Protogène et Démétrios
Bibliographie
Images
Thévet, André, Les vrais pourtraits et vies des hommes illustres grecs, latins et paiens(publi: 1584), chapitre 92, « Eudes de Monstreul », fol. 503v (fran)
- [1] Stagyre sauvée par Aristote, et Rhodes par Protogenes
Quoy plus ? L’admirable industrie de Protogenes ravit tellement Demetrie, que pour l’amour de luy il ne voulut ruiner la ville de Rhodes, si bien que par sa peinture il maitrisa le cœur de ce victorieux : [1] aussi bien qu’Aristote par son divin sçavoir celuy de son disciple Alexandre lequel (ainsi que j’ay dit ailleurs) pour le seul respect de ce Prince des Philosophes ne se contenta point de se reconcilier avec ceux de Stagyre, ains voulut la rebastir, repeupler et renouveler. Voire mais qu’est-il besoin de publier tellement les loüanges de ces peintres, puisque nous n’avons pas icy affaire à un simple pourtrayeur, ainsi à celuy, qui peut de soy mesmes, sans faire tort à autruy, devancer la bande des anciens statuaires et architectes ?
Giustiniani, Leonardo, Epistola Leonardi Justiniani ad Cypri Reginam(publi: 1757, redac: :(1446)), p. 78-79 (latin)
Demetrius ille cognomento Poliorcetes clarissimi pictoris Protogenis opera, summa cum admiratione conspicatus, tanta captus est voluptate, ut cum in obsidione Rhodiorum, quibus erat infensissimus, Protogenis imagines in potestatem redegisset, summis habuerit honoribus, et pictoris nobilissimi, jam mortui, gratia, oppugnationem omiserit, civitatique perpecerit.
Giustiniani, Leonardo, Epistola Leonardi Justiniani ad Cypri Reginam. Laus picturae, p. 125 (trad: "Les humanistes à la découverte de la composition en peinture : 1340-1450" par Brock, Maurice)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Démétrius surnommé Poliorcète, qui voyait avec la plus grande admiration les œuvres de l’illustre peintre Protogène, y trouvait tant de plaisir que, lorsque, assiégeant les Rhodiens, auxquels il était très hostile, il se fut emparé des images de Protogène, il les entoura des plus grands honneurs, et, par égard pour un très noble peintre, alors mort, il leva l siège et épargna la cité.
Commentaires : Leonardo Giustiniani, Lettre à la reine de Chypre, avant 1446, in Joannes Baptista Maria Contarenus, Anecdota Veneta, I, Venise, 1757, p. 78-79 : Trad. Baxandall, 1971, p. 125
Plutarque (Πλούταρχος), Ἠθικὰ (Moralia) (redac: (50):(125), trad: 1972:2004) (ΒΑΣΙΛΕΩΝ ΑΠΟΦΤΕΓΜΑΤΑ ΚΑΙ ΣΤΡΑΤΗΓΩΝ, ΔΗΕΜΕΤΡΙΟΣ, 1 (Reinach 495)), t. III, p. 56 (grecque)
Ῥοδίους δὲ πολιορκῶν ὁ Δημήτριος ἔλαβεν ἔν τινι προαστείῳ πίνακα Πρωτογένους τοῦ ζωγράφου τὸν Ἰάλυσον γράφοντος· ἐπικηρυκευσαμένων δὲ τῶν Ῥοδίων καὶ φείσασθαι τοῦ πίνακος παρακαλούντων, ἔφη μᾶλλον τὰς τοῦ πατρὸς εἰκόνας ἢ τὴν γραφὴν ἐκείνην διαφθεῖραι.
Commentaires :
2 sous-textesReinach, Adolph (éd.), Textes grecs et latins sur la peinture ancienne. Recueil Milliet, (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Pendant le siège de Rhodes, Démétrios s’empara dans un faubourg du tableau où le peintre Protogène avait représenté Ialysos. Les Rhodiens lui ayant envoyé un héraut pour le prier d’épargner le tableau, il répondit qu’il laisserait plutôt détruire les images de son père qu’une pareille peinture.
Plutarque (Πλούταρχος), Ἠθικὰ (Moralia) , (trad: 1972:2004), t. III, p. 56 (trad: "Œuvres morales " par Frazier, Françoise; Fuhrman, François; Sirinelli, Jean en 1972:2004)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Assiégeant Rhodes, Démétrios prit, dans l'un des faubourgs, un tableau du peintre Protogénès, où celui-ci représentait Ialysos; les Rhodiens lui ayant demandé un héraut pour le supplier d'épargner le tableau, il répondit qu'il détruirait plutôt les portraits de son père que cette peinture.
Plutarque (Πλούταρχος), Βίοι Παράλληλοι (redac: (68):(117), trad: 1957:1993) ("Vie de Démétrius", 22, 898D (Reinach 494)), t. XIII, p. 42 (grecque)
1 Εὐρώστως δὲ τῶν Ῥοδίων ἀμυνομένων, οὐδὲν ἄξιον λόγου πράττων ὁ Δημήτριος ὅμως ἐθυμομάχει πρὸς αὐτούς, ὅτι Φίλας τῆς γυναικὸς αὐτῷ γράμματα καὶ στρώματα καὶ ἱμάτια πεμψάσης, λαβόντες τὸ πλοῖον ὥσπερ εἶχε πρὸς Πτολεμαῖον ἀπέστειλαν, 2 καὶ τὴν Ἀθηναίων οὐκ ἐμιμήσαντο φιλανθρωπίαν, οἳ Φιλίππου πολεμοῦντος αὐτοῖς γραμματοφόρους ἑλόντες, τὰς μὲν ἄλλας ἀνέγνωσαν ἐπιστολάς, μόνην δὲ τὴν Ὀλυμπιάδος οὐκ ἔλυσαν, ἀλλ' ὥσπερ ἦν κατασεσημασμένη πρὸς ἐκεῖνον ἀπέστειλαν. 3 Οὐ μὴν ἀλλὰ, καίπερ ἐπὶ τούτῳ σφόδρα δηχθεὶς ὁ Δημήτριος εὐθὺς παρασχόντας λαβὴν οὐχ ὑπέμεινεν ἀντιλυπῆσαι τοὺς Ῥοδίους. Ετυχε γὰρ αὐτοῖς ὁ Καύνιος Πρωτογένης γράφων τὴν περὶ τὸν Ἰάλυσον διάθεσιν, καὶ τὸν πίνακα μικρὸν ἀπολείποντα τοῦ τέλος ἔχειν ἔν τινι τῶν προαστίων ἔλαβεν ὁ Δημήτριος. 5 Πεμψάντων δὲ κήρυκα τῶν Ῥοδίων καὶ δεομένων φείσασθαι καὶ μὴ διαφθεῖραι τὸ ἔργον, ἀπεκρίνατο τὰς τοῦ πατρὸς ἂν εἰκόνας ἐμπρῆσαι μᾶλλον ἢ τέχνης πόνον τοσοῦτον. Επτὰ γὰρ ἔτεσι λέγεται συντελέσαι τὴν γραφὴν ὁ Πρωτογένης. 6 Kαί φησιν Ἀπελλῆς οὕτως ἐκπλαγῆναι θεασάμενος τὸ ἔργον, ὥστε καὶ φωνὴν ἐπιλιπεῖν αὐτόν, ὀψὲ δ' εἰπεῖν ὅτι "μέγας ὁ πόνος καὶ θαυμαστὸν τὸ ἔργον", οὐ μὴν ἔχειν γε χάριτας δι' ἃς οὐρανοῦ ψαύειν τὰ ὑπ' αὐτοῦ γραφόμενα. 7 Ταύτην μὲν οὖν τὴν γραφὴν εἰς ταὐτὸ ταῖς ἄλλαις συνωσθεῖσαν ἐν Ῥώμῃ τὸ πῦρ ἐπενείματο.
Reinach, Adolph (éd.), Textes grecs et latins sur la peinture ancienne. Recueil Milliet, (n°494)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Les Rhodiens se défendaient avec tant de courage que le siège n’avançait point ; néanmoins Démétrius s’opiniâtrait à le continuer, irrité qu’il était contre les Rhodiens, parce qu’ils avaient pris un vaisseau qui portait des lettres, des tapisseries et des vêtements que Phila, sa femme, lui faisait passer, et l’avaient envoyé à Ptolémée avec toute sa charge, n’imitant point en cela l’honnêteté des Athéniens, qui, ayant arrêté les courriers de Philippe, avec qui ils étaient en guerre, ouvrirent toutes les lettres qu’ils portaient, mais ne touchèrent point à celles d’Olympias, qu’ils renvoyèrent sans les avoir décachetées. Toutefois, Démétrius, malgré son ressentiment, ne saisit point, pour se venger des Rhodiens, une occasion qu’ils lui fournirent bientôt eux-mêmes. Protogène le Caunien peignait alors un trait de l’histoire d’Ialysus. L’ouvrage était sur le point d’être achevé, lorsque Démétrius se rendit maître du faubourg où travaillait Protogène, et emporta le tableau. Les Rhodiens lui envoyèrent sur-le-champ un héraut pour le supplier d’épargner un si bel ouvrage, et de ne point souffrir qu’il fût gâté. « Je brûlerais plutôt tous les portraits de mon père, répondit Démétrius, que de détruire ce chef-d’œuvre de l’art. » On dit que Protogène employa sept ans à faire ce tableau, et qu’Apelles fut tellement frappé, lorsqu’il le vit pour la première fois, qu’il demeura longtemps sans mot dire ; qu’enfin, revenu de son étonnement, il s’écria : « Le beau travail ! l’admirable ouvrage ! il y manque pourtant cette grâce qui seule pourrait élever les tableaux de Protogène jusqu’aux cieux. » Ce tableau, porté depuis à Rome avec un grand nombre d’autres, périt dans un incendie.
Plutarque (Πλούταρχος), Βίοι Παράλληλοι , (trad: 1957:1993), t. XIII, p. 42 (trad: "Vies parallèles " par Robert Flacelière et Emile Chambry, en 1957:1993)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
1 Les Rhodiens se défendant vigoureusement, Démétrios ne faisait aucun progrès digne de mention, mais il continuait la lutte par rancune, parce que, Phila, sa femme, lui ayant envoyé des lettres des couvertures et des vêtements, les Rhodiens avaient pris le navire et l’avaient expédié tel quel à Ptolémée. 2 Ils n’imitèrent pas en cela la courtoisie des Athéniens, qui s’étant emparés du courrier de Philippe, avec qui ils étaient en guerre, lurent toutes les lettres, sauf celle d’Olympias qu’ils n’ouvrirent pas et lui renvoyèrent cachetée comme elle était. 3 Cependant, bien qu’il fût vivement irrité de ce procédé, Démétrios ne saisit pas une occasion de se venger que lui offrirent bientôt les Rhodiens : 4 il se trouva en effet que Protogène de Caunos peignait pour eux une composition relative à Ialysos, et que Démétrios prit dans un des faubourgs de la ville le tableau, qui était tout près d’être achevé. 5 Les Rhodiens lui envoyèrent un héraut pour le prier d’épargner et de ne pas détruire cet ouvrage ; il répondit qu’il brûlerait plutôt les portraits de son père qu’une si belle œuvre d’art. On dit que Protogène avait passé sept ans à faire son tableau, 6 et Apelle déclara qu’il fut si frappé en le voyant que la voix d’abord lui fit défaut et qu’enfin, après un moment, il s’écria : « Quel grand travail ! Quel ouvrage admirable ! » tout en ajoutant qu’il y manquait cependant les charmes qui élevaient jusqu’au ciel ses propres œuvres. 7 Ce tableau de Protogène, entassé avec les autres dans un même local, fut consumé à Rome dans un incendie.
Pline l'Ancien (Gaius Plinius Secundus), Naturalis Historia(redac: 77, trad: 1950:1998) (VII, 126), p. 85 (latin)
Rhodum non incendit rex Demetrius expugnator cognominatus, ne tabulam Protogenis cremaret a parte ea muri locatam.
Reinach, Adolph (éd.), Textes grecs et latins sur la peinture ancienne. Recueil Milliet, (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Le roi Démétrius, surnommé le preneur de villes, ne mit pas le feu à Rhodes, de peur de brûler in tableau de Protogène, qui était placé du côté du rempart où il attaquait.
Pline l'Ancien (Gaius Plinius Secundus), Naturalis Historia, liber XXXV(redac: 77, trad: 1985) (104-105)(latin)
Propter hunc Ialysum, ne cremaret tabulam, Demetrius rex, cum ab ea parte sola posset Rhodum capere, non incendit, parcentemque picturae fugit occasio uictoriae. Erat tunc Protogenes in suburbano suo hortulo, hoc est Demetrii castris, neque interpellatus proeliis incohata opera intermisit omnino nisi accitus a rege, interrogatusque, qua fiducia extra muros ageret, respondit scire se cum Rhodiis illi bellum esse, non cum artibus. Disposuit rex in tutelam eius stationes, gaudens quod manus seruaret, quibus perpercerat, et, ne saepius auocaret, ultro ad eum uenit hostis relictisque uictoriae suae votis inter arma et murorum ictus spectauit artificem.
Pline l'Ancien (Gaius Plinius Secundus), Naturalis Historia, liber XXXV, (trad: 1985) (104-105)(trad: "Histoire naturelle. Livre XXXV. La Peinture" par Croisille, Jean-Michel en 1985)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
C’est à cause de cet Ialysus et pour éviter de brûler le tableau que le roi Démétrius ne fit pas mettre le feu à Rhodes, car il ne pouvait prendre la ville que du côté où se trouvait l’ouvrage et, pour avoir épargné une peinture, il laissa échapper la victoire. Protogène se trouvait alors dans son petit jardin aux abords de la cité, où précisément Démétrius avait son camp ; il ne se laissa pas distraire par les combats et n’interrompit nullement l’œuvre commencée, si ce n’est sur une convocation du roi qui lui demanda les raisons pour lesquelles il restait hors des murs avec tant d’assurance. Le peintre répondit que Démétrius, il le savait bien, faisait la guerre à Rhodes, mais non aux arts. Alors le roi, heureux de pouvoir protéger les mains qu’il avait épargnées, dit placer des gardes pour assurer sa protection et, pour ne pas le déranger trop souvent, il vint de lui-même, lui, son ennemi, visiter l’artiste, laissant de côté son aspiration à la victoire et, au milieu des combats, en plein siège, il se plut à contempler l’œuvre de l’artiste.
Pline l’Ancien; Landino, Cristoforo, Historia naturale di C. Plinio secondo tradocta di lingua latina in fiorentina per Christophoro Landino fiorentino, fol. 241v (italien)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Protogene per questo laliso essendo Demetrio re a campo a Rhodi e potendo piglare la citta se rimetteva fuocho dala parte dove era la pictura per non arderla vole piu tosto non havere la citta. Era in quel tempo Prothogene presso ale mura nel suo horto cioe ne castri di Dimetrio ne per battagle lasciava l’opere che havea cominciato e chiamato dal re e domandato con che sicurta egli stava fuori dele mura: rispose perché lui sapea che Demetrio havea guerra con Rhodiani e non coll’arti. Rallegrossi el re di potere conservare quelle mani a le quali gia havea perdonato e pose una parte de soldati ala guardia sua e venia spesso a l’artefice mentre che la citta si combattea a vedere le sue opere. Seguita questa fama la pictura di quel tempo: perche dimostra che Protogene la dipinse sotto la spada. Questo e el satyro elquale chiamano Anapauomenon e acio che niente manchi ala sicurta di quel tempo tiene e zufoli.
Pline l’Ancien; Brucioli, Antonio, Historia naturale di C. Plinio Secondo nuovamente tradotta di latino in vulgare toscano per Antonio Brucioli, p. 993 (italien)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Per questo Ialyso, accioche, Demetrio Re non ardesse la tavola, avvegna che da quella sola parte potesse pigliare Rhodi, non seguitò avanti, e perdonando alla pittura, fuggi l’occasione della vittoria. Era allhora Protogene vicino alle mura nel suo horto, cioè nel campo di Demetrio. Ne noiato dalle battaglie, intermesse la cominciata opera, ma chiamato dal Re, e domandato, con quale fiducia stesse fuori de muri, rispose che sapeva, che esso faceva guerra co Rodii, non con le arti. Adunque il Re gli fece stare gente alla guardia, rallegrandosi che potesse salvare le mani, alle quali gia haveva perdonato. Et accioche non lo revocassi dall’opera spesso veniva à lui, e lasciati i desiderii della sua vittoria, fra le armi, e percosse de muri, stava a guardare l’artefice. Et questa fama di quel tempo seguita la tavola, che Protogene la dipinse sotto la spada. Questo è un satyro, il quale chiamono Anapauomenon, et accioche non manchi cosa alcuna alla sicurta di quel tempo, tiene i zufoli.
Pline l’Ancien; Domenichi, Lodovico, Historia naturale di G. Plinio Secondo tradotta per Lodovico Domenichi, con le postille in margine, nelle quali, o vengono segnate le cose notabili, o citati alteri auttori… et con le tavole copiosissime di tutto quel che nell’opera si contiene…, p. 1103 (italien)(traduction ancienne d'un autre auteur)
- [1] Anapauomeno fu detto il Satiro; perci che era a giacere e riposava
Per usar rispetto a questo Ialiso, il re Demetrio per non volere abbruciar queste tavole, dove egli poteva da quella parte sola pigliar Rhodi non volle altrimenti abbruciarla; e cosi per volere egli haver rispetto a quella pitura, la occasione della vittoria gli fuggì di mano. Era allhora Protogene a suo poderetto fuor delle mura, cioè nel campo di Demetrio. Ne perch’egli fosse interrotto dalle battaglie, si rimase dalle sue opere incominciate; onde havendolo il re fatto chiamare, e domandato, con che figurezze egli stesse fuor delle mura, rispose, che sapeva, come egli haveva guerra co’ Rhodiotti, non con le arti Il re dunque gli mise guardia di soldati, rallegrandosi di poter salvare le mani, allequali egli haveva gia perdonato; e per non lo scioperare, andava spesso a trovarlo et lasciando i desiderij della sua vittoria, fra le armi, et le percosse delle mura si stava a vedere lavorare quello artefice. Dicesi, che Protogene dipinse questa tavola sotto la spada. Questo è un satiro, ilquale si chiama Anapauomeno, e accioche nulla manchi alla sicurtà di quel tempo, tiene i zuffoli in mano. [1]
Pline l’Ancien; Du Pinet, Antoine, L’histoire du monde de C. Pline second… mis en françois par Antoine du Pinet, p. 955 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
- [1] c’est à dire, s’essuyant
En somme le tableau de Protogenes fut tant estimé, que le roy Demetrius, pouvant aisément prendre Rhodes du costé où estoit la maison de Protogenes, defendit le feu de ce costé-la, de peur de brusler ledit tableau, de sorte que pour espargner ceste piece, il perdit l’occasion de la prinse de Rhodes. Et neantmoins par fortune Protogenes estoit lors en un petit jardin qu’il avoit és faubourg de Rhodes où il travailloit, estant au milieu du camp, et n’avoit jamais laissé de besongner quelque furie de guerre qu’il vist devant lui. Estant donc mené devant le roi Demetrius, et interrogué quelle asseurance il avoit de se tenir ainsi hors la ville de Rhodes, en temps de guerre ? respond qu’il estoit assez informé, que la guerre qui se menoit contre les Rhodiens, ne s’estendait contre les arts et sciences. Le roy donc fort aise de pouvoir sauver celuy, qui desja il avoit tant respecté, fit assoir guet tout alentour de son logis, de peur qu’on ne luy fit déplaisir. Mesmes pour ne le desbaucher, il le venoit voir souvent, encore qu’il fust grand ennemi des Rhodiens, et sans se soucier de chose qui fust, il prenoit plaisir de voir travailler Protogenes, durant qu’on livroit les assauts. Mesmes on dit qu’on lui tenoit quasi tousjours l’espee à la gorge pendant qu’il travailloit. Et neantmoins pour monstrer qu’il ne s’en soucioit gueres, il fit lors un Satyre divinement fait, qui jouoit du flageolet, et l’appella Anapauomenos [1].
Pline l’Ancien; Poinsinet de Sivry, Louis, Histoire naturelle de Pline, traduite en françois [par Poinsinet de Sivry], avec le texte latin… accompagnée de notes… et d’observations sur les connoissances des anciens comparées avec les découvertes des modernes, vol. 11, p. 263-265 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Ce fut par rapport à cet Ialysus que le roi Demetrius[1], qui craignoit d’incendier ce tableau en mettant le feu à la ville de Rhode qu’il assiégeoit, s’abstint de faire mettre le feu à cette ville ; ensorte que pour ménager une peinture, il se retrancha une victoire. Protogene étoit alors dans son jardin du fauxbourg de Rhode, c’est-à-dire au milieu du camp des assiégeants ; et les combats qui se donnoient ne firent aucune diversion à ses travaux, jusqu’à ce qu’envoyé chercher par le roi, et interrogé par lui d’où lui venoit cette sécurité de travailler ainsi hors des murs, il lui répondit qu’il savoit bien[2] que Demetrius faisoit la guerre aux Rhodiens, et non pas aux arts. Ce prince disposa donc un corps-de-garde et des sentinelles autour de ce jardin pour servir de sauve-garde à Protogene, ne se contentant pas d’épargner ses jours, mais prenant encore à cœur d’assurer, contre tout danger, la vie et les travaux d’un si grand artiste. Il l’envoyoit donc souvent chercher ; et même, pour lui causer une moindre perte de tems, il se desista de cette habitude, et s’accoutuma à le venir voir, et à quitter ainsi, à son égard, le personnage d’un assiégeant, pour prendre celui d’un amateur et d’un hôte civil. Demetrius, dis-je, perdant de vue son grand objet du siege de Rhode, interrompit les attaques et les assauts de la place, pour venir contempler Protogene le pinceau à la main. Aussi un tableau qu’il fit dans cette époque jouit-il de la plus haute réputation, son auteur l’ayant composé sous le glaive. Je veux parler de ce satyre dépérissant d’amour, et à qui, comme pour achever de braver les dangers du siege de Rhodes, il fait tenir deux flûtes à la main.
- [1] Demetrius Poliorcete.
- [2] Confirmé par Plutarque, in Arat. p. 1032.
Aulu-Gelle (Aulus Gellius), Noctes atticæ liber XV (redac: (160):(180), trad: 1989), "Quae uerba legauerint Rodii ad hostium ducem Demetrium, cum ab eo obsiderentur, super illa incluta Ialysi imagine" (numéro XV, 31 (Reinach 493)) , p. 177-178 (latin)
1. Rodum insulam celebritatis antiquissimae oppidumque in ea pulcherrimum ornatissimumque obsidebat obpugnabatque Demetrius, dux aetatis suae inclutus, cui a peritia disciplinaque faciendi obsidii machinarumque sollertia ad capienda oppida repertarum cognomentum Πολιορκητἠς fuit. 2. Tum ibi in obsidione illa aedes quasdam publice factas, quae extra urbis muros cum paruo praesidio erant, adgredi et uastare atque absumere igni parabat. 3. In his aedibus erat memoratissima illa imago Ialysi Protogenis manu facta, inlustris pictoris, cuius operis pulchritudinem praestantiamque ira percitus Rhodiis inuidebat. 4. Mittunt Rodii ad Demetrium legatos cum his uerbis : “Quae, malum, inquiunt, ratiost ut tu imaginem istam uelis incendio aedium facto disperdere ? Nam si nos omnes superaueris et oppidum hoc totum ceperis, imagine quoque illa integra et incolumi per uictoriam potieris ; sin uero nos uincere obsidendo nequiueris, petimus consideres, ne turpe tibi sit, quia non potueris bello Rhodios uincere, bellum cum Protogene mortuo gessisse”. 5. Hoc ubi ex legatis audiuit, obpugnatione desita et imagini et ciuitati pepercit.
Reinach, Adolph (éd.), Textes grecs et latins sur la peinture ancienne. Recueil Milliet, (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Démétrius, un des plus illustres capitaines de son siècle, assiégeait la capitale de la fameuse île de Rhodes, ville très belle, très riche en chefs-d’œuvre de l’art. L’habileté et l’expérience de ce général dans l’art des sièges, et l’invention de plusieurs machines savantes, lui avaient fait donner le surnom de Poliorcète. Durant le siège, il avait formé le projet d’attaquer, de saccager et de livrer aux flammes quelques édifices publics situés hors des murs et qui n’avaient qu’une faible garnison. Un de ces édifices renfermait le fameux tableau de l’Ialysus, dû au pinceau du célèbre Protogène ; ce chef-d’œuvre excitait l’envie et la colère de Démétrius. Les Rhodiens lui envoient des députés chargés de lui dire : « Quel motif te porte à ensevelir ce tableau sous des ruines fumantes ? Si tu triomphes de nous toute la ville est à toi, et avec elle le tableau intact ; mais si tes efforts sont inutiles, prends garde qu’on ne dise, à ta honte, que n’ayant pu vaincre les Rhodiens, tu as fait la guerre aux mânes de Protogène. » Dès qu’il eut entendu ce discours, Démétrius leva le siège, épargnant à la fois et la ville et le tableau.
Aulu-Gelle (Aulus Gellius), Noctes atticæ liber XV , (trad: 1989) (XV, 31), p. 177-178 (trad: "Nuits attiques, livre XV " par Marache, René; Julien, Yvette en 1989)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Rhodes, île d’une célébrité très ancienne, et la ville si belle et si ornée qui s’y trouve, étaient assiégées et attaquées par Démétrius, chef illustre à son époque, à qui son savoir et sa connaissance des sièges ainsi que son habileté à se servir des machines inventées pour prendre les places valut le surnom de Poliorcète (assiégeur de villes). Alors là dans ce siège, il se disposait à attaquer, à dévaster et à détruire par le feu un temple construit par la cité qui se trouvait hors des murs de la ville avec une petite garnison. Il y avait dans ce temple le portrait si célèbre d’Ialysus, fait de la main de l’illustre peintre Protogénès ; sa beauté et sa supériorité rendaient Démétrius fou de colère et de jalousie envers les Rhodiens. Les Rhodiens envoient à Démétrius des ambassadeurs avec ce message : « Quelle raison, malheur ! as-tu de vouloir détruire ce tableau en mettant le feu au temple ? Car si tu l’emportes sur nous tous et si tu prends la place toute entière, ta victoire te mettra entre les mains ce tableau avec le reste, intact et sans dommage ; si au contraire tu n’arrives pas à bout de ce siège et de nous, nous te demandons de réfléchir afin d’éviter la honte d’avoir fait la guerre avec Protogénès mort parce que tu n’avais pas pu vaincre les Rhodiens. » Lorsqu’il entendit cela des ambassadeurs, Démétrius leva le siège, épargnant le tableau et la cité.
Alberti, Leon Battista, De pictura(publi: 1540, redac: 1435, trad: 2004) (II, 27), p. 104-106 (latin)
Referuntur de tabulis pictis pretia paene incredibilia. Aristides Thebanus picturam unicam centum talentis vendidit. Rhodum non incensam a Demetrio rege, ne Protogenis tabula periret, referunt. Rhodum ergo unica pictura fuisse ab hostibus redemptam possumus affirmare. Multa praeterea huiusmodi a scriptoribus collecta sunt, quibus aperte intelligas semper bonos pictores in summa laude et honore apud omnes fuisse versatos.
Alberti, Leon Battista, De pictura, (trad: 2004) (II, 27), p. 105-107 (trad: " La Peinture" par Golsenne, Thomas; Prévost, Bertrand en 2004)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
On parle des prix incroyables qu’auraient atteint des panneaux peints. Aristide de Thèbes vendit une seule peinture cent talents. Si le roi Démétrios ne fit pas incendier Rhodes, ce fut pour éviter de faire disparaître un tableau de Protogène, à ce qu’on rapporte. Nous pouvons donc affirmer que Rhodes fut sauvée de ses ennemis uniquement grâce à une peinture. Les auteurs ont recueilli de nombreux récits de ce genre, grâce auxquels tu apprendras clairement que les bons peintres ont toujours été l’objet des plus grands éloges et honneurs de la part de tous.
Alberti, Leon Battista, De pictura , (trad: 1536) (II, 27), p. 234-135 (trad: "[Della pittura]" en 1536)(italien)(traduction ancienne de l'auteur)
Racontasi i pregi incredibili di tavole dipinte. Aristide tebano vendè una sola pittura talenti cento ; e dicono che Rodi non fu arsa da Demetrio re, ove temea che una tavola di Protogenes non perisse. Possiamo adunque qui affermare che la città di Rodi fu ricomperata dai nemici con una sola dipintura. Simile molte cose raccolse Plinio, per le quali tu conoscerai i buoni pittori sempre stati apresso di tutti in molto onore, tanto che molti nobilissimi cittadini, filosafi, ancora e non pochi re, non solo di cose dipinte, ma e di sua mano dipignerle assai si dilettavano.
Ghiberti, Lorenzo, I commentarii(redac: (1450)), p. 76 (italien)
Ancora Protogine a Rodi, in una sua villa presso alla terra, dipigneva una tavola dove Demitrio, mentre che e’ dipigneva, puose le stanze per ossediare Rodi e pigliarlo; non mai costui si rimosse dall’opere sua, infino a ·ttanto fu chiamato dal re, e domandato con che fidanza egli stesse fuori delle mura. Protogine rispuose sé sapere con quelli dentro di Rodi essere la battagla, e non coll’arte. El re ordinò in sua tutela alcuni, rallegrantesi che egli potesse conservare quelle mani alle quali già egli avea perdonato, acciò che spesso e’ no ·llo chiamasse il nimico; andò a ·llui e lasciati e suoi desiderii della victoria, tra ·ll’arme e’ colpi delle mura, guardò l’artefice e la fama e seguitò la tavola di quello tempo che egli la dipinse sotto el coltello.
Filarete, Antonio di Pietro Averlino, dit, Trattato di architettura(redac: (1465)) (l. XIX), vol. 2, p. 582 (italien)
Eragli ancora Prothogenes, che dipingeva quella tavola, la quale dice che Dimitrio re si ritenne di non mettere fuoco in Rodi, per paura di non abruciare quella tavola del sopradetto Protogenes.
Lancilotti, Francesco, Tractato di pittura(publi: 1509), p. 744 (italien)
Fe’ sì degna pictura Protogiene,
che Demetrio re, per non guastarla,
Rodi città perdé, tanto suo bene.
Castiglione, Baldassare, Il libro del Cortegiano(publi: 1528, redac: 1513-1524) (I, 52), p. 108 (italien)
E come tanto pregiata fusse una tavola di Protogene che, essendo Demetrio a campo a Rodi, e possendo intrar dentro appiccandole il foco dalla banda dove sapeva che era quella tavola, per non abbrusciarla restò di darle la battaglia e cosí non prese la terra […].
Il codice Magliabechiano cl. XVII. 17 contenente notizie sopra l’arte degli antichi e quella de’ fiorentini da Cimabue a Michelangelo Buonarroti, scritte da anonimo fiorentino(redac: (1540:1550)), p. 27 (italien)
Essendo Demetrio re a campo a Rodj, doue era collocata tal pittura di Ialiso, et poteua con facilita pigliarla, se e’ metteua il fuoco da quella banda, doue era tal pittura, non l’uolse fare ; et piu tosto non volle hauere la citta che andare a ristio di abruciare tal pittura. Et era Prothogene in quel tempo fuorj di Rodj in un suo orto a pie delle mura apunto nelle tende di Demetrio, ne per battaglia alcuna che si facessi lasciaua le sue opere, che incominciato haueua, anzj lauoraua continuamente. Et fecelo chiamare il re et domandollo, con che sicurta egli staua fuorj delle mura et attendeua a lauorare ? Risposelj, che sapeua, che Demetrio haueua guerra con e Rhodianj et non con l’artj. Piacque tal risposta a Demetrio et pose una parte di soldatj a sua guardia et dispose con allegra faccia di conseruare tale huomo, alquale gia haueua perdonato.
Hollanda, Francisco de, Da pintura antiga et Diálogos de Roma (2e partie)(redac: 1548, trad: 1911) (Quarto Dialogo), p. 340 (portugais)
Ma digamos um exemplo de um grande rey ácerca da pintura.
Demetrio rey, tendo cercado a Rhodes pôs fogo á cidade, mas não d’aquella parte d’onde stava uma pintura de Protogenes ; e podendo tomar aquelle dia a cidade de Rhodes a deixou de tomar sómente por não queimar aquella pintura. Em aquelle tempo stava Protogenes pintando fóra de muros da cidade, em uma horta sua, mui junto do exercito d’el rey ; e nem por amor da guerra nem dos amigos soldados, deixava a obra que nas mãos tinha ; mas pintando mui seguramente stava. E trazendo-o soldados diante d’el rey Demetrio, lhe perguntava com que seguridade stava fora do muro da cidade ? Respondeu : « Porque eu sei que Demetrio tem a guerra com os Rhodianos, e não já com as boas artes. » E folgou el rey muito de poder conservar aquellas mãos de quem já tinha conservado e perdoado á obra. E pôs uma guarda de armados em sua guarda ; e vinha muitas vezes á horta do pintor, stando em sua casa, emquanto a cidade s** combatia, a ver o que fazia.
Hollanda, Francisco de, Da pintura antiga et Diálogos de Roma (2e partie), (trad: 1911), Dialogues sur la peinture, p. 186 (trad: "Quatre dialogues sur la peinture" par Rouanet, Léo en 1911)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Mais citons l’exemple d’un grand roi au sujet de la peinture. Démétrius mit le feu à Rhodes qu’il tenait assiégée, mais non du côté où se trouvait une peinture de Protogène ; et, pouvant prendre la ville ce jour-là, il y renonça rien que pour ne pas brûler cette peinture. Pendant ce temps, Protogène était occupé à peindre dans le jardin qu’il possédait hors des murs, tout proche de l’armée du roi. Ni son amour pour sa patrie en guerre, ni son affection pour ses amis sous les armes n’étaient assez puissants pour lui faire abandonner l’œuvre qu’il avait en mains, et il continuait à peindre en toute tranquillité. Les soldats l’ayant amené devant le roi Démétrius, celui-ci lui demanda sous quelle sauvegarde il se trouvait hors des murs de la ville. « C’est que je sais, répondit-il, que Démétrius fait la guerre aux Rhodiens, et non pas aux beaux-arts. » Et le roi, heureux de pouvoir conserver ces mains dont il avait déjà conservé et épargné l’œuvre, le plaça sous la protection d’une garde de soldats. Il venait souvent au jardin du peintre et restait à le regarder pendant que ses troupes combattaient la ville.
Commentaires : Trad. Dialogues sur la peinture, 1911, p. 186
Pino, Paolo, Dialogo di pittura(publi: 1548), p. 110 (italien)
FABRIANO — Così tengo io, et a vostra confirmazione vi voglio raccontare alcune cose conservate da’ più ingenui scrittori come degne di perpetua memoria. Era Demetrio accampato a Rodi, e, per la strenua difesa d<e>i Rodiani, deliberato cacciar fuoco da una parte della città più debole e facile da ispugnare, fugli detto ch’abbrugiando quel luoco distruggeva una bella tavola dipinta per man de Protogene ; d’il che più accortosi Demetrio, volse prima abandonar l’impresa che distruggere una sì degna opera, e così lasciò illesa la città de Rodi. LAURO — Vedete con qual affettuoso nodo sono legati i pittori dalla pittura, ch’immortalarsi con l’acquisto d’una tanta città.
Ringhieri, Innocenzio, Cento giuochi liberali, et d'ingegno nuovamente ritrovati, libro IX(publi: 1551), gioco della pittura (numéro libro IX) , f. 146r (italien)
Onde avvenne che Demetrio non abbruciò, e non diede la battaglia a Rodi, per non guastar la tavola di Protogene.
Ringhieri, Innocenzio, Cento giuochi liberali, et d'ingegno nuovamente ritrovati, libro IX, « Le jeu de la peinture » (numéro livre IX) , p. 169 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
D’où vient que Demetrie ne brula, et ne donna la bataille a Rhodes de peur que le tableau de Prothogene n’en fût empiré, ou guaté.
Commentaires : Trad. Villiers, 1555, livre IX, « Le jeu de la peinture », p. 169
Conti, Natale (dit Natalis Comes ou Noël le Conte), Mythologiae, sive explicationis fabularum libri decem(publi: 1551), "De Dedalo" (numéro liber VII, cap. XVI) , p. 418 (latin)
Tantæ fuit existimationis, vt cum Demetrius vrbem Rhodon capere posset ex ea parte qua erat Ialysus ignis opera, maluerit vrbi parcere, quam Ialysum igni deuastare.
Conti, Natale (dit Noël le Conte); Montlyard, Jean de (pseudonyme de Jean de Dralymont), Mythologiae, sive explicationis fabularum libri decem, p. 799 (trad: "Mythologie, c’est à dire Explication des fables, contenant les généalogies des dieux, les cérémonies de leurs sacrifices, leurs gestes, adventures, amours et presque tous les préceptes de la philosophie naturelle et moralle. Extraite du latin de Noël Le Comte... par I. D. M.")(fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
On fit tant d’estime de Protogéne, que Demetrius ayant beau moien de prendre Rhode du costé qu’estoit ce Ialyse, y mettant le feu ; neantmoins il aima mieux espargner cette ville-là, que gaster par feu un si precieux tableau.
Dolce, Lodovico, Dialogo di pittura intitolato l’Aretino, nel quale si raggiona della dignità di essa pittura e di tutte le parti necessarie che a perfetto pittore si acconvengono(publi: 1557), p. 158 (italien)
Leggesi ancora che, trovandosi il re Demetrio con un grande esercito accampato a Rodi e potendo con molta facilità prender questa città, se vi faceva accendere il fuoco in certa parte, dove era posta una tavola dipinta da Protogene ; come che egli ardesse di disiderio d’impadronirsi di così nobile città, elesse di perderla, perché l’opera di Protogene non si abbrucciasse : facendo maggiore istima d’una pittura che d’una città.
Lomazzo, Gian Paolo, Il Libro dei Sogni(redac: (1563)), Leonardo Vinci e Fidia, entrambi pittori e scultori (numéro Ragionamento quinto) , p. 89 (italien)
Et il re Demetrio restò di ardere la città de Rodi per non ardere la tavola di Protogene, e pur cognominato era spugnatore.
Gilio, Giovanni Andrea, Degli errori e degli abusi de’ pittori circa l’istorie(publi: 1564), p. 107 (italien)
Vespasiano dedicò al tempio de la Pace il Ialisio di Protogene, per la cui eccellenza già Demetrio perdonò a’ Rodiotti.
Borghini, Vincenzio, Selva di notizie(redac: 1564), p. 143 (italien)
E questa è quella tavola che, potendo da quella parte dove l’era Demetrio pigliar Rodi, volte più presto perdere la vittoria che guastare la tavola.
Adriani, Giovanni Battista, Lettera a m. Giorgio Vasari, nella quale si racconta i nomi, e l’opere de’più eccellenti artefici antichi in Pittura, in bronzo, et in marmo(publi: 1568, redac: 1567), p. 195 (italien)
Questa figura di Protogene fu quella che difese Rodi da Demetrio re il quale fieramente con grande esercito la combatteva, perciò che potendo agevolmente prendere la terra dalla parte dove si guardava questa tavola, che era luogo men forte, dubitando il re che la non venisse arsa nella furia de’ soldati, volse l’impeto dell’oste altrove, et intanto gli trappassò l’occasione di vincere la terra. Stavasi in questo tempo Protogene in una sua villetta quasi sotto le mura della città, cioè dentro alle forze di Demetrio e nel suo campo, nè per combattere che si facesse, nè per pericolo che e’ portasse, lasciò mai di lavorare. E chiamato una fiata dal re e domandato in su che egli si fidasse, che così gli pareva star sicuro fuor delle mura, rispose perciò che egli sapeva molto bene che Demetrio aveva guerra con i Rodiani, e non con le arti. Fece Demetrio, piacendogli la risposta di questo artefice, guardare ch’e’ non fusse da alcuno noiato e offeso. E perché egli non si avesse a scioperare, spesso andava a visitarlo ; e, tralasciata la cura delle armi e dell’oste, molte volte stava a vederlo dipignere fra i romori del campo et il percuotere delle mura. E quinci si disse poi che quella dipintura, che egli allora aveva fra mano, fu lavorata sotto il coltello.
Paleotti, Gabriele, Discorso intorno alle immagini sacre e profane(publi: 1582) (I, 9), p. 169 (italien)
Leggemo parimente diversi re et imperatori grandissimi avere talmente stimato e presa la protezzione delle opera di questi eccellenti artefici, che averanno difese le città dal furore de’ nemici e sacheggiamenti de’ soldati solo per tema che insieme non si abbrusciasse qualche notabile opera di quest’arte, come avenne nel tempo di Demetrio re verso la città di Rodi.
Borghini, Rafaello, Il riposo di Raffaello Borghini : in cui della pittura, e della scultura si fauella, de’piu illustri pittori, e scultori, et delle piu famose opere loro si fa mentione ; e le cose principali appartenenti à dette arti s’insegnano(publi: 1584), p. 280 (italien)
Questa figura[Explication : Ialiso.] fu quella, che difese Rodi dal re Demetrio; percioché potendo pigliar la città da quella parte, dove era questa tavola, temendo che i soldati non l’abbruciassero, rivolse l’impeto suo altrove et in tanto gli passò l’occasione della vittoria. Durante la guerra si stava Protogene fuor della città poco lungi dalle mure in un suo poderetto sotto le forze di Demetrio, non lasciando mai d’esercitar l’arte sua; laonde chiamatolo il re gli domandò in sù che egli si fidasse à dimorare così sicuro fuor della mura; rispose perché egli sapeva che Demetrio faceva guerra a’ Rodiani e non all’arti, la qual risposta piacque molto al rè et ordinò che egli da alcuno non fosse noiato: e sovente tralasciando la cura dell’armi si prendea piacere di stare a vederlo dipignere .
Alberti, Romano, Trattato della nobiltà della pittura(publi: 1585), p. 222 (italien)
Né lasciaremo di dire della tavola di Protogene, la qual tanto stimò et onorò Demetrio re, che, potendo facilmente pigliar Rodi, mentre il teneva in assedio, se avesse fatto dar il fuoco da una certa parte della città, non volse in alcun modo permetterlo, sapendo per cosa certa che in quella parte vi era la sopradetta pittura. E molti altri essempii simili si potrian adurre, che, per venire alli privilegii dei pittori, si tralasciano.
Armenini, Giovanni Battista, De’ veri precetti della pittura(publi: 1587), « Della dignità e grandezza della pittura ; con quali ragioni e prove si dimostra esser nobilissima e di mirabile artificio ; per quali effetti cosí si tenga e di quali meriti e lode siano degni gli eccellenti pittori » (numéro I, 3) , p. 47 (italien)
Conciosiaché fra i molti e grandi si pon mente a quelli che sí mirabilmente si vide nel Re Demetrio, il quale, avendo posto l’assedio alla città di Rodi e condottola in estremo pericolo con animo d’abbrugiarla, per aver risguardo a una tavola di Protogene, la quale era posta nella più debil parte di quella, non vi lasciò mettere il fuoco, ond’egli piú presto volse perder la città, che dubitar di quell’opera.
Lomazzo, Gian Paolo, Idea del tempio della pittura(publi: 1590), « Della nobiltà della pittura » (numéro cap. VI) , p. 266 (italien)
[1] Grande argomento della nobiltà della pittura si può oltre di ciò cavare dalla stima e riverenza in che sono stati avuti in tutte le età da gli uomini grandi i professori di quella e l’opere loro. Imperoché i re d’Egitto in certo modo gl’adorarono, come padri delle sacre immagini, gli Agrigentini ebbero in grandissima stima Zeusi et usarono verso di lui tanta liberalità, ch’egli introdusse l’uso di donar le pitture. Così fece il re Attalo con Aristide Tebano e Picea Ateniese, il re Candaule con Bularco, Demetrio Falereo con Protogene, Cesare con Timomaco, Nicomede, re di Licia, con Prasitele e Filippo re di Macedonia con Panfilo.
- [1] voir Zeuxis richesse
Conti, Natale (dit Noël le Conte); Montlyard, Jean de (pseudonyme de Jean de Dralymont), Mythologiae, sive explicationis fabularum libri decem(publi: 1597), p. 799 (fran)
On fit tant d’estime de Protogéne, que Demetrius ayant beau moien de prendre Rhode du costé qu’estoit ce Ialyse, y mettant le feu ; neantmoins il aima mieux espargner cette ville-là, que gaster par feu un si precieux tableau.
Sales, François de, Recueil de Similitudes (redac: 1600:1604) (t. XXVI), vol. 5, p. 116 (fran)
Le Roy Demetrius pouvant aysément prendre Rhodes du costé ou estoit la mayson de Protogenes, defendit le feu de ce costé la, de peur de brusler ledit tableau du chien, et pour espargner cette piece, il perdit l’occasion de prendre Rhodes. Hélas ! à cause d’une telle peinture Démétrius épargna la ville : pourquoi Dieu n’en ferait-il pas autant à cause des justes, à cause de la Vierge, à cause de l’Eucharistie, à cause de Celui qui est son Fils et son image ?
Protogenes, audit siege de Rhodes, estoit en un petit jardin aux fauxbourgs, et ne laissa jamais de travailler. Le Roy fit asseoir un guet al’ entour de son logis affin qu’on ne luy fit desplaisir, et prenoit playsir a le venir voir travailler durant qu’on livroit les assaux. Neanmoins, il ne se pouvoit faire quil n’eut presque tous-jours l’espee a la gorge pendant quil travailloit ; et luy, pour monstrer qu’il ne s’en soucioit gueres, fit lhors un satyre admirable qui jouoit du flageolet et l’apella anapauomenos, c’est-à-dire s’esgayant. Ils sortaient du conseil remplis de joie. Mes frères, considérez comme le sujet d’une grande joie les diverses afflictions qui vous arrivent, etc. Réjouissez-vous en lui avec tremblement (Ps 2,11).
Guttierez de los Rios, Gaspar, Noticia general para la estimacion de las artes, y de la manera a en que se conocen las liberales de las que son mecanicas y serviles(publi: 1600), « Libro tercero en que se defiende que las artes del dibuxo son liberales, y no mecanicas », cap. XIX, « Pruevase que son dignas estas artes del dibuxo de extraordinarias honras » (numéro cap. XIX) , p. 221-223 (espagnol)
Del rey Demetrio refiere Plinio, que pudiendo solo por una parte ganara a Rodas, viendo que estavan alli unas tablas del estudiosissimo pintor Protogenes, porque no se quemassen, perdonando, por no hazer mala la pintura, dexò la ocasion de la vitoria : añadendo tambien sobre esto, que estado el mesmo Protogenes fuera de la ciudad en un huertezillo rodeado de todo el exercito de Demetrio, inquietandole los soldados, no fue parte para que dexasse de proseguir su estudio, antes embiandole a llamar el rey, y preguntandole con que confiança se estava fuera de los muros, le respondio, que sabia tenia guerra con los de Rodas, pero no con las artes : de lo qual contento el rey, gozandose de conservar las manos que avia perdonado, mandò ponerle gente de su guarda porque no le hiziessen mal : y para no divertirle de sus obras, el mismo rey de su voluntad iva a ver a su estudio a Protogenes. Que mas queremos de que en mitad del mismo furor belico estavan seguras, y eran amadas y favorecidas estas artes, que aora por nuestra brutalidad y torpeza anepas tienen quietud en la paz.
Van Mander, Karel, Het leven der oude antijcke doorluchtighe schilders(publi: 1603:1604 ), « Van Protogenes, van Caunus, Schilder », fol. 82v-83r (n)
Summa, dit Tafereel van Protogenes was in soo grooter weerden ghehouden, dat den Coningh Demetrius, doe hy ghemacklijck hadde moghen innemen de Stadt Rhodes op een plaetse, daer t’huys van Protogenes was, verboodt op desen hoeck oft plaetse t’vyer te steken, vreesende t’verhaelde Tafereel te verbranden, soo dat om dit stuck te behouden onghescheynt, hy de gheleghentheyt verloos van de inneminge van Rhodes. Het is gheschiedt, dat evenwel Protogenes by gheval, doe t’Legher voor de Stadt quam, was in eenen cleenen hof, die hy hadde in de voorborcht van Rhodes, daer hy wrocht, wesende midden onder t’Leger, en hadde noch noyt afgelaten van wercken, wat raserije van oorloge hy voor ooghen hadde. Doe hy nu ghevangen voor den Coningh worde ghebracht, en ghevraeght, op wat versekeringe hy also gebleven was, buyten de Stadt van Rhodes hem te houden in tijt van krijgh. Hy antwoorde: Hy was ghenoech versekert, dat den krijch, die men voerde tegen de Rhodianers, niet en was tegen de Consten en wetenschappen. Den Coningh seer blijde wesende, te mogen eenen behoeden, die hy door gherucht lange in weerden hadde gehadt, liet een wacht bestellen rondtom zijn huys, vreesende of yemandt hem eenich leedt soude gedaen hebben. Oock om hem niet van t’werck te doen verleeden, quam hy hem dickwils besoecken, hoewel hy die van Rhodes groote vyandt was, en sonder op eenighe dinghen te achten, nam hy zijn ghenuechte Protogenem te sien wercken, terwijlen datmen de Stadt bestormde. Men seght oock, dat (gelijck als men seght) Protogenes, also lang als hy daer wrocht, altijts het sweerdt op de kele hadde: nochtans om te bewijsen, dat hy sulcx niet en achtede, maeckte hy eenen Satyr, die uytnemende constich was ghemaect: desen Satyr had hy gemaeckt spelende op een fluytgen, en noemde hem Anapavomenos, dat is, hem verblijdende, oft berustende. Dit voorgaende is meest al uyt Plinio: Nu behoeven wy te sien, wat Plutarchus hier van verhaelt in’t leven van Demetrius. Daer wordt bevestight den tooren Demetrij teghen die van Rhodes, met verscheyden oorsaken. Eerstelijck is de belegeringe geschiedt, om dat de Rhodianen waren geweest in’t verbondt met zijnen vyandt Ptolomeo. Ten tweeden, hadden sy verslagen Alcimum den Epirot, een seer cloeck Heldt, niet wijt van hun Speel-tooneel oft Theatrum. maer daer hy meest om verbolgen en toornigh was op die van Rhodes, was, om dat sy een Schip hadden ghenomen, dat hem van Phyla zijn Huysvrouwe ghesonden was, met cleeren, bedden, en eenen brief van haer eygen handt: welck Schip (alsoot was) sy hadden aen Ptolomeum zijnen vyandt ghesonden. Dese daedt mishaeghde hem sonderlinge, dat sy niet en hadden nae ghevolght het beleefde voorbeeldt van die van Athenen, welcke de Posten van den Coningh Philippus, die tegen hun krijghde, met brieven ghevangen hebbende, openden en lasense alle, uytghenomen die van Olympia zijn huys vrouwe, desen sondense Philippo toeghesegelt soo hy was. Dat sy dan zijns huys vrouwen brief hadden zijnen vyandt toegheschickt, dese onbeleeftheyt hadde hy hun wel connen doen ontgelden, en hadder wel ghelegentheyt toe, hadde hy hem des niet onthouden, om dieswille dat hy in de voorborgh ghenomen oft in handen hadde de Schilderije van Ialysus, welcke bycans opghedaen was, waer aen doende was Protogenes van Caunus. Doe de Rhodianen aen Demetrium sonden te bidden, dat hy hem aen dese constighe Schilderije niet wreken wilde, en dat hy so schoonen werck niet en soude scheynden, antwoorde hy hun: dat hy liever wilde verbranden de Conterfeytselen oft afbeelden zijns Vaders, dan sulcken grooten arbeydt van dese Const: want men seght, dat Protogenes seven Iaer aen dit werck heeft versleten.
Van Mander, Karel, Het Shilder-boeck(publi: 1604), Het Leven der Doorluchtighe Nederlandtsche, en Hooghduytsche Schilders, « T’leven van Henricus Goltzius, uytnemende Schilder, Plaet-snijder, en Glaes-schrijver, van Mulbracht », fol. 283r (n)
Dit is oock aenmercklijck, dat doe Goltzius te Room was, een uytnemende duyrte was in gantsch Italien, en in Room een jammerlijcke benoutheyt, en smetlijcke doodlijcke sieckten, datter menigh duysent Menschen in corter tijt storven en vergingen: oock te Room over al op de straten en ghemeen plaetsen lagen d’ellendige siecke Menschen en storven: oock te som plaetsen daer Goltzius neffens was doende met d’Antijcke beelden te conterfeyten, daerom niet aflatende zijnen lust te voldoen, niet teghenstaende den vuylen stanck die daer seer groot was, en hy seer snel en uytnemende van yet te riecken.
Van Mander, Karel, Het Shilder-boeck, (t. II), p. 185 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Il faut noter ici qu’à l’époque où Goltzius était à Rome, il y avait une grande disette par toute l’Italie, et à Rome une misère atroce, jointe à une épidémie qui enlevait des milliers de personnes. Les rues étaient jonchées de malades et de mourants, et il en était ainsi en bien des endroits où Goltzius s’arrêtait pour dessiner quelque fragment antique, sans se laisser détourner de son travail par les émanations pestilentielles, bien qu’il eût l’odorat des plus sensibles.
Commentaires : Traduction Hymans, 1884-1885, t. II, p. 185
Marino, Giovanni Battista, Dicerie sacre(publi: 1614), « La pittura, parte seconda » (numéro Diceria I) , fol. 68r-68v (italien)
- [1] Plin. L. 35. cap. 10. Gel. lib. 15. c. 31
Se Demetrio [1] non volse Rhodo mandare a fuoco, potendo distruggerla, e conquistarla, per non ardere il Bacco di Protogene; nè gli rincrebbe condonando la perdita alla pittura di perdere l’occasione della vittoria, perche la spada della divina giustizia non perdonarà a Torino per haver riguardo a questa gloriosa Pittura, fatta non da mano humana, ma dalla propria mano di Dio, vivi adunque sicuro ò Torino, nè temere mentre ricovrerai sotto la protettione di sì fatto scudo, che contro te l’ingiurie della Fortuna prevagliano, o che gli assalti de’nemici ti offendano. Imperoche, non dico l’armi degli esserciti mondani, non dico gl’incontri delle forze infernali, ma anche le saete istesse vendicatrici del braccio di Dio adirato ti porteranno rispetto, anzi torneranno indietro intuzzate et ottuse.
Butrón, Juan de, Discursos apologeticos, en que se defiende la ingenuidad del arte de la pintura, que es liberal, de todos derechos, no inferior a las siete que comunmente se reciben(publi: 1626), « Discurso decimoquinto. Donde se muestra la veneracion en que los antiguos tuvieron la pintura, los principes que la professaron, y algunas de las muchas honras, y mercedes que le hizieron », fol. 114v (espagnol)
Por esta pintura de Ialiso, dexò de dar assalto el rey Demetrio a la ciudad de Rodas, solo expugnable por la parte donde estava la pintura referida, queriendo mas que se le dilatasse la toma de la ciudad, que no que la pintura se quemasse entre las llamas de la guerra : dio a entender en esta accion Demetrio, quanto devan estimarse los artifices, y sus obras ; pues guardò a Protogenes de la insolencia de los soldados, le salio a recebir en medio de la fuga de la batalla, y por su pintura dexò de batir el muro por aquella parte, diziendo que el venia a pelear con los de Rodas, no con las artes.
Espinosa y Malo, Felix de Lucio, El pincel, cuyas glorias descrivia Don Felix de Lucio Espinosa y Malo(publi: 1681), p. 41 (espagnol)
Demetrio en la expugnacion de Rodas, por el respeto del cavallo de Protogenes, dexò de ganar la ciudad ; y solo por no hazer daño à la pintura, no quiso causar estrago en los Rodianos ; fue la mas fuerte antemural que introduxo la veneracion.
Jauregui, Don Juan de , Don Juan de Iauregui, cavallerizo de la Reina nuestra señora, cuyas universales letras, y emenencia en la Pitura, han manifestado a este Reino, y a los estraños sus nobles estudios(publi: 1633), fol. 201r-201v (espagnol)
- [1] Honras a los Pintores
Mas ponderemos por lo menos que aun la ira de las armas en el fervor de sus encuentros respeta a esta Arte, y provemoslo solo con el Rei Demetrio, que teniendo cercada à Rodas, de donde era natural Protogenes, y no pudiendo ganar la ciudad, sino por sola aquellà parte donde tenia su casa el Artifice : [1] El Rei (dize Plinio) por no quemar la tabla de Protogenes, no encendio a Rodas, y por perdonar a la pintura perdio la ocasion de la vitoria. Estava entonces Protogenes (añade este autor) en una granja suya fuera del muro, que era estar en los reales de Demetrio: y sin moverle el estrudendo de las armas, no cessò un punto en proseguir su obra: donde llamado del Rei, y preguntado en que confian a procedia assi? Respondio: Yo se que la guerra es con los de Rodas, no con las Artes. Hizo Demetrio poner guardas a su casa, porque nadie ofendiesse las manos que èl avia perdonado: y por no estorbarle llamandole, venia el Rei a su oficina, donde olvidando los votos por la vitoria entrelas armas y embates contra la muralla, se estava contemplando al Artifice. Todo esto es de Plinio. Tembien cuenta Plutarco desta misma pintura, que temiendo los Rodianos se vengasse en ella el Rei Demetrio, por cierta grave injuria, le embiaron (dize en la vida deste Rei) un embaxador, suplicandole que perdonasse à aquella pintura y no la violasse. A que respondio Demetrio, que antes abrasaria los simulacros de su mismo padre, que ofendiesse tan grandes sudores del Arte. Lo que se sigue en este autor, refiere tambien Eliano de var. hist. lib. 12. c. 41. y es, que Protogenes gastò siete años en pintar la tabla; y yendo a verla Apeles quedò suspenso, pasmado y mudo por largo espacio en su contemplacion, y finalmente dixo: El trabajo es inmenso, y la obra inclita: pero no tiene precio, que si le consignier su autor, y a estuviera la pintura en el cielo. Labor ejus cœlum attingeret. Tales honras se deben al Arte y sus Artifices, y assi se las han dado los Principes, no solo favoreciendola, sino exercitandola muchos por si mismos. De los de España basta nombrar al Rei nuestro señor Felipe Quarto, que Dios guarde, quel legò a dibujar y pintar de maniera en su niñez que admirava. Versos excelentes se escrivieron entonces a obras suyas, y algunas se reservan en España por glorioso trofeo de la Pintura.
Carducho, Vicente, Diálogos de la pintura, su defensa, origen, essencia, definicion, modos y diferencias(publi: 1633), “Dialogo Sexto. Trata de las diferencias de modos de pintar, y si se puede olvidar: de las pretensiones que entre si, tienen la pintura y la escultura: y si podra conocer de pintura el que no fuere pintor”, fol. 97v (espagnol)
Y qué mayor precio, que dejar de entrar la ciudad de Rodas, por salvar el Ialiso tan celebrado de mano de Protogenes, empresa en que se habia gastado tanto cantidad de hazienda, y arresgado el nombre, y reputacion ?
Pacheco, Francisco, Arte de la pintura(publi: 1638) (I, 6), t. I, p. 101 (espagnol)
Ya se sabe lo que pasó al Rey Demetrio que, teniendo cercada, a la cuidad de Rodas, y pudiendo tomarla con poner fuego en la parte donde estaba una pintura de Protógenes, quiso antes perde resta ocasión que quemar la pintura, conservando en medio de un furor bélico la obra de un tan insigne artifice. Y no paró aquí su liberalidad, porque hallándose en aquella sazón Protógenes fuera de los muros de la cuidad, cerca del real de los enemigos, en un güerto suyo entretenido en su pintura, sin ser parte el rumor y estruendo de la guerra para perturbar la quietud de su ánimo, ni dexar la obra comenzada, y dando sobre él de repente los soldados y lletaba ante el Rey, pregúntale, con qué seguridad estaba fuera de los muros de la ciudad ; respóndele, que bien sabe que tiene guerra contra los Rodianos, pero no contra la arte. Alégrase el Rey, y tiene por gloria poder conservar aquella mano que había ya perdonado. Y poniéndole una escuadra de soldados de guardia, venía a visitarle frecuentemente, mientras se combatía la ciudad, estimando por agradable entretenimiento verle pintar.
Junius, Franciscus, The Painting of the Ancient(publi: 1638) (II, 9, 2), p. 180 (anglais)
That great and eminent men in ancient times were very skilfull in these arts, may be gathered out of that love and respect the artificers enjoyed. It is by a naturall vice grafted and rooted in the brests of men, that such as doe not understand the arts, doe not admire the artificers, sayth Sidonius Apollinaris liv. V, epist. 10. Virtues are obscured by reason of the ignorance of Art, sayth Vitruvius in prœmio libri tertii. Seeing then that excellent artificers thinke themselves to be placed upon a thea er (sic), where nothing heateth their forward spirits so much as the astonished acclamations and applauses of all sorts of men, it was no wonder that many did excel in those times when kings with their peeres resorted to the shops of painters, kindling in the hearts of the artificers an unspeakable desire to have this glory still continued and increased. Demetrius surnamed Poliorcetes, whilest he was at the siege of Rhodes, did not stick to come to Protogenes, who was then busie with the picture of Ialysus, and leaving the hope of his victory, he beheld the artificer in the midst of hostill weapons and batterings of the wall, as Plinie speaketh, lib. XXXV, cap. 10. see that copious author himself.
Angel, Philips, Lof der Schilderkonst(publi: 1642, redac: 1641), p. 18-19 (n)
Om gherechtighe oorsaecken is dan Demetrius met een Leeuwen gemoet, door groote verbolgentheyt in genomen sijnde, met sijn gantsche Armade voor Rhodes gekomen; dat hy nu alreede soo naeuw belegert en beset hadd', dat die van Rhodes gheen uytkomen en saghen, sonden der oorsaecken-halven, eenighe van haer Achtbaertste Mannen uyt, die niet en gingen versoecken, dat den Coninck Demetrius haer in ghenaden wilden aen-nemen, dewijlle sy wisten, dat hare trouweloose misdaet Swaert en Vyer verdient hadden, maer baden alleenlijck, dat hy inde Voor-burght vande Stadt (want sy saghen dat het haer dapper gelden souden) wilde verschoonen een Schilderye van Jalysus, welcke bykans volmaeckt was, waer mede om voort op te maecken doende was Protogenes van Caunus Den Coninck lust hebbende tot de Konst, en de VVapenen teghen de selve niet aen-ghenomen hebbende, maer teghen de ontrouwen Rhodiers, gaet het noch onvolmaeckte Stuck besien, het welcke hem in liefde dede branden, en soo tot barmherticheyt ontsteken, dat hy niet alleen hem met sijn gansch Heyr-leger op en packte, en Rhodes verliet, maer seyde teghen de Afghesondenen dat hy veel liever de Beeltenisse sijns Vaders wilde verbranden en te niete doen, dan soo schoon en aerdich werck te schenden. In somma, Demetrius hier door verghenoucht sijnde, verschoont Rhodes, en bewaert de Konst, dickmael Protogenes komende als vriendt besoecken, die hy te vooren als vyandt voor-ghenomen hadde om-te-brenghen. Siet! soo vele vermach onse Konst, op de gemoede der Coninghen!
Ridolfi, Carlo, Le meraviglie dell’arte, overo le vite de gl’illustri pittori veneti, e dello stato(publi: 1648), p. 8 (italien)
E per quella pittura Rodi riconobbe la sua conservatione, non volendo Demetrio, che si ponesse il fuoco in quella parte, ove era posta, per dove potevasi far acquisto della città, che dipoi fù trasportata in Roma, nel Tempio della Pace. Raccontasi ancora, che durante l’assedio stavasi Protogine ad una sua villetta, e ricercato dal Rè con quale fiducia, se ne stasse fuor delle mura, rispose : perche sapeva, ch’egli haveva guerra co’ Rodiani, non con l’arti eccellenti : per lo che Demetrio comandò, che fosse rispettato da’ soldati, e con esso lui spesso trattenendosi, poco curava della vittoria.
Ottonelli, Giovanni Domenigo ; Berettini, Pietro, Trattato della pittura et scultura, uso et abuso loro(publi: 1652), « Dell’onore fatto da’ personaggi grandi ad alcuni segnalati pittori » (numéro III, 24) , p. 248 (italien)
Protogene stava lavorando fuori della città di Rodi in un suo podere, mentre il Re Demetrio teneva assediata la medesima città, guerreggiando contro i Rodiani: intesa la sicurezza, con che quell’artefice attendeva al suo lavoro, comandò, che venisse al suo cospetto: e venuto gli dimandò : perché dimori tu tanto sicuramente fuori della città ? Perché sò, rispose, che la potenza del Re Demetrio fa guerra a’ suoi nemici di Rodi, e non all’eccellenza dell’arti. La qual riposta piacque tanto al Re, che comandò, non fusse punto inquietato nel suo lavoro, e spesse volte l’onorò con la sua presenza, andando a vederlo lavorare.
Sales, François de, Traité de l’amour de Dieu(publi: 1654) (IX, 15), t. V, p. 156 (fran)
Demetrius tenant le siège devant Rhodes, Protogenes qui était en une petite maison des faubourgs, ne cessa jamais de travailler, mais avec tant d’assurance et de repos d’esprit, qu’encor qu’on lui tint presque toujours l’épée a la gorge, il fit l’excellent chef d’œuvre d’un satyre admirable qui s’égayait a jouer du flageolet. O Dieu, quelles âmes, qui entre toutes sortes d’accidents tiennent tous-jours leur attention et affection sur la Bonté éternelle, pour l’honorer et chérir a jamais !
[Félibien, André], De l’origine de la peinture et des plus excellens peintres de l’Antiquité(publi: 1660), p. 39-40 (fran)
Mais pour achever ce que j’ay à vous dire de Protogene, ce tableau de Ialysus dont j’ay parlé fut le salut de toute la ville de Rhodes lorsque Demetrius l’assiegea. Car ne pouvant estre prise que du costé où estoit la maison de Protogene, ce roi aima mieux lever le siege que d’y mettre le feu et perdre un ouvrage si admirable. Et ayant sceu que mesme pendant le siege, Protogene se tenoit dans une petite maison qu’il avoit hors de la ville, où nonobstant le bruit des armes, des tambours et des trompettes il travailloit avec un esprit tranquille, il le fit venir, et luy demanda s’il osoit bien demeurer ainsi à la campagne, et se croire en sureté au milieu des ennemis des Rhodiens. A quoy il luy repartit qu’il ne croyoit pas estre en aucun peril, parce qu’il sçavoit bien qu’un grand prince comme Demetrius ne faisoit la guerre qu’à ceux de Rhodes et non pas aux arts. Ce qui plût si fort à Demetrius que depuis il n’eut pas depuis moins d’estime pour sa personne que pour ses ouvrages.
Félibien, André, Entretiens sur la vie et les ouvrages des plus excellens peintres anciens et modernes, vol. 1(publi: 1666) (Premier Entretien), p. 78-79 (fran)
Mais pour achever ce que j’ay à vous dire de Protogene, ce tableau de Ialysus dont j’ay parlé fut le salut de toute la ville de Rhodes lorsque Demetrius l’assigea (sic). Car ne pouvant estre prise que du costé où estoit la maison de Protogene, ce roi aima mieux lever le siege que d’y mettre le feu et de perdre un ouvrage si admirable. Et ayant sceu que mesme pendant le siege, Protogene se tenoit dans une petite maison qu’il avoit hors de la ville, où nonobstant le bruit des armes, des tambours et des trompettes il travailloit avec un esprit tranquille, il le fit venir, et luy demanda s’il osoit bien demeurer ainsi à la campagne, et se croire en seureté au milieu des ennemis des Rhodiens. A quoy il luy repartit qu’il ne croyoit pas estre en aucun peril, parce qu’il sçavoit bien qu’un grand prince comme Demetrius ne faisoit la guerre qu’à ceux de Rhodes et non pas aux Arts. Ce qui plût si fort à ce conquérant que depuis il n’eut pas moins d’estime pour sa personne que pour ses ouvrages.
Dati, Carlo Roberto, Vite de' pittori antichi(publi: 1667), p. 155-156 (italien)
- [1] Plin. 8. 38
- [2] Plin. 35. 10
- [3] Plutar. Apotem. 83. Demetr. a 898
- [4] A. Gell. l. 15 c. ult.
- [5] Suida Plutar. in Demetr. 898. Plin. 35. 10
[1] Dicono alcuni che Demetrio Espugnatore non diede fuoco a Rodi per non abbruciar questa tavola posta dalla parte delle mura ove doveva attaccarsi l’incendio; [2] e che non potendo impossessarsi altronde di quella piazza, per aver rispettato quella pittura perdesse l’occasione della vittoria. [3] Altri aggiungono, che avendo preso Demetrio i sobborghi di Rodi s’impadronì di quest’opera dipinta, e quasi perfezionata da Protogene, perlochè i Rodiani mandarono ambasciadori a pregarlo, ch’egli perdonasse al Gialiso, ne lo guastasse. Al che Demetrio rispose, che più tosto averebbe abbruciate, e guaste l’immagini di suo padre, che così degno lavoro. [4] Assai meno fondata è la storia di chi scrisse che Demetrio insignoritosi d’alcuni edifici mal guardati addiacenti a Rodi, ne’ quali era la celebre immagine di Gialiso si preparava per abbruciargli, come quegli che essendo forte sdegnato co’ Rodiani invidiava loro la bellezza, e l’eccellenza di quell’opera singularissima. E che essi al Re inviarono messaggi parlanti in questo tenore. E per qual ragione vuoi tu mandar male questa figura dando fuoco alle case ? Se tu di tutti noi resterai vincitore, e prenderai la città nostra, quella pure intera, e salva sarà tua. Se con l’assedio con ci potrai superare, preghiamoti a far considerazione, se a te fia brutta cosa, che non avendo potuto vincere i Rodiani abbi fatto guerra con Protogene morto. E che ciò avendo udito Demetrio, levato l’assedio perdonasse alla pittura, ed alla città. Per molte ragioni non è da prestar fede a questo racconto, ma particlarmente dicendosi, che Protogene fosse già morto per l’assedio di Rodi, essendo certissimo ch’egli era vivo. [5] Anzi abitando, com’ era suo costume, in una casetta congiunta all’ orto poco lungi da Rodi, dov’ appunto erasi accampato Demetrio, non si mosse, ne per gli assalti levò mano dall’ opere incominciate. Chiamollo il Re, e interrogatolo con qual confidenza dimorasse fuor delle mura; rispose, che ben sapeva lui aver guerra co’ Rodiani, e non con l’arti. Laonde quel Principe generoso mise gente a guardarlo, godendo di conversar quelle mani, che sin’ allora erano state salue. E per non lo scioperare egli stesso andava sovente da lui, e lasciando i desiderati progressi della vittoria tra l’armi, e tra le batterie stavasi a vederlo lavorare per passatempo. La tavola ch’egli allora faceva ebbe questa fama, che Protogene sotto la spada la dipignesse.
Piles, Roger de, L’Art de Peinture de Charles-Alphonse Du Fresnoy, traduit en François, avec des remarques necessaires et tres-amples(publi: 1668), p. 63 (fran)
Et ce qui fait voir qu’ils estoient fort intelligents dans cet art, est l’amour et la consideration qu’ils avoient pour les peintres. Demetrius en donna d’avantageux témoignages au siege de Rhodes ; il voulut bien employer quelque partie du temps qu’il devoit aux soins de son armée à visiter Protogene, qui pour lors faisoit le tableau de Ialisus : Ce Ialisus (dit Pline) empescha le Roy Demetrius de prendre Rhodes dans l’apprehension qu’il avoit de brusler les tableaux, et ne pouvant par autre costé mettre le feu dans la ville, il ayma mieux épargner la peinture, que de recevoir la victoire qui luy estoit offerte. Protogenes avoit pour lors son attelier dans un jardin hors de la ville, tout proche du camp des ennemis, où il achevoit assiduëment les ouvrages qu’il avoit commencez, sans que le bruit des armes fust capable de l’interrompre ; mais Demetrius l’ayant fait venir, et luy ayant demandé avec quelle hardiesse il osoit ainsi travailler au milieu des ennemis ? Il luy répondit, Qu’il sçavoit fort bien que la guerre qu’il avoit entreprise, estoit contre les Rhodiens, et non pas contre les arts. Ce qui obligea le Roy de luy donner des gardes pour sa sureté, estant ravy de pouvoir conserver la main qu’il avoit ainsi sauvée de la barbarie et de l’insolence des soldats.
Lamoignon de Basville, Nicolas de, "Plaidoyer pour le sieur Gérard Van Opstal", lu le 4 février 1668 à l’Académie royale de peinture et de sculpture(redac: 1668/02/04), p. 216 (fran)
Nous apprenons encore que les plus sages des empereurs romains ne dédaignèrent pas d’employer leurs heures de loisir à cette occupation, que ces mains qui soutenaient le poids du gouvernement de toute la terre quittaient quelquefois le sceptre pour prendre le pinceau, et qu’enfin le roi François Ier et Louis XIII, Philippe III et IV, rois d’Espagne, en ont fait un de leurs plus agréables divertissements. Les conquérants mêmes qui semblent devoir fouler aux pieds tout ce qui s’oppose aux cours de leurs victoires ont eu du respect pour la peinture. Et Démétrius à qui l’on donna le titre de preneur de villes refusa de se rendre maître de Corinthe en mettant le feu dans un quartier où était le tableau de Protogène, aimant mieux conserver ce fameux ouvrage que d’achever de la conquérir.
Pline (Gaius Plinius Secundus); Gronovius, Johann Friedrich (Johannes Federicus), C. Plinii Secundi Naturalis historiae, Tomus Primus- Tertius. Cum Commentariis & adnotationibus Hermolai Barbari, Pintiani, Rhenani, Gelenii, Dalechampii, Scaligeri. Salmasii, Is. Vossii, & Variorum. Accedunt praeterea variae Lectiones ex MSS. compluribus ad oram Paginarum accurate indicatae(publi: 1669), vol. 3, p. 590 (latin)
Propter hunc Ialyzum, ne cremaret tabulas Demetrius rex, cum ab ea parte sola posset Rhodum capere, non incendit : parcentemque picturæ fugit occasio victoriæ. Erat tunc Protogenes in suburbano hortulo suo, hoc est Demetrii castris. Neque interpellatus præliis incohata opera intermisit omnino, [1]sed accitus a rege interrogatusque, qua fiducia extra muros ageret, respondit, [2]scire se illi cum Rhodiis bellum esse, non cum artibus. Disposuit ergo rex in tutelam ejus stationes, gaudens quod posset manus servare, quibus jam perpercerat : et ne sæpius avocaret, ultro ad eum venit hostis, relictisque victoriæ suæ votis, inter arma et multorum ictus spectavit artificem.
- [1] Sed accitus a rege interrogatusque.] Pro, sed, in vetustis legitur, nisi, quod idem est. πλήν scilicet ἀντί οὐ ἀλλὰ. Loquendi genus nec Ciceroni, Terentio, Plauto, Salustio infrequens. Vide Manutium adnot. in Salust. 70. Dalec.
- [2] [2] Scire se illi cum Rhodiis bellum esse.] Melior verborum ordo nostri exemplaris, Scire se cum Rhodiis illi bellum esse. Pint.
Bellori, Giovanni Paolo; Lamoignon de Basville, Nicolas de, Lecture des Honneurs de la peinture et de la sculpture de Bellori, le 26 mars 1678 à l’Académie royale de peinture et de sculpture(redac: 1678/03/26), 650 (fran)
Que si l’histoire fait mention de quelques poètes et philosophes qui ont sauvé leur patrie vaincue de la colère de leurs vainqueurs, tout le monde sait que la ville de Rhodes se garantit du courroux de Démétrius par le respect que lui inspira une figure de Protogène ; sur quoi l’on peut dire que la peinture l’emporta à cet égard sur la poésie, puisque Démétrius pardonna alors à une ville toute entière, au lieu qu’Alexandre le Grand après avoir pris Thèbes, ne sauva que la seule maison du poète Pindare.
Félibien, André, Noms des peintres les plus célèbres et les plus connus anciens et modernes(publi: 1679), p. 3-4 (fran)
Il[Explication : Protogène.] fit un tableau qui sauva la ville de Rhodes, lorsque Démétrius l’assiégea : car ne pouvant être prise que du côté où était la maison de Protogène, ce roi aima mieux lever le siège que d’y mettre le feu, et de perdre un ouvrage si admirable.
Germain, Des peintres anciens et de leurs manières(publi: 1681), p. 121-122 (fran)
Ce tableau étoit en si grande estime, que Démétrius ayant assiégé Rhodes, et trouvé dans une maison publique d’un des fauxbourgs de la ville, cette admirable piece, que les Rhodiens, par je ne sçais quelle négligence avoient oublié de renfermer dans l’enceinte de leurs murailles, ceux-ci apprenant avec beaucoup de regret qu’elle étoit tombée entre les mains de ce conquérant, lui députerent aussitôt quelques-uns des plus considérables d’entr’eux, pour le supplier d’avoir quelque considération pour un si digne ouvrage, et de ne le point condamner au feu, comme il faisoit tout le reste des dépouilles qu’il prenoit sur eux. À quoi ce sage prince répondit : Se citius patris imagines, quam eam picturam aboliturum. Plutarch. in Demetr.
Qu’il n’étoit pas assez barbare
Pour souffrir qu’une image, et si riche, et si rare,
Servît aux flammes d’aliment ;
Et que dans son estime il la tenoit si chere,
Qu’il souffriroit plutôt qu’on fît ce traitement
À toutes celles de son pere.
Pline dit que par succession de temps ce tableau fut porté à Rome, et mis au Temple de la Paix.
Guillet de Saint-Georges, Georges, Harangue, prononcée le 17 décembre 1683 à l’Académie royale de peinture et de sculpture(redac: 1683/12/17), 92-93 (fran)
Démétrius, surnommé le preneur de villes, montra l’estime qu’il en faisait, en refusant de se rendre maître de Corinthe. Il ne fallait pour cela que mettre le feu dans un quartier où était un tableau de Protogène ; mais il aima mieux conserver ce fameux ouvrage que d’achever de la conquérir.
Aglionby, William,, Painting Illustrated in Three Diallogues, Containing Choice Observations upon the Art(publi: 1685) (Dialogue II), p. 54-55 (anglais)
Whatsoever it was, the piece was so admired, that it sav’d the city of Rhodes, when it was besieg’d by Demetrius, who could have carried it, if he would have fired a part of the town where his picture was; but he choose rather to raise the siege, than to destroy so fine a thing: some say, that Protogenes was yet alive, and working in his countrey-house in the suburbs of Rhodes, which were all possess by the army of Demetrius; who hearing that he work’d on quietly, sent to him to know the reason of so much security amidst so much danger: Protogenes made answer, that he knew his war was with the Rhodians, and not with the arts: which answer so pleased Demetrius, that he gave him a guard, and went often, during the siege, to see him work. And thus you see, art can protect its own sons in the midst of the greatest dangers.
Aglionby, William,, Painting Illustrated in Three Diallogues, Containing Choice Observations upon the Art(publi: 1685), Préface, non pag. (anglais)
Demetrius chose rather to raise the siege of Rhodes, than to ruin a piece of Protogenes’s, which was painted upon the place where he could have best annoyed the town; and while his camp was before it, would often go to see Protogenes at work, in a little country-house he had within the precinct of the camp: and to show the breeding and wit of the painter, I cannot omit the answer Protogenes gave Demetrius, when he asked how he durst continue to work with so much tranquillity in the midst of the noise of arms, and the disorders of a camp? He civilly replied, “That he knew Demetrius had war with the Rhodians, but he was sure he had none with the liberal arts.”
Pline l’Ancien; Hardouin, Jean, Caii Plinii Secundi Naturalis historiae libri XXXVII. Interpretatione et notis illustravit Joannes Harduinus,... in usum Serenissimi Delphini(publi: 1685), t. V, p. 217-218 (latin)
[1]Propter hunc Jalysum, ne cremaret tabulam [2]Demetrius rex, cum ab ea parte sola posset Rhodum capere, non incendit: parcentemque picturae fugit occasio victoriae. Erat tunc Protogenes in suburbano suo hortulo, hoc est Demetrii castris. Neque interpellatus praeliis incohata opera intermisit omnino: nisi accitus a rege interrogatusque, qua fiducia extra muros ageret, respondit, [3]scire se cum Rhodiis illi bellum esse, non cum artibus. Disposuit ergo rex in tutelam ejus stationes, gaudens quod posset manus servare, quibus jam perpercerat: et ne saepius avocaret, ultro ad eum venit hostis, relictisque victoriae suae votis, inter arma et multorum ictus spectavit artificem.
- [1] Propter hunc. Refert haec totidem ferme verbis Plutarchus, in Demetrio, pag. 898. idemque ia Apophtheg. pag. 183. Aelianus, lib. 12. Var. hist. cap. 41. multoque expressius Gellius, lib. 15. cap. 31. pag. 855.
- [2] Demetrius. Poliorcetes dictus.
- [3] Scire se cum Rhodiis. Simile Nealcis pictoris dictum refert Plutarchus in Arato, pag. 1032.
Monier, Pierre, "Dissertation pour le jour des prix", Conférence prononcée le 28 septembre 1686(redac: 1686/09/28), p. 156 (fran)
Le roi Démétrius qui aimait avec excès les œuvres de Protogène, étant sur le point de triompher de la ville de Rhodes qu’il tenait assiégée, en retarda la conquête de crainte que ses troupes y entrant les armes et le feu à la main ne consumassent les tableaux de ce fameux peintre dont un seul fut vendu cinquante talents, qui font trente mille écus de notre monnaie.
[Callières, François de], Histoire poëtique de la guerre nouvellement déclarée entre les Anciens et les Modernes(publi: 1688) (livre onzième), p. 252-253 (fran)
A-t-il[Explication : Perrault.] oubliê que le Roy Demetrius surnommé le preneur de villes, manqua de prendre Rhodes, pour ne l’avoir pas fait attaquer par l’endroit le plus faible, à cause de l’apprehension qu’il eut qu’on y brûlât pendant l’attaque un beau tableau de ma façon, qu’il sçavoit qu’on y gardoit et qu’il vouloit conserver ? que ce même tableau de Ialysus[1] a esté depuis porté dans Rome, et conservé avec un soin extrême par plusieurs Empereurs, et qu’il étoit encore sous Vespasien le plus bel ornement du Temple de la Paix.
- [1] Fameux chasseur qui fit bâtir une ville dans l’Isle de Rhodes à laquelle il donna son nom.
Junius, Franciscus, De pictura veterum(publi: 1694) (II, 9, 2), p. 116-117 (latin)
- [1] Non est quod miremur artes hasce summam venisse gloriam, principibus ubique viris numerosam earum laudem auctoritate sua sublevantibus.
§2. Inclyti olim reges quaesitissimos quosque honores in eximios artifices propalam congerentes numerosamque eorum laudem auctoritate sua sublevantes, ad ipsorum quoque artificum officinas, splendidis purpuratorum gregibus undique laterum stipati, accedere non erubescebant. [1] Intelligentissimos certe artis fuisse priscorum sæculorum magnates, ex eo quo artifices prosequebantur amore, facile percipias: nam ut recte Sidon. Apollinaris lib. V, epist. 10, Naturali vitio fixum est radicatumque pectoribus humanis, ut qui non intelligunt artes, non mirentur artifices. Vitruvius quoque in prooemio libri tertii, Propter ignorantiam artis virtutes obscurantur. Artifici clamore plausuque opus est, et velut quodam theatro ; qualia quotidie antiquis artificibus obtingebant, quum plures viri nobiles officinas eorum nunquam non coartarent : quod quantum ardorem ingeniis, quas artificibus faces admovisse putamus ? Demetrius ille Poliorcetes, bellatorum acerrimus, Protogenem picturae Jalysi intentum videre non dubitavit, Relictisque victoriae suae votis, inter arma et murorum ictus spectavit artificem, Plinius XXXV, 10.
Junius, Franciscus, De pictura veterum(publi: 1694) (I, 4, 4), p. 31-32 (latin)
Rege Demetrio, cui ab expugnandarum urbium sollertia cognomentum Poliorcetes inditum, obsidente atque oppugnante Rhodum, Protogenes in suburbano hortulo suo pingebat Jalysum, et constanter adeo inter arma et horrendum ruentium mororum graforem inhaerebat operi, ut ferocissimus hostis, fidentis animi miraculo motus, ultro ad pictorem, relictis victoriae suae votis, commeaverit, pingentemque avidissime spectaverit. Ergo artis dulcedo etiam in efferata pertinacibus inimicitiis pectora penetrat, torvosque ac truces hostium oculos ad se trahit, ac victoriae insolentissimos spiritus admiratione sui flectit, neque illi difficile atque arduum est, inter arma contraria, inter districtos cominus enses, placidam tutamque stationem a truculentissimo bellarotum exorare.
Junius, Franciscus, De pictura veterum, liber I, (trad: 1996), p. 322 (trad: "La Peinture des Anciens, livre I" par Nativel, Colette en 1996)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Comme le roi Démétrius, à qui son habileté à prendre des villes valut le nom de Poliorcète, assiégeait et occupait Rhodes, Protogène, dans son petit jardin des faubourgs, peignait son Ialysos et, au milieu des armes et du fracas horrible des murs qui s’écroulaient, restait fixé à son travail avec tant de fermeté d’âme que ce très impétueux ennemi, ému par le miracle de cette âme pleine de confiance, oubliant tous ses désirs de victoire, se rendit de lui-même auprès du peintre et le contempla en train de peindre avec passion. Tant il est vrai que la douceur de l’art pénètre même les cœurs rendus sauvages par d’opiniâtres inimitiés, attire les regards menaçants et farouches des ennemis et fléchit, par l’admiration qu’elle leur fait éprouver, les esprits les moins accoutumés à sa victoire; il ne lui est ni difficile, ni ardu, au milieu des armes hostiles, au milieu des épées dégainées toutes proches, d’obtenir par ses prières une attitude calme et bienveillante au plus rude des combattants.
Monier, Pierre, Histoire des arts qui ont rapport au dessein(publi: 1698), p. 36 (fran)
[Note contexte] Protogene ne fut pas moins estimé du roi qu’Appelle l’avoit été d’Alexandre. Ce prince ayant assiegé Rodes l’aloit voir travailler dans une maison qu’il avoit hors de la ville. Comme il lui demandoit familierement comment il pouvoit travailler si tranquilement, ce sçavant homme lui répondit, qu’il sçavait qu’il étoit venu faire la guerre à la vile de Rodes, mais non pas aux beaux Arts. Ce roi faisoit tant de cas des ouvrages de Protogene, qu’il ne voulut point qu’on mît le feu à la ville, de crainte qu’ils ne fussent brulés, aimant mieux ne pas prendre cette ville que d’être cause de leur perte. Pline l. 35 cap. 10.
Piles, Roger de, Abrégé de la vie des Peintres, avec des reflexions sur leurs ouvrages, et un Traité du Peintre parfait, de la connoissance des Desseins et de l’utilité des Estampes(publi: 1699), p. 128-129 (fran)
Ce fut ce même tableau[Explication : Ialysus.] qui sauva la ville de Rhodes, que le roy Démétrius tenoit assiégée, parce que ne pouvant la prendre que du côté où travailloit Protogéne, et par où ce prince avait résolu d’y mettre le feu, il aima mieux renoncer à sa conquête, que de perdre une si belle chose.
Protogéne avoit son attelier dans un jardin au fauxbourg de Rhodes, c’est-à-dire parmi le camp des ennemis, sans que le bruit des armes fut capable de le distraire de son travail. Et le roy l’ayant fait venir, et luy ayant demandé avec quelle assûrance il pouvoit ainsi travailler dans les dehors d’une ville assiégée, il luy répondit, qu’il savoit bien que la guerre qu’il avoit entreprise étoit contre les Rhodiens, et non pas contre les arts. Ce qui obligea le roy de lui donner des gardes pour sa sureté, étant ravi de pouvoir conserver cette main savante qu’il avoit sauvée.
Aulugéle rapporte que les Rhodiens pendant le siège de leur ville envoyérent une ambassade à Démétrius, pour le prier de sauver ce tableau de Ialysus, lui réprésentant que s’il étoit victorieux, il pourroit orner son triomphe de ce rare ouvrage ; et que s’il étoit contraint de lever le siége, on pourroit luy reprocher, que ne les ayant pu vaincre, il auroit tourné ses armes contre Protogéne ; ce qu’ayant écouté paisiblement de la bouche des ambassadeurs, il fit retirer son armée, et épargna par ce moyen, et le tableau de Ialisus, et la ville de Rhodes.
Piles, Roger de, "Si la poésie est préférable à la peinture", conférence prononcée à l'Académie royale de peinture et de sculpture le 7 mai 1701(redac: 1701/05/07), p. 6 (fran)
L’on portait même jusqu’au respect l’honneur que l’on rendait à cet art : le roi Démétrios en donna des marques mémorables au siège de Rhodes, où il ne put s’empêcher d’employer une partie du temps qu’il devait au soin de son armée à visiter Protogénès qui faisait alors le tableau de Ialysos. Cet ouvrage, dit Pline, empêcha le roi Démétrios de prendre Rhodes dans l’appréhension qu’il avait de brûler les tableaux de ce grand peintre ; et ne pouvant mettre le feu dans la ville par un autre côté que celui où était le cabinet de cet homme illustre, il aima mieux épargner la peinture que de recevoir la victoire qui lui était offerte. Protogénès, poursuit le même Pline, travaillait alors dans un jardin hors de la ville près du camp des ennemis, et il y achevait assidûment les ouvrages qu’il avait commencés, sans que le bruit des armes fût capable de l’interrompre ; mais Démétrios l’ayant fait venir et lui ayant demandé avec quelle confiance il osait travailler au milieu des ennemis, le peintre répondit qu’il savait fort bien que la guerre qu’il avait entreprise était contre les Rhodiens et non pas contre les arts. Ce qui obligea le roi de lui donner des gardes pour sa sûreté, étant ravi de pouvoir conserver la main qu’il avait sauvée de l’insolence des soldats.
Coypel, Antoine, "Sur l’excellence de la peinture", Conférence prononcée à l'Académie royale de peinture et de sculpture le 12 juillet 1720(redac: 1720/12/07), p. 217 (fran)
Plus on est grand homme, plus on estime les grands hommes. Tout le monde a lu que le roi Démétrius étant campé devant Rhodes avec une puissante armée, et pouvant facilement s’emparer de cette ville, en faisant mettre le feu d’un certain côté où travaillait tranquillement Protogène à un tableau qu’il achevait, et dont la réputation était venue jusqu’aux oreilles de ce prince, il aima mieux lever le siège de cette place, que d’abandonner aux flammes un ouvrage si précieux.
Durand, David, Histoire de la peinture ancienne, extraite de l’Histoire naturelle de Pline, liv. XXXV, avec le texte latin, corrigé sur les mss. de Vossius et sur la Ie ed. de Venise, et éclairci par des remarques nouvelles(publi: 1725), p. 81-82; 279-280 (fran)
Pour revenir à Protogène, on assure que pour l’amour de ce tableau, le roi DÉMÉTRIUS POLIORCÈTE[1], ou le Conquérant, ayant mis le siège devant Rhodes, et ne pouvant gueres la prendre que du côté où travailloit le peintre, et où étoit son Ialyse[2], il aima mieux épargner la ville, que de réduire en cendre ce chef-d’œuvre ; comme il l’auroit pu avec la derniere facilité. Si bien que l’amour de la peinture l’emporta cette fois-là sur l’amour de la victoire. C’est que le peintre travailloit alors dans le faux-bourg, où étoit enclose sa maisonnette, avec un petit jardin, et où il se plaisoit si fort, que quoique dans le camp des ennemis et au milieu des assiégeans et des assiégez, non sans danger d’y perdre la vie, il ne fut jamais possible de l’interrompre dans l’éxercice de son art : jusqu’à ce qu’enfin mandé par le prince, et interrogé par lui, comment il avoit le courage, lui Rhodien, de travailler hors les murs d’une ville assiégée et dans le camp même des ennemis, il répondit naïvement, qu’il savoit bien que Demetrius étoit venu pour faire la guerre à ceux de Rhodes, mais non pas pour attaquer les beaux-arts. Sur quoi, le jeune heros, charmé d’une si belle parole, ordonna aussitôt des gardes pour sa sûreté, ravi de conserver la main savante, qu’il avoit déjà respectée[3], contre ses propres intérêts. On ajoute même qu’il poussa la complaisance jusqu’à la magnanimité ; car de peur de le détourner trop souvent et d’interrompre, de cette manière, les productions de son génie, il venoit lui-même, de tems en tems, à son atelier, pour le voir peindre, au milieu du bruit et des coups, de part et d’autre, plus content du plaisir de voir naître de belles choses sous le pinceau d’un grand maître, que de celui, qu’il auroit pu prendre à renverser des murailles et à brûler tout un faux-bourg.
[Il faut avoûer aussi, que les Rhodiens[4] s’y prirent d’une maniere assez adroite, pour engager le Destructeur des Villes, à respecter la leur, et le tableau de Protogene. Cette excellente pièce étoit alors consacrée hors des murs, dans le faux-bourg, en un bâtiment public, assez fort de lui-même, et outre cela défendu par un détachement de la garnison, qu’on pouvoit toûjours rafraichir, et qui avoit ordre de faire ferme jusqu’à la deniere éxtrémité. De sorte que le conquerant ne pouvoit guère s’en rendre le maître que par le feu ; ce qu’il auroit bien voulu éviter, par la passion éxtrême qu’il avoit de leur enlever cette fameuse pièce[5]. Dans le tems donc, qu’il commençoit à attaquer cet endroit, de toutes ses forces, voici des députez de la Ville, qui arrivent au camp, et qui lui representent le tort qu’il va se faire, s’il persevere dans son entreprise. « A quoi vous amusez vous, grand prince, lui dirent-ils, de vouloir détruire ce quartier, avec le tableau ? Qu’y gagnerez-vous, quand vous aurez tout reduit en cendres ? Vous trouverez encore des murs, de ce côté-là, aussi redoutables, qu’aucun des dehors de notre place. Ne seroit-il pas plus digne de vous de nous attaquer par un autre endroit, en conservant ce chef-d’œuvre de notre peintre, ou pour vous, ou pour nous ? Car enfin si vous l’emportez par la voye que nous vous indiquons ; en ce cas-là, nous serons tout à votre discrétion, et vous triompherez de nous et de notre Ialyse à la face de l’univers ; au lieu que si vous vous obstinez à brûler le quartier, où est le tableau, et que vous ayez le malheur d’échoûer contre le reste, prenez garde, qu’on ne dise dans le monde, que n’ayant osé attaquer les Rhodiens d’une maniere noble et genereuse, vous vous etes amusé à faire la guerre à un peintre et à un mort[6]. » C’est-à-dire, à Protogene et à son Ialyse. Il n’en falut pas d’avantage pour picquer la grandeur d’ame du Conquerant, et pour le disposer à mênager sa propre gloire, en mênageant les beaux-arts.]
Notes au texte latin, p. 279-280 :
(F) Propter hunc Ialysum, ne cremaret tabulam. C’est la leçon de la I. Venitienne ; la leçon commune porte tabulas : mais je ne vois pas pourquoi il s’agiroit ici de plusieurs tableaux, puisque Pline n’en nomme qu’un propter hunc Ialysum. De tous les Anciens, qui ont parlé de ce fait, personne ne l’a mieux developpé que Gellius, liv. 15 chap. 31. Voyez ci-dessus l’Histoire de la peinture, p. 82. Faute de l’avoir consulté, on a commis diverses fautes, qui sautent aux yeux. M. de Piles dit à ce propos, que Demetrius donna de grands témoignages de son amour pour la peinture au siège de Rhodes, où il voulut bien employer quelque partie de son tems à visiter Protogene, qui pour lors faisoit le tableau de Ialysus : Rem. Sur le Poëme de Du Fresnoy, p. 99. Il y a dans ce petit mot 3 ou 4 contradictions. 1. Le tableau d’Ialyse étoit déjà fait et consacré. 2. Il étoit dans un bâtiment fortifié, le seul endroit par où on pouvoit prendre la ville. 3. Protogene étoit dans le faux-bourg, au milieu du camp des ennemis et travaillait à un Satyre joûant de la flûte, comme Pline le dira bientôt. 4. S’il eut travaillé à cet Ialyse, Démétrius en eût été le maître, et auroit pû l’enlever, sans attaquer la ville. Félibien n’est pas plus éxact : Ce tableau de Ialysus fut le salut de toute la ville de Rhodes, lorsque Démétrius l’assiégea. Car ne pouvant être prise que du côté où étoit la maison de Protogène, ce roi aima mieux lever le siège que d’y mettre le feu et de perdre un ouvrage si admirable : et ayant su que pendant le siège Protogène se tenoit dans une petite maison qu’il avoit hors de la ville… tom. I p. 71. Voilà Protogene qui a deux maisons ; une dans le camp de l’ennemi, où il travailloit ; et l’autre dans la ville, où étoit son Ialyse. Tout cela n’est point exact ; Protogene n’avait qu’une maisonnette dans le faux-bourg ; il étoit pauvre et il ne craignoit point les ravages du soldat : casula Protogenes contentus erat. Et son tableau d’Ialyse étoit déjà consacré dans un édifice public, gardé par des soldats, et qu’on ne pouvoit prendre qu’en y mettant le feu, selon la méthode de Démétrius. Il est vrai que Plutarque semble favoriser M. de Piles : Car de adventure en ce tems-là Protogenes, éxcellent peintre, natif de la ville de Caunus, leur peignit le portrait de Ialysus : Démétrius en trouva le tableau dedans un logis, qui étoit hors la ville, en l’un des faux-bourgs, étant presque tout achevé ; et comme les Rhodiens lui eussent envoyé un hérault pour le supplier de pardonner à un si bel ouvrage et ne souffrir point qu’il fût gâté, il leur fit réponse, qu’il souffriroit plutôt qu’on bruslât les images de son père, qu’un si éxcellent chef-d’œuvre et d’un si grand labeur… Plut. in Demetrio, p. m. 326. Je m’en tiens à Aulu-Gelle, et à la correction de M. Gronovius. Voyez les petites notes de l’Hist. de la peinture, p. 82.
(G) Gaudens quod posset manus sevare, quibus jam pepercerat. C’est que n’ayant pas trouvé à propos d’attaquer la ville de Rhodes, du côté du fort, où étoit l’Ialyse, de peur de bruler un chef-d’œuvre, et de s’en retourner sans autre fruit, il avoit épargné les mains de Protogene, en épargnant leur ouvrage. C’est une figure assez familiere aux bons auteurs : Nam et Zeuxidos manus vidi nondum vetustatis injuria victas : Petrone, ch. 83. Du reste, on a respecté de tout tems la main des grands hommes, lors même qu’elles s’étoient signalées sur des sujets qui ne le méritoient pas : Et pourtant sitôt qu’Aratus eut remis la ville en liberté (Sicyone), il fit incontinent effacer et abattre toutes les autres images des tyrans : mais il fut assez longuement en doute, s’il effaceroit aussi celle d’Aristratus, lequel avoit regné du tems de Philippus (le Pere d’Alexandre) pource qu’elle étoit peinte des mains de tous les disciples de Melanthus, étant auprès d’un chariot de triomphe, qui portoit une victoire, et y avoit Apelles même mis la main, ainsi comme l’escrit Polémon le géographe. C’étoit une œuvre singuliere et très digne de voir, de maniere qu’Aratus du commencement flechissoit et se laissoit aller à la vouloir conserver pour l’éxcellence de l’artifice : toutesfois à la fin, poussé de la haine éxcessive qu’il portoit aux tyrans, encore commanda-t-il qu’on l’effaçat. Mais on dit que le peintre Nealces, qui étoit des amis d’Aratus, le pria les larmes aux yeux de vouloir pardonner à un si noble chef-d’œuvre : et comme Aratus n’en vouloit rien faire, il lui dit que c’étoit bien raison de faire la guerre aux tyrans, mais non pas à leurs images. C’est à peu près la pensée de Protogene ; Scire se illi cum Rhodiis bellum esse, non cum artibus. Je n’ignore pas que vous êtes en guerre avec ceux de Rhodes, mais je suis bien sûr que ce n’est pas avec les beaux-arts.
- [1] Voyez sa Vie tout au long dans Plutarque. On le nommoit Poliorcete, comme qui diroit, Preneur de villes, conquérant.
- [2] Ce tableau d’Ialyse étoit consacré dans un bâtiment public, dans le faux-bourg ; mais ce bâtiment étoit fort de lui-même et bien gardé, par un détachement de la garnison, avec ordre de le défendre jusqu’à l’éxtrême. Pour Protogene, il étoit un peu loin de là, dans le camp même de l’ennemi. Félibien suppose que ce tableau étoit dans la maison de Protogène ; mais Pline ne le dit point.
- [3] C’est qu’il auroit pû réduire en cendres tout le faux-bourg ; et le lieu même où étoit Ialyse : mais par vénération pour cette pièce, et dans l’esperance de l’avoir saine et sauve, il s’en abstint.
- [4] Tout ceci est tiré d’Aulugelle, qui dévelope, à mon gré, tout ce que ce fait avoit d’obscur, Noct. Att. XV. 31. Voy. nos remarques.
- [5] Ajoutez aussi la crainte de détruire un chef-d’œuvre, déjà célèbre dans toute la Grèce.
- [6] Il y a dans le texte de Gellius, Cum Protogene mortuo : avec Protogene déjà mort : mais comment étoit-il mort, puisqu’il vivoit, et qu’il peignoit, et qu’il a vécu longtems depuis ? Cet endroit a fort embarrassé les interprètes. Mais Jacq. Gronovius conjecture fort heureusement qu’il faut lire Cum Protogene e mortuo : avec Protogene et avec un mort : c. à. d. son Ialyse, qui étoit une chose morte.
Lamotte, Charles, An Essay upon Poetry and Painting, with Relation to the Sacred History, with an Appendix Concerning Obscenity in Writing and Painting(publi: 1730), p. 103 (anglais)
This was this famous piece that saved the city of Rhodes; for when Demetrius found he could not take the place, without attacking on that side where it was, he chose to raise the siege, rather than destroy the picture.
Rollin, Charles, Histoire ancienne(publi: 1730:1738), « Successeurs d’Alexandre » (numéro livre XVI) , t. VII, p. 264-266 (fran)
Pour ne pas interrompre la suite et la liaison des divers événemens de ce siége, j’ai différé jusqu’ici à en raporter un, qui a fait beaucoup d’honneur à Démétrius : il regarde son goût pour les arts, et l’estime qu’il faisoit de ceux qui s’y distinguaient par un mérite singulier ; ce qui n’en est pas un petit pour les princes.
Il y avoit pour lors à Rhodes un célébre peintre nommé Protogéne, natif de Caune, ville de Carie, qui étoit dans la dépendance des Rhodiens. Son attelier était dans le faux-bourg de Rhodes, et hors de la ville, lorsque Démétrius en forma le siége. La présence des ennemis au milieu desquels il se trouvait, et le bruit des armes qui retentissoit sans cesse à ses oreilles, ne lui firent point quitter sa demeure, ni interrompre son travail. Le roi en fut surpris ; et, comme il lui en demandoit un jour la raison, C’est que je sai, répondit-il, que vous avez déclaré la guerre aux Rhodiens, et non aux arts. Il ne se trompoit point ; Démétrius en effet s’en montra le protecteur. Il disposa une garde autour de son attelier, afin qu’au milieu du camp même il fût en repos, ou du moins en sureté ; il allait souvent l’y voir travailler, et ne se lassoit point d’admirer son application à l’ouvrage et son extrême habileté.
Le chef-d’œuvre de ce peintre étoit l’Ialysus. On appelait ainsi un tableau où il avoit peint quelque histoire de cet Ialysus[1], héros connu seulement dans la fable, et que les Rhodiens respectoient comme leur fondateur ; Protogéne avoit emploié sept ans à l’achever. La premiére fois qu’Apelle le vit, il fut si surpris et si transporté d’admiration, que la voix lui manqua tout à coup. Enfin, revenu à lui-même, il s’écria : Grand travail ! Œuvre admirable ! il n’a pourtant pas ces graces que je donne à mes ouvrages, et qui les élevent jusqu’aux cieux. S’il en faut croire Pline, pendant tout le tems que Protogéne travailla à ce tableau, il se condamna lui-même à mener une vie fort[2] sobre, et même fort dure, pour empécher que la bonne chère n’émoussât la finesse de son goût et de son sentiment. Ce tableau avoit été porté à Rome, et consacré dans le temple de la Paix, où il étoit encore du temps de Pline ; il y périt enfin dans un incendie.
Le même Pline prétend que ce tableau sauva Rhodes, parce qu’étant dans un endroit par lequel seul Démétrius pouvoit prendre la ville, il[3] aima mieux renoncer à la victoire que de s’exposer à faire périr par le feu un si précieux monument de l’art. C’auroit été pousser bien loin le goût et le respect pour la peinture. Nous avons vû les véritables raisons qui obligèrent Démétrius à lever le siège.
- [1] Il étoit fils d’Ochimus, qui étoit né du soleil et de Rhode, laquelle avoit donné son nom à la ville et à l’île.
- [2] Il ne vivoit que de lupins bouillis, qui apaisoient en même tems et la faim et la soif.
- [3] Parcentem picturæ fugit occasio victoriæ.
Lamotte, Charles, An Essay upon Poetry and Painting, with Relation to the Sacred History, with an Appendix Concerning Obscenity in Writing and Painting(publi: 1730), p. 33 (anglais)
Their great masters had such a regard for their works, such a value for their paintings, that they would not so far gratify the vanity of those they work for, as to paint on their walls and cielings, which in case of fire, or any other accident, could not be removed, but must unavoidably perish. Apelles would not draw any pieces, but what were portable and removeable ; and Pliny[1] saith, that Protogenes used to work in a little cell in his garden, at a distance from his house, that his works might be exempt from such calamities. It must be confessed, the moderns have not had such a regard to their pieces of which vast numbers are perished for want of that precaution.
- [1] Hist. Nat. Lib. 35. Cap. 10.
Turnbull, George, A Treatise on Ancient Painting(publi: 1740), p. 28 (anglais)
To mention but one circumstance more in Protogene’s character and life; the tranquility with which he possess’d himself at Rhodes, continuing to work while it was besieged; and the ingenious reply he gave to those who were sent by Demetrius to ask how he had the courage to paint even in the very camp of the enemy, are much celebrated[1]; He answer’d with an easy smile, that he knew very well the prince was not come to make wear against the fine arts. Now we have almost a parallel instance of the same command of temper in a modern painter (Parmegiano) who likewise had one of the gentlest, sweetest, and most gracious peincls in the world. When Charles the Fifth had taken Rom by storm, some of the common soldiers, in sacking the town, having broke into his apartments, and found him, like Protogenes of old, intent upon his work, were so astonish’d at the charming beauty of his pieces, that instead of plunder and destruction, which was then their business, they resolved to protect him, as they afterwards did, from all manner of violence.
- [1] [1] Accitus a Rege, interrogatusque, qua fiducia extra muros ageret ? Respondit, scire se cum Rhodiis ille bellum esse, non cum artibus. Disposuit ergo rex in tutelam ejus stationes ; gaudens quod manus servaret, quibus jam perpercerat : et ne saepius avocaret, ultro ad eum venit hostis, relictisque victoriae suae votis, inter arma et murorum ictus spectavit artificem : sequiturque tabulam illius temporis haec fama, quod eam Protogenes sub gladio pinxerit. Pin. Ibid. See Felibian’s account of Parmegiano.
Lacombe, Jacques, Dictionnaire portatif des beaux-arts ou abrégé de ce qui concerne l’architecture, la sculpture, la peinture, la gravure, la poésie et la musique(publi: 1752), art. « Protogène », p. 529 (fran)
Demetrius ayant assiegé Rhodes, ne voulut point mettre le feu à un quartier de la place, quoique ce fût le seul moyen de s’en emparer, parce qu’il apprit que c’étoit en cet endroit que Protogene avoit son attelier ; il leva le siége.
Pernety, Antoine-Joseph, Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure avec un traité pratique des différentes manières de peindre dont la théorie est développée dans les articles qui en sont susceptibles. Ouvrage utile aux artistes, aux élèves et aux amateurs par Dom Antoine-Joseph Pernety(publi: 1756), « Traité pratique des différentes manières de peindre », p. xvi (fran)
Demetrius sacrifia sa propre gloire à la conservation d’un tableau de Protogene ; il préféra de lever le siége de Rhodes, dont il se seroit infailliblement rendu maître en mettant le feu aux maisons voisines de l’attaque ; mais il sçavoit que ce tableau admirable se trouvoit dans une de ces maisons : il aima mieux renoncer à cette conquête, que de l’y faire périr.
Du Perron, Discours sur la peinture et sur l’architecture(publi: 1758), « Des avantages de la peinture, de son application à l’architecture » (numéro Seconde partie) , p. 58 (fran)
Le tableau de Ialise (au rapport de Pline, liv. 35 ch. 10) conserva la ville de Rhodes, lorsque Démétrius Poliorcetes, roi de Macedoine, l’assiégea l’an 304. avant Jesus-Christ ; car ne pouvant la prendre que du côte où étoit la maison de Protogênes, il aima mieux lever le siège et renoncer à la victoire qui lui étoit offerte, que de mettre le feu et de faire consumer cet ouvrage admirable. Ce prince ayant sçu, que pendant le siège, Protogênes ne laissoit pas de travailler dans une maison hors de la ville, sans que le bruit des armes fût capable de l’interrompre, le fit venir, et lui demanda comment il osoit demeurer ainsi à la campagne et se croire en sûreté au milieu des ennemis. Il lui répondit, qu’il sçavoit bien qu’un grand prince comme Démétrius, ne faisoit la guerre qu’aux Rhodiens et non pas aux arts : ce qui plut extrêmement à ce conquérant, et augmenta son estime pour ce peintre. Felibien.
Le Mierre, Antoine-Marin, La Peinture, poème(publi: 1761), « Chant troisième [l’invention] », p. 70-71 (fran)
Combien le cœur ému s’ouvre à cet art céleste !
Jusqu’où va son pouvoir ! Tout en parle et l’atteste ;
La loi qui dans Athène interdit les pinceaux
Aux doigts qu’avoient durci les serviles travaux,
La toile hospitaliere au temple de Carthage
Rassurant les Troyens sur un nouveau rivage,
Protogene en honneur et de son atelier
Sauvant Rhode lui seul des assauts du bélier,
Alexandre effrayé par l’image sanglante
Du triste Palamede immolé dans sa tente,
Croyant revoir le sang dont lui-même est souillé,
Dans son sein tout à coup le remords éveillé ;
Porcie à son époux s’arrachant en romaine,
Et dans le même jour ne respirant qu’à peine,
Au tableau des adieux d’Andromaque et d’Hector ;
L’image d’un soldat est plus puissante encor,
Elle arme un peuple entier victorieux d’avance.
Jaucourt, Louis de, Encyclopédie, art. « Peintres grecs », tome XII(publi: 1765), p. 263-264 (fran)
Il étoit alors logé à la campagne dans une maison près de la ville. Démétrius fit venir Protogène dans son camp ; et lui ayant demandé comment il pouvoit s’occuper à son beau tableau sans crainte, et s’imaginer être en sureté au milieu des ennemis, Protogene lui répondit spirituellement, qu’il savoit que Démetrius ne faisoit pas la guerre aux arts ; réponse qui plut extrèmement au monarque, et qui sauva Rhodes. C’est Aulugelle, liv, XV. ch. iij. qui rapporte ce fait, un des plus frappans que l’histoire nous ait conserve. Cet évenement d’un tableau qui opere le salut d’une ville, est d’autant plus singulier, que le peintre vivoit encore ; et l’on sait assez que d’ordinaire les hommes attendent la mort des auteurs en tout genre, pour leur donner les éloges les plus mérités, soit qu’un sentiment d’envie les conduise, soit qu’ils ne prisent que ce qu’ils n’ont pas la liberté de faire exécuter, le plaisir de voir naître sous leurs yeux, et que leur estime soit produite par le regret.
Falconet, Etienne, Traduction des XXXIV, XXXV et XXXVI livres de Pline l’Ancien, avec des notes(publi: 1772) (t. I), p. 169 (fran)
Pour éviter que le tableau de Ialise ne fût brûlé, le Roi Démétrius, lorsqu’il assiégea Rhodes, ne fit pas mettre le feu du coté où il étoit, quoique ce fût le seul par où il pût prendre la ville ; et pour épargner la peinture, il perdit l’occasion de la victoire. Protogènes étoit alors dans une petite maison de campagne qu’il avoit dans le fauxbourg, c’est-à-dire, dans le camp même de Démétrius. Les combats ne l’interrompirent en aucune sorte, et ne l’empêchèrent de continuer ses ouvrages commencés, que quand le Roi l’envoia chercher pour lui demander comment il ôsoit rester avec tant d’assurance hors des fortifications ? Il répondit, qu’il savoit que le Roi faisoit la guerre aux Rhodiens, et non pas aux arts. Le Prince mit donc des corps de garde pour sa sûreté, charmé de pouvoir conserver des mains qu’il avoit déjà épargnées ; et pour ne point déranger trop souvent l’artiste en le faisant venir, il vint le voir chez lui, de sorte qu’abandonnant le soin de la victoire, au milieu des combats et de l’attaque des murs, l’ennemi vint considérer l’artiste.
Nougaret, Pierre Jean Baptiste ; Leprince, Thomas , Anecdotes des beaux-Arts, contenant tout ce que la peinture offre de plus piquant chez tous les peuples du monde(publi: 1776), t. I, p. 222 (fran)
Protogène avoit son atelier à l’extrémité d’un des faubourgs de Rhodes, lorsque Démétrius, fils d’Antigone, vint former le siège de cette ville ; la présence des ennemis, au milieu desquels il se trouvoit, et le bruit des armes qui retentissoit à ses oreilles, ne lui firent point quitter sa demeure, ni interrompre son travail. Démétrius apprit avec étonnement la sécurité de ce peintre, le fit venir, et lui demanda pourquoi il travailloit avec tant d’assurance dans les dehors d’une ville assiégée : « Je sais, répondit Protogène, s’armant d’une noble fermeté, je sais que Démétrius fait la guerre aux Rhodiens, et non pas aux arts. » Démétrius, charmé de cette réponse, fit placer une garde autour de l’atelier de Protogène, afin que l’artiste, au milieu même du camp ennemi, fût en repos ou du moins en sûreté : ce prince alloit souvent le voir travailler, et ne se lassait point d’admirer son application à l’ouvrage, et son extrême habileté.
Démétrius, zélé protecteur des arts, disoit que, plutôt que de souffrir que ses troupes gâtassent les tableaux de Protogène, il aimeroit mieux brûler les portraits de ses ancêtres, et même ceux de son père. Comme Protogène travailla au milieu de l’armée ennemie à son fameux tableau du Yalise, on disait, qu’il l’avait peint sous l’épée, c’est-à-dire parmi les traits et les armes.
Démétrius se vit réduit à brûler le quartier de Rhodes, dans lequel était l’Yalise, ce chef-d’œuvre de Protogène. Le fils d’Antigone aurait bien voulu n’en pas venir à cette cruelle extrémité, afin de se procurer un tableau dont il connoissoit tout le prix ; mais, contraint par la nécessité, et sachant, d’ailleurs, que l’endroit qu’il avait en vue était le plus foible, il alloit donner l’ordre d’attaquer la ville de ce côté-là, lorsque des députés vinrent le trouver de la part des Rhodiens. « À quoi vous amusez-vous, grand prince, lui dirent-ils, de vouloir détruire ce quartier avec le tableau estimé de la Grèce entière ? Qu’y gagnerez-vous, quand vous aurez tout réduit en cendres ? Vous trouverez encore des murs de l’autre côté, aussi redoutables que ceux des dehors de notre place. Ne seroit-il pas plus digne de vous, de nous attaquer par un autre endroit, et de conserver ce chef-d’œuvre de notre peintre, ou pour vous ou pour nous ? Si vous l’emportez par la voie qui vous est indiquée, nous serons tous à votre discrétion, et vous triompherez noblement, à la face de l’univers, et de nous et de notre Yalyse ; au lieu que, si vous vous obstinez à brûler le quartier où est le tableau, et que vous ayez le malheur d’échouer contre le reste, prenez garde qu’on ne dise dans le monde, que, n’ayant osé attaquer les Rhodiens d’une manière noble et généreuse, vous vous êtes amusé à faire la guerre à un peintre et à un tableau ». Ce discours, qui paroîtroit fort singulier dans le siècle où nous sommes, fit une grande impression sur Démétrius, et lui fournit une belle occasion de faire éclater sa grandeur d’ame. Pressé par Antigone, qui le rappeloit, et craignant d’échouer dans son entreprise, il feignit habilement de tout sacrifier aux arts, et peut-être même fut enchanté de montrer l’amour qu’il leur portoit : il leva le siège, et se retira[1].
- [1] V. l’Histoire ancienne, par Rollin.