisostomo Oraz. 64. Della Fortuna a 590. E Sest. Emp. l. 1 c. 12. dell’ipotesi Pirronie. Il medesimo, ma senza nominar l’artefice, narrano Plutarco d. Fortuna a 99. E Valer. Mass. l. 8 c. 11 n. 7. Plinio l. 35 c. 10 dice, che ciò avvenne a Nealce nel figurare parimente un cavallo, e a Protogene nel dipignere un cane.
Piles, Roger de, L’Art de Peinture de Charles-Alphonse Du Fresnoy, traduit en François, avec des remarques necessaires et tres-amples(publi: 1668), p. 63 (fran)
Demetrius en donna d’avantageux témoignages au siege de Rhodes ; il voulut bien employer quelque partie du temps qu’il devoit aux soins de son armée à visiter Protogène, qui pour lors faisait le tableau de Ialisus : Ce Ialisus (dit Pline) empescha le roi Demetrius de prendre Rhodes dans l’apprehension qu’il avoit de brusler les tableaux, et ne pouvant par autre costé mettre le feu dans la ville, il ayma mieux épargner la peinture, que de recevoir la victoire qui lui estoit offerte. Protogenes avoit pour lors son attelier dans un jardin hors de la ville, tout proche du camp des ennemis, où il achevoit assiduëment les ouvrages qu’il avoit commencez, sans que le bruit des armes fust capable de l’interrompre ; mais Demetrius l’ayant fait venir, et lui ayant demandé avec quelle hardiesse il osoit ainsi travailler au milieu des ennemis ? Il luy répondit, Qu’il sçavoit fort bien que la guerre qu’il avoit entreprise, estoit contre les Rhodiens, et non pas contre les arts. Ce qui obligea le roi de luy donner des gardes pour sa sureté, estant ravy de pouvoir conserver la main qu’il avoit ainsi sauvée de la barbarie et de l’insolence des soldats.
Piles, Roger de, L’Art de Peinture de Charles-Alphonse Du Fresnoy, traduit en François, avec des remarques necessaires et tres-amples(publi: 1668), p. 148 (fran)
- [1] Pl. 35. 10
- [2] Des lupins détrempez. Il y a dans l’original, Lupinos madidos.
La peinture ne se plaist pas trop dans le vin, ny dans la bonne chère, si ce n’est, etc. [1] Pendant le temps que Protogène travailla à son Ialysus, qui estoit le plus beau de tous ses tableaux, il ne prit pour toute nourriture que des legumes [2] dans un peu d’eau, qui luy servoient de boire et de manger, de peur de suffoquer l’imagination par la delicatesse des viandes. Michel Ange ne prit que du pain et du vin à son disner tant que dura l’ouvrage de son Jugement universel : et Vasari remarque dans sa vie, qu’il estoit si sobre, qu’il ne dormoit que tres-peu, et qu’il se levoit souvent la nuit pour travailler, n’en estant point empesché par les vapeurs des viandes.
Scheffer, Johannes, Graphice, id est, de arte pingendi liber singularis, cum indice necessario(publi: 1669), "Anxietatem tamen nimiamque diligentiam oportet evitare" (numéro §82) , p. 221 (latin)
Nempe et per ipsam veritas corrumpitur. Plin. lib. XXXV. c. 10 de Aristide, qui spumam pinxerat in ore canis, sibi ipsi discplicentem : displicebat ars ipsa, nec minus poterat, et videbatur nimia ac longius a veritate discedere, spumaque illa pingi, non ex ore nasci.
Scheffer, Johannes, Graphice, id est, de arte pingendi liber singularis, cum indice necessario(publi: 1669), "Sextum, ut inducantur tabulæ juxta quantitate" (numéro §64) , p. 192-193 (latin)
Pendet enim ex hac observatione ipsa diuturnitas picturæ. Veteres picturæ uni etiam, sæpius colores eosdem inducebant, quo esset durabilior. Plin. XXXV. c. 11 de Aristide Thebano : Huic picturæ (de Jalyso loquitur) quater colorem induxit subsidio injuria et vetustatis, ut decedente superiore, inferior succederet. Male faciunt, qui hoc genus cum tetrachromatis confundunt. Quomodo Notarum auctor ad Petronii Satyricon, ubi de monochromo Apellis sermo est : Ferri potest to MONOCHROMON, d’une couche. Contra picturæ Jalysi tetrachromon. Imo vero tetrachromon non fuit. Est enim tetrachromon, quod coloribus est pictum quatuor, sicut monochromon, quod uno. At Jalysus pictus fuit pluribus, quam quatuor coloribus. Certe inter eos Aristides auctor ejus non refertur, qui pinxerunt solis quatuor. Plin. lib. XXXV. c. 7 : Quatuor coloribus solis immortalia illa opera fecere, Apelles, Echion, Melanthus, Nicomachus clarissimi pictores. Hic nulla mentio Aristidis, ut Jalysus esse tetrachromon haud potuerit. Nam ob colores eosdem quarta vice inductos dici tetrachromon non potuit.
Pline (Gaius Plinius Secundus); Gronovius, Johann Friedrich (Johannes Federicus), C. Plinii Secundi Naturalis historiae, Tomus Primus- Tertius. Cum Commentariis & adnotationibus Hermolai Barbari, Pintiani, Rhenani, Gelenii, Dalechampii, Scaligeri. Salmasii, Is. Vossii, & Variorum. Accedunt praeterea variae Lectiones ex MSS. compluribus ad oram Paginarum accurate indicatae(publi: 1669), vol. 3, p. 589-590 (latin)
Palmam habet tabularum ejus [1]Ialysus, qui est Romæ, dicatus in templo Pacis : quem cum pingeret, traditur madidis lupinis vixisse, quoniam sic simul et famem sustinerent et sitim, nec sensus nimia dulcedine obstrueret. Huic picturæ quater colorem induxit subsidio injuriæ et vetustatis, ut decedente superiore inferior succederet. Est in ea canis mire factus, ut quem pariter casus et ars pinxerit. Non judicabat se exprimere in eo spumam anhelantis posse, cum in reliqua omni parte (quod difficillimum erat) sibi ipse satisfecisset. Displicebat autem ars ipsa, nec minui poterat, et videbatur nimia, ac longius a veritate discedere, spumaque illa pingi, non ex ore nasci, anxio animi cruciatu, cum in pictura verum esse, non verisimile vellet : absterserat sæpius mutaveratque penicillum nullo modo sibi approbans. Postremo iratus arti, quod intellegeretur, spongiam eam impegit inviso loco tabulæ, et illa reposuit ablatos colores, qualiter cura optabat : fecitque in pictura fortuna naturam. [2]Hoc exemplo similis et Nealcem successus in spuma equi similiter spongia impacta secutus dicitur, cum pingeret poppyzonta retinentem eum. Canem ita Protogenes monstravit et fortuna.
- [1] Ialysus.] Ialysum hic non Rhodi urbem significat, quam Homer. Iliad. nominavit, sed heroëm Ochimi, solis et Rhodii filii, gnatum, cujus mentionem facit Pindarus in Olympiis, Cicero lib. 3 de nat. deorum. Nam ex Rhodo sol mares genuit Cercyphon, Actida, Macarea, τενάγην, τριόπην, Phaëtontem, εὐκυιδιστη, Ochimon, et fœminam Cydippen. Ex Ochimo vero nati sunt Ialysus, Cameirus, Lyndus. Ælianus septennium in eo pingendo consumptum scribit cap. 41. lib. 12. historiæ. Idem Plutarchus in Demetrio. Hac pictura visa Apelles cum obstupuisset et obmutuisset, voce defectus, dixit tandem, inclytum quidem id opus esse, ingentemque laborem, sed deesse gratias, quibus picturæ suæ cœlum attingerent. Plutarchus. Idem.
- [2] Hoc exemplo similis et Nealcem successus.] Expende an sit veræ similior lectio, Hoc exemplum simili et Nealces successu in spuma equi, etc. Pintianus.
Scheffer, Johannes, Graphice, id est, de arte pingendi liber singularis, cum indice necessario(publi: 1669), "Instrumenta servientia huic arti sunt, nonnula, quibus confici picturæ solent, alia quibus sustineri. Hæc sunt plutei ac formæ ; illa carbones, plumbago, creta, pennæ, styli, penicilli, spongiæ" (numéro §25) , p. 96 (latin)
Vltimum, quod ad picturas pertinet, est spongia, qua si quid minus recte se habeat, deletur. Vsurparunt et antiqui, uti patet exemplo Protogenis, canem spumantem pingere frustra tentantis, de quo Plinius XXXV c. 10 : Spongiam impegit inviso loco tabulæ, et illa reposuit ablatos colores. Dicit ablatos colores, delendo scilicet, quod displicuissent. Et præcessit, absterserat. Idem spongiæ mentionem facit, in simili Nealcis casu : Successu, inquit, spongia impacta secutus dicitur. Meminit et Sextus Philosophus in tali eventu lib. I. Pyrrh. c. 12. Verba sunt de Apelle, φασὶ τὴν σπογγιὰν, εἰς ἢν ἀπέμαστε τὰ ὑπὸ τῶν γραφειῶν χρώματα, προσρίψαι εἰκόνι. Aiunt, spongiam, in quam abstergebat penicilli sui colores, in illam imaginem impegisse.
Scheffer, Johannes, Graphice, id est, de arte pingendi liber singularis, cum indice necessario(publi: 1669), "Finis ejus est pictura, quam imaginem vocamus, rem artifici propositam, exacte referentem in plano" (numéro §4) , p. 17 (latin)
Ita Græci usurparunt εἰκόνα. Pollux de pictoris opere loquens : καὶ μὴν εἰκόνα εἴποις ἄν τὸ πράγμα, καὶ εἰπασίαν. Sic εἰκὀνα Sextus Philosophus appellat equum spumantem ab Apelle pictum ex ingenio.
Bellori, Giovanni Pietro, Le vite de’ pittori, scultori et architetti moderni(publi: 1672), « Vita di Domenico Zampieri », p. 323 (italien)
Parrà bene incredibile ad udirsi come sì preziosa pittura[Explication : la La Communion de saint Jérôme.] non incontrasse altra fortuna che il solo premio di cinquanta scudi, dov’egli si trattene lungamente con diligenza e studio infinito, imitando il digiuno di Protogene che si alimentava di lupini; né ciò paia strano, perché egli si pose in animo di patire e di sofferire ogni cosa per l’acquisto della virtù e della sapienza dell’arte.
Moréri, Louis, Le Grand Dictionnaire historique, ou mélange curieux de l'histoire sacrée et profane(publi: 1674), art. « Protogene »(fran)
Protogene, excellent peintre, étoit de Caunes, ville dependante de Rhodes, où il demeuroit. Il s’est rendu celebre par ses beaux ouvrages, et entr’autres par celuy de Ialise, qu luy couta sept ans de travail ; et qu’on porta à Rome, dans le Temple de la Paix. On dit que devant representer un chien écumant, il ne pût jamais bien former cette écume ; et que de depit ayant jetté ses pinceaux et sa palette contre son tableau, il y trouva ce qu’il souhaittoit, tout à fait bien exprimé. On dit aussi que le roy Demetrius eut beaucoup de l’estime pour luy. Protogene vivoit vers la CXII. Olympiade. (Pline, li. 35 c. 10. Elien, li. 12 etc)
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst(publi: 1678), « Van de Schoonheyt, dat’er een Kunstgeregelde Schoonheyt is » (numéro VIII, 1) , p. 281 (n)
- [1] 2. Boek, c. 6
Ja hy[Explication : Fransiskus Bakon.] meent, dat Apelles Schilderyen[1], die uit veelerley schoonheden getrokken waren, niemant anders, als hem zelf zouden behaegt hebben: noch hy wil ook niet gelooven, dat de meesters, daer Claudianus van gewaegt, zijn Exempel volgden. Maer hy meent, dat het al luk op raek was, gelijk het werpen van Protogenes spons, die het schuim, dat hy door zijn konst niet en had kunnen volmaken, uitgaf.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst, « De la beauté, et qu’il y a une beauté réglée par l’art », p. 424 (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Et il considère même que les peintures d’Apelle, qui avaient été tirées de toutes sortes de beautés, n’ont plu à personne d’autre qu’à lui-même, et ne veut pas non plus croire que les maîtres dont Claudien a fait mention imitèrent son exemple : il suppose que tout cela est arrivé tout bonnement par chance, comme lorsque Protogène jeta l’éponge qui fit l’écume qu’il n’avait pu achever par son art.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst(publi: 1678), « Van verscheiden aert en gedaente van Schildery, en wijze van schilderen » (numéro IX, 2) , p. 348-349 (n)
- [1] Lekkerny
Maer Protogenes kon door al’t gerucht der Soldaeten, die Rhodus quamen belegeren, niet zoo veel afgeschrikt worden dat hy zijn werk zou gestaekt hebben. Ja de Schilderkonst was hem zoo lief en smakelijk, dat hy terwijl hy zijnen uitnemenden Ialysus maekte, niet anders en at, als geweikte [1] lupynen, seigboonen of wolfsschoten, anders vijgboonen, de welke hem dienden voor spijze en drank, op dat zijn lichaem onbezwaert en zijn aendacht onverhindert blijven mocht.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst, « Des différentes natures et sortes de peinture, et des façons de peindre », p. 504 (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Mais Protogène ne put être assez effrayé par toute la rumeur des soldats venant assiéger Rhodes pour s’interrompre dans son travail. Et il chérissait et favorisait même tant l’art de peinture qu’en faisant son excellent Ialysos, il ne mangea rien d’autre que des lupins bouillis, des fèves ou des entrailles de loup, et autrement des figues, qui lui servirent de nourriture et de boisson afin que son corps ne fût point alourdi et que son attention pût rester en éveil.
Commentaires : Trad. Jan Blanc, 2006, « Des différentes natures et sortes de peinture, et des façons de peindre », p. 504
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst(publi: 1678), « Van de Handeling of maniere van schilderen » (numéro VI, 10 ) , p. 233 (n)
- [1] De Schilderkunst is zwaerder dan de Poezy
[1] : Protogenes en Neacles vonden zich verleegen, hoe grooten vlijt zy ook aenwenden, in het schuim, d’eerste van een hond, en de tweede van een paert, uit te beelden, ja geraekten in zoo slechten zaek buiten gedult, bewerpende haer werk, als wanhopende, met de sponsiën; en schoon de besmette sponsiën’t begeerde te weeg brachten, en hun dieren zeer natuerlijk deeden schuimbekken, zoo bleek hier uit, dat hun oordeel fix genoeg, maer hunne handt te traeg was. Doch, gelijk Seneka zegt, zoo is dit het eenige, dat den Schilders by geval gebeurt is, in het uitbeelden van iet natuerlijx.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst, "Du tour de main, ou de la manière de peindre" (numéro VI, 10) , p.367-368 (trad: "Introduction à la haute école de l’art de peinture" par Blanc, Jan)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Aussi grand que fût leur zèle habituel, Protogène et Néalcès se trouvèrent embarrassés lorsqu’il fallut représenter l’écume d’un chien pour le premier et d’un cheval pour le second. Et ils finirent, en une matière si difficile, par perdre patience, en lançant sur leur œuvre des éponges comme de désespoir. Même si leurs souhaits furent ainsi exaucés grâce à ces éponges humectées qui firent très naturellement écumer leurs animaux, cet événement a montré que leur jugement était assez affirmé, mais que leur main était trop lente. Comme le dit Sénèque, voilà ce qui peut advenir par hasard aux peintres qui représentent la nature.
Germain, Des peintres anciens et de leurs manières(publi: 1681), p. 120-121 (fran)
Protogenès, natif de Caune, ville de Carie, peintre des plus renommés de l’antiquité, étoit contemporain d’Appelles. Elian, l. 12, Hist. C. 4, et Plutarque dans la vie de Démétrius, disent qu’il fut sept années[1] à faire le portrait de Ialyse, fondateur d’une ville du même nom, située dans l’Isle de Rhodes. Pendant tout ce temps, pour s’empêcher de voir ses sens hébêtés en le faisant, il garda une si merveilleuse abstinence, qu’il ne mangeoit que des lupins, qui est une espece de légumes, et ne buvoit que de l’eau. Il donna à ce tableau quatre charges de couleurs, afin que quand le temps en auroit consumé une, l’autre se trouvât toute fraîche et entiere dessous. Bref, il y employa tant d’industrie, que bien qu’il ne fût pas encore achevé, Appelles l’ayant vu, ne put se défendre de l’admirer, et de reconnoître publiquement, malgré sa vanité, et l’estime qu’il avoit de soi-même, par-dessus tout autre peintre, que Protogenes l’égaloit en plusieurs points, et particulièrement en ce dernier chef-d’œuvre de sa main.
- [1] Note de Cochin, 1760 : Il est impossible de concevoir qu’on ait pu employer sept années à peindre une figure, si ce n’est qu’on ait rendu jusqu’aux pores de la peau, ainsi qu’il est dit ci-devant d’Appelles : on ne peut s’en former d’autre idée que celle d’un tableau très froid, et fini d’une manière très mesquine.
Pline l’Ancien; Hardouin, Jean, Caii Plinii Secundi Naturalis historiae libri XXXVII. Interpretatione et notis illustravit Joannes Harduinus,... in usum Serenissimi Delphini(publi: 1685), t. V, p. 216-217 (latin)
Palmam habet tabularum eius [1]Jalysus, qui est Romae dicatus [2]in templo Pacis: cum pingeret, traditur madidis lupinis vixisse, quoniam sic simul famem sustinerent et sitim, ne sensus nimia dulcedine obstrueret. [3]Huic picturae quater colorem induxit, (f)subsidio injuriae et vetustatis, ut decedente superiore inferior succederet. Est in ea canis mire factus, [4]ut quem pariter casus pinxerit. Non judicabat se exprimere in eo spumam anhelantis posse, cum in reliqua omni parte (quod difficillimum erat) sibi ipse satis fecisset. Displicebat autem ars ipsa, nec minui poterat, et videbatur nimia, ac longius a veritate discedere, spumaque illi pingi, non ex ore nasci, anxio animi cruciatu, cum in pictura verum esse, non verisimile vellet : (g)absterserat saepius, mutaveratque penicillum, nullo modo sibi approbans. Postremo iratus arti, (h)quod intelligeretur, spongiam eam impegit (i)inviso loco tabulae, ex illa reposuit ablatos colores, (k)qualiter cura optabat : (l)fecitque in pictura fortuna naturam. [5]Hoc exemplo similis et Nealcem successus in spuma equi, similiter spongia impacta, secutus dicitur, cum pingeret poppyzonta retinentem equum. Canem ita Protogenes monstravit et fortunam.
Interpretatio.
(f)Subsidio. Subsidio contra injuriam vetustatis.
(g)Absterserat. Spongia.
(h)Quod. Quod in ea pictura nimium artis videretur.
(i)Inviso. Molestae illi ac difficili tabulae parti.
(k)Qualiter. Quo plane modo animi illius intentio peroptabat.
(l)fecitque. Expressitque in tabula fortuna casusque spumam, qualem natura ipsa faceret.
- [1] Jalysus. Strabo, lib. 14. pag. 652. καὶ αἱ τοῦ Προτωγένους γραφαί, ὅ τε Ἰάλυσος καὶ ὁ Σάτυρος παρεστὼς στύλῳ. Cicero lib. 2. Epist. 21. ad Attic. Et ut Apelles si Venerem, aut si Protegenes Jalysum illum suum cano oblitum videret etc. Venerem cum Jalyso qui componit, non urbis nomen esse, ut quidam putarunt, sed viri, Jalysum indicat haud obscure : quem solis nepotem Cicero vocat, lib. 3 de Nat. Deor. num. 54. a quo nomen urbi in insula Rhodo datum. In ea pictura conficienda annos septem insumpsisse Protogenem, auctor est Aelianus, lib. 12. hist. Var. cap. 41. et Plutarch. in Demetrio.
- [2] In templo Pacis. Incendio Romae absumptam scribit Plutarchus in Demetrio, pag. 898.
- [3] Huic pictura quatuor. Hodiernos, credo, pictores latet hoc artificium.
- [4] Vt quem pariter casus. Cum arte, vel cum artifice. In libris hactenus editis, casus et ars. Sed has voces et ars MSS omnes pro nothis habent.
- [5] [5] Hoc exemplo… Nealcem. Nealces pictor a Plutarcho laudatur in Arato, pag. 1032. Hujus in spuma equi successum, tacito pictoris nomine refert Valerius Max. lib. 8. cap. XI. pag. 401. Praecipua artis pictor, inquit, equi naribus spumas adjicere cupiens, tantus artifex in tam parvula materia multum ac diu frustra tenebatur. Indignatione deinde accensus, spongiam omnibus imbutam coloribus forte juxta se positam apprehendit, et veluti corrupturus opus suum, tabulae illisit: quam fortuna ad ipsas equi nares directam, desiderium pictoris coegit explere. Itaque quod adumbrare non valuit, casus imitatus est. Sic et Plutarch. lib. de fort. Alex. Apelli similem casum adscribit Sextus Empir. Pyrrh. Hypotyp. lib. 1. cap. 12. pag. 7.
Aglionby, William,, Painting Illustrated in Three Diallogues, Containing Choice Observations upon the Art(publi: 1685) (Dialogue II), p. 53-54 (anglais)
TRAVELLER – But his most famous piece was his Ialyssus, which was consecrated in the Temple of Peace in Rome; ‘tis said, he spent seven years about it, and coloured it over four times, that it might the better resist the injuries of time.
FRIEND – What was represented in this picture?
TRAVELLER – There has been great dispute about that in Antiquity, and since; some being of opinion, that therein was represented the city of Ialyssus, with its territory belonging to the Rhodians: but that seems improbable, because that Cicero always compares the Ialyssus of Protogenes with the Venus of Apelles; which would be very improper, if it were only a town: ‘tis therefore more probable, that it was the picture of the hero Ialyssus, founder of the town, and who was said to be son to Apollo.
Catherinot, Nicolas, Traité de la peinture(publi: 1687), p. 21 (fran)
Fables des peintres, comme celle de Zeuxis et de Parrhase, celle d’Apelle et de Protogene. Mais enfin elles sont bien insensées. Quant à la derniere c’est une verité, si on veut en croire Pline. On peut encore adjoûter l’ecume du chien que Protogène ne pouvoit peindre, et celle du cheval que Néalcès ne pouvoit peindre pareillement. Et il ne se faut point étonner de ceci, car toutes les histoires anciennes regorgent de fables, et pour les depister il ne faut que supprimer ce qui est de surprenant.
Junius, Franciscus, De pictura veterum(publi: 1694) (II, 14), 1 (latin)
- [2] Plin. Nat. Hist. VII, 28.
- [1] Solent ingenia humana perfici aut mutari, prout casu fortunave in splendiiorem aut squalidiorem vivendi fortem favore magnatum perducuntur.
- [3] Fortuna virtute pares non raro impari felicitate distinguit, et magnis fautoribus minores quandoque artifices commendat.
[sommaire] §1. Quemadmodum recta quidem, sed modica multorum ingenia prosperioris Fortunae flatus quotidie provehit ; ita pertinacioris egestatis iniquitas versa vice magnam saepe nonnullorum indolem, et (si per Fortunam licuisset) in exemplum fulgentissimae virtutis suffecturam, excussa omni sublimium cogitationum memoria affigit, hebetat, confundit, frangit. Praecipue tamen miserum est nasci non suo saeculo ; cum ingenia favor hominum ostendat, favor alat. [1] Privata ipsorum artificum fortuna inter tam multa quae artem olim provexerunt, novissimum jure locum occupat ; quandoquidem sine hac parum admodum per se valebunt ea quae praemisimus. Divinum propensioris naturae donum, sedula parentum ac praeceptorum cura, metus legum saluberrimarum, aemulatio, simplicitas et dulcedo artis, atque ea quae porro sequuntur, qualemcunque ipsius artificis fortunam adhuc exspectant : non eam, quae Protogenis canem et Nealcis equum miro quodam casu perfecit ; quum impacta iracunde spongia imperfectum opus equi male spumantis absolvit. Non est ars, quae ad effectum casu venit, Seneca epist. XXIX. Sed eam, quae artificem, veluti alumnum suum, regibus ac dynastis ingerit, ut per eos orbi terrarum commendentur. Plurimum refert, in quae cujusque virtus tempora inciderit.[2] Neque enim cuiquam tam clarum statim ingenium est, ut possit emergere, nisi illi materia, occasio, fautor etiam commendatorque contingat, Plin. Junior libro VI, cap. 23.
II, 14, 2 : [3] Non statuimus tamen totam artificum famam ex fortuna pendere ; quin potius hanc ipsam fortunam nihil aliud, quam quendam ante partae existimationis fructum esse arbitramur. Necesse est enim, ut primum insigni aliquo exactissimae artis specimine januam famae sibi aperiant. Nemo imaginem suam pingendam committit, nisi probato prius artifici per quædam experimenta, Corn. Celsus in epist. ad C. Julium Callistum.
Rosignoli, Carlo Gregorio, La Pittura in giudicio overo il bene delle oneste pitture e’l male delle oscene(publi: 1697), « Il bene di chi glorifica le sacre imagini » (numéro cap. XII, §2) , p. 230 (italien)
Uscirei de’ limiti della brevità, se volessi sol tanto annoverare le gratie miracolose concedute per la veneratione delle sacre pitture. Alla città di Rodi servì di difesa e salute il ritratto di Gialiso, opera maravigliosa di Protogene. Imperoche essendo da ogni parte inespugnabile, fuori che da un lato, a quello il re Demetrio applicò tutto lo sforzo del suo esercito con machine incendiarie per superarla. Ma trovando ivi effigiata la famosa figura di Gialiso, per non guastarla, fe’ desistere dalle rovine già disposte, mosso dal pregio e dalla veneratione di quella pittura : e per cagione d’essa rimase privo d’una insigne vittoria : come attesta Plinio : [1]Pacentem picturæ fugit occasio victoriæ. Or se a’Rodiani tanto giovò il possedere quella profana effigie, quanto maggior giovamento dee aspettarsi da’ veneratori delle sacre ? Chi brama certificarsi di tali beneficii, leggali nel teatro della vita umana al titolo imago : ove vedransi città liberate dagli assegi, pestilenze curate senza rimedi, carceri aperte con prodigii, schiavi sciolti dalle catene, e naufragii fuggiti con evidenti miracoli.
- [1] Plin. l. 35. C. 10.
Piles, Roger de, Abrégé de la vie des Peintres, avec des reflexions sur leurs ouvrages, et un Traité du Peintre parfait, de la connoissance des Desseins et de l’utilité des Estampes(publi: 1699), p. 128 (fran)
Le plus beau de ses ouvrages est le tableau de Ialisus. Plusieurs auteurs en parlent sans en faire la déscription, et sans dire quel étoit ce Ialisus, que quelques-uns croyent avoir été un insigne chasseur.
Pendant sept années que Protogéne employa à peindre ce tableau, il ne prit point d’autre nourriture que des lupins cuits dans de l’eau, qui luy servoient de boire et de manger, afin que cet aliment simple et léger lui laissât toute la liberté de son imagination.
Apelle ayant vû cet ouvrage, en fut tellement frappé, qu’il resta sans parole, n’ayant point de termes pour exprimer l’Idée de beauté que ce tableau avoit formée dans son esprit.
Coypel, Antoine, "Commentaire de l’Épître à son fils (le coloris et le pinceau)", lu le 8 juillet 1713 à l’Académie royale de peinture et de sculpture(redac: 1713/07/08), 86 (fran)
Il faut quelquefois que les choses paraissent comme faites au hasard. On peut se ressouvenir ici de ce qui arriva à ce peintre fameux qui, peignant un cheval dans une action vive, après avoir beaucoup travaillé pour peindre l’écume de sa bouche, ne pouvant y réussir ni se satisfaire, jeta l’éponge par désespoir ; mais le hasard fit ce que son travail n’avait pu faire. L’éponge tomba si heureusement, qu’elle fit l’écume telle qu’il l’avait imaginée.
Palomino, Antonio, El museo pictórico y escala óptica(publi: 1715:1724), “Estimación de la pintura y sus profesores, en los siglos pasados” (numéro Tomo I, §1, vol. 1, Teórica della pintura, II, 9) , p. 330 (espagnol)
Y a este respecto no es de extrañar lo que dice Plinio, que cada pintura se estimaba tanto como una ciudad; y aun parece que más; pues por no aventurar a el incendio el Ialiso, que notamos, de mano de Protógenes, dejó el Rey Demetrio de entrar a fuego, y angre la ciudad de Rodas: aún no satisface la ponderación, de que estimó más el Rey la tal pintura, que la célebre ciudad de Rodas; porque no quedaba dueño de la pintura, librándola del incendio; sino que la inmunidad de aquella tabla estimó más que la ciudad; pues dejó de tomarla, por no abrasar, u ofender la pintura, sin quedar dueño de ella. Y no es de extrañar esto; pues el mismo Rey dijo de esta misme tabla, y sobre este caso: que antes abrasaría a los simulacros de sus padres, que violase tan exquisitos primores del arte. Y Apeles, viéndola, dijo, después de una grand suspensión: que no tenía el precio que merecía; pues no estaba colocada en el cielo.
Palomino, Antonio, El museo pictórico y escala óptica(publi: 1715:1724), “Propiedades accidentales de la pintura” (numéro Tomo I, §1, Teórica della pintura, II, 8) , vol. 1, p. 313-314 (espagnol)
Tanto es el embeleso de la Pintura, y tanto el deleite de su ejecución, que algunos le han preferido a los mayores intereses, y dignidades del mundo; y por eso es tan apetecido de los especulativos el retiro, soledad, y quietud, por ser éstos los medios más aptos, para lograr a su salvo las delicias del arte. Los antiguos pintores, se preciaban de sobrios, y abstinentes en los manjares; porque el alimento demasiado no les obstruyese el ingenio; si ya no fuese por manifestar, cuán seguro medio era la virtud, para lograr el empleo de esta facultad; o porque el empleo de esta facultad, era seguro medio para la virtud: y así se verá, por especial providencia del Cielo, que de ordinario no se inclinan a usar esta arte, sino hombres de toda modestia y nobles costumbres; porque con ella se reprimen las desordenadas pasiones de nuestra naturaleza. De Protógenes asugura Plinio, que era tan abstinente, que en tanto que pintó la celebre tabla de Ialiso (por cuyo respecto el Rey Demetrio dejó de tomar la ciudad de Rodas, después de un largo sitio) sólo se alimentó de una legumbre, que en Italia llaman lupinos, y en España altramuces, o chocos, que no hiciera más un austero ermitaño. Lo mismo confirma el modo, que tenía Parrasio de ribricar sus más especuladas obras; pues a su nombre añada, Abrodietos, que según los intérpretes del griego idioma, quiere decir: Parrasio el abstinente; oorque como gentiles, hacían vanidad de sus virtudes : y así dice otro autor, que se intitulaba Parrasio, Virtutis cultor: el amante, y profesor de la virtud.
Palomino, Antonio, El museo pictórico y escala óptica(publi: 1715:1724), “Pintura a el temple” (numéro Tomo I, Teórica della pintura, I, 6) , vol. 1, p. 140 (espagnol)
Confírmase con el suceso del fatigado perro, que pintó Protógenes, y el espumoso caballo de Nealces; pues impaciente uno, y otro artifice, de no poder formar la espuma a su satisfacción con los pinceles, arrojó la esponja (ya untada, de limpiar una, y otra vez el no conseguido efecto) y vencido del acaso el arte, halló ejecutada a su satisfacción la espuma, con la impresión inopinada de la esponja; suceso, con evidencia, impracticable en las ceras; pues ni para ellas usaban de la esponja; ni aunque la usasen, podía mantener los colores ceríficos, tan dóciles, y líquidos, que lograse un acaso, tan prodigioso suceso.
Durand, David, Histoire de la peinture ancienne, extraite de l’Histoire naturelle de Pline, liv. XXXV, avec le texte latin, corrigé sur les mss. de Vossius et sur la Ie ed. de Venise, et éclairci par des remarques nouvelles(publi: 1725), p. 80-81; 277-278 (fran)
Après tout, la meilleure de toutes ses pièces, et qui a le plus de réputation, est son Ialyse[1], qui est aujourd’hui à Rome, dans le Temple de la Paix. C’est un chasseur, en vénération dans l’Isle depuis longtemps. On dit que Protogene, en travaillant à cet ouvrage, ne vécut que de lupins cuits dans l’eau, uniquement pour se soutenir contre la faim et la soif, de peur qu’en se permettant une nourriture plus succulente, il n’eût émoussé cette pointe de génie et de sentiment, si nécessaire à un peintre qui travaille pour l’immortalité. On ajoute même que, pour le conserver, pendant plusieurs siècles, aussi entier qu’il étoit possible, il le couvrit de quatre couches de couleurs[2], entièrement semblables, dans la pensée que si la première couche venoit à tomber par vieillesse, ou par accident, la seconde lui succédât, et ainsi de suite jusqu’à un entier dépérissement. Ce n’est pas la seule merveile qu’on raconte de ce tableau ; on y voit un chien de chasse, qui est d’autant plus admirable, que le hazard y a eu plus de part que le génie. On assure que Protogene l’ayant peint avec une application éxtrême, et d’une maniere qui ne lui déplaisoit pas, ni du côté de l’attitude, ni du côté du coloris, il ne se trouva embarrassé que sur un seul point, savoir comment il finiroit cette écume, qui sort de la gueule de ces animaux, lorsqu’ils sont fort échauffez ; car, à son avis, il ne manquoit que cela à son tableau, pour en faire une pièce achevée. Le voilà donc à travailler et à suër, autour de cette écume, toûjours fort en peine comment il s’en tirera. Mais après mille coups inutiles, toute son application commence à lui déplaire : il se fâche contre lui-même et contre la peinture ; il voudroit bien attraper le naturel, et faire disparoître l’artifice ; mais il ne peut ; il lui semble qu’il a trop peiné cette écume, et qu’à force d’y retoucher, il l’a écartée de la vérité. Ce n’est pas que l’écume ne fut assez bien peinte, en général, mais elle n’y paroissoit pas, à son gré, telle qu’elle doit être quand elle sort de la gueule d’un chien échauffé. Et ce peintre était si severe et si difficile, qu’il ne se contentoit pas du vraisemblable, en fait de peinture, il vouloit absolument le vrai. Tourmenté donc par cette même délicatesse, qui est le principe de perfection, souvent il avoit effacé l’écume, avec son éponge ; souvent il l’avoit recommencée ; souvent il avoit changé de pinceau, pour voir s’il y réussiroit mieux. Enfin, après plusieurs reprises, ne pouvant venir à bout de se satisfaire, il se dépita si fort contre l’endroit de son chien, où son art avoit échoué, qu’il jetta de colere, contre cette écume scélerate, l’éponge même qu’il tenoit à la main ; et qui étant déja imbuë des mêmes couleurs, les y replaça d’une manière si hûreuse pour son dessein, qu’avec toute sa science et toute son application, il n’auroit jamais osé se flatter d’un pareil succès : et voilà de quelle manière le Hazard produisit, cette fois-là, la Nature même, dans la peinture. Ce n’est pourtant pas la seule fois que le cas est arrivé. Néalce[3], à ce qu’on dit, n’eut pas moins de bonheur à se fâcher, lors qu’ayant peint un cheval tout échauffé et hors d’haleine, avec un homme qui le tient par la bride et qui le flatte sous le poitrail, il croyoit avoir bien réussi en tout, à l’écume près ; mais enfin, au défaut de l’art, l’éponge et le dépit acheverent ce que le pinceau et le genie avoient inutilement tenté.
Notes au texte latin, p. 277-278 :
(Rd) Palmam habet tabularum ejus Ialysus. Toute l’Antiquité a fait mention de cette pièce, comme d’un chef-d’œuvre, qui avoit coûté 7 ans de travail à notre peintre, et qui après avoir échappé divers hazards, fut enfin consumé par les flammes, sous l’empire de Commode, dans le Temple de la Paix, avec toutes les antiques dont il étoit enrichi. Et voilà le sort ordinaire de tous les ouvrages du pinceau. Nos peintres ont un avantage sur les anciens ; au moins la gravure nous conserve l’idée de leurs éxploits, et c’est une consolation pour les connoisseurs. Pour ce qui est d’Ialyse lui-même, sujet du tableau, les uns disent qu’il étoit fils, et les autres, petit-fils du Soleil : quartus is, quem heroicis temporibus Acantho Rhodi peperisse dicitur, Pater Ialysi, Camiri et Lindi : Cicer. De Nat. Deor. l. 3. selon la correction de M. Davies, qui est plus que problable. On prétend que cet Ialyse étoit chasseur et il y a de l’apparence à cela, puisqu’il y avait un chien dans le tableau, qui devoit paroître échauffé et la gueule pleine d’écume. Voyez la suite.
(S) Madidis lupinis vixisse. Voyez ci-dessus, p. 215, ce qu’on a dit sur ce légume, et sur un passage d’Horace, qui y a du rapport. Et pour ce qui est de la sobriété et de la temperance, qui sont nécessaires à un grand peintre, pour conserver la santé, la liberté de l’esprit, la finesse de la vuë, la souplesse de la main, en un mot la bonne disposition de tous ses organes, écoutez les sages conseils de M. du B. dans ses Réf. sur la P. et sur la P. t. 2 p. 92 et suiv. Ce savant homme mérite des remerciments de la part de tous les ouvriers, qui veulent devenir quelque chose et qui aspirent à l’immortalité.
(T) Huic picturae quater colorem induxit. Il faut convenir de bonne foi que Pline ne s’est pas bien éxprimé en cette occasion. Il semble nous faire entendre que Protogene peignit quatre Ialyses, les uns sur les autres, ut decedente superiore inferior succederet. Cela n’est pas concevable ; ou du moins, nous n’en avons aujourd’hui aucune idée. Il se contredit lui-même dans la suite, lorsqu’en parlant de l’écume du chien, il dit que ce fut le hazard, qui le peignit, ou du moins qui lui donna cette vérité, qui lui manquoit. Or il n’est pas naturel de s’imaginer que le hasard ait si bien rencontré quatre fois de suite. Il y a plus d’apparence que ce peintre, travaillant pour l’immortalité, mit à son ouvrage beaucoup plus de couleur qu’à l’ordinaire, et il est certain qu’un tableau bien empâté dure bien plus longtemps qu’un autre, qui ne l’est pas, et fait un meilleur effet.
(U) Subsidio injuriae et vetustatis. C’est ainsi qu’il faut lire, contre la leçon de la I. Venitienne, des MSS. de Vossius de Gudius, de Leyde, et de plusieurs autres, de l’Ed. de Rome, de celle de Parme et des suiv. jusqu’à Hermolaus : qui ont toutes, contra subsidia. Ce savant homme, dans ses curae secundae, retranche la préposition contra, comme superfluë, et lit ainsi, subsidio injuriae et vetustatis, ou, subsidio contra injuriam vetustatis, vel aliquid hujus modi : et depuis ce tems-là, subsidio injuriae, etc. a prévalu dans toutes les Edd. Gronovius n’a point goûté un changement, qui est opposé à tous ses MSS. Il prétend que Pline a pû entendre, par ces subsidia, ce que Vegèce a nommé subsessas, c. à. d. robur secundum et posterum, primam aciem excipiens et sustinens. Car il y en a plusieurs, dit-il, qui soutiennent le premier choc et même le repoussent, qui cèdent au second, ou au troisième. Ensuite, appliquant cela au tableau, il dit : Praesentem injuriam, omnibus custodiam praestantibus, recens tabula facile effugiet ; ab aetate vitium non metuit ; haut ita tuta ab secutura injuria, cum post longam diem securius habetur, aut secuturo situ : et haec sunt subsidia injuriae aut vetustatis. Cependant il y a, dans cette figure, quelque chose de dur ; et tout le monde le sent. Quelle apparence, que notre auteur ait cherché ici une image de la guerre, dans un sujet purement passif ? Le savant critique s’aperçoit le premier de cette disparité : Si tamen, ajoute-t-il, id durum cuipiam videatur, possumus, scribere, CONTRA SUBSIDIA INJURIAE ET VETUSTATIS. Sic Columella, VIII. 2. Dum tamen anus sedula vel puer adhibeatur custos vagantium (gallorum, gallinarumque) ne obsidiis hominum, aut insidiosorum animalium diripiantur. Mais cette figure n’est pas plus naturelle que l’autre. On dit bien obsidia hominum, animalium, et. mais je doute qu’on puisse dire obsidia injuriae, et encore moins, vetustatis. Je suis donc pour la correction d’Hermolaüs, et je soupçonne que le glozateur ayant mis à côté contra, pour éxpliquer ce subsidio injuriae, la préposition a passé dans le texte, et parce qu’elle régit l’accusatif, le copiste a mis subsidia. Cela prouve l’antiquité des altérations dans les MSS.
(X) Ut quem pariter casus pinxerit. M. Félibien raconte le fait un peu autrement : Je vous dirai seulement qu’entre autres choses on y voyait un chien à la perfection duquel l’Art et la Fortune avoient également contribué. Car Protogene étant en colere de ne pouvoir assez bien représenter à son gré l’écume qui sort de la gueule des chiens lorsqu’ils sont fort échauffez, il jeta par dépit son pinceau contre son ouvrage ; et vit alors qu’en un moment le hasard avoit produit tout ce que son art n’avoit pû faire en beaucoup de tems. I. Si c’est le hazard, qui a produit ce que l’art n’avoit pu faire, il ne faut plus dire que l’art et la fortune y avoient également contribüé. Mais Félibien a suivi les mauvaises Edd. qui lisent, quem pariter casus et ars… Ce qui est contraire à la I. Ed. et aux MSS [qui disent : ut quem pariter casus pinxerit]. 2. Ce ne fut pas le pinceau, qui fit cette écume par accident, mais une éponge, comme on le verra dans la suite. Postremo iratus arti, quod intelligeretur, spongiam impegit inviso loco tabulae : et illa reposuit ablatos colores qualiter cura optaverat. Voyez ci-dessous, Rem. B.
(Y) Non judicabat se in eo exprimere spumam anhelantis. C’est la leçon de Venise, du MS. de Voss. et des trois autres. L’éd. du P. H. ajoute posse ; qui fait un sens ridicule : car il s’agit de ce que Protogene avoit fait, et non de ce qu’il pouvoit faire. Il ne trouvoit pas qu’il eut bien éxprimé cette écume ; mais il ne desespéroit pas encore d’y venir, et voilà pourquoi il se tourmente, il change de pinceau, il efface, il corrige, il cherche le vrai. Voyez la suite. Ce ne fut qu’à la fin que l’impatience le prit et qu’il jeta l’éponge contre l’écume.
(Z) Displicebat autem ars ipsa, nec minui poterat. Une des grandes perfections d’un tableau bien peint, au moins par rapport au coloris, c’est lorsque la vérité se montre et que l’artifice disparaît, qu’on ne voit point les traces des coups de pinceau, qu’on ne sait où ils ont commencé, ou fini, ni de quelle manière l’ouvrier est parvenu à son but. À la vérité en y regardant comme il faut, on découvre toûjours quelque chose, on admire l’art de près, et l’effet de loin. Ici, Protogène avoit trop peiné cette écume, videbatur ars nimia ; cependant il ne pouvoit pas rappeler tous ses coups, nec minui poterat ; et voilà pourquoi toute son application lui déplaisoit : displicebat autem ars ipsa. C’est le défaut qu’Apelle lui avoit reproché.
(A) postremo iratus arti, quod intelligitur. C’est la leçon de Venise. Le P. H. éxplique ces mots par cette paraphrase, quod in ea pictura nimium artis videretur. Ce n’est pas proprement cela. Pline veut dire, qu’on s’appercevoit trop clairement des coups de pinceau qu’il y avoit employez ; qu’on y voyoit les traces de l’ouvrier, au lieu de la vérité même. Or le caractere de la belle peinture est de montrer les choses, et de cacher l’artifice ; parce que si l’artifice se découvre, c’est toûjours aux dépens de la vérité pittoresque : spumaque illa pingi, non ex ore nasci : or il ne se contentoit pas du vraisemblable, il voulait absolument le vrai. Un MS. de Dalecamp porte, qua interlineretur ; mais c’est une corruption d’intelligeretur.
(B) Qualiter cura optaverat. C’est la leçon de Venise, de Rome et d’Hermolaus, fortifiée d’un vieux MS. de Dalecamp. La leçon commune est optabat. Mais une preuve qu’il faut lire optaverat, c’est que lorsque le peintre jetta de colere son éponge contre l’écume, il ne souhaittoit plus de la perfectionner, mais de la gâter. Temoin VAL. MAXIME, qui rapporte le même fait, au sujet d’un cheval, sans nommer le peintre ; Indignatione deinde accensus, spongiam omnibus imbutam coloribus forte juxta se positam apprehendit, et veluti corrupturus opus suum, tabulae illisit : quam Fortuna ad ipsas equi nares directam, desiderium pictoris coegit explere. Lib. 8 cap. II. Du reste, comme les peintres de ce temps-là ne peignoient point à l’huile, une éponge leur pouvoit être plus utile et plus commode qu’elle ne l’est aujourd’hui à nos ouvriers.
(C) Hoc exemplo ejus similis et Nealcem successus in spuma equi. C’est la leçon de la I. Venitienne. La leçon commune a supprimé ejus : mais il y doit être et par le sens et par le suffrage de divers MSS. Pintianus est pour une autre leçon : Hoc exemplum simili et Nealces successu in spuma equi, similiter spongia impacta, secutus dicitur : mais je m’en tiens au MS. de Voss. et à l’Ed. primitive. Néalce est un peintre du second rang, dont il sera parlé tout à l’heure, dans la liste alphabétique des artisans du second ordre. M. Félibien l’appelle Néaclès, si ce n’est pas une faute de l’imprimeur.
(D) Cum pingeret Poppyzonta. La I. Ed. porte, Cum pingeret Poppyzonta retinent panecum : l’Ed. de Rome, retinente pane : un des MSS. du P. H. comme l’Ed. de Venise : et les 4. de Gronovius, de même. Sur quoi ce savant critique a hazardé cette correction : Quum pingeret Poppyzonta : retinent Parii Equum. « Quod est, dit-il, personam Poppyzontos perisse, nescio quo casu ; Equum autem superesse apud Parios. » Or on ne sauroit nier que ceux de Paros, Isle de la Mer Égée, n’aient été curieux des Beaux-Arts et n’aient eû d’éxcellens ouvriers en peinture et en sculpture. Pline en fait foi : Polygnoti et Nicanoris et Arcesilai Pariorum. Il est très possible encore qu’un grand tableau, qui contient un cheval et un palefrenier qui l’amadouë, a pû être endommagé de la moitié, dans l’espace de 400 ans, qu’il faut mettre entre Néalce et notre Pline. Les tableaux de ce tems-là ne se rouloient point ; ils étoient de bois, et il se peut fort bien que, par accident, dans un tumulte, dans une guerre, un incendie, on en ait perdu la moitié. Cependant cette conjecture appuyée sur tant de MSS. et sur les premieres Edd. n’a point plû au P. H. Il se fonde sur le mot retinentem, qui est une suite naturelle de poppyzonta, parce qu’on amadouë les chevaux fougueux, qu’on veut retenir, et pour ainsi dire, apprivoiser. Xénophon y est éxprès, quoique le P. H. ne l’allègue pas ; καὶ τῳ ποππυσμῳ πραύνεσθαι, et poppysmo mansuefieri. De Venatione, fol. 947. Jul. Pollux, qu’il indique à la p. 54 au lieu de la 210 s’éxprime en ces termes, Ταῦτα ἣ ὀρχομήτρια σημεῖα ὀνομάζεται· ποππυσμῷ παριστάναι καὶ καθεστάναι, c. à. d. selon lui, poppysmi retineri, vel sisti. Frigidum est, ajoute-t-il, quod hic quidam legunt, Poppyzonta. Retinent parii equum. Les lecteurs éclairés sont maintenant à portée de choisir entre les deux lectures. Le P. H. n’allégue pour lui aucun MS : il dit bien, quelle est la lecture du Reg. 2 c. à. d. du MS. de Pline, de la Bibl. du Roi, mais il ne parle point des autres. Hermolaus est plus positif : Codices multi, dit-il ; Cum pingeret Poppyzonta, RETINENTEM EQUUM.
(E) Canem ita Protogenes monstravit. On peut lire ce passage de diverses manieres : I. comme il est dans les Edd. Canem ita Protogenes monstravit et Fortuna : mais cette lecture ne me paroit pas correcte. Car si fortuna est au nominatif, en voilà deux, la Fortune et Protogene, qui ne s’accordent point avec monstravit : à moins que l’un et l’autre n’aient produit un chien séparément ; ce qui est contre la vérité de l’Histoire ; par conséquent, il auroit falu dire, Cane mita monstrarunt Protogenes et Fortuna. Si Fortuna est à l’ablatif, il y a dans cette façon de parler une équivoque désagréable, qui n’est point ordinaire à notre auteur. 2. On pourroit lire, avec un MS. de Dalecamp, Canem ita Protogeni monstravit et Fortuna : parce que ce fut le hazard, qui donna la vérité à cette écume, que l’art n’avoit pu lui procurer ; et dont Protogene fut le premier spectateur. 3. Gronovius supprime Canem, d’après ses MSS : et lit de cette maniere : Ita Protogenes monstravit et fortunam. C’est à dire, que si les autres peintres étalerent avec soin les prodiges de leur art, Protogene fit encore plus, il montra dans ses tableaux, outre l’habileté de son pinceau, le jeu du hazard et de la fortune. 4. Enfin, on pourroit lire aussi, Cane mita Protogenes monstravit et Fortunam, ce qui revient au même sens. Je suis pour la correction de Gronovius.
- [1] Les mythologistes supposent que le Soleil, amoureux d’Acanthe, dans l’Isle de Rhodes, en eut trois fils, Ialyse, Camire et Linde : qui ont donné le nom à trois villes de cette isle-là. Ialyse, apparemment, étoit chasseur, comme il paroît par le tableau de Protogene. De sorte que tout concouroit à le rendre vénérable.
- [2] Cela n’est pas probable dans le sens de Pline : on conçoit bien qu’un tableau bien empâté se conservera plus longtemps ; mais on ne comprend pas comment, la premiere couche venant à tomber en un endroit, la seconde s’accommodera avec le reste, selon la supposition de l’auteur. D’ailleurs, l’écume du chien que le hazard produisit, avoit elle aussi quatre couches de couleur ? Pline ne le dit pas.
- [3] Il en sera parlé ci-dessous, entre les peintres du second rang, §.XXXn. 20.
Lamotte, Charles, An Essay upon Poetry and Painting, with Relation to the Sacred History, with an Appendix Concerning Obscenity in Writing and Painting(publi: 1730), “The Picture of the Last Judgment, by Michael Angelo”, p. 102-103 (anglais)
Mr Fresnoy tells us, in his Art of Painting, that when M. Angelo was employed about this work, he took no other sustenance but bread and wine, lest high feeding, and the fumes of meat, might cloud his fancy, and damp the fire of his [1]imagination. If he confined himself to this diet, I am apt to think he took too large a dose of the last, else he would never have ventured on such a disparate, as justly has entailed the censure of all posterity upon him.
- [1] [1]Pliny relates something like this of Protogenes the Painter, that when he was drawing the picture of Jalisus, he lived upon lupins and water only, and took just enough to allay hunger and thirst, lest higher feeding should blunt the edge of his fancy. Pline. L. 35. C. 10.
This was this famous piece that saved the city of Rhodes; for when Demetrius found he could not take the place, without attacking on that side where it was, he chose to raise the siege, rather than destroy the picture. Thus we read the philosopher Carneades, before he wrote against Zeno to confute his opinions, he purged his stomach with hellebore lest the vapours of it should affect his head, weaken the vigour of his fancy, and darken his conceptions. Plin. L. 25. C. 10.
This also was the practice of poet Bayes in the rehearsal, who tells his friends, that if he was to write familiar things, as sonnets, he made use of stewed prunes only; but that when he had a grand design in hand, he ever took physick and let blood; for when you would (saith he) have pure switness of thought, and fiery flights of fancy, you must have a care of the pensive part; in fine, you would purge the belly. Rehears. Act. 2. Scene. 1.
I once thought that this was pure waggery, and banter of the author of that diverting play. But I have been told since by a person of good credit, and who was acquainted with Mr Dryden, that it was actually true; and that when he was about any considerable work, he used to purge his body, and clear his head, by a dose of physick.
Rollin, Charles, Histoire ancienne, tome XI, livre XXIII(publi: 1730:1738), « De la peinture » (numéro livre XXIII, ch. 5) , p. 188 (fran)
- [1] Plin. lib. 35 c. 10. Aul. Gell. Lib. 15, c. 31. Plut. in Demetr. p. 898
[1]. Son tableau le plus fameux est l’Ialyse ; c’étoit un grand chasseur, fils ou petit-fils du Soleil, et fondateur de Rhodes. Ce qu’on admiroit le plus dans ce tableau étoit l’écume qui sortoit de la gueule d’un chien. J’ai rapporté au long cette histoire en parlant du siége de Rhodes.
Rollin, Charles, Histoire ancienne, tome XI, livre XXIII(publi: 1730:1738), « Successeurs d’Alexandre » (numéro livre XVI, t. VII) , p. 266-267 (fran)
Le chef-d’œuvre de ce peintre étoit l’Ialysus. On appelait ainsi un tableau où il avoit peint quelque histoire de cet Ialysus[1], héros connu seulement dans la fable, et que les Rhodiens respectoient comme leur fondateur ; Protogéne avoit emploié sept ans à l’achever. La premiére fois qu’Apelle le vit, il fut si surpris et si transporté d’admiration, que la voix lui manqua tout à coup. Enfin, revenu à lui-même, il s’écria : Grand travail ! Œuvre admirable ! il n’a pourtant pas ces graces que je donne à mes ouvrages, et qui les élevent jusqu’aux cieux. S’il en faut croire Pline, pendant tout le tems que Protogéne travailla à ce tableau, il se condamna lui-même à mener une vie fort[2] sobre, et même fort dure, pour empécher que la bonne chère n’émoussât la finesse de son goût et de son sentiment. Ce tableau avoit été porté à Rome, et consacré dans le temple de la Paix, où il étoit encore du temps de Pline ; il y périt enfin dans un incendie. […]
Il[3] y avoit dans ce tableau un chien qui faisoit surtout l’admiration des connoisseurs, et qui avoit couté beaucoup au peintre, sans que jamais il eût pu être content de lui-même, quoiqu’il le fût assez de tout le reste. Il s’agissoit de représenter ce chien tout haletant après une longue course, et la gueule encore pleine d’écume. Il s’appliqua à cette partie de son tableau avec tout le soin dont il étoit capable, sans pouvoir se contenter ; il lui sembloit que l’art se montrait trop. La vraisemblance n’étoit point assez pour lui, il lui faloit presque la vérité même. Il vouloit que l’écume parût, non être peinte, mais sortir réellement de la gueule du chien. Il y remit souvent la main, y retoucha à plusieurs reprises, et se donna la torture pour arriver à ce simple, à ce naturel, dont il avoit l’idée dans l’esprit, mais toujours inutilement. De dépit il jeta sur l’ouvrage l’éponge dont il s’étoit servi pour effacer, et le hasard fit ce que l’art n’avoit pu faire.
- [1] Il étoit fils d’Ochimus, qui étoit né du soleil et de Rhode, laquelle avoit donné son nom à la ville et à l’île.
- [2] Il ne vivoit que de lupins bouillis, qui apaisoient en même tems et la faim et la soif.
- [3] Est in ea canis mire factus, ut quem pariter casus et ars pinxerint. Non judicabat se exprimere in eo exprimere spumam anhelantis posse, cum in reliqua omni parte (quod difficillimum erat) sibi ipse satisfecisset. Displicebat autem ars ipsa, nec minuit poterat, et videbatur nimia, ac longius a veritate discedere, spumaque illa pingi non ex ore nasci, anxio animi cruciatu, cum in pictura verum esse, non verisimile, vellet. Absterserat saepius mutaveratque penicillum, nullo modo sibi approbans. Postremo iratus arti quod intellegeretur, spongeam inpegit inviso loco tabulae, et illa reposuit ablatos colores, qualiter cura optaverat : fecitque in pictura fortuna naturam. Plin. lib. 35 cap. 10.
Turnbull, George, A Treatise on Ancient Painting(publi: 1740), p. 54 (anglais)
The two most celebrated pictures of Protogenes are his Ialysus, and his Satyr, both exceedingly praised by a great number of ancient authors. It was his Ialysus that charmed Apelles. It is said to have been the labour of seven years, and Protogenes took care to give a very good body of colours, that it might be a lasting memorial of his admirable pencil. The painter while he was about this excellent piece was exceedingly abstemious, and lived chiefly on roots, to preserve his fancy clear, lively, and unclouded[1]. We have many instances of the severity of the ancient painters in their way of living. A parallel story is told of Nicias; and Horace’s excellent rule extends not only to poets, but to painters, and all authors:
Qui studet optatam cursu contingere metam,
Multa tulit fecitque puer, sudavit et alsit,
Abstinuit Venere et Vino, etc. Hor. de Art. Poet.
There was a dog in this picture warm and foaming, like one just returned from hunting ; in expressing which, fortune is said to have favoured the painter exceedingly : for being quite angry that he could not, by all his arts and pains, come up to nature, in painting the foam about the dog’s mouth, he threw his pencil against the picture, and by this accidental stroke, was done to his satisfaction, what, by all his labour, he had not been able to perform. Let that story be as it will, Apelles thought this picture very beautiful; but rather too much laboured: whereas Protogenes, on the other hand, could hardly ever be contented with any of his own works, or think them so near to nature as he wished to make all he did. As much as this picture is commended by the ancient, not one of them has given a particular account of it. But if it was a view of a part of the Rhodian country, as some imagine, the must have been the image of some beautiful youth in it, for which it was chiefly esteemd, and whose name it took. For Aulus Gellius calls it a most wonderful image or picture of Ialysus[2], and Cicero joins it with the Venus of Apelles[3], and speaks of it as a picture representing some beautiful youth: it therefore very probably represented Ialysus the founder of Rhodes as a very comely youth, in the attitude of a hunter returned from the chase, with his dog sweating and foaming by him. And not improbably, the scene was some beautiful part of the Rhodian country, with a prospect of the city of Rhodes perhaps at a little distance. All the different conjectures about it, and all the various ways of speaking of it amoungst the ancients, being laid together, this seems to be the most probable opinion that can be formed of that celebrated piece; by which, chiefly, Rhodes was saved, and by which the painter gained the favour of Demetrius Poliorcetes (the besieger) to a degree that has added not a little to he reputation of both[4].
- [1] Palmam habet tabularum, eius Ialysus, qui est Romae dicatus in templo Pacis : quem cum pingeret, traditur madidis lupinis vixisse, quoniam simul famem sustinerent et sitim ; ne sensus nimia dulcedine obstrueret. Huic picturae quater colorem induxit subsidio iniuriae et vetustatis, ut decedente superiore inferior succederet. Carlo Dati explains this, Volendo dare un buonissimo corpo di colori a quest’opera, nell’abozzarla, e nel finirla la ripassasse, e sopra vi tornasse fino a quattro volte sempre migliorandola, e piu morbida riducendola, come se proprio di nuovo la dissignesse. Est in ea canis mire factus, ut quem pariter et casus pinxerit, etc.
- [2] [2] Noctes Atticae, lib. 15. c. 3. In his aedibus erat memoratissima illa imago Ialysi, Protogenis manu facta, illustris pictoris: cujus operis pulchritudinem, etc. So Plutarch and Aelian in passages already cited.
- [3] Orator ab initio. — Qui aut Ialysi quem Rhodi vidimus, non potuerunt, aut Coæ Veneris pulchritudinem imitari, lib. 4 in Verrem, N°60. Quid Thespienseis ut Cupidinis signum, propter quod unum visuntur Thespii ? Quid Cnidios ut Venerem marmoream ? Quid ut pictam Coos ? Quid Ephesios ut Alexandrum ? Quid Cyzicenos ut Ajacem, aut Medeam ? Quid Rhodios ut Ialysum ? Epis. Ad Att. lib. 2. Ep. 21. — Et ut Apelles, si Venerem, aut si Protogenes Ialysum illum suum cæno oblitum videret, magnam, credo acciperet dolorem.
- [4] Carlo Dati gives us the various opinions about this picture in the Postille to his Life of Protogenes, chap. 5, 6 and 7, where he observes, that, according to Suidas, it was a figure of Bacchus. We have given the Sum of all their conjectures.
Caylus, Anne-Claude Philippe de Tubières, comte de, « Éclaircissements sur quelques passages de Pline qui concernent les arts du dessin » (publi: 1753, redac: 1745/06/15), p. 262-266 (fran)
- [1] Histoire de la Peint. anc. page 80
- [2] L. XXXV, c. 10
C’est avec eux[Explication : les gens de l’art.] que je puis encore assurer, sans crainte d’être démenti, que jamais Pline n’a voulu dire que le fameux tableau de Ialysus, peint par Protogène, avoit été peint à quatre fois différentes, dans l’intention de le garantir des injures du temps, et afin que la première couleur venant à tomber, il s’en trouvât une autre dessous qui prît sa place ; ou, comme s’exprime le sieur Durand [1], que Protogène, pour conserver son tableau pendant plusieurs siècles aussi entier qu’il étoit possible, le couvrit de quatre couches de couleurs entièrement semblables, dans la pensée que si la première couche venait à tomber par vieillesse ou par accident, la seconde lui succédât ; et ainsi de suite jusqu’à un entier dépérissement. Cela dit la même chose avec un plus grand nombre de paroles, et tous ceux qui ont voulu expliquer ce passage de Pline, l’ont entendu de la même manière, en faisant tous la remarque que la chose n’étoit pas probable. Je rapporterai le texte de Pline, et je proposerai ensuite mes réflexions : huic picturae quater colorem induxit subsidio injuriae et vetustatis, ut decedente superiore inferior succederet [2]. Ma première idée avoit été de rejeter le dernier membre de la phrase comme superflu ; j’avois imaginé que ces paroles, ut decedente superiore inferior succederet, pouvoient avoir été ajoûtées au texte original, par quelque copiste, qui n’étant pas au fait de la pratique de la peinture, et ne comprenant pas ce que pouvoient faire contre les injures de l’air ces quatre couches de couleur mises l’une sur l’autre, avoit cru devoir l’expliquer à sa manière, ce qui lui avoit fait dire une absurdité. Il pourroit y avoir de la vraisemblance dans cette conjecture : mais comme les conjectures sont toûjours fort hasardeuses, je crois qu’il est plus à propos de chercher dans la pratique actuelle de nos peintres, une explication convenable au passage de Pline.
Il me paroît indubitable que cet auteur, toûjours attentif à caractériser les peintres dont il décrit les ouvrages, a voulu faire entendre que Protogène, qui en effet n’épargnoit aucun soin pour finir exactement ses tableaux, et étoit un autre Gérard Dou, avoit repeint quatre fois son tableau de Ialysus, afin qu’au moyen de cet empâtement de couleur, ce tableau pût conserver plus longtemps sa fraîcheur, et résister à la fureur du temps. Cette pratique a été celle de tous les grands coloristes : le Titien entre autres en a fait un usage constant ; il peignoit à pleine couleur, et quand il avoit amené son ouvrage à un certain point, il le laissoit reposer ; puis à quelque temps de là, il le reprenoit, le repeignoit, le refondoit, et répétant plusieurs fois la même opération, il rendoit son tableau d’une force de coloris à laquelle personne n’a encore pû atteindre ; comme il n’en est presque point dont les ouvrages se soient maintenus aussi longtemps dans leur première fraîcheur. Il y a d’ailleurs un choix à faire dans les couleurs, et une façon de les employer, pour qu’elles se conservent fraîches et qu’elles ne s’altèrent point. Car l’on a vû certains tableaux sortir tout à fait brillans d’entre les mains du peintre, et perdre en assez peu de temps leur vivacité, ou parce que le maître s’étoit servi de mauvaises couleurs, ou parce qu’en les employant et en faisant des mélanges, il les avoit trop tourmentées. Les peintures des anciens artistes devoient éprouver également ce qui arrive aux ouvrages de nos peintres modernes. Ce seroit se faire illusion, que d’imaginer que leurs couleurs ne dûssent pas être soûmises aux mêmes accidens que les nôtres ; et il n’est pas non plus douteux que parmi les peintres de la Grèce, il a dû s’en rencontrer quelques-uns qui, plus jaloux de la durée de leurs tableaux, apportoient plus de précaution dans l’exécution. Protogène étoit certainement de ce nombre : ainsi il empâtoit ses ouvrages avec soin ; il passoit sans peine jusqu’à sept années entières sur un même tableau. Comme il connoissoit parfaitement la nature et l’effet des couleurs dont il se servoit, celles qu’il couchoit les premières, loin de faire du tort à celles qui devoient les couvrir, aidoient au contraire à les soutenir, et à leur procurer plus de corps et plus d’éclat.
Tel est, il n’en faut point douter, le véritable sens du passage de Pline ; et ce qui achève de le démontrer, c’est une circonstance qui suit, et qui présenteroit un fait impossible, si on n’admettoit mon explication. Pline observe qu’il y avoit dans le même tableau la représentation d’un chien, sur lequel le hasard avoit produit une de ces vérités d’imitation, qu’il n’est presque pas dans le pouvoir de l’art de bien saisir. Le peintre intelligent voulant représenter un animal essoufflé, avoit entrepris de faire sortir de l’écume de sa gueule : il avoit travaillé à plusieurs reprises, et toûjours sans succès ; les touches de son pinceau trop lourdes et trop comptées, sembloient s’éloigner du naturel à mesure qu’il cherchoit à s’en rapprocher. Dans cette extrémité, Protogène jeta de dépit contre son tableau une éponge (apparemment son essuie-main) empreinte de différentes couleurs, et cette éponge produisit sur le champ l’effet que le peintre cherchoit inutilement. Si l’on suppose quatre couches de couleurs, ou plutôt quatre peintures l’une sur l’autre faites à dessein de se succéder, il faudra supposer aussi que le hasard a amené quatre fois de suite la même singularité, par rapport à la représentation de l’écume ; et c’est ce que Pline ne dit point, et ce qu’il est absurde de penser. Le même prodige ne peut arriver quatre fois de suite ; et cependant il est nécessaire dans l’hypothèse qui admet quatre tableaux dans un seul : car dans ce cas tous les quatre tableaux devoient être aussi parfaits l’un que l’autre, puisqu’ils étoient faits pour se remplacer à mesure qu’ils périroient ; et par conséquent, puisque Protogène ne s’étoit pas trouvé assez de capacité pour peindre par lui-même de l’écume, dans le degré de vérité que la délicatesse de son goût exigeoit, il devoit à chaque tableau emprunter le secours de son éponge : ce qui n’est ni probable, ni possible. Ajoûtez que ces quatre tableaux auroient été tous quatre différens : le peintre n’auroit pû étendre une seconde couche de couleur sur la première peinture, sans tirer, pour ainsi dire, un voile qui lui auroit caché ce qu’il avoit peint précédemment : par conséquent il n’auroit peint son second tableau tout au plus que de mémoire. C’étoit, comme l’on voit, perdre son temps et sa peine : mais c’est demeurer trop longtemps sur un sujet qui ne semble pas devoir former une question. En se renfermant dans la pratique des bons coloristes d’aujourd’hui, le passage de Pline s’explique tout naturellement : je ne vois pas comment on pourroit l’entendre autrement que je viens de le proposer, et que je vais le résumer.
Protogène jaloux de la durée de ses ouvrages, et voulant faire passer le tableau de Ialysus à la postérité la plus reculée, le repeignit à quatre fois, y mettant couleurs sur couleurs, qui prenant par ce moyen plus de corps, devoient se conserver plus longtemps dans leur éclat, sans jamais disparoître. Car elles étoient disposées pour se remplacer, pour ainsi dire, l’une l’autre. C’est ainsi que Pline s’explique pour ce qui concerne le coloris.
Tocqué, Louis, « Sur la peinture et le genre du portrait », Conférence lue à l’Académie royale de peinture et de sculpture le 7 mars 1750(redac: 1750/03/07), p. 460 (fran)
Un habile homme ne quitte jamais prise qu’il n’ait atteint ce point de ressemblance et de vérité qui toujours est son objet. Quelquefois même, désespérant de se satisfaire, un mouvement de dépit lui devient favorable et lui fait trouver comme par hasard ce qu’il cherchait avec ardeur. Témoin, ce fameux peintre de l’Antiquité qui trouva par hasard le moyen d’imiter l’écume d’un cheval qu’il peignait en détrempe en jetant avec emportement une éponge humectée dans l’endroit du tableau où vainement il s’était efforcé de peindre cette écume.
Caylus, Anne-Claude Philippe de Tubières, comte de, « Réflexions sur quelques chapitres du XXXVe livre de Pline » (publi: 1759, redac: 1752:1753), « Du genre et de l’espèce des peintures anciennes » (numéro Seconde partie ) , p. 176 (fran)
Plusieurs critiques ont été occupés de la raison pour laquelle Pline a dit que Protogène tenoit une éponge lorsqu’il peignit son fameux tableau de Ialisys, sur lequel je me suis suffisamment étendu dans mon premier Mémoire sur Pline. En expliquant ce passage, j’ai comparé cette éponge à l’essui-main ou torche-pinceau dont nos peintres se servent aujourd’hui, ce n’étoit alors que pour me faire entendre plus aisément ; cependant j’avois raison, car les éponges en tenoient lieu aux Anciens ; non seulement ils s’en servoient pour essuyer leur plume en écrivant, d’où vient le mot incumbuit in spongiam, mais ils ne pouvoient se servir d’autre chose dans la peinture. Le banc d’œuf se desséchant avec une grande facilité, une éponge avoit plus de prise et nettoyoit les pinceaux plus sûrement et plus exactement. Protogène peignoit depuis longtemps cette écume, sans pouvoir parvenir à l’imiter, il avoit souvent essuyé son pinceau, et l’éponge se trouvant excessivement pleine de la couleur convenable, produisit par hasard, ce que tout le savoir de Protogène n’avoit pû opérer.
Caylus, Anne-Claude Philippe de Tubières, comte de, « Réflexions sur quelques chapitres du XXXVe livre de Pline » (publi: 1759, redac: 1752:1753), « Du caractère et de la manière des peintres grecs » (numéro Troisième partie) , p. 202 (fran)
- [1] Chap. X
Pline ne parle pas affirmativement, en attribuant à Néalcès le même bonheur avec son éponge, en peignant un cheval, que Protogène avoit éprouvé en représentant le chien de son Ialysus. [1] En effet, on auroit peine à croire la répétition d’un aussi heureux hasard.
Lacombe, Jacques, Dictionnaire portatif des beaux-arts ou abrégé de ce qui concerne l’architecture, la sculpture, la peinture, la gravure, la poésie et la musique(publi: 1752), art. « Protogène », p. 529-530 (fran)
Le tableau le plus fameux de ce peintre étoit l’Ialyse, chasseur fameux, qui passoit pour être un petit-fils du Soleil, et le fondateur de Rhodes. Il employa sept années de travail à cet unique morceau, et pendant tout ce temps, il prit un régime de vie extrêmement sobre, afin d’être plus capable de réussir. Cependant tant de précaution pensa lui être inutile. Il y avoit dans ce tableau, un chien qui faisoit surtout l’admiration des connoisseurs. Il s’agissoit de le représenter tout haletant et la gueule pleine d’écume ; depuis longtemps il y travailloit, et n’en étoit jamais content ; enfin de dépit, il jeta dessus l’ouvrage l’éponge dont il s’étoit servi pour l’effacer ; le hazard fit ce que l’art n’avoit pu faire, l’écume fut représentée parfaitement. Ce peintre peignoit avec beaucoup de vérité.
La Nauze, abbé de, Mémoire sur la manière dont Pline a parlé de la peinture(publi: 1759, redac: 1753/03/20), p. 240-241 (fran)
- [1] Plut. In Demetrio, p. 898. F. edit. Paris. Ælian. Variar. Hist. XII, 41
Pline, dit-on, représente le peintre mettant quatre couches de couleurs au tableau, pour en perpétuer la fraîcheur, afin qu’une couche venant à partir, il en succédât aussitôt une nouvelle : voilà toute la difficulté. Les uns prétendent que c’étoit là un secret admirable de l’ancienne peinture, qui s’est malheureusement perdu, et les autres soupçonnent ou quelque altération dans le texte, ou quelque faute de la part de l’écrivain. Sans donner aucune de ces extrémités, ne pourroit-on pas expliquer l’endroit de Pline autrement que par toutes ces croûtes imaginaires ? Protogène travailla pendant sept ans entiers à son magnifique tableau d’Ialysus [1] : dans ce long intervalle quatre fois il compta d’avoir fini l’ouvrage, et quatre fois il le reprit, pour l’empâter de plus en plus, et le mettre en état de braver l’injure des temps ; il voulut que le coloris, à mesure qu’il s’altéroit au-dessus par l’action de l’air, fût continuellement et insensiblement réparé par ce qui seroit au-dessous. C’est, je crois, le sens de la phrase latine : Huic picturae quater colorem induxit, subsidio injuriae et vetustatis, ut decedente superiore inferior succederent. Après tout, quand parmi ces différentes interprétations on choisiroit de préférence la plus avantageuse à Pline, qu’en résulteroit-il contre lui, sinon qu’il se seroit trompé sur le mécanisme de l’application des couleurs ? Mais ces sortes de connoissances pratiques, indispensables pour un ouvrier, ne sont pas ce qu’on exige d’un connoisseur : par conséquent, de quelque façon qu’on tourne le texte allégué, il ne sauroit infirmer les autres preuves de l’intelligence de Pline, dans ce qui concerne les merveilles du coloris.
La Nauze, abbé de, Mémoire sur la manière dont Pline a parlé de la peinture(publi: 1759, redac: 1753/03/20), p. 223 (fran)
Quand on lit ce qu’il raconte de Protogène, on est touché de voir ce peintre dans l’indigence au commencement de sa carrière, et de le voir ensuite ne rien rabattre d’une assiduité, d’une constance, d’une application qui sont sans exemple : pendant qu’il travaille à son magnifique tableau d’Ialysus, il ne prend pour toute ressource contre la faim et la soif, que de mauvais légumes trempés dans de l’eau, de peur de s’émousser l’imagination et le sentiment par une nourriture trop appétissante. On admire sa tranquillité à continuer son travail dans un faux-bourg de sa ville assiégée, et à répondre pour lors au roi Demetrius, qu’il savoit bien que ce prince venait faire la guerre aux Rhodiens, et non aux beaux arts.
La Nauze, abbé de, Mémoire sur la manière dont Pline a parlé de la peinture(publi: 1759, redac: 1753/03/20), p. 234 (fran)
S’il dit que Protogène ne pouvant venir à bout de peindre l’écume de la gueule d’un chien, jeta de dépit son éponge contre le tableau, et que le hasard opéra ce que l’art n’avoit pû faire, il connoît trop bien la nature pour se persuader que de pareils faits soient sujets à se répéter. Comme on voulait donc que Néalcès se fût trouvé depuis dans le même cas, pour l’écume de la bouche d’un cheval, Pline rapporte cette dernière histoire avec la restriction on dit, pour avertir qu’il n’en falloit rien croire. Nous pourrions même ajoûter aussi peu de foi à la première histoire qu’à la seconde, sans craindre de compromettre l’honneur de Pline. Des physiciens, et même des connoisseurs en fait de peinture, peuvent très bien, sans se faire beaucoup de tort, ignorer ce qui regarde le torche-pinceau des ouvriers, et raconter en pareille matière, sur la foi publique, une singularité sans conséquence, qu’ils auront négligée d’approfondir.
Caylus, Anne-Claude Philippe de Tubières, comte de, « De la peinture ancienne » (redac: 1753/11/10), p. 256-258 (fran)
Tous les interprètes – les uns en convenant que le fait était difficile à concevoir, d’autres qu’il était supérieur à tout ce qui s’est exécuté dans l’art – ont rendu le passage suivant de Pline d’une façon singulière. Vous en allez juger. Ils ont tous été persuadés que Protogène avait peint son tableau de Jalisus à quatre fois différentes dans le dessein de le garantir des injures du temps, et dans l’idée que la première couleur, ou pour mieux dire, selon leur explication, la première couche venant à tomber, il s’en trouvât une autre dessous qui prit sa place et successivement, quatre fois de suite.
Vous sentez mieux que moi, Messieurs, le ridicule d’une proposition pareille. Cependant, je crois devoir vous rendre compte des réflexions que j’ai faites sur ce passage et des moyens qui m’ont conduit à la vérité. Il me paraît que Pline, toujours attentif à caractériser les peintres dont il décrit les ouvrages, a voulu faire entendre que Protogène, qui dans la vérité n’épargnait aucun soin pour finir extrêmement ses ouvrages et était un autre Gérard Dou, avait repeint quatre fois son tableau de Jalisus pour le mettre, au moyen de cet empâtement, plus en état de résister à la fureur du temps. Cette pratique a été celle de tous les grands coloristes. Le Titien entre autres en a fait un usage constant ; il peignait à pleine couleur et quand il avait amené son ouvrage à un certain point, il le laissait reposer, et quelques temps après, il le reprenait et, répétant plusieurs fois la même opération, il rendait son tableau d’une force de coloris à laquelle personne n’a encore pu atteindre, comme il n’en est presque point dont les ouvrages se soient maintenus aussi longtemps dans leur première fraicheur. Les précautions nécessaires pour arriver à ce grand effet vous sont plus connues que moi. La discussion ne serait point à sa place et ne me conviendrait en aucune façon ; mais les peintures des anciens artistes devaient éprouver, quoique plus tard, ce qui arrive aux ouvrages de nos peintres modernes. Ce serait admettre une illusion que de penser autrement. Elles pourraient, l’huile n’étant pas la base de leur couleur, exiger moins d’attention pour les parties d’exécution. Mais elles éprouvaient toujours des altérations. La révolution des années y conduit tous les corps. Il est encore moins douteux que, parmi les peintres de la Grèce, il s’en est rencontré quelques-uns qui, plus jaloux de leurs ouvrages, apportaient plus de précaution dans leur travail. Protogène était certainement de ce nombre. Ainsi il empâtait ses ouvrages avec soin. Il passait sans peine jusqu’à sept années sur un même tableau. Ce procédé doit produire un froid excessif et fait au moins concevoir un grand terminé et un effet pareil à celui dont Léonard de Vinci nous a laissé des exemples ; mais il ne s’agit ici que de la manœuvre d’un seul tableau. Il faut suivre le passage.
Protogène connaissait parfaitement la nature et l’effet des couleurs dont il se servait. Celles qu’il couchait les premières, loin de faire tort à celles qui devaient les couvrir, aidaient au contraire à les soutenir et à leur procurer plus de corps et d’éclat. Tel est, il n’en faut point douter, le véritable sens du passage de Pline ; et ce qui achève de le démontrer, c’est une circonstance qui me reste à vous rapporter et qui présenterait un fait impossible si l’on n’admettait pas cette explication. Pline observe qu’il y avait, dans le tableau de Jalisus, un chien sur lequel le hasard avait produit une des vérités d’imitation qu’il n’est pas toujours dans le pouvoir de l’art de bien saisir. Le peintre intelligent, voulant représenter un animal essoufflé, avait entrepris de faire sortir de l’écume de sa gueule ; il avait travaillé à plusieurs reprises et toujours sans succès ; les touches de son pinceau, trop lourdes et trop comptées, semblaient s’éloigner du naturel à mesure qu’il cherchait à s’en rapprocher. Dans cette extrémité, Protogène jeta de dépit contre son tableau une éponge – apparemment son essuie-main – remplie de la couleur qu’il employait depuis longtemps ; et cette éponge produisit sur le champ l’effet que le peintre cherchait inutilement. Si l’on suppose quatre couches de couleurs, ou plutôt quatre peintures l’une sur l’autre faites à dessein de se succéder, il faudra supposer aussi que le hasard a amené quatre fois de suite la même singularité par rapport à la représentation de l’écume, et c’est ce que Pline ne dit point et qu’il est absurde de penser. Le même prodige ne peut arriver quatre fois de suite ; et cependant, c’est une nécessité dans l’hypothèse qui admet quatre tableaux dans un seul. Car dans ce cas, tous les quatre tableaux devaient être également parfaits pour se remplacer à mesure qu’ils périraient, et par conséquent Protogène, ne s’étant pas trouvé assez de talent pour peindre de l’écume dans le degré de vérité que la délicatesse de son goût exigeait, il devait à chaque tableau emprunter les secours de son éponge, ce qui n’est ni probable, ni possible. Ajoutez encore que les quatre tableaux avaient été différents ; le peintre n’aurait pu mettre une seconde couche de couleur sur la première peinture sans tirer pour ainsi dire un voile qui lui aurait caché ce qu’il avait peint précédemment. Par conséquent, il n’aurait exécuté son second tableau pour ainsi que dire de mémoire. C’était, comme on le voit, perdre son temps et sa peine. Mais c’est demeurer trop longtemps sur un sujet qui ne semble pas devoir former une question. En se renfermant dans la pratique des bons coloristes d’aujourd’hui, le passage de Pline s’explique tout naturellement et de la façon dont je vais vous en rapporter la traduction. Protogène, jaloux de la durée de ses ouvrages, et voulant faire passer le tableau de Jalisus à la postérité la plus reculée, le repeignit à quatre fois, y mettant couleur sur couleur qui, prenant par ce moyen plus de corps, devaient se conserver plus longtemps dans leur éclat et empêchaient de craindre que les couleurs disparussent, car elles étaient disposées pour se remplacer pour ainsi dire l’une l’autre.
Du Perron, Discours sur la peinture et sur l’architecture(publi: 1758), « Des avantages de la peinture, de son application à l’architecture » (numéro Seconde partie) , p. 57-58 (fran)
Protogênes* contemporain d’Apelles, osa mépriser cet avantage, il habitoit une cabane et y exposoit au hazard ses admirables productions, elles étoient oubliées et méprisées. Cet inimitable tableau de Ialise, placé depuis à Rome dans le Temple de la Paix, n’attiroit chez l’artiste aucun regard, il lui falloit la magnificence d’un édifice et les secours de l’architecture pour piquer la curiosité des spectateurs.
* Protogênes, natif de la ville de Caune en Cilicie, florissoit vers la CXVII. Olympiade, et l’an 308 avant Jesus-Christ. Celui de ses ouvrages qui lui a fait le plus d’honneur est le tableau de Ialisus, fameux chasseur de l’Isle de Rhodes. Appelles fut si surpris de la beauté de ce tableau, qu’il avoua n’avoir jamais rien vû qui l’égalât. Protogênes, pour en conserver la durée, le couvrit de quatre couches de couleurs, afin que le tems en effaçant une, il s’en trouvât une autre toute fraîche. On y voyoit un chien échauffé, dont l’écume étoit admirablement représentée, et qui devoit sa perfection au hazard. Felibien.
« La fortune (dit Michel de Montaigne), surpassa Protogênes en la science de son art. Celui-ci ayant parfaict l’image d’un chien, las et recreu, a son contentement en toutes les autres parties, mais ne pouvant representer à son gré l’escume et la bave. Despité contre sa besongne, prit son esponge, et comme elle estoit abbreuvée de diverses peintures, la jetta contre, pour tout effacer : la fortune porta tout à propos le coup à l’endroit de la bouche du chien, et y parfournit ce à quoy l’art n’avoit peu atteindre. »
Jaucourt, Louis de, Encyclopédie, art. « Peintres grecs », tome XII(publi: 1765), p. 263 (fran)
Tous les Historiens parlent de ce fameux tableau qui lui coûta sept ans de travail, de l’Iabise, chasseur célebre, petit-fils du Soleil, et qui passoit pour le fondateur de Rhodes. Protogène, jaloux de la durée de ses ouvrages, et voulant faire passer le tableau d’Iabise à la postérité la plus reculée, le repeignit à quatre fois, mettant couleurs sur couleurs, qui prenant par ce moyen plus de corps, devoit se conserver plus long-tems dans leur éclat, sans jamais disparoître ; car elles étoient disposées pour se remplacer, pour ainsi dire, l’une l’autre. C’est ainsi que Pline s’explique, comme le remarque M. le comte de Caylus, pour caractériser le coloris de ce célebre artiste. On admiroit en particulier dans ce tableau l’écume qui sortoit de la gueule du chien ; ce qui n’étoit pourtant, dit-on, qu’un coup de hasard et de desespoir du peintre.
Falconet, Etienne, Traduction des XXXIV, XXXV et XXXVI livres de Pline l’Ancien, avec des notes(publi: 1772), t. I, p. 167-168; 379-382 (fran)
Son Ialise, qui est à Rome, consacré dans le Temple de la Paix, l’emporte sur tous ses autres tableaux. On dit que tandis qu’il le peignit, il ne vécut que de lupins trempés, qui satisfaisoient à la fois la faim et la soif ; régime observé pour que son esprit ne s’émoussât point par une nourriture trop délicate. Il mit à ce tableau quatre couleurs l’une sur l’autre, pour le défendre des injures du tems et de la vétusté, afin qu’une couleur venant à tomber, l’autre la remplaçât. Il y a dans ce tableau un chien fait d’une manière surprenante, attendu que le hazard y eut aussi part. Protogénes assez content des autres parties, ce qui lui arrivoit très rarement, ne trouvoit pas qu’il eût bien exprimé l’écume d’un chien haletant. Le soin qu’il avoit pris lui déplaisoit ; il ne pouvoit en prendre moins ; cependant il lui en paroissoit trop, l’art s’éloignoit de la vérité ; l’écume n’étoit que peinte, elle ne sortoit pas de la gueule. Tourmenté d’inquiétude, parce que dans son ouvrage il vouloit la vérité et non la vraisemblance, il éffaçoit souvent, il changeoit de pinceau et rien ne le contentoit. Enfin, dépité contre l’art parce qu’il s’appercevoit, il jetta son éponge remplie de couleurs sur cet endroit qui lui déplaosoit tant, et l’éponge replaça les couleurs comme le désiroit son exactitude. Ce fut ainsi que le hazard imita la nature (63). Néalcès réussit, dit-on, pareillement, en jettant son éponge pour faire l’écume d’un cheval, lorsqu’il peignoit ce cheval retenu par un cavalier, qui le sifloit pour l’arrêter. Ainsi et Protogénes et le hazard, eurent tous deux part à ce chien.
Notes, p. 379-382 : (63) C’est ce même tableau qu’il fut, dit Plutarque, sept ans à faire. Un écrivain qui remarque la longueur excessive du temps employé à un ouvrage qu’il traite de chef-d’œuvre, et à qui il ne vient pas à la pensée qu’une telle production pouvoit bien être froide et traitée d’une manière mesquine, ne montre aucun goût ni aucune idée des procédés de l’art. Quant à Pline, nous lui demanderons si l’écume de ce chien avoit les quatre couches de couleur ; si Protogènes avoit jeté l’éponge à la tête des quatre chiens, ou si c’étoit au premier, ou au second, ou au troisième, ou seulement au quatrième ? Si ce n’étoit qu’à ce dernier, le peintre manquoit son objet, la postérité ; puisque cette écume de la façon de l’éponge venant à tomber, celles qui devoient lui succéder à la gueule des trois autres chiens eussent été plus mal peintes : Protogènes, qui travailloit si longtemps un tableau, ne le travailloit pas encore assez longtemps. Il résulteroit aussi de là que tous les peintres anciens qui ne peignoient pas ainsi, ne peignoient pas pour la postérité : et puis, quel thème d’amplification que cette tirade sur un peu d’écume ! Il nous prouve seulement que Protogène ne savoit pas peindre ce que nos peintres font en badinant et qu’on laisse admirer aux badauts sans s’amuser à en parler. Tous ces gens-là avoient aussi leurs faiblesses ; quels travers de ne vouloir pas en convenir ! En avoient-ils moins leurs beautés sublimes ? Néalcès jetta aussi son éponge à la bouche du cheval qu’il peignait, et il en obtint le même effet. Quelques modernes l’ont écrit d’Apelles. Je ne sais s’ils l’ont lu chez les Anciens : à moins que ce ne soit dans Sextus Empiricus (Pyrrhon. Hipot. Lib. I. cap. 10) mais toujours est-il certain, que ces sortes de contes, une fois trouvés, s’arrangent comme ils peuvent dans la mémoire des hommes soit Anciens, soit Modernes.
D’ailleurs cette manière de s’exprimer il mit quatre couleurs l’une sur l’autre, quater colorem induxit, n’est point celle d’un connoisseur qui écrit. 1° Parce qu’elle ne présente à l’esprit aucun des procédés de l’art. 2° Parce qu’elle n’est pas claire. 3° Parce qu’elle est triviale, et qu’elle est dans les termes dont on se serviroit pour l’impression d’une toile. Peut-être Protogénes a-t-il ébauché et empâté trois fois son tableau avant de le finir ; opération cependant qui demande de la chaleur. Mais s’il a peint quatre tableaux finis l’un sur l’autre, étoit-ce un peintre ? Pline ne voit pas combien cette marche et ces petits moïens sont oposés aux ressorts, à l’esprit, aux procédés de l’art : la fatigue et l’ennui devoient au moins sauter aux yeux dans ce triste chef-d’œuvre. M. de Caylus, tom. 19 des Mém. de l’Acad., s’est donné beaucoup de peine pour prouver que ce tableau de Protogènes étoit colorié comme un Titien, et pour faire croire que Pline en a bien parlé. On peut voir comment notre amateur a réussi.
Le Père Hardouin dit bravement dans sa note sur ce passage, qu’il croit que cette adresse est un secret caché aux peintres d’aujourd’hui. Oh ! très caché, et tout aussi caché pour eux, qu’il l’étoit aux Titien, aux Corrège, aux Paul Véronèse, aux Rubens, aux van Dyck, etc., et l’on peut lui répondre, qu’ils ne le chercheront pas.
On trouve dans l’Encyclopédie une observation sur ce procédé de Protogènes ; la voici.
« Protogènes, jaloux de la durée de ses ouvrages, et voulant faire passer le tableau d’Ialise à la postérité la plus reculée, le répeignit à quatre fois, mettant couleurs sur couleurs, qui prenant par ce moïen plus de corps, devoient se conserver plus longtemps dans leur éclat, dans jamais disparaître ; car elles étoient disposées pour se remplacer, pour ainsi dire, l’une l’autre. C’est ainsi que Pline s’explique, comme le remarque M. le Comte de Caylus, pour caractériser le coloris de ce célèbre artiste. » Il y a deux remarques à faire sur ce passage. 1° La méthode de répeindre, en empâtant ses couleurs, peut bien assurer plus de durée à la couleur, et lui donner plus de corps : mais on ne peut pas dire que cette méthode caractérise le coloris ; parce qu’il faudroit prémièrement savoir si le peintre a du coloris. La couleur se trouve chez le marchand, le coloris sur le tableau quand le peintre en a. Protogènes en avoit-il ? 2° Je ne trouve pas que Caïus Plinius Secundus ait parlé du tableau de Protogènes comme en parle l’observation ci-dessus : ce sera donc un autre Pline, que je ne connois pas.
Nougaret, Pierre Jean Baptiste ; Leprince, Thomas , Anecdotes des beaux-Arts, contenant tout ce que la peinture offre de plus piquant chez tous les peuples du monde(publi: 1776), t. I, p. 220-221 (fran)
Protogène fut sept ans à faire un tableau représentant le chasseur Ialise, fondateur d’une ville dans l’Ile de Rhodes. Pendant qu’il travailloit à cet ouvrage, ne pouvant rendre à son gré l’écume qui sortoit de la gueule d’un chien haletant, il jeta de dépit contre l’ouvrage son éponge imbibée des couleurs qu’il avoit essuyées de ses pinceaux ; il arriva que le hasard en fit plus que tous ses efforts : l’éponge alla directement frapper contre la gueule du chien, et les couleurs qui en rejaillirent formèrent une écume admirable, que l’art n’auroit jamais pu imiter aussi parfaitement.
La première fois qu’Apelle vit cet excellent tableau, il fut si surpris et si transporté d’admiration, que la voix lui manqua tout à coup ; enfin revenu à lui-même, il s’écria : « Travail qui surpasse l’effort humain, chef-d’œuvre de l’art ! Il ne te manque que ce je ne sais quoi, ces grâces, que je donne à tous mes ouvrages ». Protogène voulant assurer à son tableau du Yalyse une durée qui surpassât celle de tous les ouvrages de peinture, le couvrit de quatre couches différentes, afin qu’à mesure que le temps effaceroit une couleur, il en parût une autre aussi fraîche que l’ancienne.
Pendant les sept années qu’il travailla à cet ouvrage, il ne vécut que de pommes de terre bouillies dans l’eau, qui appaisoient en même temps la faim et la soif : il craignoit qu’une nourriture plus succulente ne troublât la vivacité de ses idées, et ne le détournât de son application.
Arnaud, François, Mémoire sur la vie et les ouvrages d’Apelle(redac: 1783/06/02), t. III, p. 180-181 (fran)
Si nous en croyons Dion Chrysostome, Apelle dut au hasard un effet bien singulier. Il peignait un cheval revenant d’une bataille ; le coursier avait la tête haute, les crins agités, l’œil ardent, les oreilles dressées ; ses naseaux élargis et fumants, respiraient encore le combat. Impatient du repos, il s’agitait, il se balançait, ses pieds touchaient à peine la terre ; le cheval vivait, il n’y avait plus qu’à peindre l’écume, dont le mouvement du mors, la chaleur et la fatigue devaient lui couvrir la bouche ; mais vainement, pour l’imiter, Apelle tourmentait ses pinceaux et sa palette ; il faisait, il effaçait, il refaisait. Enfin, las et dépité de l’inutilité de ses tentatives, il prend l’éponge, dont il se servait pour nettoyer ses pinceaux, et la jette sur la toile. L’éponge encore imbibée de différentes couleurs frappe précisément autour du mors, et l’impression qu’elle laisse devient l’imitation fidèle et parfaite de l’objet, que tout l’art du peintre n’avait pas pu rendre. Ce que Dion Chrysostome nous raconte ici d’Apelle, arriva, si l’on en croit Pline, à Néalcès, peignant aussi un cheval, et à Protogène peignant un chien ; et comme il est impossible que de pareils coups de hasard se répètent, il faut mettre le récit de Dion et celui de Pline au nombre de ces fables, qu’on serait moins étonné de rencontrer dans les grands écrivains de l’Antiquité, si l’on faisait attention que les anciens aimaient à croire que la fortune se mêlait aux entreprises de tous les grands hommes.
Pauw, Cornélius de, Recherches philosophiques sur les Grecs(publi: 1788), « Considérations sur l’état des beaux-arts à Athènes », §1, « De la peinture, et de la Vénus et Cos et de Gnide » (numéro III, 7) , t. II, p. 76 (fran)
De tout cela il s’ensuit que le point le plus avantageux où un artiste grec pouvoit se placer, consistoit à ne représenter qu’une seule figure, qui ne choquoit jamais sensiblement les règles de la perspective : aussi est-il aisé d’observer que les tableaux qui ont été le plus généralement applaudis, ne contenoient qu’une seule figure, telle que le Ialyse de Protogène, la Vénus d’Apelle, et la Glycère de Pausias.
Watelet, Claude-Henri ; Levesque, Pierre-Charles, Encyclopédie méthodique. Beaux-Arts(publi: 1788:1791), art. « Couche », vol. 1, p. 157-158 (fran)
Ce mot signifie en peinture un enduit de couleur qu’on met sur des treillages, des trains de carosses, des auvents etc, sur des planches, sur des murailles, sur des toiles avant de peindre dessus. On appelle cette façon d’enduire, imprimer. Cette toile, dit-on, n’a eu qu’une couche de couleur. On dit bien en peinture coucher la couleur. Avant de fondre les couleurs, il faut qu’elles soient couchées : mais on ne dit pas : ce tableau a eu trois couches de couleurs, pour exprimer qu’il a été repeint trois fois sur l’ébauche (ancienne Encyclopédie).
On pourroit employer ce mot, si l’on peignoit comme Pline prétend que Protogene peignit son Ialise. « Il mit, dit-il, à ce tableau quatre couleurs l’une sur l’autre, pour le défendre des injures du tems et de la vétusté, afin qu’une couleur venant à tomber l’autre lui succédât. » Il faut donc croire, sur la foi de Pline, que Protogene fit quatre fois sur la même planche ce même tableau, copiant toujours avec la plus froide exactitude, sur la couche supérieure ce qu’il avait fait sur la couche inférieure.
« Cette manière de s’exprimer, dit M. Falconet, il mit quatre couleurs l’une sur l’autre, n’est point celle d’un connoisseur ; 1° parce qu’elle ne présente à l’esprit aucun des procédés de l’art ; 2° parce qu’elle n’est pas claire ; 3° parce qu’elle est triviale, et qu’elle est dans les termes dont on se serviroit pour l’impression d’une toile. Peut-être Protogene a-t-il ébauché et empâté trois fois son tableau avant de le finir ; opération qui demande de la chaleur : mais s’il a peint quatre tableaux finis l’un sur l’autre, étoit-ce un peintre ? Pline ne voit pas combien cette marche et ces petits moïens sont oposés aux ressorts, à l’esprit, aux procédés de l’art : la fatigue et l’ennui devoient au moins sauter aux yeux dans ce triste chef-d’œuvre. »
Il y avoit un chien dans ce tableau, et le peintre ne pouvoit exprimer d’une manière satisfaisante la bave de ce chien haletant. Dans sa colère, il jetta son éponge chargée de couleur contre cette partie, et ce hazard produisit ce que son travail et son adresse n’avoient pu rendre. Mais, dit plaisamment M. Falconet, « la bave du chien avoit-elle les quatre couches de couleur, ou Protogène avoit-il jetté successivemnet l’éponge aux quatre chiens ? »
Watelet, Claude-Henri ; Levesque, Pierre-Charles, article « Peinture chez les Grecs », Encyclopédie méthodique. Beaux-Arts(publi: 1788:1791), p. 648 (fran)
Sa première pauvreté lui fit contracter une vie dure qui fut utile à son talent. Pendant tout le temps qu’il employa à peindre son Ialysus, il ne vécut que de lupins détrempés pour satisfaire sa soif et sa faim. Ce Ialysus étoit un chasseur, comme on peut en juger par le chien qui l’accompagnoit. Pline raconte « que Protogene mit à ce tableau quatre couleurs l’une sur l’autre, pour le défendre de l’injure du temps et de la vétusté, afin qu’une couleur venant à tomber, l’autre lui succédât. » M. Falconet, dont nous avons transcrit ici la traduction qui est précise, observe justement toute la froideur du procédé de peindre quatre tableaux l’un sur l’autre. En effet, de la manière dont Pline s’exprime, le quatrième, le troisième, le second tableau, n’étoient que des copies scrupuleuses du premier qui devoit n’être vu qu’après que les trois autres auroient été détruits par le temps. On sait que quand un peintre traite deux fois le même sujet de la même manière, on préfère le premier tableau à celui qu’on appelle un double, parce que celui-ci n’a pas toute la chaleur, toute la liberté de la première composition. Que faut-il donc penser de quatre tableaux peints l’un sur l’autre, dans lesquels chaque trait, chaque touche devoit être la représentation fidèle de la touche qu’elle couvroit ?
Pline ajoute que plus le peintre mettoit de soin à bien représenter la bave du chien haletant, & moins il étoit satisfait de son travail; qu’enfin dans un moment d’impatience, il jetta sur cet endroit l’éponge remplie de couleurs avec laquelle il essuyoit ses pinceaux, et que le hasard imita parfaitement la nature. M. Falconet demande si Protogenes jetta quatre fois l’éponge avec le même succès, sur les quatre tableaux qui se couvroient l’un l’autre.
Tous ces faits, rapportés par des auteurs qui vivoient longtemps après l’artiste, ne méritent aucune confiance. Le conte de l’éponge jettée pour produire de la bave ou de l’écume, est rapporté de plusieurs peintres, et peut n’être vrai d’aucun. Il peut bien être vrai que Protogenes ait peint quatre fois son Ialysus, mettant couleur sur couleur, et ce procédé connu des artistes, mais mal entendu par Pline, aura été mal exprimé par cet écrivain. Que le peintre ait mis sept ans à faire la seule figure du Ialysus, cela est encore peu vraisemblable. C’étoit un artiste très-soigneux, et incapable de laisser sortir de son attelier un ouvrage dont il n’auroit pas été satisfait : il devoit donc mettre à peu-près le même soin à tous ses tableaux. Or, on sait qu’il a peint dans le vestibule du temple de Minerve, Paralus, inventeur des vaisseaux à trois rangs de rames, et Nausicaa qu’on appelloit la muletiere, parce qu’elle conduisoit une voiture tirée par des mulets, sujet fourni par l’Odyssée : qu’il a peint un satyre en repos, Cydippe, Tlépoleme, Philiscus, poëte tragique, occupé à composer une tragédie, un Athlete, le Roi Antigone, le portrait de la mère d’Aristote, le dieu Pan, Alexandre, plusieurs sujets de la vie de ce héros ; et sans doute d’autres tableaux, dont les noms ne sont point parvenus jusqu’à nous. Voilà du moins treize tableaux connus, à n’en compter que deux pour les actions d’Alexandre, et les sujets de plusieurs de ces tableaux exigeoient bien plus d’ouvrage que celui du Ialysus : supposons cependant qu’il les ait un peu moins travaillés, et qu’il n’ait mis que cinq ans à chacun ; voilà soixante et cinq années de sa vie occupées par ces ouvrages. Mais il ne fit longtemps que peindre des vaisseaux, et ne devoit pas avoir moins de vingt-cinq à trente ans quand il commença à faire des tableaux : voilà donc une vie de quatre-vingt-dix à quatre-vingt-quinze ans occupée toute entière. Quand donc Protogenes a-t-il fait les autres ouvrages dont Pline ne nous a pas conservé le catalogue ? Quand a-t-il fait ses figures de bronze ? Car il étoit à la fois peintre & statuaire.
On savoit que Protogenes finissoit excessivement ses tableaux ; on savoit qu’Apelles lui reprochoit de ne savoir pas s’arrêter ; et sur ce fondement, on aura établi le récit des sept années employées au Ialysus.
Cicognara, Leopoldo, Del bello, ragionamenti (publi: 1808), p. 90 (italien)
Ma è vero che si combinano anche per un certo movimento e impulso fortuito fra loro, come qualche volta per un colpo di scarpello fortunato, o pel gitto della spugna in faccia al Cavallo d'Apelle, si combinano alcuni rapporti sorprendenti, e certe proporzioni, e certi tratti che constituiscono una Bellezza assoluta. I Gabinetti di Storia Naturale ne offrono migliaia di esempi dove la Natura, per così dire scherzando bizzarramente, pare che si compiaccia qualche volta d'imitare le produzioni dell'Arte; e non sempre, ma qualche volta queste irregolarità, questi scherzi sono combinati con quella proporzion fortunata che costituisce la vera Bellezza.