Apelle et le cordonnier
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Apelle et le cordonnier FRANCKEN Frans Ii
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Parodie de Ne sutor ultra crepidam (A chacun son métier) SENAVE Jacques Albert
Medium : huile sur bois
Scudéry, Georges, L’Apologie du Theatre(publi: 1639), p. 89-90 (fran)
Je pense qu’on les peut separer en trois ordres ; sçavans, preocupez, et ignorans : et subdiviser encor ces derniers, en ignorans des galleries, et en ignorans du parterre. Quant aux premiers qui sont les doctes, c’est pour eux que les ecrivains du théâtre doivent imiter ce peintre de l’Antiquité, c’est à dire, avoir toujours le pinceau à la main, prest d’effacer toutes les choses, qu’ils ne trouveront pas raisonnables ; ne se croire jamais à leur préjudice ; se faire des loix inviolables de leurs opinions ; et songer qu’indubitablement, on n’est jamais bon juge en sa propre cause.
Scudéry, Georges de, Le Prince déguisé(publi: 1635), Avis au lecteur(fran)
Sache donc qu’en te le montrant, je me suis caché le pinceau dans la main, derrière les rideaux comme Appelle, résolu de corriger mes défauts par ta connaissance, et de me défaire de cet amour-propre qui nous fait croire beau tout ce que nous faisons, et ce qui bien souvent ne l’est pas. Mais de grâce, sois juge équitable, fais que ta censure sois fille de la Charité, et non pas de l’Envie ; et surtout examine-toi pour m’examiner ; juge-toi pour me juger ; connais tes forces pour voir ma faiblesse, et ne te mêle que de ce que tu fais bien : autrement je me montrerai comme ce fameux Peintre, pour te dire : « Ne sutor ultra crepidam ».
Scudéry, Georges de, Le Trompeur puni(publi: 1633), Dédicace à Madame de Combalet(fran)
Car cette peinture que je vous envoie, et à laquelle je viens de donner les derniers coups de pinceau, est encore si fraîche, que je n’en puis remarquer moi-même les défauts, ni la perfection. C’est pourquoi, Madame, sans me cacher derrière un rideau comme Apelles, pour ouïr l’opinion du peuple, que je n’estime pas assez, pour me submettre à son jugement, je m’en remets absolument au vôtre, qui ne peut errer.
Restout, Jacques, La Réforme de la peinture(publi: 1681), annexe, p. 6 (fran)
Pour répondre à ce qu’ils demandent, In qua potestate haec facio ; je dis hardiment que c’est pour vanger la peinture, la raison et le bon sens des outrages qu’ils leur font, et que je pretends avoir au moins autant de liberté de parler de peinture, qu’ils s’en donnent eux-mêmes ; et peut-être leur prouveray-je un jour qu’ils ne devroient pas en parler, en leur appliquant ce proverbe venu d’Apelles, sutor ne ultra crepidam, que je les prie de bien mediter.
Valère Maxime (Valerius Maximus), Factorum dictorumque memorabilium libri IX (redac: 1:50, trad: 1935), « Suae quemque artis optimum et auctorem esse et disputatorem », « ut factum apud externos », 3 (numéro VIII, 12) , t. II, p. 246 (latin)
Mirifice et ille artifex, qui in opere suo moneri se a sutore de crepida et ansulis passus, de crure etiam disputare incipientem supra plantam ascendere uetuit.
Valère Maxime (Valerius Maximus), Factorum dictorumque memorabilium libri IX , (trad: 1935), p. 247 (trad: "Faits et dits mémorables " par Constant, Pierre en 1935)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
J’admire encore cet artiste qui, à propos d’une de ses œuvres, voulut bien écouter les avis d’un cordonnier sur la chaussure et les courroies, mais qui, lorsque celui-ci se mit à critiquer la jambe, lui défendit de s’élever au-dessus du pied.
Dion Chrysostome (Δίων ὁ Χρυσόστομος), Orationes (redac: (66):(125)), περι πθονου, 22-23 (Reinach 421) (numéro LXXVIII) , vol. V, p. 280 (grecque)
[Note contexte] Φέρε πρὸς Διός, ἆρα ἀκήκοας ζωγράφου χαρίεντος ἔργον, γραφήν τινα προθέντος εἰς τὸ φανερὸν ἵππου θαυμαστήν τε καὶ ἀκριβῶς ἔχουσαν ; φασὶ γὰρ αὐτὸν κελεῦσαι παραφυλάττειν τὸν παῖδα τοὺς ὁρῶντας, εἰ ψέφοιεν ἢ ἐπαινοῖεν, καὶ μνημονεύσαντα ἀπαγγεῖλαι πρὸς αὐτόν. Τῶν δὲ μέν τινα οἶμαι τὴν κεφαλὴν, τὸν δὲ τὰ ἰσχία, τὸν δὲ περὶ τῶν σκελῶν, ὡς, εἰ τοιαῦτα ἐγεγόνει, πολὺ κάλλιον ἂν εἶχεν. Ἀκούσαντα δὲ τὸν γραφέα τοῦ παιδός, ἐργασάμενον ἄλλην γραφὴν κατὰ τὴν τῶν πολλῶν δόξαν καὶ ἐπίνοιαν, κελεῦσαι θεῖναι παρὰ τὴν πρότερον. Εἶναι οὖν πολὺ τὸ διαφέρον· τὴν μὲν γὰρ ἀκριβέστατα ἔχειν, τὴν δὲ αἴσχιστα καὶ γελοιότατα καὶ πᾶσι μᾶλλον ἢ ἵππῳ ἐοικέναι.
Reinach, Adolph (éd.), Textes grecs et latins sur la peinture ancienne. Recueil Milliet, De l'envie, 22-23 (Reinach 421) (numéro LXXVIII) (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Hélas ! N’as-tu jamais entendu l’histoire de ce peintre habile qui, ayant exposé un cheval, peinture admirable et d’une rare exactitude, ordonna, dit-on, à son garçon de rester auprès à observer les visiteurs et de se graver dans la mémoire pour les lui rapporter les critiques ou les éloges qu’ils formuleraient ? Or, voici les uns pour la tête, les autres pour les cuisses, d’autres encore pour les jambes, de dire que, si on les avait fait de telle ou telle façon, ce serait beaucoup mieux. Son garçon ayant rapporté cela au peintre, celui-ci exécuta un autre tableau en se conformant aux opinions et aux réflexions émises et ordonna de l’exposer à côté du premier. Il était complètement différent : autant le premier était exact, autant le second était affreux et ridicule, ressemblant à tout plutôt qu’à un cheval.
Pline l'Ancien (Gaius Plinius Secundus), Naturalis Historia, liber XXXV(redac: 77, trad: 1985) (84-85)(latin)
Apelli fuit alioqui perpetua consuetudo numquam tam occupatum diem agendi, ut non lineam ducendo exerceret artem, quod ab eo in prouerbium venit. Idem perfecta opera proponebat in pergula transeuntibus atque, ipse post tabulam latens, uitia quae notarentur auscultabat, uulgum diligentiorem iudicem quam se praeferens; feruntque reprehensum a sutore, quod in crepidis una pauciores intus fecisset ansas, eodem postero die superbo emendatione pristinae admonitionis cauillante circa crus, indignatum prospexisse denuntiantem, ne supra crepidam sutor iudicaret, quod et ipsum in prouerbium abiit.
Pline l'Ancien (Gaius Plinius Secundus), Naturalis Historia, liber XXXV, (trad: 1985) (84-85)(trad: "Histoire naturelle. Livre XXXV. La Peinture" par Croisille, Jean-Michel en 1985)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
C’était par ailleurs une habitude constante d’Apelle de ne jamais laisser une journée, si occupée qu’elle fût, sans pratiquer son art en traçant quelque trait, coutume qu’il fit passer en proverbe. C’est lui également qui exposait sur une loggia ses œuvres achevées à la vue des passants et qui, caché derrière le tableau, écoutait les critiques que l’on formulait, estimant que le public avait un jugement plus scrupuleux que le sien. On dit aussi qu’il fut repris par un cordonnier pour avoir fait, dans des sandales, une attache de moins qu’il ne fallait à la face intérieure ; le jour suivant, le même cordonnier, tout fier de voir que sa remarque de la veille avait amené la correction du défaut, cherchait chicane à propos de la jambe : alors Apelle, indigné, se montra, criant bien haut qu’un cordonnier n’avait pas à juger au-dessus de la sandale, mot qui passa également en proverbe.
Pline l’Ancien; Landino, Cristoforo; Brucioli, Antonio, Historia naturale di C. Plinio Secondo di latino in volgare tradotta per Christophoro Landino, et novamente in molti luoghi, dove quella mancava, supplito, et da infiniti errori emendata, et con somma diligenza corretta per Antonio Brucioli. Con la tavola…, fol. 240v (italien)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Quando haveva facto alchuna opera la poneva in luoco che qualunque passava la vedessi e lui nascoso ascoltava con diligentia quello che vi fussi notato dicendo che il vulgo era piu diligente giudice di lui e dicono che uno calzolaio lo riprese che nele pianelle havea facto meno un coreggiuolo. Questo medesimo ritornando l’altro di e superbo pel giudicio di prima reprehendendo alchuna cosa nella gamba lo guardo con isdegno Appelle e disse che il calzolaio non debba giudicare sopra la scarpetta. Ilche fu poi in loco di proverbio.
Pline l’Ancien; Brucioli, Antonio, Historia naturale di C. Plinio Secondo nuovamente tradotta di latino in vulgare toscano per Antonio Brucioli, p. 990 (italien)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Il medesimo havendo finite le opere, le poneva in luogo, che chiunque passava le vedeva, e stando occulto dietro alla tavola, ascoltava i defetti che erano notati, dicendo che il vulgo era piu diligente giudice che esso, e dicano essere stato ripreso, da uno calzolaio, che nelle pianelle haveva fatto manco una fibia. Il medesimo l’altro giorno, superbo per la emendatione del giorno avanti, cominciò à riprendere intorno alle gambe, onde sdegnato, lo risguardo dicendo, uno calzolaio non dovere giudicare piu su che la pianella, ilche anchora venne in prutebio (sic).
Pline l’Ancien; Domenichi, Lodovico, Historia naturale di G. Plinio Secondo tradotta per Lodovico Domenichi, con le postille in margine, nelle quali, o vengono segnate le cose notabili, o citati alteri auttori… et con le tavole copiosissime di tutto quel che nell’opera si contiene…, p. 1099 (italien)(traduction ancienne d'un autre auteur)
- [1] Simile a questo proverbio è quel di Stratonico musico preso Atheneo che contendendo con un fabro, gli disse. Non ti accorgi che tu non parli di martello ? Onde Aristo. ne’ morali scrive, che ciascuno è bon giudice di quelle cose che prattica, e Fabio pittore presso Quintiliano dice, che l’arti sarebbeno felici, se solo gli artefici di quelle dessero giudicio.
Il medesimo fornita ch’egli haveva l’opera, la metteva fuori perche ogniuno, che passava, la potesse vedere, et egli nascondendosi poi dietro la figura, stava ascoltando i difetti che l’erano apposti, e cosi stimava miglior giudice il vulgo, che se stesso. Dicono ch’egli fu tassato da un calzolaio, d’haver fatto in una pianella una fibbia manco che non bisognava, perche tornando il medesimo l’altro giorno, insuperbito per haverlo avvertito del primo difetto, e tassandolo di non so che intorno la gamba; sdegnatosi gli fece un mal viso, con dirgli, che un calzolaio non poteva dar giudicio senon della pianella, et questo motto ancora passò in proverbio. [1]
Pline l’Ancien; Du Pinet, Antoine, L’histoire du monde de C. Pline second… mis en françois par Antoine du Pinet, p. 949 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
- [1] anciennement on bridoit les pianelles, comme on voit ès sandales des peintures faites à l’antique
- [2] Ne sutor ultra crepidam
Et quand il avoit parachevé quelque piece, il l’exposoit en une galerie, ou en une allee, au jugement de tout le monde : et neantmoins demeuroit caché derrière ses tableaux, pour noter les fautes qu’on y trouveroit, preferant le jugement du commun populaire au sien propre. Advint donc qu’un cordonnier ayant trouvé à redire en un sien tableau, qu’il y avoit trop peu de courrayes [1] au dedans d’une pianelle ou pantouffle qu’Apelles avoit faite, au regard du dehors. Apelles trouvant son advis bon, le corrigea. Le lendemain ce mesme cordonnier passant par devant ce tableau, et se tenant fier de ce qu’Apelles avoit assis jugement sur son dire, voulut aussi blasonner une greue qui estoit audit tableau. De quoi fasché Apelle remontra assez brusquement à ce cordonnier, qu’il se contentast de parler des pianelles et pantouffles, qui estoyent du fait de son estat, sans entreprendre plus outre. Duquel mot on fit un proverbe commun, Qu’un cordonnier ne devoit passer la pantoufle [2].
Pline l’Ancien; Poinsinet de Sivry, Louis, Histoire naturelle de Pline, traduite en françois [par Poinsinet de Sivry], avec le texte latin… accompagnée de notes… et d’observations sur les connoissances des anciens comparées avec les découvertes des modernes, (vol. 11), p. 248-251 (fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Apelle avoit pour coutume de ne passer aucun jour, tel affairé qu’il fût, sans s’exercer dans son art, en ébauchant quelque trait[1] ; ce qui même a donné lieu à un proverbe. C’étoit aussi sa coutume d’exposer ses nouveaux ouvrages sur des tréteaux aux regards des passants, et de se tenir caché derriere le tableau, poru recueillir les diverses critiques, et observations qu’on faisoit ; démarche par laquelle il sembloit se reconnoître inférieur au vulgaire, en jugement sur son propre art. On dit donc qu’un jour il arriva qu’un cordonnier censura un de ses tableaux, en faisant voir qu’Apelle, dans la chaussure, avoit omis une des courroies intérieures du brodequin ; qu’Apelle réforma ce défaut le jour même. Le cordonnier, tout fier de voir qu’Apelle avoit eu égard à sa critique des courroies, essaya de railler aussi la jambe. L’artiste, indigné, se montra alors, en lui énonçant de ne point s’ériger en censeur au-dessus du soulier, et ce mot devint aussi un proverbe[2].
- [1] Ce qui a donné lieu au proverbe et précepte : Nulla dies abeat, quin linea ducta supersit. Voyez Erasme, Chil. I, Cent. 4, Adag. 1 : Nullam hodie lineam duxi.
- [2] C’est le proverbe ne sutor ultrà crepidam.
Lucien de Samosate (Λουκιανὸς ὁ Σαμοσατεύς), Περὶ τῶν εἰκονῶν (redac: (150):(175), trad: 1934) (14)(grecque)
[Note contexte] ἀλλὰ μηδὲ ἐκεῖνο αἰσχυνθῇς, εἰ μεταρρυθ μιεῖς τὸν λόγον ἤδη διαδεδομένον· Καὶ Φειδίαν φασὶν οὕτω ποιῆσαι, ὁπότε ἐξειργάσατο τοῖς Ἠλείοις τὸν Δία· στάντα γὰρ αὐτὸν κατόπιν τῶν θυρῶν, ὁπότε τὸ πρῶτον ἀναπετάσας ἐπεδείκνυε τὸ ἔργον, ἐπακούει τῶν αἰτιωμένων τι ἢ ἐπαινούτων. ᾐτιᾶτο δὲ ὁ μὲν τὴν ῥῖνα ὡς παχεῖαν, ὁ δὲ ὡς ἐπιμηκέστερον τὸ πρόσωπον, ὁ δὲ ἄλλος ἄλλο τι. Εἶτ’ ἐπειδὴ ἀπηλλάγησαν οἱ θεαταί, αὖθις τὸν Φειδίαν ἐγκλεισάμενον ἑαυτὸν ἐπανορθοῦν καὶ ῥυθμίζειν τὸ ἄγαλμα πρὸς τὸ τοῖς πλείστοις δοκοῦν· οὐ γὰρ ἡγεῖτο μικρὰν εἶναι συμβουλὴν δήμου τοσούτου, ἀλλ’ ἀεὶ ἀναγκαῖον ὑπάρχειν τοὺς πολλοὺς περιττότερον ὁρᾶν τοῦ ἑνός, κἂν Φειδίας ἦ.
Commentaires : Overbeck 694
2 sous-textesOverbeck, Johannes, Die Antiken Schriftquellen zur Geschichte der bildenden Künste bei den Griechen, (trad: 2002) (14), Overbeck 694 (trad: " La Sculpture grecque. Sources littéraires et épigraphiques" par Muller-Dufeu, Marion en 2002)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
On dit que Phidias procéda ainsi lorsqu’il réalisa le Zeus pour les Éléens : debout derrière la porte, lorsqu’il exposa l’œuvre pour la première fois, il écoutait les critiques ou les louanges ; l’un blâmait le nez trop gros, l’autre le visage trop allongé, l’autre autre chose encore. Puis, quand les spectateurs furent partis, Phidias s’enferma de nouveau et se mit à corriger et à arranger la statue selon le goût général ; il ne pensait pas que les avis d’un tel peuple étaient négligeables, mais que nécessairement beaucoup voient mieux qu’un seul, même s’il s’agit de Phidias.
Lucien de Samosate (Λουκιανὸς ὁ Σαμοσατεύς), ῾Υπὲρ τῶν εἰκονῶν , (trad: "Pour les portraits ")(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Ne rougis point, du reste, de remettre sur le métier une oeuvre déjà livrée au public. Phidias en fit autant, dit-on, lorsqu'il eut achevé son Jupiter, qu'on voit à Élée. Debout derrière les portes, après avoir fait enlever les voiles qui couvraient sa statue, il écouta les critiques et les éloges. L'un trouvait le nez trop gros, l'autre le visage trop long, un troisième blâmait autre chose. Quand les spectateurs se furent retirés, Phidias se renferma de nouveau , corrigeant et rectifiant sa statue d'après l'avis de la majorité ; car il ne croyait pas qu'il y eût un meilleur jugement que celui d'une si grande foule, attendu que plusieurs personnes doivent mieux voir qu'un seul, fût-ce un Phidias.
Élien (Κλαύδιος Αἰλιανός), Ποικίλη ἱστορία(redac: (201):(235)) (XIV, 8)(grecque)
[Note contexte] Δύο εἰκόνας εἰργάσατο Πολύκλειτος κατὰ τὸ αὐτό, τὴν μὲν τοῖς ὄχλοις χαριζόμενος, τὴν δὲ κατὰ τὶν νόμον τῆς τέχνης. ἐχαρίζετο δὲ τοῖς πολλοῖς τὸν τρόπον τοῦτον· καθ’ ἕκαστον τῶν εἰσιόντων μετετίθει τι καὶ μετεμόρφου, πειθόμενος τῇ ἑκάστου ὑφηγήσει. Προὔθηκεν οὖν ἀμφοτέρας· καὶ ἡ μὲν ὑπὸ πάντων ἐπηνεῖτο, ἡ δὲ ἑτέρα ἐγελᾶτο. ὑπολαβὼν οὖν ἔφη ὁ Πολύκλειτος· “ἀλλὰ ταύτην μὲν ἣν ψέγετε ὑμεῖς ἐποιήσατε, ταύτην δὲ ἣν θαυμάζετε ἐγώ”.
Élien (Κλαύδιος Αἰλιανός), Ποικίλη ἱστορία, (trad: 1991) (XIV, 8)(trad: "Histoires variées" par Lukinovitch, Alessandra; Morand, Anne-France en 1991)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Polyclète fit deux sculptures de même sujet, l’une complaisante à l’égard des foules et l’autre selon les règles de son art. Il s’efforça de plaire au grand nombre de la manière que voici : au gré de chacun qui entrait, il changeait et modifiait quelque détail de la sculpture, obéissant aux suggestions de tous. Il produisit enfin les deux œuvres. L’une fut louée par tous, et l’on se moqua de l’autre. Polyclète prit alors la parole et dit : « Celle que vous critiquez, c’est vous qui l’avez faite, tandis que celle que vous admirez est de moi ».
Commentaires : TRAD RECENTE
Élien (Κλαύδιος Αἰλιανός), Ποικίλη ἱστορία, (trad: 1991), p. 154 (trad: "Histoires variées" par Lukinovitch, Alessandra; Morand, Anne-France en 1991)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Polyclète fit deux sculptures de même sujet, l’une complaisante à l’égard des foules et l’autre selon les règles de son art. Il s’efforça de plaire au grand nombre de la manière que voici : au gré de chacun qui entrait, il changeait et modifiait quelque détail de la sculpture, obéissant aux suggestions de tous. Il produisit enfin deux œuvres. L’une fut louée par tous, et l’on se moqua de l’autre. Polyclète prit alors la parole et dit : « Celle que vous critiquez, c’est vous qui l’avez faite, tandis que celle que vous admirez est de moi. »
Petrarca, Francesco (dit Pétrarque), Seniles(redac: 1361:1373, trad: 2002:2013) ( XVI, 3, 6), t. V, p. 47 (latin)
Movent profecto animum scribentis aliena iuditia, quibus maxime, neque adulationis neque odii sit adiuncta suspitio, ideoque "veri poete", ut ait Cicero, "suum quisque opus, a vulgo considerari voluit, ut siquid reprehensum sit a pluribus corrigatur"; addo ergo: siquid laudatum a scientibus in precio habeatur. Dicit idem et pictores facere solitos et sculptores, quod specialiter de Apelle, pictorum principe, scriptum est.
Baxandall, Michael, Giotto and the Orators. Humanist Observers of Painting in Italy and the Discovery of Pictorial Composition, 1350-1450, (trad: "Les Humanistes à la découverte de la composition en peinture, Paris, Seuil, 1989." par Brock, Maurice)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Les jugements d’autrui touchent fortement l’esprit de l’écrivain, surtout quand il ne s’y mêle aucun soupçon d’adulation ou de haine ; c’est pourquoi tout vrai poète, comme le dit Cicéron, tient à faire examiner son œuvre par la foule, afin d’amender les passages auxquels plusieurs auront fait des reproches. J’ajoute donc que, si un passage fait l’objet d’éloges, les doctes doivent alors le tenir en estime ; comme le dit le même auteur, les peintres et les sculpteurs avaient l’habitude de faire ce qui a été écrit nommément du prince des peintres, Apelle.
Petrarca, Francesco (dit Pétrarque), Seniles, (trad: 2002:2013) (XVI, 3, 6), t. V, p. 46 (trad: "Lettres de la vieillesse" par Nota, Elvira en 2002:2013)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Le cœur des écrivains est certes ému par des jugements étrangers, auxquels ne s'attache aucun soupçon de flatterie ni d'animosité, et le vrai poète, comme dit Cicéron, veut que "son oeuvre soit connue du public pour pouvoir la corriger si beaucoup la critiquent"; j'ajoute pour mon compte que l'on doit également apprécier toutes les louanges venues des savants. Le même dit que peintres et sculpteurs font ainsi, comme on l'a écrit en particulier au sujet d'Apelle, le prince des peintres.
Alberti, Leon Battista, De pictura(publi: 1540, redac: 1435, trad: 2004) (III, 62), p. 200-202 (latin)
Apellem aiunt post tabulam solitum latitare, quo et visentes liberius dicerent, et ipse honestius vitia sui operis recitantes audiret. Nostros ergo pictores palam et audire saepius et rogare omnes quid sentiant volo, quandoquidem id cum ad caeteras res tum ad gratiam pictori aucupandam valet.
Alberti, Leon Battista, De pictura, (trad: 2004) (III, 62), p. 201-203 (trad: " La Peinture" par Golsenne, Thomas; Prévost, Bertrand en 2004)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Apelle, dit-on, avait coutume de se cacher derrière son tableau, afin de laisser parler plus librement ceux qui le regardaient et de se mettre plus honorablement en mesure de les entendre recenser les défauts de son œuvre.
Alberti, Leon Battista, De pictura , (trad: 1536), p. 268 (trad: "[Della pittura]" en 1536)(italien)(traduction ancienne de l'auteur)
Dicono che Appelles, nascoso drieto alla tavola, acciò che ciascuno potesse più libero biasimarlo e lui più onesto udirlo, udiva quanto ciascuno biasimava o lodava. Così io voglio i nostri pittori apertamente domandino o odano ciascuno quello che giudichi, e gioveralli questo ad acquistar grazia.
Ghiberti, Lorenzo, I commentarii(redac: (1450)), p. 74 (italien)
Costui le sue opere impublico poneva, nella presentia del popolo. Esso stava in luogo remoto e notava i vitii che ’l popolo diceva delle sue picture: esso diceva el popolo avere miglior giudicio che ’l suo. Uno, el quale faceva e calzari, biasimò l’opere d’Appelle; allora Appelle domando quale era il difetto; esso rispuose, e disse esser ne’calzari; conobbe Appelle esso diceva el vero; esso disse Appelle v’era un altro mancamento, molto maggiore, era nelle cosce di detta figura; Appelle el dimandò che arte e’ faceva; disse faceva e’calzari ; Appelle rispuose che non iudicasse da’ calzari in su.
Érasme (Desiderius Erasmus), Collecteana Adagiorum(publi: 1500, trad: 2011), 516 Ne sutor ultra crepidam (numéro I, VI, 16) , vol. 1, p. 416 (latin)
Huic finitimum est illud Ne sutor ultra crepidam, id est Ne quis de his iudicare conetur, quae sint ab ipsius arte professioneque aliena. Quod quidem adagium natum est ab Apelle, nobilissimo pictore. De quo Plinius libro XXXV cap. X scribit in hunc modum : Idem perfecta opera proponebat in pergula transeuntibus atque post ipsam tabulam latens uitia, quae notarentur, auscultabat, uulgum diligentiorem iudicem quam se praeferens. Feruntque a sutore reprehensum, quod in crepidis una intus pauciores fecisset ansas. Eodem postero die superbe ob emendationem pristinae admonitionis cauillante circa crus, indignatum prospexisse, denuntiantem, ne supra crepidam sutor iudicaret. Quod et ipsum in prouerbium uenit. Hactenus Plinius. Huic simillimum est, quod refert Athenaeus : Stratonicus citharoedus fabro secum de musica contendenti, Non sentis, inquit, te ultra malleum loqui ? Eodem pertinet, quod huius nepos in epistolis scripsit de artificio non recte iudicare quemquam, nisi et ipsum artificem. Quodque primo Moralium libro dixit Aristoteles earum rerum unumquemque iudicem esse idoneum, quarum sit eruditus. Et quod idem scripsit libro secundo Naturalium caecum disputare de coloribus. Quae uerba iam inter nostri temporis scholasticos in prouerbium abierunt, quoties quispiam de rebus ignotis disputat. Ad eandem sententiam referendum, quod ait Fabius Pictor apud Quintilianum felices futuras artes, si soli artifices de iis iudicarent.
Érasme (Desiderius Erasmus), Collecteana Adagiorum, (trad: 2011), 516. Cordonnier, pas plus haut que la sandale! (numéro I, VI, 16) , p. 416 (trad: "Les Adages" par Saladin, Jean-Christophe en 2011)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Dans un sens très proche de l'adage précédent, on trouve: "Cordonnier, pas plus haut que la sandale!" C'est-à-dire: "Que personne ne se mette à juger de choses qui sont étrangères à son savoir-faire et à sa profession."
Cet adage tire son origine d'Apelle, le célèbre peintre, au sujet duquel Pline l'Ancien, au livre 35, chapitre 10, raconte: "Quand il avait fini un tableau, il l'exposait sous le porche à la vue des passants, et, caché derrière la toile, il écoutait les critiques qu'ils émettaient, préférant le jugement du public, car il était plus précis que le sien. On rapporte qu'un cordonnier le critiqua pour avoir omis une boucle au lacet intérieur d'une sandale. Le lendemain, constatant avec fierté qu'on avait tenu compte de sa remarque de la veille, l'homme se mit à critiquer la jambe. Indigné, Apelle sortir de sa cachette et lui signifia qu'un cordonnier ne devait pas aller plus haut que la sandale." Voilà les mots qui sont passés en proverbe. Voilà pour Pline.
Il y a une histoire similaire chez Athénée: Stratonicos, le joueur de lyre, dit à un forgeron avec qui il discutait de musique: "Ne vois-tu pas que tu parles plus haut que ton marteau?"
À cela on peut rattacher la remarque du neveu de Pline dans sa correspondance, où il dit que nul ne peut juger d'un art s'il n'est lui-même artiste.
Érasme (Desiderius Erasmus), Collecteana Adagiorum(publi: 1500, trad: 2011) (Préface à la première édition des Adages)(latin)
Qui stolide que non intelligit reprehendet, Apelleum adagium audiet, « Ne sutor ultra crepidam ».
Érasme (Desiderius Erasmus), Collecteana Adagiorum(publi: 1500, trad: 2011), Quam quisque norit artem, in hac se exerceat (numéro 1182. ΙΙ, II, 82.) (latin)
M. Tullius Tusculunarum quaestionum libro primo : Sed hic quidem, quamuis eruditus sit, sicut est, haec magistro concedat Aristoteli, canere ipse doceat. Bene enim illo prouerbio Graecorum praecipitur :
Quam quisque norit artem, in hac se exerceat.
Hactenus Cicero. Est autem senarius iambicus admonens, ut, quarum rerum sumus periti, in his duntaxat disputandis tractandisque uersemur ; quarum uero sumus rudes, eas doctioribus concedamus, neque professionem alienam nobis uindicemus, neque in messem alienam mittamus falcem, neue sutores ultra crepidam iudicemus.
Commentaires : REF?? correction orthographique ok
Maffei, Raffaele (Il Volterrano), Commentariorum urbanorum Raphaelis Volaterrani octo et triginta libri cum duplici eorundem indice secundum tomos collecto(publi: 1506) (liber XIII), fol. CXXXVI (latin)
Dicitur proponere solitus opera in pergula: ipse post latens iudicia praetereuntium explorans, ex quo Sutoris illa reprehensio crepidem fuit, et postera die de crure iudicanti Apelles indignatus: noli, inquit, supra crepidam.
Ricci, Bartolomeo, De imitatione. Liber I(publi: 1541) (t. I), p. 427 (latin)
Quaero item unde eam[Explication : ideam.] satis habeant probatam, quaeque bonorum iudicio, quo uno, non autem nostro proprio standum est, minime improbetur, praesertim cum illud pernotum sit: “et corvo sui pulli”. Quare etiam pictorum facile princeps, Apelles, cum quid tale coloribus suis a se expressisset, propalam id proponere solebat, atque in occulto angulo ipse delitescens praetereuntium sententiam ac iudicium aucupabatur, cui sic obtemperabat ut eum ad sutoris correctionem crepidae fibulam corrigere non puduerit. Quid quod Cicero et Virgilius, duo latinae splendidissima lumina, cum ea essent et natura et oratione, qua absolutius fieri nihil potuit quamque posteri ad imitandum sibi omnes boni facile proponunt, alter tamen nihil egit quod sua imitatione careret, alter non solum id quoque praestitit optime, sed praecipere non cessat ad optimorum rationem quicquid agatur diligenter esse agendum.
Varchi, Benedetto, In che siano simili e in che differenti i poeti e i pittori. Terza disputa della lezione della maggioranza delle arti(redac: 1547), p. 56 (italien)
Hanno i pittori e gli scultori, come disce Cicero, ancora questo comune coi poeti buoni, che propongono l’opere loro in publico, accioché, inteso il giudizio universale, possano amendarle, dove fussero ripresi dai più. Onde Apelle, stando dietro le sue opere per interdere quello se ne diceva, racconciò non so che in una scarpa, avendo inteso dove un calzolaio l’aveva biasimata, il quale poi, preso da questo maggiore ardire, lo biasimò ancora in una gamba, ma gli fu risposto da Apelle (il che andò poi in proverbio) : « Non giudichi un calzolaio più su che le scarpette ».
Pino, Paolo, Dialogo di pittura(publi: 1548), p. 134-135 (italien)
Accetterà[Explication : il pittor nostro] però l’ordine tenuto dal grande Apelle, il qual, per non mancar nell’ integrità, poste le sue tavole in publico, di nascosto ascoltava la diversità dell’openioni, le quali poi, considerate da lui con la qualità della cosa dipinta, l’ammetteva o reprobava secondo il suo giudicio ; e fra gli altri accettò una fiata l’opposizione d’un calzolaio perch’avea legate le scarpe d’una figura alla riversa. Del ch’ invaghito il calzolaio, volendo proceder più oltra nel giudicare gli abiti delle figure, disse Apelle : « Fratello, questo s’apertiene al sarto, e non a te ». Così restò il calzolaio confuso. […] Voleva (come ho detto) Apelle intendere più openioni, perché molte fiate la virtù intellettiva resta dal troppo frequente operare come avelata et ottusa ; il perché sovente ci occorre che, credendo aggiognere perfezzione nell’opere, se gli accresce disgrazia.
Pino, Paolo, Dialogo di pittura(publi: 1548), p. 134 (italien)
Non meno rimase vinto il nostro Paolo Pino, ritraggendo una donna, e sopragionta la madre di lei disse maestro questa macchia sott’il naso non è in mia figliola, rispose il Pino gli è il lume, che causa l’ombra sott’il rilevo del naso, disse la vecchia, eh ? come può stare ch’il lume facci ombra ? Confuso il pittore disse quest’è altro, che fillare, et ella dando una guanciattina alla figliuola in modo di scherzo disse, e quest’altro, che pittura, non vedete voi che sopra questa faccia non vi è pur un neo, non che machie tanto oscure. Fa. La prontezza dell’arguzie è assai famigliar alle femine.
Dolce, Lodovico, Dialogo di pittura intitolato l’Aretino, nel quale si raggiona della dignità di essa pittura e di tutte le parti necessarie che a perfetto pittore si acconvengono(publi: 1557), p. 156 (italien)
Si trovano molti che, senza lettere, giudicano rettamente sopra i poemi e le altre cose scritte ; anzi, la moltitudine è quella che dà communemente il grido e la reputazione a poeti, ad oratori, a comici, a musici et anco, e molto più, a pittori. Onde fu detto da Cicerone che, essendo così gran differenza dai dotti agl’ignoranti, era pochissima nel giudicare. Et Apelle soleva metter le sue figure al giudicio comune. [...] Ma io non intendo in generale della moltitudine, ma in particolare di alcuni belli ingegni, i quali, avendo affinato il giudicio con le lettere e con la pratica, possono sicuramente giudicar di varie cose, e massimamente della pittura, che appartiene all’occhio.
Giraldi Cinzio, Giovanni Battista, Lettera a Bernardo Tasso sulla poesia epica(redac: 1557) (t. II), p. 461 (italien)
E perciò voglio credere che Vostra Signoria, come giudiciosa ch’ella è e che ha speso tanto tempo e durata la gran fatica che io mi stimo che durata ella abbia intorno al suo nobile poema, non voglia fare giudice di composizione tanto magnifica il vulgo, del quale, come abbiamo detto, sono tutte le bassezze e tutte le imperfezioni, e non ha giudicio se non nelle cose simili a lui e che sono dell’arte sua. Il che si vide nella eccellente immagine d’Apelle : perché il calzolaio, tralasciate tante cose perfette e considerabili intorno a quella figura, die’ solo giudicio convenevole della scarpa ; poscia volendosi trapporre a giudicare alcune altre parti, gli fu detto dal nobile pittore che al calzolaio non si apparteneva giudicare oltre il calzare. La qual cosa non potrebbe dire qualunque giudicioso vedesse il vulgo piegarsi a voler dar giudizio della perfezione di ben composto poema. Ché ancora ch’Orazio dica : « Plerunque recte vulgus videt », egli l’ha detto in quella guisa che si suol dire, « Saepe etiam est olitor valde opportuna locutus ». Si scrivono, Signore Tasso, cose tali a’pari di Vostra Signoria, del Signor Muzio, del Signor Cappello, e di altri simili ; e come i pari di Vostre Signorie conoscono le ragioni e l’utile del diletto che nasce dalle poesie ben composte, il vulgo quasi a caso prende da ciò solo una lieve ombra di diletto, senza sapere perché tal cosa gli aggradi. Et è il vulgo nel pigliarsi tal diletto simile a coloro che si lasciano pigliare al soave dell’odore degli unguenti odoriferi e non conoscono la virtù ch’essi hanno a far ricovrare la sanità perduta o mantenirla a chi la possiede. Conchiudendo adunque questa parte, che il fine delle composizioni poetiche sia l’utile il quale abbia compagno il diletto, espresso con dicevol maniera di dire, come mostrerò al suo luogo, voglio creder che poeta degno di loda mai non si dia a scrivere per dar piacere al vulgo o per farlo giudice della sua composizione. E qui serà fine alla risposta di quella parte che conteneva questo giudicio del vulgo.
Borghini, Vincenzio, Selva di notizie(redac: 1564), p. 140 (italien)
Conta del calzolaio, e l’usanza del proporre in publico le tavole sue.
Adriani, Giovanni Battista, Lettera a m. Giorgio Vasari, nella quale si racconta i nomi, e l’opere de’più eccellenti artefici antichi in Pittura, in bronzo, et in marmo(publi: 1568, redac: 1567) (t. I), p. 191 (italien)
Ebbe questo artefice in costume di non lasciar mai passare un giorno solo che almeno non tirasse una linea et in qualche parte esercitasse l’arte sua ; il che poi venne in proverbio. Usava egli similmente mettere l’opere sue finite in pubblico et appresso star nascoso ascoltando quello che altri ne dicesse, estimando il vulgo d’alcune cose essere buon conoscitore e poterne ben giudicare. Avvene, come si dice, che un calzolaio accusò in una pianella d’una figura non so che difetto, e conoscendo il maestro che e’ diceva il vero, la racconciò. Tornando poi l’altro giorno il medesimo calzolaio e vedendo il maestro averli creduto nella pianella, cominciò a voler dire non so che di una delle gambe ; di che sdegnato Apelle et uscendo fuori disse proverbiandolo che a calzolaio non conveniva giudicar più su che la pianella ; il qual detto fu anco accettato per proverbio.
Molanus, Johannes, De picturis et imaginibus sacris(publi: 1570, trad: 1996) (II, 69), p. 236 (latin)
Sed in huiusmodi oculi mei caligant. Quare ignorantiae meae conscius, hic sisto. Nolo enim mihi obiici vulgatum prouerbium : Coecus de coloribus; aut illud, Non sentis te vltra malleum loqui ; aut postremo illud Apellis, Ne sutor vltra crepidam.
Molanus, Johannes, De picturis et imaginibus sacris, (trad: 1996) (II, 69 ), p. 236 (trad: " Traité des saintes images" par Christin, Olivier; Tassel, Benoît en 1996)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
[...] pour traiter ce genre de sujet[Explication : la technique.], j’ai le regard brouillé. J’ai pleine conscience de mon ignorance, et je m’arrête là. Je ne veux pas qu’on m’oppose le proverbe bien connu: Aveugle, des couleurs ne dispute pas ! Ou cet autre : Crois-tu en savoir plus long que ton marteau ? Ou enfin cette réplique proverbiale d’Apelle : Cordonnier, pas plus haut que la chaussure !
Commentaires : Trad. Boespflug
Molanus, Johannes, De picturis et imaginibus sacris(publi: 1570, trad: 1996) (II, 26), p. 98-99 (latin)
- [1] Apud Eras. Adag. Centuria 6 cap. 16
Nihil itaque praedicti patres peccauerunt contra eam sententiam, qua Quinctiliano teste Fabius Pictor ait, Felices futuras artes, si soli artifices de iis iudicarent [1]. Omnes non dubito Fabii Pictoris sententiam multum approbauerint ; sed aliud est iudicare de arte mathematica aut pictoria, aliud vero de iis quae aliunde ad has artes adiunguntur. De fato enim, de superstitione, de haeresi et scandalo morum, non est proprium iudicium penes mathematicos aut pictores ; sed theologorum est huiusmodi abusibus aut impietaribus, aliunde in bonam alioqui artem accersitis resistere, ac de eis iudicium ferre. Si quis autem nunquam in mathesi aut pingendi arte versatus, de iis iudicare vellet quae his artibus propria sunt et pecularia, ei merito obiiueretur quod celeberrimus pictor Apelles sutori, Ne ultra crepidam sutor iudicaret. Quod ab eo in prouerbium venisse, scribit Plinius Secundus in naturali Historia, libro 39. cap. 10.
Molanus, Johannes, De picturis et imaginibus sacris, (trad: 1996) (II, 26), p. 98-99 (trad: " Traité des saintes images" par Christin, Olivier; Tassel, Benoît en 1996)(fran)(traduction récente d'un autre auteur)
- [1] chez Érasme, Adages, VIe centurie, chap. 16
Les Pères dont nous parlions n’ont en rien péché contre cette sentence qui, au témoignage de Quintilien, nous vient de Fabius Pictor, Heureux l’avenir des arts, si seuls en jugeaient ceux qui les pratiquent [1]. Tous les Pères, sans doute aucun, auraient abondé dans le sens de Fabius Pictor, mais une chose est de juger de l’art mathématique ou de celui de la peinture, une autre de ce qui s’y ajoute de l’extérieur. En effet, juger en propre de ce qui a trait au destin, à la superstition, à l’hérésie et au scandale des mœurs, n’est pas du ressort des mathématiciens ou des peintres, mais c’est aux théologiens qu’il appartient de faire barrage à de tels abus et de telles impiétés qui s’introduisent de l’extérieur dans un art au demeurant bénéfique, et c’est à eux de les juger. Si quelqu’un qui n’a jamais été versé dans l’art astronomique ou dans l’art de peindre prétendait juger à leur propos de ce qui leur est propre et spécifique, il mériterait de se voir répliquer la réponse du très célèbre peintre Apelle au cordonnier : Cordonnier, pas plus haut que la chaussure ! Ce qui est passé en proverbe, comme l’écrit Pline l’Ancien dans les Histoires naturelles, livre XXXIX, chapitre 10.
Maranta, Bartolomeo, Discorso di Bartolomeo Maranta all’Ill.mo Sig. Ferrante Carrafa marchese di Santo Lucido in materia di pittura, nel quale si difende il quadro della cappella del Sig. Cosmo Pinelli, fatto per Tiziano, da alcune opposizioni fattegli da alcune persone [Biblioteca Nazionale di Napoli, ms. II c. 5](redac: (1571)), p. 865 (italien)
Et essendo la fama di Tiziano conosciuta non solo per la Italia, ma per tutto il mondo, non doviamo noi, che della sua professione non siamo così dotti, riprenderlo se prima non facciamo diligentissima considerazione e muoviamo i nostri dubbi a persone di ciò intelligenti, accioché non si dica a noi quello che Apelle disse a quel cazolaio : che egli non dovea impacciarsi oltre la scarpetta.
Van Haecht, Laurens, Mikrokosmos Parvus mundus(publi: 1579), "Ne sutor ultra crepidam", fol. 74r (latin)
Spectatum properant Venerem cum prole venustos,
Quos dederat pictos ingeniosa manus.
Sutor adest, artisque suæ probat omnia dextre
Quæ superant artem carpit et artis iners.
Audiit hoc perdoctus Apelles, desine dixit,
Limitibusque caue digrediare tuis.
Quam didicit quiuis illam sibi vendicat artem,
Non aliena pudens dente procace petat.
Commentaires : Lettre de l'image: Inspice et fac secundum examplar quod tibi in monte monstratum est. Exod. 25 d.
1 sous-texteVan Haecht, Laurens, Mikrokosmos, (trad: 1630), "D'Apelles et d'un savetier" (numéro LXXIII) , fol. 74r (trad: "Le Microcosme contenant divers tableaus de la vie humaine representez en figures avec une brieve exposition en vers francois" en 1630)(fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Lors qu'Apelles avoit fait quelque image.
Il la mettoit en veue à un chacun
Pour l'amender s'il y avoit quelcun
Qui remarquast defaut en son ouvrage.
Advint un iour qu'il ouit la censure
D'un savetier lequel non seulement
Sur des souliers donnoit son iugement,
Mais mesmement sur toute une figure.
Auquel il dit en parole bien platte,
Contente toy de dire ton advis
Sur les souliers, et n'aye d'autre devis.
Le savetier se tienne à la savate,
Il ne sied pas à quelcun d'entreprendre
Sur ce qui n'est de sa profession:
Car cest orgueil et grand presomption
Sur l'art d'autruy son iugement estendre.
Ne sutor ultra crepidam (1579) gravure
D\'Apelles et d\'un savetier (1630) gravure
Commentaires : Lettre de l'image: Psal. 131. Ie n'ay point cheminé en choses grandes, et difficiles par dessus ma portee.
Lomazzo, Gian Paolo, Trattato dell’arte della pittura, scultura ed architettura(publi: 1584), « De la definizione della pittura » (numéro I, 1) , p. 28 (italien)
E perché par’ quasi impossibil cosa, ch’un uomo solo possa tutto questo sapere soleva il prudentissimo Apelle, doppo ch’aveva dipinto alcuna cosa, la qual voleva che fosse perfetta, metterla fuori in pubblico et egli nascondervisi dietro; attendendo ciò che si giudicava de la proporzione et arte de la sua pittura; e secondo che ciascheduno giudicava di quelle cose, di ch’egli havea cognizione e pratica, così l’andava riformando; sì come per il contrario rifiutava anco il giudicio di coloro che volevano giudicar di quelle parti ch’a la sua professione non s’appartenevano, come fece al calzolaio, il qual, non contento d’aver discorso intorno al piede d’una sua figura, voleva anco dar giudicio delle altre parti, dicendogli: “ne sutor ultra crepidam”.
Commentaires : ed 1584 p. 22
Borghini, Rafaello, Il riposo di Raffaello Borghini : in cui della pittura, e della scultura si fauella, de’piu illustri pittori, e scultori, et delle piu famose opere loro si fa mentione ; e le cose principali appartenenti à dette arti s’insegnano(publi: 1584), p. 274-275 (italien)
Soleva Apelle mettere l’opere sue finite in publico, estimando il volgo esser buon conoscitore di molte cose, et egli si stava da parte nascoso per ascoltare quello che altri ne dicesse, per poter poscia ammendare le parti riprese. Avvenne che passando un calzolaio biasimò in una sua figura una pianella à cui non so che fibbia mancava; la qualcosa conoscendo vera Apelle la racconciò: ritornando poi l’altro giorno il calzolaio e vendendo che il maestro havea seguito il suo parere nella pianella, cominciò a voler dire sopra una gamba, onde Apelle sdegnato uscì fuore dicendo; non conviensi al calzolaio giudicar piu sù che la pianella, il qual detto fu poi accettato per proverbio.
Montjosieu, Louis de, Gallus Romae hospes. Ubi multa antiquorum monimenta explicantur, pars pristinae formae restituuntur. Opus in quinque partes tributum(publi: 1585), « Commentarius de pictura » (numéro IV) , p. 3 (latin)
Apelles sibi diffidens admoneri volebat. Proponebat enim in pergula opera absoluta, ipse latens auscultabat, si qua forte vulgus improbaret.
Lomazzo, Gian Paolo, Idea del tempio della pittura(publi: 1590), « De gli avvertimenti che si deono avere nelle composizioni per prattica » (numéro cap. XXXI) , p. 333-334 (italien)
Ma sopra tutti è degno d’esser ricordato Antonio da Correggio, il quale ad imitazion d’Apelle, invitava gl’altri d’ogn’ora a notare e riprendere le sue pitture come che fossero eccellentissime e mirabili, recandosi a dispetto che gli altri le onorassero et avessero in tanto ammirazione. Anzi, soleva stimar le opere sue per sì vil prezo, che un tratto, dovendo egli pagare un speziale della sua città, gli fece un quadro d’un Cristo che ora nell’orto, nel qual pose ogni sua diligenza, per quattro o cinque scudi, il qual gli anni passati è stato venduto al conte Pirro Visconte per quattrocento scudi. Potrei nominare molti eccellenti pittori, i quali erano soliti conversar insieme per l’ordinario, e spesso si sarebbero posti a ritrarre come un nudo, un fachino o d’altra cosa, e poi a riprendersi l’uno e l’altro de gli errori che aveano commessi. E di qui principalmente nacque l’ecellenza loro, dal non aversi avuto invidia, ma procurato ciascuno, nella loro onorata accademia, d’inalzar sé et il compagno infino al cielo nelle loro diverse maniere alle quali s’erano appigliati. Il che non fanno ora certi nostri pittori, i quali non solamente aborriscono i ricordi et avvertimenti altrui, ma anco il commercio, sdegnando in certo modo d’esser chiamati pittori e seguitando le pratiche di signori e cavaglieri, attenti solamente a gentilezze, garbi e costumi. Onde altro non n’acquistano che esser mostrati a dito e scherniti, e questo solo è quello che si avanzano nell’arte, et il mordersi l’uno e l’altro come cani, schernendo il grande Apelle, il quale solea dire che il volgo era più pronto a giudicar le pitture, che l’artefice.
Van Mander, Karel, Het leven der oude antijcke doorluchtighe schilders(publi: 1603:1604 ), « Van Appelles, Prince der Schilders » , fol. 78v (n)
Hy was seer aendachtigh en opmerckigh in alle dinghen, dat hy oock niet en verwierp menich slecht ghemeen Mans oordeel, als hy’t op den toetsteen der reden goet vondt te wesen, en heefter zijn nut van weten te halen: daerom had hy een ghewoonte, als hy eenigh stuck op ghedaen hadde, dat selve te stellen in een gallerije oft ghemeen wandelplaetse by zijn huys, en wist hem heymelijck daer achter te verberghen, om acht te nemen op de ghebreken, die men daer in vinden soude, stellende dickwils het oordeel van den ghemeenen alle Man boven zijn eyghen. Het is onder al eens gheschiedt, dat eenen Schoenmaker yet hadde ghevonden te seggen op een Tafereel van hem, datter aen eenige toffelen te weynich riemen oft stricken waren om die te mogen dragen: want men hadde doe een wijse, de schoenen en pantoffelen met veel aerdige bindtselen en stricken te doorvlechten en te binden, alsoo men die oock noch in fraey Schilderije mach sien. Appelles, hoewel hy van grooten geest was, heeft dit wel mogen verdraghen, berispt te wesen van een Schooenmaker, dewijl hy maer en oordeelde een dinghen dat zijn Ambacht belangde: maer vindende zijn meyninghe goet, nam Appelles het stuck in huys, en heeft den toffel meer stricken ghemaeckt, en dat ghebreck willich verbetert. Des anderen daeghs werdt het Tafereel weder uytghestelt ter plaetsen daer het te vooren hadde ghestaen, en den selven Schoenmaker weder voorby het selve Tafereel comende, en siende de toffels verandert, was al wat hooveerdich, om dat Appelles op zijn oordeel te wercke ghegaen was: soo voer hy voort, en wilde oock wat segghen op een schene oft been, eenighe meenen van een naeckte Venus, immers Plinius seght een schene, en Valerius Maximus een been, dat in dat Tafereel was, dat den Schoenmaker wilde seggen niet te deghe en was gheschildert, het welck Appelles niet en con verdragen, dat hy hem bestondt te versmaden en berispen een dingen buyten zijn Ambacht, en daer hy geen verstandigh oordeel van doen en con, heeft hem straflijck aenghewesen, dat hy hem niet verder en soude bestaen te spreken dan van zijnen pantoffelen, dat welcke dingen van zijn handtwerck waren, sonder verder te comen in eenigh oordeel. Waer van oock is een ghemeen Spreeckwoordt over al seer verbreydt: Ne sutor ultra crepidam: dat den Schoenmaker niet voorby en gae zijn pantoffel.
Van Mander, Karel, Den grondt der edel vry schilder-const(publi: 1604) (ch. I, § 49 ), fol. 5r (n)
- [1] In quaet oordeel der onverstandighe hem niet te verstooren.
Begindy de suyver borsten te suyghen
Der vernufte maeght aendraghende wapen,
En uyt Iuppiters herssens quam, nae tuyghen
Der Poeten, soo wilt u geeren buyghen
Onder t’ghemeyn oordeel, hier in verknapen [1]
Appelles, want ghy sult dickwils yet rapen,
Soo ghy daer toe doet lijdtsamighe ooren,
Van het gheen u onbekent was te vooren.
Van Mander, Karel, Het Shilder-boeck, p. 24 (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
- [1] Il faut prêter attention aux pensées du commun.
Quand tu commences à boire au sein pur [1]
De la Vierge sagace qui porte des armes
Et est sortie du cerveau de Jupiter comme le disent
Les Poètes, plie-toi sans réticence
A ce que les autres pensent et suis en ceci
Apelle car souvent tu apprendras quelque chose
– si tu tends docilement l’oreille –
Que tu ignorais auparavant.
Commentaires : Trad. J.-W. Noldus, 2009, p. 24
Van Mander, Karel, Het Shilder-boeck(publi: 1604), fol. 286v (n)
Onder ander, ghelijck als hy veel aerdighe Conterfeytselen gesneden heeft, had hyer Ao. 1583. gedaen twee ten voeten uyt op coperen platen, en waren twee Poolsche jonge Princen, die de Landen besoeckende quamen uyt Vrancrijck gecleet op zijn Fransch, so men doe daer gingh, d’een wesende den Neef van den Poolschen Coningh. Soo nu Goltzius te Haerlem by hun was in d’Herbergh, en dat van den prijs werdt ghehandelt, hadden sy met hun een Coopman van Amsterdam, rijcker als verstandigh, die hun het gelt te doen hadde: desen hoorende, dat soo eenighe meerder som gheeyscht wiert als zijn gissinghe was, seyde onder ander woorden, dat het te veel was, en dat Goltzius soo betaelt wesende van zijn Const, meer soude winnen als een Coopman. Waer op Goltzius stracx seyde: V Coopmanschap heeft doch geen gelijcknis met onse Const. Ick can met gelt wel een Coopman worden: maer ghy moeght met al u ghelt geen Constenaer worden.
Van Mander, Karel, Het Shilder-boeck, (t. II), p. 197 (trad: "The Lives of the Illustrious Netherlandish and German Painters, from the first edition of the Schilder-boeck (1603-1604). Preceded by The lineage, Circumstances and Place of Birth, Life and Works of Karel van Mander, Painter and Poet and likewise his Death and Burial, from the second edition of the Schilder-boeck (1616-1618), Doornspijck, Davaco, 6 volumes, 1994-1999Le Livre des peintres, Paris, les Belles Lettres, 2001-2002 (traduction partielle)" par Miedema, Hessel; Gérard-Powell, Véronique )
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()(traduction ancienne d'un autre auteur)
Il a gravé beaucoup de beaux portraits ; en 1583 il a fait sur cuivre les portraits en pied de deux jeunes princes polonais qui visitaient le pays et venaient de France ; ils étaient vêtus à la mode de ce pays. L’un d’eux était le neveu du roi de Pologne. Goltzius se trouvant avec ces seigneurs à leur auberge, à Harlem, la question du prix des portraits fut soulevée. Il y avait là un négociant d’Amsterdam plus riche qu’intelligent, chargé de compter la somme ; voyant qu’elle dépassait son attente il dit, entre autres choses, que c’était trop et que Goltzius, payé sur ce pied, gagnerait plus qu’un négociant. À quoi Goltzius répondit : « Votre négoce n’a rien de commun avec notre art ; je puis, moi, avec vos capitaux, me faire négociant, mais vous, alors même que vous seriez plus riche que vous ne l’êtes, ne pourriez vous faire artiste. »
Commentaires : Traduction Hymans, 1884-1885, t. II, p. 197
Van Mander, Karel, Het Shilder-boeck(publi: 1604), « T’leven van Henricus Goltzius, uytnemende Schilder, Plaet-snijder, en Glaes-schrijver, van Mulbracht », fol. 282v-283r (n)
Hy nu siende zijn leven (soo men seght) aen eenen sijden draet ghehanghen, en geen Medecijn-meester vindende, die moet hadde hem te helpen, maer gelijcklijck seyden, dat het te verre was gecomen, heeft Goltzius sluytlijck voorgenomen (nochtans swack wesende) naer Italien te reysen, hopende also eenighe beteringhe te becomen, oft ten minsten voor zijnen sterfdagh de fraeyicheyt oft schoonheyt der Consten van Italien te sien, t’welck hem neffens ander saken door Houwlijck was soo langh gheweest belet. Heeft dan te dien eynde zijnen knecht mede genomen, en latende t’huys verscheyden Discipulen, en den Drucker, is Ao. 1590. in’t lest van October vertrocken, van Amsterdam varende op Hamborgh, in groot onweder en storm, doende een langhe reys versoeckende voorts te voet te gaen, en is met desen zijnen knecht gereyst door heel Duytslant, door vorst en coude, hem vindende hoe langher hoe beter te pas, te meer door de groote ghenueght van t’ghesicht der verscheyden Landouwen, als veranderinghe van volck: besonder oock nemende groot vermaeck in boerderijen, die hy onder weghen op verscheyden plaetsen aenstelde, te weten, daer hy by Schilders, Plaet-snijders, en ander Constnaren comend in gheselschap te logeren, dat hy den knecht liet den Meester spelen, hem houdende gantsch onbekent, vernemende in deser voeghen al t’ghene sy in’t herte hadden, hoorende hem en zijn werck lasteren, som dit doende uyt afgonst, som uyt cleen verstant, ander met goede redenen, welcke dinghen Goltzio so vermaeckten, dat hy heel ghesondt is geworden.
Van Mander, Karel, Het Shilder-boeck, (t. II), p. 183-184 (trad: "The Lives of the Illustrious Netherlandish and German Painters, from the first edition of the Schilder-boeck (1603-1604). Preceded by The lineage, Circumstances and Place of Birth, Life and Works of Karel van Mander, Painter and Poet and likewise his Death and Burial, from the second edition of the Schilder-boeck (1616-1618), Doornspijck, Davaco, 6 volumes, 1994-1999Le Livre des peintres, Paris, les Belles Lettres, 2001-2002 (traduction partielle)" par Miedema, Hessel; Gérard-Powell, Véronique )(fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Voyant que sa vie ne tenait, comme on dit qu’à un fil, et que les médecins étaient impuissants à la sauver, tous disant, au contraire, qu’il était trop tard, Goltzius prit le parti, si faible qu’il fût, de se mettre en route pour l’Italie dans l’espoir de trouver quelque amélioration, et, dans le cas contraire, de pouvoir, du moins, avant de mourir, contempler les splendeurs de l’art italien, ce dont il s’était vu privé par le fait de son mariage. Laissant chez lui divers élèves et l’imprimeur, il se mit en route avec son domestique, à la fin d’octobre 1590, s’embarquant à Amsterdam pour Hambourg, où il débarqua après avoir essuyé une terrible tempête, et, de là, fit pédestrement la route. Il traversa ainsi toute l’Allemagne, accompagné de son domestique, affrontant le froid et la bise, et voyant sa santé s’améliorer à chaque étape. Il prenait un singulier plaisir à contempler le paysage, la physionomie des populations, et s’amusait surtout dans les auberges où il s’arrêtait et où il lui arrivait d’avoir pour commensaux des peintres, des graveurs et d’autres artistes. Il faisait jouer à son domestique le rôle du maître, restant lui-même inconnu et arrivant de la sorte à connaître la pensée toute entière des autres artistes au sujet de ses œuvres, critiquées souvent par jalousie, souvent par ignorance, et parfois aussi avec raison.
Commentaires : Traduction Hymans, 1884-1885, t. II, p. 183-184
Marino, Giovanni Battista, Dicerie sacre(publi: 1614), « La pittura, parte prima » (numéro Diceria I) , fol. 40r (italien)
Quinci si legge, ch’Apelle publicando le sue pitture, l’esponeva all’altrui sindicatura, e dopo le tavole s’appiattava per ascoltar le censure de’ riguardanti, onde biasimato una volta da semplice contadino, sottogiacque volentieri all’accusa, e cedette alla correttione. In fine è verissimo, che non è cosa dall’intelletto, e dalla mano dell’huomo tanto studiata e sudata, che non sia corrigibile et emendabile.
Marino, Giovanni Battista, Dicerie sacre(publi: 1614), « La pittura, parte prima » (numéro Diceria I) , fol. 44rv (italien)
- [1] Ioan. 8
Laonde Christo nella maniera istessa tenuta dal buono Apelle soleva in publico esporlo all’altrui parere, chiedendo se pur alcuno qualche difetto vi conoscesse. [1] Quis vestrum arguet me de peccato? Pur le dipinture d’Apelle furono conosciute manchevoli. Ma in questa irriprensibile imagine come poteva giammai trovarsi imperfettione, ò macchia alcuna?
Sorel, Charles, Histoire comique de Francion(publi: 1623) (livre X), p. 487 (fran)
Si j’eusse voulu, j’eusse fait comme ce peintre qui se cachoit derrière son tableau, et, après avoir ouï les différens avis de la populace, le reformoit suivant ce que l’on avoit dit. Mais il ne m’en fût pas mieux arrivé qu’à lui, qui, au lieu d’un portrait bien accompli, ne fit qu’un monstre ridicule.
La Pierre, Jean de, Le grand empire de l’un et de l’autre monde divisé en trois royaumes, le royaume des aveugles, des borgnes et des clair-voyants(publi: 1625), l’imprimeur au lecteur, non pag. (fran)
Mon livre, te fait là mesme requeste, (Lecteur) que faisoit autrefois Appelles, aux iuges de ses peintures, de ne regarder du tout point ses tableaux, ou de les regarder de prez, de ne se contenter pas de ietter à la legere une œillade curieuse, vagabonde, et errante sur les païsages draperies et lineaments plus grossiers; mais conioignants l’œil de l’ame avec celuy du corps, examiner avec attention les traits du pinceau les plus desliez et subtils, considerer la symmetrie et beau rapport : ne s’arrester pas aux purs effects du pinceau, qui bien souvent s’eschappe de la main, ou coule et glisse fuyard sur la table d’attente; mais considerer la main qui le guide et conduit; ne iuger pas tant de la beauté de la couleur, que de l'industrie à la couche des couleurs, n'admirer pas tant l'image, que l'idee et exemplaire de l'image; autrement ie diray, que fondant ton iugement sur une brutalle cognoissance de sens, ton iugement ne peut estre que grossier et brutal.
Butrón, Juan de, Discursos apologeticos, en que se defiende la ingenuidad del arte de la pintura, que es liberal, de todos derechos, no inferior a las siete que comunmente se reciben(publi: 1626), « Discurso quarto. En que se prueva, que el arte de la pintura tiene emulacion, y competencia con la gramatica, primera de las fierte artes liberales ; con la historia, con la filosofia, y materia del estado. Que partes aya de tener un pintor para poder llamarselo ; y la dificultad que tiene el conocimiento de la pintura. », fol. 15v-16v (espagnol)
Para conocer un arte es menester obrarle : y con primor tan grande, que no ignore los desvelos que costò la pintura quien se atreve a dar censura, los dibuxos cartones, y modelos que obrò para imitar, los naturales, y la especulacion que tuvo antes, y despues del colorido. Permitio Apeles la censura del çapatero en lo que tocava a los defectos de la chinela (por que como en otro lugar diremos, en todo derecho se da entera fè, y credito a lo que dizen los artifices esperimentados en su arte) pero quando quiso meterse en la rectitud de los perfiles, pago el atrevimiento notado de ignorante de aquella sentencia de Apeles, tan estimada de Griegos, y Latinos, de antiguos, y modernos : Ne ultro crepidam sutor. Respondio Apeles : No es licito a nadie, y mas donde huviere hombres que lo entiendan, hablar en lo queno fuere su profession, o instituto. Mirifice et ille artifex, qui in opere suo, moneri se a sutore de crepida, et ansulis passus, de crure etiam disputare incipientem, supra plantam ascendere vetuit. Assi lo cuenta Valerio Maximo, lib. 8 dictorum factorumque memorabilium, cap. 12. Tomòlo de Plinio en el lib. 35. cap. 10. de su natural historia. Muchos semejantes denuestos padecieron las bachillerias de algunos que quisieron dar su voto en las cosas que no entendian, por defecto de no professarlas. Refiere Ateneo de Stratonico musico de harpa, que estando cantando llegò un herrero a disputar con el de musica : pero Stratonico le castigò diziendole : no te averguanças de hablar en cosa que salga de la materia de martillo, y yunque ? Non sentis (inquit) te ultra malleum loqui ? No echas de ver, que disputas lo que no entiendes ? Notolò muy bien Erasmo en los Adagios, y refierelo Paulo Manuncio, fol. 246 dellos, diziendo, que no puede juzgar en una materia, sino es el mismo que la professa. Non recte iudicare quenquam, nisi et ipsum artificem. Pues que razon ay para que los que conocemos legos en la pintura, den su censura, y voto en ella, solo porque manejaron algunas copias, o originales de valientes pintores que estiman por lo que dellos les han dicho, no porque sepan penderar sus quilates. Con quam justo titulo se les puede responder lo que Apeles al çapatero, o Stratonico al herrero, que ni todo es coser chinelas, ni machacar en el yunque. Earum rerum unumquemque iudicem esse idoneum, quarum sit eruditus. No puede ser buen juez (die Aristoteles en el I. de los Morales) sino es aquel que es docto en la materia que juzga : pues lo contrario, es querer juzgar el ciego de colores, comodixo el mismo en el 2. de los Naturales. O quan estimadas serian las artes, si solo las manejassen los que las entienden ! come sus calidades serian conocidas, y veneradas sus partes, y estudios al peso de lo que mereciessen !
Butrón, Juan de, Discursos apologeticos, en que se defiende la ingenuidad del arte de la pintura, que es liberal, de todos derechos, no inferior a las siete que comunmente se reciben(publi: 1626), « Discurso decimoquinto. Donde se muestra la veneracion en que los antiguos tuvieron la pintura, los principes que la professaron, y algunas de las muchas honras, y mercedes que le hizieron », fol. 109v (espagnol)
Acostumbrava a poner sus obras en la calle, para que censuradas por quien las entendiesse las emendasse : y entonces le sucedio con el çapatero lo que referimos en el discurso 4.
Carducho, Vicente, Diálogos de la pintura, su defensa, origen, essencia, definicion, modos y diferencias(publi: 1633), “Dialogo quarto de la pintura teorica, de la practica, y simple imitacion de lo natural, y de la simpatia que tiene con la poesia”, fol. 59r (espagnol)
Dicip. He reparado en que muchas de las valientes pinturas han saltado a la propriedad, siendo defecto que de todos puede ser juzgado, como leemos que lo fue el zapato (que pintò Apeles) del zapatero, y justamente lo tachò, como el labrador la espiga de trigo que pintò mui derecha, y encima della un pajaro, lo qual era improprio, pues el peso dèl, era fuerça la avia de torcer, y en semejantes defectos vemos incurrir oi muchos artifices, y de los mas excelentes.
Carducho, Vicente, Diálogos de la pintura, su defensa, origen, essencia, definicion, modos y diferencias(publi: 1633), p. 60v (espagnol)
Maes. Parece que me estas diciendo lo que Apeles al zapatero : Nec sutor ultra crepulam. Mas yo respondo, que solo hablarè en lo permitido á mi profesion, que es sentir y juzgar del pintar, aunque poeticamente, y no passarè desto, dexando lo demas à quien le tocàre.
Junius, Franciscus, De pictura veterum(publi: 1637) (II, 12, 4), p. 132-133 (latin)
- [2] Autor dialogi de causis corr. elo. cap. 34
- [3] Livius lib. III ab. U.C.
- [1] Non solos tamen artifices, sed promiscuam saepe hominum multitudinem ad censuram operum suorum advocabant.
- [4] Præcipue tamen amicorum judicio tradebant opera prope jam absoluta
[Sommaire p. 131] §4. Ita memoriae proditum est celeberrimos olim artifices mortalium neminem ab operum suorum nondum evulgatorum censura exclusisse, quod scirent in eo agi suam existimationem, qua nihil iis carius. [1] Non tamen solos ad hoc artifices advocabant, sed frequentes ac subinde novos spectatores, ex invidis et faventibus, dari sibi exoptabant, ut nec male nec bene facta dissimulanter praeterirent. Scias enim magnam illam et duraturam famam, non minus in diversis subselliis parari, quam suis: quinimo constantius surgere ibi, fidelius corroborari.[2] Gnari denique, Plus pollere multorum ingenia consiliaque[3], ne quidem infimam plebem a societate hujus curae excludebant; vide Plinium juniorem lib. VII, epist. 17. Imo etiam ab ea carpi opera sua quandoque sustinebant: Neque enim ulli patientius reprehenduntur, quam qui maxime laudari merentur, Plin. Junior VII, 20. Fertur certe Phidias proposita, quam Eleis fecerat, Jovis imagine, consulto post ostium prope in occulto stetisse ; ut omnem eorum sermonem captaret, qui hoc vel illud in opere ejus laudabant culpabantve. His vero nasum crassiorem, illis autem faciem longiorem, aliis denique aliud aliquid sugillantibus, singulorum spectatorum judicia post eorum discessum dicitur expendisse, atque opus suum clam ad plurium arbitrium conformasse. Sententiam tantae multitudinis non putabat insuper habendam; judicans fieri aliter non posse quin frequens undique confluentis populi turba plus videret se uno, licet satis meminerat se esse Phidiam: vide Lucianum pro Imaginibus. Quod vero depicatissimis vilissimorum homuncionum capitibus tantum in opera sua juris concesserint, non eo factum est, quod ex eorum insulto infrunitoque judicio ad famae suae summam vel minimam sperarent accessionem. Horat. de Arte:
Indoctus quid enim saperet, liberque laborum
Rusticus urbano confusus, turpis honesto?
An quidnam stultius est, quam quos singulos, sicut operarios barbarosque contemnas, eos aliquid putare esse universos? Cicero lib. V Tuscul. Quest. Vide quoque Ælianum lib. II var. Hist. cap. 1 & 6. Πάλαι μὲν τὸ παρὰ τοῖς ὄχλοις εὐδοκιμεῖν, σημεῖον ἦν κακοτεχνίας : Olim certe populari turba placuisse, argumentum erat artis minus absolutæ, inquit Athenaeus lib. XIV, cap. 7: vide locum. Vnde etiam Polycletus facetissimo joco crassis insubidae plebis judiciis illudere non dubitavit; qua de re vide Ælianum var. Hist. XIV, 8. Sed quemadmodum singulos in istis quas profitebantur artibus nonnihil videre putabant, ita eos ultra exspatiari non finebant. Apelles perfecta opera proponebat pergula transeuntibus atque, ipse post tabulam latens, vitia quae notarentur auscultabat, vulgum diligentiorem judicem quam se praeferens; feruntque reprehensum a sutore, quod in crepidis una pauciores intus fecisset ansas, eodem postero die superbo emendatione pristinae admonitionis cavillante circa crus, indignatum prospexisse denuntiantem, ne supra crepidam sutor judicaret, quod et ipsum in proverbium venit, Plinius XXXV, 10. Sequatur igitur hanc laudatissimam priscorum artificum consuetudinem, quisquis clarissimam sibi per gentes notissimamque famam conciliare volet. [4] Aut, si desint periti judices apud quos qualemcunque desideratae sibi famae spem praetentet, Quinctilio saltem alicui se suaque committat; de quo Horat. in Arte:
Quinctilio si quid recitares, corrige, sodes,
Hoc, aiebat, et hoc. Melius te posse negares,
Bis terque expertum frustra; delere jubebat,
Et male formatos incudi reddere versus.
Si defendere delictum quam vertere malles,
Nil ultra verbi aut operae insumebat inanis
Quin sine rivali teque et tua solus amares.
Vir bonus et prudens versus reprehendet inertes
Culpabit duros; incomptis allinet atrum
Transverso calamo signum; ambitiosa recidet
Ornamenta; parum claris lucem dare coget;
Arguet ambigue dictum; mutanda notabit:
Fiet Aristarchus, non dicet, Cur ego amicum
Offendam in nugis? Hae nugae seria ducent
In mala, derisum semel, exceptumque sinistre.
Junius, Franciscus, The Painting of the Ancient(publi: 1638) (II, 12, 4, p. 213-214 : )(anglais)
- [1] Pro imaginib.
- [2] Lib. V. Tuscul. Vide quoque Ælianum lib. II, var. hist. cap. I et 6
Nether did they content themselves with artificers alone, but they did moreover desire a confluxe of envious and favourable spectators, yea of all sorts of men, suffering their workes indifferently to be censured by them all: see the younger Plinie, lib. VII, espist. 17. It is reported, sayth Lucian [1], that Phidias, when he made Jupiter for the Eleans, ans shewed it the first time, stood behinde the doore listening what was commended and discommended in his worke: one found fault with the grossenesse of the nose: another with the length of the face: a third had something else to say: and when all the spectators were gone, he retired himself againe to mende the worke according to what was liked by the greater part: for he did not thinke the advice of such a multitude to be a small matter, esteeming that so many saw many things better then he alone, though he could not but remember himselfe to be Phidias. Observe here in the meane while, that, when they gave unto abject and contemptible men such power over their workes, it was not because they hoped to learne something by them that might advance the perfection of Art, seeing it is a most thing, sayth Tullie [2], to expect great matters from an assembly of those, whom we contemne one by one as handy-crafts-men and barbarians. Polycletus, as we reade in Ælian, tooke a fine course to make vulgar wittes understand themselves, shewing unto them by a lively example that they were more likely to spoile then to helpe the Art, if an artificer should follow their judgment in all things: see Ælianum var. hist. lib. XIV, cap. 8. The artificers therefore did not admit their directions generally in everything, but they followed their motions only in such things as did belong to their profession. When Apelles had made any workes, sayth Plinie, he exposed them in a place, where all that passed by might see them: hinding himself in the meane time behinde the picture, to hearken what faults were noted in his worke; preferring the common people, a most diligent judge, before his owne judgement: and he is reported to have mended his worke upon the censure of a shoo-maker, who blamed the artificer for having made fewer latchets in the inside of one of the pantoffles then of the other. The shoo-maker finding the worke the next day mended according to his advertisement, grew proud and began to find faults with the legge also. Whereupon Apelles could not containe himselfe any longer, but looking forth from behind the picture, bid the shoo-maker not meddle beyond the pantoffle: which saying of his became afterwards a proverbe.
Junius, Franciscus, The Painting of the Ancient(publi: 1638) (II, 12, 1), p. 210-212 (anglais)
- [1] apud Liviuim lib. XXII, ab v.c.
- [2] De tranqu. Animi., cap. 1
- [3] Lib. VII, epist. 17
The former care did not as yet shew itselfe more in the ancient artificers, when by a praiseworthy ingenuitie they called both upon artists and idiots, desirous that all men should examine and censure the worke in hand. Hesiodus his observation is well expressed by Minucius: I have often heard, sayth Minucius [1], that he is the best man, that can advise himself what is fit to be done; and that he is in the next ranke of goodnesse, that is content to receive good advice; but that on the contrarie side, whosoever can neither advise himselfe, nor will be directed by the advice of others, is of a very ill nature. [...] I am of opinion, sayth Seneca [2], that many should have attained unto wisedome, of they had not conceived themselves to be wise alreadie: see also Arriani epict. Lib. II, cap. 17. No man is able to passe through the secrets of Art, sayth Fulgentius, unlesse he first overcome the pompe of vaine glorie: seeing the appetite of an idle praise doth never search out the truth, but taketh all to itselfe whatsoever is offered by way of flattery. Contrition extinguisheth all manner of presumption: and for this reason is the goddesse of wisedome called Tritonia: because all contrition breedeth wisdom: and verily, none can be worse than those who tickle themselves with a false perswasion of Art, though they are not very much past the first lines: for scorning to give way to them that are more skilfull, they betray their owne foolishnesse by the securitie of a wrongfully usurped authoritie. The ancients were quite of another minde; they followed another way. Painters, and such as make statues, yea poëts also, said Tullie, will have their worke considered of the multitude; to the end it might he mended in what they see reprehended by many: they search therefore most diligently by themselves and with others what faults there are committed in the work. The younger Plinie urgeth the same upon another occasion, nothing can satisfie my care, sayth he [3], I thinke still how great a matter it is to publish anything: neither can I perswade myself otherwise, but that we are to peruse often and with many, what wee wish might please all men and alwayes.
Pacheco, Francisco, Arte de la pintura(publi: 1638) (I, 1, t. I), p. 19-20 (espagnol)
Y porque parece casi imposible que un hombre solo pueda saber todo esto, solía el prudentísimo Apéles, despues que avia pintado alguna cosa, la qual quería que fuese perfecta, ponerla en público y asconderse, atendiendo a lo que se juzgaba de la proporción y arte de su pintura; y segun que cada uno hablaba de aquellas cosas de que tenía conoscimiento y práctica, así la iba reformando; y, por el contrario, refutaba el juicio de aquellos que querían jusgar de las partes que no pertenecían a su profesión, como hizo al zapatero, que no contento de haber discurrido acerca del calzado de una figura, quería hacer juicio de otras cosas, diciéndole: Ne sutor ultra crepidam. El zapatero no debe jusgar más que del calzado.
Pacheco, Francisco, Arte de la pintura(publi: 1638) (t. II), p. 165-166 (espagnol)
Sobre este fundamento vemos que, siendo Apeles tan insigne en la pintura, la ponía a vista de todos, para ser advertido en aquello de que el que miraba podía ser juez; y, así, admitió el parecer del zapatero, en cuanto habló en la propiedad del calzado, como se ha dicho, pero, viéndole tomar más licencia y entremeterse en lo que no entendía, lo reprenhendió.
Lomazzo, Giovanni Paulo; Pader, Hilaire, Traicte de la proportion naturelle et artificielle des choses de Ian Pol Lomazzo, peintre milanois(publi: 1649), « De la définition de la Peinture » (numéro chapitre I) , p. 4 (fran)
Et parce qu’il semble quasi impossible qu’un seul homme puisse sçavoir tout cela, le prudent Apellés lorsqu’il avoir peint quelque chose qu’il desiroit rendre parfaite, avoit accoustumé de l’exposer au public, et de se cacher derriere, attendant le jugement qu’on feroit de la proportion de sa Peinture, et selon le jugement que chacun faisoit des choses dont ils avoient connoissance, il corrigeoit ses defauts ; comme au contraire, il rejettoit le jugement de ceux qui vouloient parler de ce qui n’appartenoit pas à leur profession, comme il fit au Cordonnier, qui non content d’avoir discouru sur l’imperfection du soüillier d’une de ses figures, voulait encore porter jugement des autres parties, luy disant : Ne Sutor ultra crepidam.
Vossius, Gerardus Joannes, De quatuor artibus popularibus, de philologia et scientiis mathematicis, cui operi subjungitur chronologia mathematicorum, libri tres, cap. V, De Graphice(publi: 1650), De Graphice, §49, p. 84 (latin)
De eodem[Explication : Plinio.] refert inter alia, ut fuerit illi perpetua consuetudo, nunquam tam occupatam diem agendi, ut non lineam ducendo exerceret artem : quod ab eo in proverbium venit.
Ottonelli, Giovanni Domenigo ; Berettini, Pietro, Trattato della pittura et scultura, uso et abuso loro(publi: 1652), « D’alcuni avvertimenti raccolti da diversi autori per questa materia », « Quinto avvertimento » (numéro III, 10) , p. 164-165 (italien)
- [1] De non irascendo
- [2] Borghini nel Riposo l. 3 pag. 395
- [3] Prov. c. 26. 4
- [4] Catone
È questo. Avanti di dar compiuta l’opera, vederla, e rivederla. Plutarco scrive degli antichi pittori, che censuravano molto l’opere loro prima di finirle, e d’esporle alla publica censura. [1] Pictores opera sua, interposito spacio, priusquam extremam manum his imponant, inspiciunt : quod, dum avertunt visum suum, frequenti iudicio novum faciant, quo acrius exiguum exploratur discrimen, quod claudit assiduitas, et assuetudo. Così proceda il moderno pittore nell’opera, che conduce ; la vegga, e censuri, avanti di finirla, considerando ogni sua parte, e chiamando altre persone a vederla, e giudicarla. Questo avvertimento è saputo da tutti, ma non sempre da tutti è praticato : e chi lo pratica, menrita lode, massimamente eleggendo persone atte per dar quegli avvisi, che sieno all’opera di giovamento. Felices, nota s. Girolamo, essent artes, si de illis soli artifices iudicarent. Plutarco insegna, che il pittore procederà prudentemente, se rivedrà di quando in quando l’immagini, avanti che le dichiari per finite e perfette. Così praticò già Apelle, e gli altri antichi : e così deve praticare il moderno pittore, proponendo l’opere alla censura di valent’uomini giudiziosi, e lontani dall’adulazione ; al consiglio de’ quali attenendosi egli riporterà e molto onore, e gran consolazione.
Domenico Puligo pittor fiorentino fù molto amico d’Andrea del Sarto, e si compiaceva di mostrargli le sue cose, per emendar gli errori ; quel, che oggi, come scrive un moderno [2], con poca lodo loro non costumano i pittori, presumendosi ciascuno d’esser da più dell’altro. Io noto, che questo scrittore usa censura troppo universale contro i pittori del suo tempo, nel quale non dovevano mancar altri giudiziosi, che facevano veder l’opere prima d’esporle alla publica luce ; come non mancano a nostro tempo. È vero, che non approvo la strana maniera che già usò un pittore, mostrando l’opera sua ad altri, accioché la giudicasse. Narra Tasso scultore, scrivendo a Benedetto Varchi, che Antonio del Giansi mostrò ad Andrea del Sarto un suo quadro, pregandolo strettamente, che gli dicesse l’opinion sua, ed avvertisse gli errori, se v’erano. Andrea, che era non manco cortese, che valente, gli mostrò amorevolmente assai cose, che non gli sodisfacevano, dandogliene le ragioni, alle quali Antonio non sapendo rispondere, né volendo a patto alcuno aver fatto male, vinto dalla colera, e mosso dall’ignoranza disse : « Andrea io son uomo per mostrarvi con l’armi in mano, che questo è un bel quadro. » Alle quali parole dispose Andrea, che era ito quivi, per dirgli gli errori del quadro, come da lui ne era stato pregato ; e che del menar le mani un’altra volta lo rivedrebbe. Rispose Andrea prudentemente, e schifò con cristiana destrezza l’occasione di battersi con quell’imprudente. Ne respondeas stulto iuxta stultitiam suam. [3] Ecco un’ altro caso per gli scultori.
Filippo Brunelleschi, quel valent’uomo fiorentino, col disegno, ed opera di cui fù fatta la maravigliosa e gran cupola della Metropolitana di Fiorenza, era amico di Donatello, il quale avendo finito un Crocifisso di legno, glie lo mostrò, pregandolo a dire il suo parere. Filippo dopo averlo considerato, rispose, che aveva messo in croce un contadino. A Donatello parve strana la risposta, e disse : « Se così facile fusse il fare, come il giudicare, il mio Cristo ti parebbe Cristo, e non contadino ; però piglia del legno ancor tu, e prova di farne uno. » Filippo sopportò la mordacità del detto, e stette chetto molti mesi, tanto che fece un Crocifisso di legno della grandezza simile a quello di Donatello, e poi glie lo fece vedere ; e la vista fù tale, che egli restò maravigliato, si confessò per vinto, e predicò quest’opera, come un bellissimo, e gran miracolo dell’arte. Cosi una picca d’onore alle volte eccita ad operar straordinarie maraviglie un valent’uomo ; onde quell’antico [4] ebbe ragion di scrivere. Honor est artium magister.
Dati, Carlo Roberto, Vite de' pittori antichi(publi: 1667), « Vita d’Apelle », p. 82-83 (italien)
- [1] VII.
- [2] VIII.
- [3] IX.
- [4] Val. Mass. lib. 8. 12. Plin. l. 35. c. 10.
- [5] Adag. a 162
Ebbe per costume inviolabile, che per occupatissimo ch’egli fosse non passò giorno, nel quale egli non tirasse qualche linea, per mantenersi su l’esercizio, e non infingardirsi la mano [1] Onde nacque il proverbio. Niun giorno senza linea. [2] Dopo aver condotte l’opere usava metterle a mostra sopra lo sporto, non a pompa, perch’era modestissimo, ma per ascoltare stando dietro i mancamenti censurati dal volgo, da lui stimato miglior giudice di se medesimo. [3] [4] E si dice, che notandolo un calzolajo, per aver fatto ne’ calzari un’orecchino, o fibbia di meno, insuperbitosi perchè Apelle tale errore avesse emendato, il giorno seguento cavillò non so che della gamba. Sdegnatosi Apelle s’affaciò, e disse. Il calzolaio non passi oltre la scarpa. Che pure andò in proverbio. [5]
Dati, Carlo Roberto, Vite de' pittori antichi(publi: 1667), « Postille alla Vita d’Apelle » , p. 108-110 (italien)
IX. Volgo da lui stimato miglior giudice di se medesimo.
Plinio l. 35.10. Vulgum diligentiorem iudicem quam se praeferens. Parrà strano ad alcuno che Apelle tanto deferisse al volgo. Ma finalmente e’ bisogna confessare esser verissimo il nostro proverbio: veggono più quattr’occhi, che due. E che ognuno è cieco in giudicar delle cose proprie. I pittori anno questo svantaggio, che imitando quel che da ciascuno si vede possono esser censurati da chi che sia, purch’ egli non sia privo degli occhi. Ne ad essi vale il dire, chi non è professore stia cheto; fondati sopra quel detto di Plinio il Giovane l.1 ep. 10. Ut enim de pictore, sculptore, fictore, nisi artifex iudicare, ita nisi sapiens non potest perspicere sapientem. Se non vogliamo le censure degl’imperiti, perchè gradischiamo le lodi loro ? Careret quippe fama magnorum virorum celebritate, si etiam minoribus testibus contenta non esset. Disse Simmaco l. 8 ep. 22. E lib. I ep. 23. Licet alienas spectare virtutes. Nam et Phidiae Olympium Iovem, et Myronis buculam, et Polycleti Canephoras rudis eius artis hominum pars magna mirata est. Intelligendi natura indulgentius patet. Alioqui praeclara rerum paucis probarentur, si boni cuiusque sensus etiam ad impares non veniret. Molto diverso è il fare, e il dar giudicio del fatto. Mirabile est (Cicerone nel 3. n. 51 d. Oratore) cum plurimum in faciendo intersit inter doctum, et rudem, quam non multum differat in iudicando. E nel lib. d. Ottim. Gener. d. Orat. n. 4 ad picturam probandam adhibentur etiam inscii faciendi cum aliqua sollertia iudicandi. Non milita sempre quell detto di Donatello a Filippo. To del legno, e fa tu. Perchè l’altro potrà rispondere. Io non so far meglio, ma tuttavia so distinguer che tu fai male. Bellissimo a questo proposito è un luogo di Dionigi Alicarnasseo nel Giudicio sopra la Storia di Tucidide. Non per questo (dic’ egli) perchè a noi manca quella squisitezza, e quella vivezza d’ingegno, la quale ebbero Tucidide e gli altri scrittori insigni, saremo egualmente privi della facoltà che essi ebbero nel giudicare. Imperciocchè è pur lecito il dar giudizio di quelle professioni, in cui furono eccellenti Apelle, Zeusi, e Protogene, anche a coloro, i quali ad essi non possono a verun patto agguagliarsi: ne fu interdetto agli altri artefici il dire il parer loro sopra l’opere di Fidia, di Policleto, e di Mirone, tuttochè ad essi di gran lunga fossero addietro. Tralascio cher spesso avviene, che un’uomo idiota, avendosi a gindicare di cose sottoposte al senso, non è inferiore a’ periti. Al detto di Dionigi potrebbesi aggiugnere, esser verissimo, che le finezze dell’arte, le godono, e le conoscono solamente gli artefici, ma gli errori son considerati anche dagl’ignoranti. E questi appunto cercava d’emendare Apelle facendo gran capitale di quanto ascoltava dire alla moltitudine senza alcuna passione. Onde Giusto Lissio Epist. Miscell. Cent. 2. 88[1]. Si vale di questo esempio d’Apelle per significare il frutto, che si trae per l’emenda dal sentire il parere altrui. Quel che fece Apelle, prima di lui l’aveva fatto anche Fidia, del quale racconta Luciano nella Difesa delle Immag. a. 603. che doppo aver condotto a fine il Giove Olimpio, e quello messo a mostra stava dietro alla porta a sentire quel che diceva il popolo, del cui giudicio faceva stima più che ordinaria. Questi due fatti d’Apelle, e di Fidia pare appunto ch’avesse in mente Cicerone quando scrisse nel l. 2. de gli Uffici n. 41 Ut enim pictores, et ii qui signa fabricantur, et verò etiam poetae, suum quisque opus a vulgo considerari vult, ut si quid reprehensum sit a pluribus, id corrigatur: hique, et secum, e cum aliis quid in eo peccatum sit exquirunt: sic aliorum iudicio permulta nobis, et facienda, et non facienda, et mutanda, et corrigenda sunt. Da questi grandi artefici, ed eccellenti scrittori impari chi vuol’ uscire dell’ordinario a non fidarsi di se medesimo, ed a sentire, e stimare il giudicio altrui.
A questi esempli antichi piacemi d’accoppiare un moderno, raccontatomi non ha gran tempo da un mio carissimo amico. Avea Gianbologna scultore insigne finito, e messo sù il cavallo di bronzo, il quale si vede in Firenze nella Piazza del Palazzo Vecchio sostenente sul dorso il simulacro del Serenissimo Granduca Cosimo Primo, e dopo esser levati i palchi, e le tende non avea perancora disfatto l’affito posto attorno alla base. Stava egli adunque la entro racchiuso ascoltando quel che diceva il popolo concorso a vedere la statua equestre nuovamente scoperta. Fuvi tra gli altri un contadino, il quale avendo ben riguardato il cavallo, disse, che lo scultore avea tralasciato una cosa, che tutti i cavalli sogliono avere. Udito ciò Giambologna, che attentissimo stava osservò chi fosse stato colui che l’aveva notato, e facendone gran conto, ancorchè fosse un’ uom della villa, quand’egli si partì andogli dietro, e a lui accostatosi cortesemente interrogollo, qual cosa fosse quella, ch’egli poco avanti avea detto essere stata ommessa dallo scultore nel suo cavallo. Al che rispose il contadino, ch’e’ vi mancava quel callo, il quale tutti anno dalla parte interna alle gambe dinanzi sopra l’annodatura del ginocchio, e molti anche di sotto alle gambe di dietro, cagionato, come per alcuni si stima, da’ ritoccamenti dell’ unghie in su ripiegate, mentr’ essi stanno in corpo alla madre. E dicesi, che Gianbologna non piccol grado ne seppe al villano, perchè non solamente rimessi i palchi emendò l’opera co’ tasselli, come si vede, ma l’avvertimento largamente ricompensò dotandogli una figliuola. A queste finezze conduce altrui l’amor verso l’arte, e l’operar per la gloria.
- [1] Omnis enim advertit quod eminet, et exstat, come disse Plinio l. 9 ep. 26, suggerito dal Priceo.
Piles, Roger de, L’Art de Peinture de Charles-Alphonse Du Fresnoy, traduit en François, avec des remarques necessaires et tres-amples(publi: 1668), p. 143-144 (fran)
- [1] Tusc. l. 5
- [2] Virg. 3. Georg
- [3] L. I. ep. 26
Tirez votre profit des gens doctes, et ne méprisez pas avec arrogance d’apprendre, etc. Parrasius et Cliton se trouverent fort obligez à Socrate des avis qu’il leur donna sur les Passions. Voyez le dialogue qu’ils font ensemble dans Xenophon sur la fin du 3.l de ses Memoires. Ceux qui souffrent plus volontiers d’estre repris (dit Pline le jeune), sont ceux-là mesme en qui l’on trouve beaucoup plus à loüer qu’aux autres. Lysippus estoit ravi qu’Apelle lui dit son sentiment, comme Apelle recevoit celuy de Lysippus avec plaisir. Ce que dit Praxitele de Nicias dans Pline, est d’un esprit bien fait et bien humble. Praxitele interrogé lequel de tous ses ouvrages il estimoit le plus, ceux, dit-il, que Nicias a retouchez ; tant il faisoit cas de sa critique et de son sentiment. Vous savez ce qu’Apelle faisoit quand il avoit achevé quelque ouvrage. Il l’exposoit aux passans, et se cachoit derrière, pour écouter ses défauts, dans la pensée d’en profiter quand on les luy auroit fait connoistre, sçachant bien que le peuple les examineroit plus rigoureusement que luy, et ne pardonneroit pas le moindre faute. Les sentiments et les conseils de plusieurs ensemble sont toujours preferables à l’avis d’une seule personne ; et Ciceron [1] s’étonne comme il y en a qui s’enyvrent de leurs productions, et qui se disent l’un à l’autre, Hé bien, si vos ouvrages vous plaisent, les miens ne me déplaisent pas. En effet, il y en a beaucoup qui par presomption ou par honte d’estre repris, ne font pas voir leur ouvrage : mais il n’y a rien de pire ; [2] car le vice se nourrit et s’augmente quand on le tient caché. Il n’y a que les fous (dit Horace) à qui la honte fait celer leurs ulceres, au lieu de les montrer, pour les faire guerir.
[3] Stultorum incurata malus pudor ulcera celat.
Il y en a d’autres qui n’ont pas tout à fait cette sotte pudeur, et qui demandent le sentiment d’un chacun avec prieres et avec instance : mais si vous leur dites ingenuëment leurs deffauts, ils ne manqueront pas aussi-tost d’en donner quelque mauvaise excuse, ou qui pis est, de vous sçavoir un fort mauvais gré du service que vous avez crû leur rendre, et qu’ils ne vont ont demandé que par grimace et par une certaine coûtume établie parmi la pluspart des peintres. Si vous voulez vous mettre en quelque estime, et vous acquerir de la reputation par vos ouvrages, il n’y en a pas un meilleur moyen, que de les faire voir aux personnes de bon sens, et principalement à ceux qui s’y connoissent, et recevoir leur avis avec la mesme douceur et la mesme sincerité que vous les avez priez de vous le dire. Vous devez mesme estre industrieux pour découvrir le sentiment de vos ennemis, qui est pour l’ordinaire le plus veritable : car vous devez estre asseuré qu’ils ne vous pardonneront pas, et qu’ils ne donneront rien à la complaisance.
Scheffer, Johannes, Graphice, id est, de arte pingendi liber singularis, cum indice necessario(publi: 1669), Et ea jure culpantur, studiose emendare (numéro §84) , p. 222 (latin)
Quia sine emendatione frustra dantur vel accipiuntur judices. Hinc ne Apellem quidem ipsum puduit, quæ circa crepidam sutor observaverat, immutare, ut a Plinio est memoratum.
Scheffer, Johannes, Graphice, id est, de arte pingendi liber singularis, cum indice necessario(publi: 1669), Comparatur pars hæc, primum, proprii ingenii felicitate quadam, postea judicii communis studiosa observatione (numéro §40) , p. 154 (latin)
Nam cum nemo non intelligat, si quid in pictura pulchre sese habeat, secusve, vel iste ipse omnium consensus, vitia virtutesque ejus aperiet. Neque mihi dubium, quia hoc egerint quæsierintque veteres pictores, proponendo sua opera in publico. Fuitque hoc in primis consuetum Apelli, sicut Plinius testatur ; qui fortassis ideo ante alios hac parte valuit. Apelles, ait, lib. XXXV c. 10, perfecta opera proponebat pergula transeuntibus, atque post ipsam tabulam latens, vitia, qui notarentur, auscultabat, vulgum diligentiorem judicem, quam se, præferens.
Browne, Alexander, Ars pictoria(publi: 1669), « The Definition of Painting », p. 29 (anglais)
Now because it seemeth a matter of great difficulty, and almost impossible for one man to attain to the full perfection of all this knowledge, we may propose unto us the example of the most judicious Apelles, who when he undertook any special piece of work, wherein he meant to shew the utmost of his skill, he used to hand it forth to publique view, hiding himself behind, to the end he might hearken what every mans judgment was, concerning the proportion and workman-ship thereof, and according to each mans censure of such things as appertained to their professions. He still corrected his work, as on the contrary side, he did confute and reprehend the censures of such as would take upon them to give their judgments of such things as appertained not to their professions (as did the shoemaker, who not content to find fault with the shooe of one of his pictures, would needs censure the other parts) unto whom, he answered, ne sutor ultra crepidam.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst(publi: 1678), « Vervolg van’t voorgaende » (numéro VIII, 10) , p. 315 (n)
- [1] Voorbeelden
Maer de Schildergeest wort somtijts tot ongedult getergt, wanneer de verwaentheit des berispers te hoog loopt. Apelles liet ons, vooren de Schoenriemen, met goede Schoenmakers kennis, gelukkich berispt had, hier af een alom bekent stael na, toen den Schoenmaker, na dat hy daegs te en hy die nu verbetert zach, [1] iets op het been van Venus wist te zeggen: want Apelles, die zich verborgen hadde, sprong met yver uit, en belaste hem, Schoenmaker, by zijn Pantoffel te blijven.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst, « Suite du chapitre précédent » (numéro VIII, 10) , p. 463 (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Mais l’esprit d’un peintre peut parfois être exaspéré jusqu’à l’impatience lorsque la vanité du critique le mène trop loin. Apelle nous en laissa un exemple universellement connu. Après avoir, la veille, heureusement critiqué les formes de chausses peintes par Apelle grâce à ses bonnes connaissances d’artisan et qu’il les vit améliorées par le peintre, un cordonnier eut ensuite à redire sur la jambe de Vénus. Mais Apelle, qui s’était dissimulé, sortit avec zèle de sa cachette et le tança : cordonnier ! Reste dans tes pantoufles !
Commentaires : Trad. Jan Blanc, 2006, VIII, 10, « Suite du chapitre précédent », p. 463
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst(publi: 1678), « Vervolg van’t voorgaende » (numéro VIII, 10) , p. 320 (n)
- [1] Hoorden anders oordeel.
- [2] Maer volgden de beste ; niet als Dion.
Want het en behoort een Schilder nimmermeer te verveelen zijn werk beter en beter te maeken; de tijd ververst somtijts het oog, en het oordeel van vreemden, verstandigen, en dommekrachten, van nijdigen, gunstelingen, en onpartijdigen [1] ontwaekt den geest. Jae de Boeren zullen u somtijts wel een feyl in uw werk aenwijzen, gelijk Durer zegt, hoewel zy u niet leeren kunnen, hoe gy die zult verbeeteren. Fidias, na dat hy dien vermaerden Jupiter voor d’Eleanen gemaekt, en d’eerste reyze aen den dag gebracht hadde, stont achter de deure, en luisterde wat d’omstanders in zijn werk preezen of laekten. En zoo dra zy vertrokken waren, sloot hy de deuren, en ging de oordeelen der menichte tegens zijn beeld overweegen, en verbeterde’t geene daer zy by avontueren’t rechte wit getroffen hadden: en Apelles gebruikte dien zelven wech. Want die al wilde volgen wat het domme volk oordeelde, zou vaeren als Dion, die Leda met hare kinderen Kastor en Pollux uit eyerschaelen brekende, geschildert hadde, en de zelve in zijn winkel gestelt, [2] met voornemen alles te veranderen wat de menichte quam te berispen, gelijk geschiede: want hy hoorde met gedult al haere aenwijzingen aen, en maekte’t zoo als zy’t verstaen hadden; nu verkorte hy de neus van Leda, of een arm van Kastor, dan verdunde hy den hals van Pollux, of de knie van de Moeder, tot dat de godin, noch godin, noch hen’ met kuikens, maer eer een beerin, met twee ongelekte jongen geleek. Dit gedaen hebbende, stelde hy’t wederom in zijn winkel ten toon, met dit byschrift:
’s Volks oordeel, dom en zot,
Heeft dus dit stuk verbrod.
Men moet geen oordeel volgen, als’t geen datmen bevint met de waerheyt over een te koomen: want daer is geen grooter dwaesheit, zegt Tullius, dan datmen iets zonderlings van de vergaderinge der geener verwacht, die, een by een, anders niet dan slechte verachte werkluiden zijn.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst, « Suite du chapitre précédent » (numéro VIII, 10) , p. 468-469 (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Il ne convient pas, en effet, qu’un peintre se lasse d’améliorer sans cesse son œuvre. Le temps rafraîchit parfois le regard, et le jugement des étrangers, des hommes intelligents comme des butors et des envieux, des protecteurs et des gens impartiaux réveille souvent l’esprit. Même des paysans pourront indiquer des fautes dans votre œuvre, comme le dit Dürer – bien qu’ils ne puissent pas vous apprendre à les corriger. Après avoir fait son fameux Jupiter pour les Eléens et l’avoir présenté pour la première fois, Phidias se cacha derrière une porte afin d’y écouter ce que l’assistance louait ou critiquait dans son œuvre. Et dès qu’elle s’en alla, il ferma les portes, considéra les jugements de la foule sur son œuvre et l’améliora là où, par quelque hasard, ils avaient vu juste. Apelle appliqua le même procédé. Mais ceux qui voudraient suivre tous les jugements du peuple idiot se comporteraient comme Dion. Celui-ci avait peint Léda avec ses enfants, Castor et Pollux, sortant de leurs coquilles d’œuf en les brisant. Et il avait placé cette peinture dans son atelier avec l’intention de modifier tout ce que la foule viendrait critiquer. Et c’est ce qui advint : il écouta patiemment toutes leurs indications et fit exactement ce qu’ils voulaient ; il raccourcit le nez de Léda, ou un bras de Castor, puis amincit le cou de Pollux ou le genou de la mère, jusqu’à ce que la déesse ne ressemblât ni à une déesse, ni à une poule avec ses poussins, mais plutôt à une ourse avec ses deux petits, parfaitement différents l’un de l’autre. Ayant fait cela, il l’exposa à nouveau dans son atelier, avec cette inscription :
Le jugement du peuple, idiot et sot,
A ainsi gâché cette œuvre.
Il ne faut suivre que le jugement dont on considère qu’il s’accorde avec la vérité. Il n’est pas de plus grande sottise, dit en effet Cicéron, que d’attendre quelque chose de particulier d’une foule de personnes qui, prises séparément, ne sont que de mauvais et méprisables ouvriers.
Commentaires : Trad. Jan Blanc, 2006, VIII, 10, « Suite du chapitre précédent », p. 468-469
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst(publi: 1678), « Hoemen’t ordineeren moet aenvangen » (numéro V, 2) , p. 180 (n)
- [1] Hoe noodlich d’ordinantie goet moet zijn
De Schilders, Beeltsnyders, jae de Poëten zelve, zegt Tullius, wenschen, dat de lief hebbers haere werken op’t alder-naeukeurichst deursnuffelen: ten eynde dat zy, al’t geene met reeden berisptwort, verbeteren mochten. Dit zal u dan niet t’onpas komen, als gy verzekert [1] zijt dat uw algemeene stelling en ordinantie goedt is. Dan zal’t u niet hinderen, of gy u al, als Apelles, in een schoenriem, vergreepen hadt: of als Phidias ergens een neus wat te dik ofte lang had gemaekt. Dan zult gy niet beschaemt zijn, datmen u eenige gebreeken aenwijst, maer alles zal u tot nut en voordeel gedyen. Gy moogt ook, om in’t oordeel over uw wel beleyde ordinantie verzekert te zijn, een getrouw vrient in de konst dezelve toonen, en zijn berispingen gaede staen: want zoo diende zich Apelles van het gevoelen van Lysippus, en deeze wederom van het oordeel van Apelles: en Praxiteles hielt dit voor zijn beste werken, die hy met raedt en daedt van Nicias gedaen hadde.
Hoogstraten, Samuel van, Inleyding tot de hooge schoole der schilderkonst, « Comment il faut commencer à ordonner » (numéro V, 2) , p. 304 (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Cicéron dit que les peintres, les sculpteurs et même les poètes souhaitent que les amateurs fouillent le plus précisément possible leurs œuvres afin de pouvoir améliorer ce qui leur a été reproché par des discussions. Il ne vous sera dès lors pas inutile d’être certain que la composition et l’ordonnance générales de votre œuvre sont bonnes. Vous ne serez pas gêné, tout comme Apelle, d’avoir porté atteinte à la forme d’une chaussure ou, comme Phidias, d’avoir fait à un endroit un nez un peu trop large ou trop long. Et vous n’aurez pas honte que l’on vous indique ces quelques erreurs : tout vous sera utile et avantageux. Afin d’être sûr de ceux qui jugent votre composition prudente, vous pouvez également la montrer à un ami fidèle dans l’art et considérer ses critiques. C’est ainsi en effet qu’Apelle s’est servi des sentiments de Lysippe, et que celui-ci s’est à nouveau servi du jugement d’Apelle. Et Praxitèle affirmait que ses meilleures œuvres étaient celles qu’il avait faites avec l’aide et les conseils de Nicias.
Commentaires : Trad. Jan Blanc, 2006, V, 2, « Comment il faut commencer à ordonner », p. 304
Pline l’Ancien; Hardouin, Jean, Caii Plinii Secundi Naturalis historiae libri XXXVII. Interpretatione et notis illustravit Joannes Harduinus,... in usum Serenissimi Delphini(publi: 1685) (t. V ), p. 208-209 (latin)
Apelli fuit alioqui perpetua consuetudo nunquam tam occupatam diem agendi, ut non lineam ducendo exerceret artem :[1] quod ab eo in proverbium venit. Idem perfecta opera proponebat[2] pergula transeuntibus, atque post ipsam tabulam latens, vitia quae notarentur auscultabat,[3] vulgum diligentiorem judicem quam se praeferens. Feruntque a sutore reprehensum, quod in crepidis una intus pauciores fecisset[4] ansas : eodem postero die superbo emendatione pristinae admonitionis cavillante circa crus, indignatum prospexisse denuntiantem, ne supra crepidam judicaret, quod et ipsum in proverbium venit.
- [1] Quod ab eo in proverbium. Tralatio versu : Nulla dies abeat, quin linea ducta supersit : quem ex Horatio falso Salmasius citat, in Solin. pag. 5. vide Erasmum, Chil. I. Cent. 4. Adag. 12. Nullam hodie lineam duxi.
- [2] Pergula. Sunt qui in pergula legant Lucilius, Satyrarum lib. 20 citatus a Lactantio, lib. 1. cap. 22. Pergula pictorum veri nihil, omnia ficta. Pergula locus est accommodatus exponendis rebus venalibus, in edito positus. Codex Theod. lib. 13. tit. 4. lib. 4. Picturae professores….. pergulas et officinas in locis publicis sine pensione obtineant. Graeci ὑπερῷον vocant. Et artium ceterarum professoribus pergulae quoque hujuscemodi fuere profitendae arti. De mathematicis, testis Suetonius in Augusto, ubi de Theagene. De grammaticis, idem lib. de illustr. Gram. ubi de Graffitio.
- [3] Vulgum diligentiorem. Huc pertinet illud Ciceronis, lib. 3. de Orat. num. 51. Mirabile est, cum plurimum in faciendo intersit inter doctum et rudem, quam non multum differat in judicando. Et lib. de. opt. gen. orat. num. 4. Ad picturam probandam adhibentur etiam inscii faciendi, cum aliqua solertia judicandi. Scilicet de absolutione artis non potest nisi artifex judicare : de erratis, etiam homo rudis, etiam vulgum potest.
- [4] Ansas. Ansas vocat, crepidarum vincula nexusque. Ea voce pariter usus Valer. Max. in hac ipsa prodenda re, lib. 8. cap. 12. pag. 402. Mirifice, inquit, et ille artifex, qui in opere suo moneri se a sutore de crepida et ansulis passus, de crure etiam disputare incipientem, supra a plantam ascendere vetuit. Tibullus, lib. I Eleg. 8. Ansaque compressos colligat arcta pedes. Gregor. M. lib. 2. Moral. Sed ecce quaestioni quaestionem jungimus, et quasi, dum ansam solvere nitimur, nodum ligamus.
[Lemée, François], Traité des statuës(publi: 1688), « Des sculpteurs » (numéro chapitre II) , p. 28-29 (fran)
- [1] Lib. 2 de Rep. Initio
- [2] Ne sutor ultra crepidam. Plin. l. 35. c. 10
Car selon Platon [1] un peintre peut faire le portrait d’un corroieur, d’un charpentier, et de tous autres artisans sans en sçavoir les arts, et cette ignorance n’empêchera pas s’il excelle d’ailleurs, que ses tableaux ne surprennent les simples et les mauvais connoisseurs, qui ne les prendront point pour des peintures, mais pour des hommes veritables.
C’est pourquoy Apellés ne perdit pas sa réputation pour un soulier qui n’étoit pas dans toute la justesse possible, et le reformant suivant l’advis qu’un cordonnier luy en donna ; il apprit par-là aux autres à n’avoir pas plus d’entêtement que luy, qui se cachoit ordinairement derriere ses ouvrages, dans le dessein de profiter de ce que le public en pensoit. Il ne donnoit pas neantmoins indifferemment dans tout ce que l’on en disoit, et il se moqua de ce même cordonnier [2] qui revenant à la charge controloit mal à propos une jambe qu’il avoit peinte. S’il n’eût eu cette maxime, il n’auroit rien finy non plus que Protogénes, ou semblable à Apollodore qui n’étoit jamais content pour vouloir trop penetrer les secrets de l’art, il auroit souvent brisé de tres belles pieces.
Junius, Franciscus, De pictura veterum(publi: 1694) (I, 5, 4), p. 38 (latin)
Nunquam certe de bono pictore, aut non bono, doctis hominibus cum populo dissensio fuit. Etenim necesse est, qui ita pingat, ut a multitudine probetur, eundem et doctis probari. Vulgo homines egregia summorum artificum opera intuentes, quid efficiatur sentiunt, docti vero insuper etiam cur id efficiatur intelligunt. De populo si quem olim ita rogavisses, Quis est in arte consummatissimus ? in Apelle et Protogene aut dubitaret aut hunc alius, illum alius diceret. Nemone Pamphilum, tam suavem, tam bellum, tam speciosum artificem his anteferendum putat ? nemo profecto. Id enim ipsum est summi artificis, summum artificem populo videri. Tu artifex, quid quaeris amplius ? delectatur spectans multitudo, ducitur pictura, gaudet, dolet, ridet, miratur, et, pictura quosvis affectus inspirante, ad misericordiam aut odium inducitur. Quid habes quod disputes ? Quid est quod exspectetur docti alicujus sententia? Quod enim probat multitudo, hoc idem doctis probandum est. Denique, hoc specimen est popularis judicii, in quo nunquam fuit populo cum doctis intelligentibusque dissensio. His quam simillima fusius prosequitur Tullius de claris oratoribus. [etc.]
Junius, Franciscus, De pictura veterum, p. 370 (fran)(traduction récente d'un autre auteur)
Jamais il n’y a eu entre le peuple et les connaisseurs divergence d’opinions à propos d’un bon ou d’un mauvais peintre. Car un peintre capable d’être apprécié par la multitude pour ses peintures doit nécessairement être aussi apprécié des connaisseurs. Les hommes du vulgaire, en regardant les œuvres hors du commun des plus grands artistes, ressentent leurs effets, les connaisseurs comprennent, en plus, la raison de ces effets. Si l’on avait jadis demandé à un homme du peuple : « Qui dans son art est le plus accompli? », ou bien il aurait hésité entre Apelle et Protogène, ou bien il aurait nommé soit l’un, soit l’autre. Et personne ne leur préférerait Pamphile qui est un artiste si doux, si joli, si spécieux ? Personne assurément. C’ets bien la marque du très grand artiste que de sembler très grand au peuple. Toi, l’artiste, que demandes-tu de plus ? La multitude a plaisir à te contempler, elle se laisse mener par ta peinture, elle se réjouit, souffre, rit, s’étonne et, la peinture lui inspirant toute sorte de passions, elle est conduite à la pitié ou à la haine. Pourquoi discuter ? Pourquoi attendre l’avis d’un connaisseur ? Ce qu’apprécie la multitude, c’est aussi ce que les connaisseurs doivent apprécier. Enfin, c’est la caractéristique du jugement populaire que, jamais, il n’y a eu désaccord entre le peuple et ceux qui comprennent avec l’intelligence des connaisseurs. Cicéron expose des arguments tout à fait semblables, en les développant plus largement, dans Des orateurs célèbres. [etc.]
Commentaires : Trad. Nativel, 1996, p. 370
Piles, Roger de, Abrégé de la vie des Peintres, avec des reflexions sur leurs ouvrages, et un Traité du Peintre parfait, de la connoissance des Desseins et de l’utilité des Estampes(publi: 1699), p. 125-126 (fran)
Mais s’il disoit son sentiment avec simplicité, il recevoit de la même maniére celuy des autres : et pour en éloigner toute complaisance, il éxposoit ses ouvrages aux passans, et se tenoit caché derriére pour écouter ce qu’on en diroit, dans le dessein d’en profiter. De sorte qu’un cordonnier passant un jour devant la maison d’Apelle, et y trouvant un tableau ainsi exposé, reprit avec liberté quelque défaut qu’il apperçût à une sandale, laquelle fut changée incontinent aprés : mais le lendemain repassant par le même endroit, tout glorieux de voir qu’on eut profité de sa critique, censura aussi-tôt une cuisse où il n’y avoit rien à redire : ce qui obligea Apelle de sortir de derriére sa toile, et de dire au cordonnier que son jugement ne passoit pas la sandale ; ce qui passa dans la suite en provérbe. Je ne say s’il y a beaucoup d’Apelles aujourd’huy, mais il y a des cordonniers plus que jamais.
Coypel, Antoine, "Commentaire de l’Épître à son fils (Vrais et faux connaisseurs)", lu le 5 mai 1714 à l’Académie royale de peinture et de sculpture(redac: 1714/05/05), p. 101 (fran)
« Consultez le public et fuyez les flatteurs,
De vos plus grands défauts lâches admirateurs. » (31e et 32e vers de l’Épître).
On ne peut, ce me semble, trop imiter l’exemple d’Apelle qui, exposant ses tableaux publiquement, se cachait pour mieux écouter les sentiments du public et pour en profiter ; il se cachait afin que ses jugements fussent plus libres et plus naturels, car quel moyen de démêler la vérité quand, au milieu d’une foule à qui on a donné son ouvrage en spectacle, on s’y donne en même temps soi-même, et qu’entouré de partisans choisis, par une vanité ouverte et déclarée ou une humilité suspecte, on arrache ou l’on mendie des applaudissements, lorsque l’on a peut-être besoin de critiques salutaires ? On en s’aperçoit pas que la gloire la mieux méritée cesse de l’être quand elle est trop recherchée. Si nos ouvrages sont bons, tôt ou tard on leur rendra justice sans qu’il nous en coûte des sollicitations. S’ils sont mauvais ou défectueux, songeons plutôt à nous corriger qu’à nous défendre.
Commentaires :
Palomino, Antonio, El museo pictórico y escala óptica(publi: 1715:1724), II, 8, “Propiedades accidentales de la pintura”, 4 (numéro Tomo I, Teórica della pintura) , vol. 1, p. 323 (espagnol)
No la desconoció el grande Apeles, exponiendo, con ingenua desconfianza, a la censura pública sus obras, para embarazase su presencia: cuando oyendo notar a un labrador, en el pajarillo que había pintado sobre una espiga de trigo, el que estuviese tan derecha, debiendo el peso inclinarla; con ingenua modestia lo corrigió advertido.
No le sucedió así a el zapatero, que habiendo notado en un retrato algún defecto en el calzado, preguntándole Apeles su ejercicio, lo corrigió; pero queriendo, con esta satisfacción, propasarse otro día a censurar otras cosas, le dijo Apeles: Sutor ne ultra crepidam: el zapatero no hable más que el calzado. Quedando esta sentencia por proverbio desde entonces, para corregir a aquellos, que quieren meter la hoz en mies ajena, hablando en lo que no entienden, ni es de su facultad.
Durand, David, Histoire de la peinture ancienne, extraite de l’Histoire naturelle de Pline, liv. XXXV, avec le texte latin, corrigé sur les mss. de Vossius et sur la Ie ed. de Venise, et éclairci par des remarques nouvelles(publi: 1725), p. 67 (fran)
Il[Explication : Apelle.] avoit encore une coutume sage et modeste, pour y faire de grands progrès. Dès qu’il avoit fini un tableau, il l’éxposoit sur la gallerie de son balcon, aux yeux des passans, et caché lui-même derrière son ouvrage, il écoutoit la critique des spectateurs : jugeant bien que le public desintéressé, et même le vulgaire non prévenu, étoit plus en état d’en remarquer les défauts qu’il ne l’étoit lui-même : car pour les beautez, c’est aux connoisseurs[1] à les reconnoître et à les sentir. Sur quoi, on raconte qu’ayant été critiqué, un jour, par un cordonnier, de ce qu’il avoit mis une courroye de trop peu, dans les sandales d’une figure, il reconnut ingénument sa faute et la corrigea aussitôt. Il est vrai que, quand il vit que le correcteur, enflé du succès de sa critique, s’avisa le lendemain de monter plus haut, et de glozer sur la jambe, indigné de son audace, aussi bien que de son ignorance, il sortit brusquement de sa cachette et, l’ayant regardé du haut en bas, Arrête, lui dit-il, et ne t’avise pas de passer la sandale[2] : ce qui est encore passé en proverbe à son occasion ; NE SUTOR ULTRA CREPIDAM : c’est-à-dire,
SAVETIER,
Fais ton métier,
Et garde-toi surtout d’élever ta censure
Au-delà de la chaussure.
Note au texte latin, p. 264 :
(H) Proponebat in pergula. C’est la leçon de Venise. La leçon commune retranche la préposition. Pergula étoit une espèce de saillie, ou d’avance, sur quoi on éxposoit les tableaux. Voyez le P. H. ou plutôt Carlo Dati, p. 107.
(I) Atque ipse post tabulam latens. C’est la leçon de la I. Venitienne, qu’on a changée très mal à propos, atque post ipsam tabulam latens : quoi que Pintianus eut reclamé l’autorité de son MS. entiérement conforme à la I. Edition.
(K) Vulgum diligentiorem judicem quam se praeferens. C’est ici une maxime de la dernière utilité ; savoir que le public est beaucoup plus éclairé sur nos défauts, que nous ne pouvons l’être nous-mêmes : c’est tout ce qu’Apelle vouloit dire par là. Car en general, le peuple n’est pas un bon juge des ouvrages de l’art ; il peut sentir quelques bons endroits, et quelques défauts ; mais il n’a pas assez de lumière pour pénétrer dans les uns et dans les autres, et il se trompe quelquefois très lourdement. Horace l’avoit bien éprouvé :
Interdum volgus rectum videt : est ubi peccat.
L’approbation même de toute une multitude n’est point une preuve suffisante de la bonté d’un ouvrage, à moins que ce ne soit un peuple éclairé, comme celui d’Athenes, composé d’artisans et de gens d’esprit, qui avaient tous les jours devant les yeux des chefs-d’œuvre du pinceau et du cizeau. Aussi vous voyez que notre Pline montre dans la suite à quoi peut servir la maxime d’Apelle, c’est à corriger quelques défauts, qui ont échappé au peintre, dans le feu de son imagination, comme une courroye de trop peu, un défaut dans la sandale, dans l’habit, dans le casque peut-être, et ainsi du reste. Je me souviens qu’un cordonnier me disoit un jour, à ce propos, qu’il ne trouvait dans les tableaux de ce pays aucun soulier qui fût bien fait, et en général il avait raison : mais lui ayant montré les belles estampes de Sébastien Le Clerc, il avoua qu’il ne trouvait rien à redire à la chaussure, et qu’il était surpris de voir de si belles choses. Voyez Carlo Dati, et le P.H.
(L) Quod in crepidis una pauciores intus fecisset ansas. C’est la leçon de la I. Venitienne : la leçon ordinaire porte, quod in crepidis una intus pauciores fecisset ansas. Il me semble qu’en faveur de la clarté, il faut lire una pauciores intus. Il y a un MS. de Dalecamp, qui porte, quod in crepidarum una, dans l’une de ses sandales ; ce qui rendoit la faute d’Apelle plus sensible. Pintianus a trouvé dans un des siens, quod in crepidatis una… mais cela ne fait pas un bon sens, car crepida, la sandale, étoit une chaussure grecque, qui consistoit dans une sorte de semelle, où ils appuyoient la plante du pié, et l’attachoient ensuite avec des cordons par dessus jusqu’à la hauteur de la cheville. C’est ce que Pline appelle des anses, c. à. d. des attaches, qui étoient plus ou moins précieuses selon les conditions. On en peut voir la figure dans l’Apollon du Vatican. Les Espagnols encore aujourd’hui se servent de ces sortes de sandales en été ; la semelle est composée d’une espèce de corde de chanvre bien liée et applatie, et les attaches sont de fleuret noir : rien n’est plus commun dans tout le royaume de Valence, principalement les jours ouvriers. Ils nomment cette chaussure, spardillas.
(LΔ) Superbo ex emendatione pristinae admonitionis. C’est, à peu de chose près, la lecture de Venise : super vocem emendatione : d’où nous avons fait superbo ex emendatione. Un MS. de Dalecamp favorise cette lecture, il porte aussi super vocem. La I. ed. de Rome, superbe, en le rapportant à cavillante. C’est le même sens. Il est naturel à un vil artisan de faire le capable, lorsqu’il a trouvé en faute un Apelle. Combien y a-t-il de petits facteurs, dans nos caffez, qui se croient habiles lorsqu’ils ont relevé un prédicateur sur un point de fait, qui n’est d’aucune importance ? ou sur une éxpression qu’ils n’ont pas trouvée dans le dictionnaire ? Les personnes sages ne sont point si critiques ; elles se contentent de cueillir les fleurs et les fruits, et laissent au présomptueux le misérable emploi de ramasser une épine, ou un caillou.
(M) Denuntiantem ne supra crepidam judicaret. Denuntiare est un terme d’autorité : voyez Ciceron ; Nos vero si quid tale accideret, ut a Deo denuntiatum videatur, ut exeamus e vita, laeti et agentes gratias, pareamus. Tuscu. I. c. 49. La I. ed. porte, ne supra crepidam sutor judicaret : mais il est visible que ce sutor est une gloze, qui ôte à ce bon mot une partie de son sel : il suffit de crepidam, pour faire sentir au correcteur les jutes bornes qu’il devait mettre à sa critique : à peu près comme Apollodore l’architecte disait à Adrien, croyez-moi, retournez à vos citrouilles : parce que ce prince aimoit à les dessiner ou à les peindre : ce qui assurément n’est pas un objet fort sublime. Phèdre a imité ce sarcasme dans son Cordonnier médecin :
Quantae putatis vos esse dementiae,
Qui capita vestra non dubitastis credere,
Cui calceandos nemo commisit pedes ?
- [1] Cette restriction n’est pas dans Pline ; mais on l’a ajoutée pour faire sentir jusqu’où peut aller l’usage de sa remarque.
- [2] En effet, il faut que chacun se renferme dans sa profession ; un cordonnier peut juger de la chaussure ; un tailleur de l’habit ; mais il est ridicule que l’un ou l’autre s’élevent au-delà de leur sphere, pour déterminer les proportions, le clair-obscur, ou les choses qui dépendent de la perspective. Alexandre lui-même s’y trouva pris.
Rollin, Charles, Histoire ancienne, tome XI, livre XXIII(publi: 1730:1738), « De la sculpture » (numéro livre XXIII, ch. 4) , p. 94 (fran)
- [1] Aelian. l. 14, cap. 8
[Note contexte] [1] Travaillant à une statue, par ordre du peuple, il[Explication : Polyclète.] eut la complaisance d’écouter tous les avis qu’on vouloit bien lui donner, de retoucher son ouvrage, d’y changer et d’y corriger tout ce qui déplaisoit aux Athéniens ; mais il en fit une autre en particulier, où il n’écouta que son propre génie et les régles de l’art. Quand elles furent exposées aux yeux du public, il n’y eut qu’une voix pour condamner la premiére, et pour admirer l’autre. Ce que vous condamnez, leur dit Polyclète, est votre ouvrage ; ce que vous admirez, est le mien.
Rollin, Charles, Histoire ancienne, tome XI, livre XXIII(publi: 1730:1738), « De la sculpture » (numéro livre XXIII, ch. 4) , p. 90-91 (fran)
- [1] Lucian. in Imagin. pag. 31
[Note contexte] Son Jupiter[Explication : le Jupiter de Phidias.] olympien fut un prodige de l’art, et si bien un prodige, que, pour l’estimer sa juste valeur, on crut le devoir mettre au nombre des sept merveilles du monde. Aussi n’avoit-il rien oublié pour amener cet ouvrage à sa derniére perfection. [1] Avant que de l’achever entiérement, il l’exposa aux yeux et au jugement du public, se tenant caché derriére une porte, d’où il entendoit tous les discours qui se tenoient. L’un trouvoit le nez trop épais, un autre, le visage trop allongé ; d’autres remarquoient d’autres défauts. Il profita de toutes les critiques qui lui parurent avoir un juste fondement ; persuadé, dit Lucien, qui rapporte ce fait, que plusieurs yeux voient mieux qu’un seul. Excellente réflexion pour toute sorte d’ouvrages !
Rollin, Charles, Histoire ancienne, tome XI, livre XXIII(publi: 1730:1738), « De la peinture » (numéro livre XXIII, ch. 5) , p. 173 (fran)
S’il disoit son sentiment avec simplicité, il recevoit de la même maniére celui des autres. Sa coutume étoit, quand il avoit achevé un ouvrage, de l’exposer aux yeux des passants, et d’entendre, caché derrière un rideau, ce qu’on en disoit, dans le dessein de corriger les défauts que l’on pourroit y remarquer. Un cordonnier aiant trouvé qu’il manquait quelque chose à une sandale, le dit librement, et la critique était juste. Repassant le lendemain par le même endroit, il vit que la faute avoit été corrigée. Tout fier de l’heureux succès de sa critique, il s’avisa de censurer aussi une jambe, à laquelle il n’y avait rien à redire. Le peintre alors, sortant de derriére sa toile, avertit le cordonnier de se renfermer dans son métier, et dans ses sandales. C’est ce qui donna lieu au proverbe, Ne sutor ultra crepidam, c’est-à-dire,
Savetier,
Fais ton métier,
Et garde-toi surtout d’élever ta censure
Au-delà de la chaussure.
Turnbull, George, A Treatise on Ancient Painting(publi: 1740), p. 45 (anglais)
- [1] The ancient custom of exposing pictures to publick view and censure
- [3] What the Ancients say of the difference between the learned and the vulgar
- [5] The regard paid by modern painters to common judgment
It is particularly taken notice of by Pliny and others, that the ancient painters and statuaries disdained not to listen to the remarks even of the illiterate and uninstructed, and to observe the effects which their works had upon them. [1] It was customary amongst them to expose pictures and statues to publick view, to the common criticism of all, not only in the publick and solemn congresses, but at all times[2]. And thus the artist had excellent opportunities of taking many useful hints, and making several important observations for the improvement of his art. The frequent confluence of spectators to see their works, gave the artists occasions of remarking how people of different orders, characters, ages, formed an excellent school for them to study Nature in. [3] And indeed it is an error to suppose that the learned only can judge of good performances, or of the arts that imitate nature, and have it for their aim to touch and move the heart. This practice of the ancient painters, which was likewise followed by orators and poets, of trying their works upon untaught nature, proceeded on a true observation often repeated by Cicero and others; that the unlearned are seldom wrong in their judgment about what is good or bad in any of the arts; and that the chief difference between the learned and the vulgar consists in this, that the latter are not able to apply rules and maxims, but judge merely from what they feel; whereas the former reason about their feeling from principles of science and art. Cicero insists at great length on this observation[4]. But Quintilian dispatches the whole matter in one very just and expressive sentence. “Docti rationem artis intelligunt, indocti voluptatem.”
[5] What regard the best modern painters likewise paid to the sentiments and feelings of the vulgar, in whom Nature expresses herself just as she is moved, without any affectation or disguise, we learn from several stories in their lives, of their close and careful attention to the effects which their pictures had even on ordinary women and children: I shall only mention one Bellori and Coypel tell us[6] of Annibal Carrache; he had observed an old woman mightily moved by a famous picture of Dominichino, representing the Flagellation of St. Andrew, and describing all the passions in it to her child with great emotion; but having remark’d, that a picture of Guido’s, in the same church, of another martyrdom, did not equally touch her; when a dispute happened afterwards about these two pictures, he only told this story, leaving it to every one to judge to which the preference was to be given; on supposition, that touching and moving the affections was the chief end and excellence of the pencil.
- [2] Ut enim pictores, et ii, qui signa fabricantur, et ero etiam poetae, suum quisque opus a vulgo considerari vult : ut, siquid reprehensum sit a pluribus, id corrigatur : hique et secum, et cum aliis, quid in eo peccatum sit, exquirunt : sic aliorum judicio permulta nobis et facienda et non facienda, et mutanda, et corrigenda sunt. Cic. de Of. lib. 2. 41. Apelles perfecta opera proponebat in pergula transeuntibus, atque ipse post tabulam latens, vitia quae notarentur auscultabat, vulgum diligentiorem judicem quam se praeferens : feruntque a sutore deprehensum quod in crepidis una pauciores intus fecisset ansas : eodem, postero die, superbo ex emendatione pristinae admonitionis, cavillante circa crus, indignatum prospexisse, denuntiantem ne supra crepidam judicaret. Plin. 35. — Quandoquidem hoc Phidiam quoque fecisse perhibent quo tempore apud Elios Jovem jam absolverat. Stetisse enim illum post januam, ubi primum opus in lucem productum hominibus visendum ostendisset, subauscultasseque quid quisque spectantium laudaret aut reprehenderet. Ceterum hic quidam nasum reprehendebat — alius vero faciem — Deinde digressis spectatoribus, rursus Phidiam semet concludentem correxisse, atque ad multorum opinionem, et judicium imaginem emendasse. Neque enim mediocre aut contemnendum esse existimabat populi tam numerosi consilium, sed hoc sibi persuaserat necessario fore, ut multi semper plus quam unus perviderent : tametsi ipse semet Phidiam esse non ignorabat. Lucian de Imag. Rhodiis in admiratione fuere Ialysus et Satyrus, columnae adstans, cui columnae perdix adsistebat atque adeo tabula isthac primum posita, perdix tantopere traxit hominum oculos, atque inse defixos tenuit, ut Satyrum nemo admiraretur quanquam elaboratissimum. — Videns igitur Protogenes ipsum opus factum esse quoddam quasi additamentum ad opus, perdicem delevit. Strabo, lib. 14. p. 652.
- [4] Illud autem nequis admiretur, quonam modo haec vulgus imperitorum in audiendo notet ; cum in omni genere, tum in hoc ipso magna quaedam est vis, incredibilisque naturae. Omnes enim tacito quodam sensu, sine ulla arte aut ratione, quae sint in artibus ac rationibus recta ac prava, dijudicant : idque cum faciunt in picturis et in signis, et in aliis operibus, ad quorum intelligentiam a natura minus habent instrumenti ; tum multo ostendunt magis in verborum, numerorum, vocumque judicio ; quod ea sunt in communibus infixa sensibus, neque earum rerum quenquam funditus natura voluit esse expertem. — Mirabile est, cum plurimum in faciendo intersit inter doctum et rudem, quam non multum differat in judicando. Ars enim cum a natura profecta sit, nisi natura moveat ac delectet, nihil sane egisse videatur, etc. Cic. de Orat. lib. 3. 50.
- [6] See Coypel on Painting, and Leonardo da Vinci, p. 35. While a painter is employed in designing or painting, he ought to listen to the different sentiments wich different people entertain of his performance : there being no body, how ignorant in painting soever, but who, etc.
Lacombe, Jacques, Dictionnaire portatif des beaux-arts ou abrégé de ce qui concerne l’architecture, la sculpture, la peinture, la gravure, la poésie et la musique(publi: 1752), art. « Apelle » , p. 30 (fran)
Apelle avoit coûtume d’exposer ses ouvrages en public pour sçavoir son jugement. Un jour un cordonnier trouva qu’il manquoit quelque chose à une sandale, il le dit hautement, et Apelle en profita ; quelques coups de pinceau firent disparoître le défaut. Le cordonnier flatté de voir que sa critique avoit eu son effet, s’ingéra de censurer mal à propos une jambe, c’est à cette occasion qu’est venu le proverbe Ne sutor ultra crepidam.
La Nauze, abbé de, Mémoire sur la manière dont Pline a parlé de la peinture(publi: 1759, redac: 1753/03/20) (t. XXV), p. 222-223 (fran)
Et pour Apelle, qu’il juge avoir été le plus grand peintre de l’Antiquité, il mêle sans cesse à l’éloge de ses talents celui de sa modestie et de sa politesse ; on voit cet artiste admirer sincèrement et louer volontiers les ouvrages de ses rivaux, reconnaître la supériorité d’Amphion sur lui pour l’ordonnance, et celle d’Asclépiodore pour la justesse des proportions, exposer ensuite ses tableaux à la critique du public, le jugeant plus capable que lui-même d’en connaître les défauts, ne s’oublier jamais, malgré toute la gloire dont il était couvert, malgré tous les biens de la fortune dont il était comblé, malgré toutes les bontés d’Alexandre pour lui, qui allaient jusqu’à la plus grande familiarité. Ce prince lui céda la plus chérie de ses favorites : grand par sa valeur héroïque, ajoute Pline, et plus grand encore pour s’être surmonté lui-même, il fit là un trait qui ne le cède en rien à aucune de ses victoires. Il faut, on le voit bien, que tout ce qui vient se ranger sous la plume de cet écrivain, et qui présente un côté avantageux, y reçoive toujours le tribut de louange qui peut lui appartenir.
Caylus, Anne-Claude Philippe de Tubières, comte de, « De l’avantage des vertus de société »(redac: 1756/11/08) (t. VI, vol. 1), 251 (fran)
Vous savez encore qu’Apelle écoutait sans être vu le sentiment du public sur les ouvrages qu’il produisait, et c’est encore une précaution que l’on ne répète guère que par un principe d’émulation, dans le désir constant de corriger ses défauts, par un moyen d’autant plus convaincant qu’il est souvent accompagné d’une vérité cruelle pour l’amour-propre, car alors elle est énoncée sans aucun ménagement.
Du Perron, Discours sur la peinture et sur l’architecture(publi: 1758), « Des avantages de la peinture, de son application à l’architecture » (numéro Seconde partie ) , p. 56 (fran)
La peinture d’autre part, quoique féconde en beautés qui lui sont propres, perdroit mille occasions de briller, si l’architecture ne lui tendoit la main. Les tableaux d’Apelle étoient exposés dans la place publique, pour éprouver le goût des connoisseurs, et pour profiter de leurs critiques, mais c’étoit une situation passagere. Ces miracles de l’art, portés bientôt après chez les princes et chez les particuliers y jouissoient d’une gloire plus durable ; on les rangeoit sous les portiques, on les plaçoit dans les vestibules avec les statues des ancêtres : dans ces avantageuses positions, ils fixoient mieux les regards, et des lieux mêmes qu’ils embellissoient, ils recevoient mille graces nouvelles. Protogênes[1] contemporain d’Apelles, osa mépriser cet avantage, il habitoit une cabane et y exposoit au hazard ses admirables productions, elles étoient oubliées et méprisées.
- [1] Protogênes, natif de la ville de Caune en Cilicie.
Algarotti, Francesco, Saggio sopra la pittura, saggio sopra l’Academia di Francia che è in Roma(publi: 1763), « Della importanza del giudizio del pubblico », p. 67-69 (italien)
È necessario che il pittore s’imprima fortemente nell’animo che niuno è migliore giudice dell’arte sua, quanto è il vero dilettante, ed il pubblico. […] Quello che si dice dell’artefice può dirsi ancora di un’Accademia, dove i capi sono finalmente artefici, e collocati il più delle volte in quel grado da pratiche secrete e dal favore più che dal proprio merito. Dalle tante Accademie d’Italia e di Francia non è uscito ancora alcuno allievo da potersi paragonare con Raffaello, con Tiziano, o col Pussino ; perché ivi appunto gli scolari mirano, e naturalmente mirar debbono, a gradire al Direttore dell’Accademia, e non all’universale. Né per altra ragione è da credere sia stato ultimamente preso in Parigi di esporre i quadri degli Accademici in un Salone al giudizio del pubblico. Così il Tintoretto e altri gran pittori de’ nostri esponevano le opere loro alle viste di tutti, sentivano il giudizio imparziale e giusto del popolo ; come lo sentiva anticamente Apelle, e come lo sentì Erodoto leggendo le sue storie in Olimpia. Il popolo guidato da un certo natural senso, e fortificato dal giudizio di poche che si trovano sempre mescolati con esso quasi spranghe nel muro, sentenzia benissimo tanto del valor delle parti, quanto del risultato del quadro : e nulla sapendo né del combattimento dei lumi con l’ombre, né del sapor delle tinte, né dei ricercamenti dei nudi, né di belle appiccature, né d’altro, pronunzia, senza che vi sia appello, che i più fedeli discepoli della natura sono i più grandi maestri dell’arte.
Algarotti, Francesco, Saggio sopra la pittura, saggio sopra l’Academia di Francia che è in Roma(publi: 1763), « Della importanza del giudizio del pubblico », p. 123-128 (italien)
È necessario che il pittore s’imprima fortemente nell’animo che niuno è migliore giudice dell’arte sua, quanto è il vero dilettante, ed il pubblico[1]. Guai alle opere dell’arte, che hanno solamente di che piacere agli artisti, dice un grand’uomo, che vola come aquila per le regioni dello scibile[2]. Una assai inetta storia racconta il Baldinucci di un pittore Fiorentino, al quale, nel vedere non so che sua opera, disse un gentiluomo parergli che una mano di una tal figura non potesse stare in quell’attitudine, e sembragli alquanto storpiata. Il pittore allora preso il matitatoio glie lo porse perch’ei la disegnasse come la voleva. E il gentiluomo dicendo come volete voi che io segni, se io non sono del mestiere ? Il pittore, che appunto l’aspettava a quel passo, or se voi non sete del mestiere, soggiunse, a che sindacare le opere de’ maestri dell’arte[3]? quasi che bisognasse saper disegnare una mano come il Pesarese, per conoscere se altri nel disegnarla l’abbia storpiata sì o no[4]. Assai meglio avvisava quel pittor Veneziano, il quale quando un qualche buon uomo veniva alla sua stanza gli domandava che gli paresse del quadro, che avea sul cavaletto : E se il buon uomo, dopo di averlo considerato, gli rispondeva, non s’intendere di pittura, era per cancellare il quadro, e rifarlo da capo. Ognuno, se non può entrare nelle sottiglieze dell’arte, può ben conoscere se una figura ne’ suoi movimenti è impedita ovvero sciolta, se le carnagioni ne sian fresche, se è ben contenuta dentro a’ panni che la rivestono, se opera ed esprime quanto dee operare ed esprimere. Ognuno, senza altrimenti entrare in sottili considerazioni e in lunghi ragionamenti, può fare un retto giudizio intorno alla rappresentazione di cose, che sente egli medesimo, che pur ha tutto giorno dinanzi agli occhi. E forse non così rettamente ne può giudicare l’artefice, che ha certi suoi modi favoriti di atteggiare, di vestire, di tingere, che si è fatto una certa sua pratica così di vedere come di operare, e tutte le cose suole indrizzarle ad una sola forma, biasimando chiunque si discosta da quella. Il pittore, lasciando andare la invidia che talvolta lo accieca, giudica piuttosto secondo Paolo, o il Guercino ; lo scrittore secondo il Boccaccio, o il Davanzati, che secondo il sentimento e la natura. Non così il dilettante, ed il pubblico, che è libero da qualunque pregiudicata opinione della scuola[5]. E di vero non componeva glià versi quel Tarpa, senza il cui beneplacito non era lecito a’libri di poesia aver l’ingresso nella biblioteca di Apollo Palatino : Non è già un’assemblea di autori quella udienza, la quale nel teatro Francese ha saputo tra tutte le composizioni drammatiche coronare l’Armida, il Misantropo, l’Atalia. […] Si accorsero in Francia, non è gran tempo, del gran detrimento, che ne veniva all’arte dall’essere sotto la dettatura e quasi tirannia di un directtore, che in pochi anni avea diffuso la particolar sua maniera nelle opere della gioventù, e ne avea infetta quella scuola. Nè per altra ragione è da credere vi sia stato novellamente preso il savio partito di esporre in un salone i quadri degli Accademici alle viste e al giudizio della moltitudine, a cui sottomettevano le opere loro Fidia[6] e Apelle[7], il Tintoretto, e altri de’ più rinomati antichi, e moderni maestri. Al lume della piazza, diceva non so chi, si scuopre ogni neo d’imperfezione, e quivi ancora risalta ogni vera bellezza. La moltitudine e traviata talvolta, è vero, o dall’insolito della novità, o dai sofismi di taluno, ma guidata dipoi da un certo natural sentimento, dall’autorità dei sani ingegni, e da niuna parzialità impedita reca finalmente un retto giudizo (sic) del valore degli artefici.
- [1] Omnes enim tacito quodam sensu, sine ulla arte aut ratione, quae sunt in artibus ac rationibus recta ac prava dijudicant ; idque cum faciunt in picturis et in signis etc. Cic de Oratore Lib. III. N. L.Mirabile est cum plurimum in faciendo intersit inter doctum et rudem, quam non multum differat in judicando. Ars enim cum a natura profecta sit, nisi natura moveat ac delectet, nihil sane egisse videtur. Id. Ibid. N. LI. Ut enim pictores, et ii qui signa fabricantur, et vero etiam poetae, suum quisque opus a vulgo considerari vult, ut si quid reprehensum sit a pluribus, id corrigatur : hique et secum, et cum aliis quid in eo peccatum sit exquirunt : sic aliorum iudicio permulta nobis et facienda et non facienda, et mutanda et corrigenda sunt. Id. de Off. Lib. I. N. XLI.Ad pictura probandam adhibentur etiam inscii faciendi cum aliqua sollertia iudicandi. Id. De optimo genere Orat. N. IV.
Namque omnes homines, non solum architecti quod est bonum possunt probare. Vitr. Lib. VI. Cap. XI.
- [2] Malheur aux productions de l’art, dont toute la beauté n’est que pour les artistes. M. D’Alembert dans l’Eloge de Montesquieu.
- [3] Notizie de’Professori del Disegno da Cimabue in qua, che contengono tre Decennali dal 1580 al 1630, nella Vita di Fabbrizio Boschi.
- [4] Non milita sempre quel detto di Donatello a Filippo. To’ del legno, e fa’ tu. Perchè l’altro potrà rispondere. Io non so far meglio, ma tuttavia so distinguer che tu fai male. Bellissimo a questo proposito è un luogo di Dionigi Alicarnasseo nel Giudicio sopra la Storia di Tucidide. Non per questo (dic’egli) perchè a noi manca quella squisitezza, e quella viveza d’ingegno, la quale ebbero Tucidide, e gli altri scrittori insigni, saremo egualmente privi della facoltà, che essi ebbero nel giudicare. Imperciochè è pur lecito il dar giudicio di quelle professioni, in cui furono eccellenti Apelle, Zeusi, e Protogene anche a coloro, i quali ad essi non possono a verun patto agguagliarsi : nè fu interdetto agli altri artefici il dire il parer loro sopra l’opere di Fidia, di Policleto, e di Mirone, tuttoché ad essi di gran lunga fossero addietro. Tralascio che spesso avviene, che un uomo idiota, avendosi a giudicare di cose sottoposte al senso, non è inferiore a’ periti. Carlo Dati Postilla IX. alla Vita di Apelle.
- [5] Je ferois souvent plus d’etat de l’avis d’un homme de bon sens, qui n’auroit jamais manié le pinceau, que de celui de la plus part des peintres. M. de Piles Remarq. 50 sur le Poeme de Arte graphica de M. Du Fresnoy.
- [6] ἐπεὶ καὶ φειδίαν φάσιν ὄυτω ποιῆσαι etc. Lucian. De Imaginibus.
- [7] Idem [Apelles] perfecta opera proponebat pergula transeuntibus, atque post ipsam tabulam latens vitia, quae notarentur, auscultabat, vulgum diligentiorem iudicem quam se praeferens. C. Plin. Hist. Lib. XXV. Cap. X.
Algarotti, Francesco, Saggio sopra la pittura, saggio sopra l’Academia di Francia che è in Roma, (trad: 1769), « De l’importance du jugement du public », p. 189-191 (trad: "Essai sur la peinture et sur l’Académie de France établie à Rome" par Pingeron, Jean-Claude en 1769)(fran)(traduction ancienne d'un autre auteur)
Il est nécessaire qu’un peintre grave profondément dans sa mémoire, qu’il n’y a point de meilleur juge dans son art qu’un véritable amateur et le public éclairé[[Omnes enim tacito quodam sensu, sine ulla arte aut ratione, quae sunt in artibus ac rationibus recta ac prava dijudicant ; idque cum faciunt in picturis et in signis etc. Cic de Oratore Lib. III. N. L.
Mirabile est cum plurimum in faciendo intersit inter doctum et rudem, quam non multum differat in judicando. Ars enim cum a natura profecta sit, nisi natura moveat ac delectet, nihil sane egisse videtur. Id. Ibid. N. LI.]]. Malheur aux productions de l’art, dont toute la beauté n’est que pour les artistes, dit un grand homme qui marche à pas de géant dans la carrière des sciences[[3:Malheur aux productions de l’art dont toute la beauté n’est que pour les artistes. M. d’Alembert dans l’éloge de M. de Montesquieu.]]. Baldinucci raconte une histoire assez plaisante d’un peintre florentin. Un gentilhomme examinant le tableau de cet artiste, lui fit observer que la main d’une figure n’étoit point à sa place et qu’elle lui paroissoit tant soit peu estropiée. Le peintre prit son crayon et lui dit de la dessiner comme il vouloit qu’elle fût. Le gentilhomme lui dit alors, comment voulez-vous que je dessine cette main, suis-je de votre profession ? Le peintre qui l’attendoit là, lui répondit, puisque vous n’êtes pas du métier, pourquoi voulez-vous critiquer les ouvrages des maîtres de l’art[[3:Notice des peintres depuis Cimabué jusqu’à nos jours, cet ouvrage contient l’espace de trente ans depuis 1580 jsuqu’en 1610. Vie de Fabbrizio Boschi.]]? Comme s’il falloit dessiner une main comme le Pesarese pour sçavoir si les autres peintres l’auront estropié ou non dans leurs tableaux[[3:Cet avis de Donatelli à Philippe, tò del legno e fa’ tu, prends du bois et fais-en autant, ne peut pas s’appliquer également dans tous les cas, parce que l’autre pouvoit lui répondre, je ne sçais pas mieux faire, il est vrai, cependant je sçais distinguer que tu fais mal. On ne peut pas à propos de ce trait s’empêcher d’admirer un passage de Denys d’Halicarnasse dans le jugement qu’il porte sur l’histoire de Tucidide. Ce n’est pas, dit-il, parce que nous n’avons pas cette vivacité d’esprit et ce talent qui brillent dans les ouvrages de Tucidide et des autres écrivains fameux que nous devons être privés de cette sagacité qu’ils montrerent dans leurs jugemens. Il fut permis de prononcer sur les productions de l’Art où excellerent les Apelles, les Zeusis et les Protogênes sans avoir le mérite de ces grands peintres. Les artistes eurent également la liberté de dire leur sentiment sur les ouvrages de Phidias, de Policlete et de Myron quoiqu’ils fussent bien éloignés d’avoir leurs talens. Il arrive souvent qu’un homme borné juge aussi sainement qu’un homme d’esprit, des choses qui sont soumises aux sens. Carlo Dati postilla IV vie d’Apelle.]].
Un peintre Vénitien pensoit plus sagement quand un bon homme venoit dans sa chambre. IL lui demandoit ce qu’il pensoit du tableau qu’il avoit sur son chevalet ; si cet homme borné lui repondoit après avoir bien examiné le tableau, qu’il ne se connoissoit pas en peinture, cet aveu suffisoit pour qu’il effaçât son tableau et qu’il le refit de nouveau. Sans connoitre tous les détails de l’Art du Peintre, on peut voir si une figure est ensemble, si ses mouvemens sont naturels, ou si elle est lourde ou svelte, si les carnations sont fraiches, enfin si les figures sont bien drapées. On sentira pareillement si le tableau rend ce qu’il doit exprimer. Chacun peut porter son jugement sur la représentation des objets qu’il a continuellement sous les yeux sans entrer dans de grandes discussions. L’artiste qui est dans l’usage de placer ses figures, de les habiller et de les peindre de la maniere qu’il plait le plus, ne sera peut-être pas en état de juger aussi bien. Comme il acquiert une forte pratique de voir et d’opérer, il rapporte tout à certaines formes et blâme ceux qui s’en écartent. Le peintre se laisse quelquefois aveugler par l’envie et ne juge que d’après Paul Veronese ou le Guerchin, l’homme de lettres d’après Boccace ou d’Avanzati, il ne consulte plus le sentiment et la nature. Il n’en est pas de même de l’Amateur et du Public qui sont l’un et l’autre dégagés du préjugé des Ecoles[[3:Je ferois souvent plus d’etat de l’avis d’un homme de bon sens qui n’auroit jamais manié le pinceau, que de celui de la plûpart des peintres. Monsier de Piles Remarq. 50 sur le Poëme de Arte graphicâ de M. Du Fresnoy.]]. En effet ce Tarpa ne faisoit point de vers, cependant les livres de poésie ne pouvoient être placées dans la biblioteque d’Apollon Palatin sans avoir mérité son suffrage, ce n’est pas dans une assemblée d’Auteurs qu’il fut décidé que l’Opéra d’Armide, la Comédie du Misantrope et la Tragédie d’Atalie étoient les plus belles pièces du Théâtre François. […] Il n’y a pas long-tems que l’on s’est apperçu en France combien les Arts perdoient à être soumis à la tyrannie d’un Directeur. Son goût se remarquoit dans tous les ouvrages des jeunes gens, et l’Ecole Françoise en paroissoit infectée. Il est à présumer que cette raison fit prendre le parti d’exposer dans un sallon les ouvrages des Académiciens. C’est à la lumiere qui éclaire une grande place que l’on découvre tous les petits defauts, c’est-à-dire à la vue et au jugement du public. C’est à une pareille décision que les Phidias[[3:ἐπεὶ καὶ φειδίαν φάσιν ὄυτω ποιῆσαι etc. Lucian. de Imaginibus.]], les Appelles[[3:Idem (Apelles) perfecta opera proponebat pergula transeuntibus, atque post ipsam tabulam latens vitia, quae notarentur, auscultabat, vulgum diligentiorem iudicem quam se praeferens. C. Plin. Hist. Lib. XXV. Cap. X.]], les Tintorets et plusieurs autres soumettoient leurs ouvrages. La multitude séduite par la nouveauté s’égare quelquefois, j’en conviens, elle peut être trompée par les sophismes de quelques personnes en place, mais elle écoute bientôt un certain sentiment naturel et se rend à l’opinion et à l’autorité des esprits sains.
Jaucourt, Louis de, Encyclopédie, art. « Peintres grecs », tome XII(publi: 1765) (t. XII), p. 256 (fran)
Il recevoit le sentiment du public pour se corriger, et il l’entendoit sans en être vû ; sa réponse au cordonnier devint sans peine un proverbe, parce qu’elle est une leçon pour tous les hommes, ils sont trop portés à la décision, et sont en même tems trop paresseux pour étudier.
Dictionnaire portatif des faits et dits mémorables de l’histoire ancienne et moderne, tome 2(publi: 1768), art. « Apelle », p. 120-121 (fran)
L’usage d’Apelle étoit d’exposer ses tableaux en public sur un échafaud, et de se tenir caché derriere, pour profiter des critiques que l’on en pourroit faire. Un cordonnier s’avisa un jour de critiquer la chaussure d’un de ses personnages : Apelle déféra à ses avis, et se corrigea ; mais le cordonnier, fier du succès de sa critique, voulut aussi gloser sur la jambe : « Doucement, lui dit Apelles, n’allez pas plus loin que la chaussure ; le reste n’est pas de votre compétence. » C’est l’origine du proverbe : Ne sutor ultra crepidam.
Falconet, Etienne, Traduction des XXXIV, XXXV et XXXVI livres de Pline l’Ancien, avec des notes(publi: 1772) (t. I), p. 160-161 (fran)
Apelles avoit une habitude à la quelle il ne manquoit jamais : c’étoit de ne laisser passer aucun jour, quelques affaires qu’il eût, sans s’exercer dans son art, en formant quelques traits : d’où est venu le proverbe, point de jour sans quelque trait. Quand il avoit fini un tableau, il l’exposoit dans la place à la vue des passans, et se tenant caché derrière, il écoutoit quel défaut on y remarquoit, préférant le jugement du public comme plus exact que le sien. On rapporte qu’il fut repris par un cordonnier d’avoir fait à une chaussure trop peu de courroies. Le même cordonnier, tout fier de voir le lendemain que le peintre avoit rectifié ce défaut, voulut critiquer une jambe ; Apelles indigné se montra et lui dit, qu’il n’avoit rien à juger au dessus du soulier : ce qui a également passé en proverbe. (48)
Notes, t. I, p. 354-360 :
(48) Voilà une sortie un peu brusque pour un homme aussi doux, aussi poli que l’étoit Apelles. Le conte de ce sculpteur est fort bon, dont on a dit que « voulant prouver au peuple combien ses jugements sont faux pour l’ordinaire, il forma une statue suivant les avis qu’on lui donnoit ; puis en composa une semblable suivant son génie et son goût. Lorsque ces deux morceaux furent mis en parallèle, le premier parut éfroyable en comparaison de l’autre. Ce que vous condamnez, dit alors Polyclète au peuple, est votre ouvrage ; ce que vous admirez, est le mien. Voyez Encyclop. T. 14. p. 824.
Ce trait m’en rappelle un autre plus moderne et moins connu ; on l’atribue à Salvator Rosa. Un grand fit apeler cet habile peintre pour lui proposer de faire un tableau. Ce grand étoit indisposé, et son médecin qui se trouva là, dit à Salvator de ne pas commencer qu’il ne lui eut donné ses idées. Rosa ne dit mot, mais dès qu’il vit l’Esculape se disposer à écrire l’ordonnance pour l’apothicaire, il courut à lui, le pria de s’arrêter et de ne rien écrire qu’il ne l’eut instruit des diférents ingrédiens qui devoient entrer dans cette médecine. Le médecin, comme de raison, se mit à rire, et le malade dit à Rosa : M. le Docteur sait mieux que vous ce qu’il me faut, puisqu’il est médecin et que vous êtes peintre. Je dois donc, répondit Salvator, savoir mieux que monsieur ce que je dois peindre, puisque je suis peintre et qu’il est médecin. Cet artiste avoir souvent la judiciaire excellente, mais il disoit aux gens des vérités un peu dures.
Si un artiste, lorsqu’il expose un ouvrage, avoit la foiblesse de s’indigner des jugements pitoïables du peuple, il seroit un homme inabordable depuis le matin jusqu’au soir. Il faut donc que l’artiste ait l’ame assez forte pour se mettre au-dessus de la bavarde ignorance, de la grosse inéptie, etc., etc. Il faut qu’il écoute tout, et que de cette fange il sache encore tirer quelques instructions : aurum colligat e stercore Ennii. On voit bien qu’il n’est pas question ici des avis éclairés, qui doivent être reçus avec d’autant plus de plaisir, qu’ils sont donnés avec jugement ; ne fussent-ils pas toujours justes, il faut les écouter et les aimer. Je connois un statuaire qui, s’il eût écouté la voix du peuple, n’eut présenté qu’un monstre efroïable aux yeux du public : tout lecteur qui n’est pas peuple, fait la diférence qu’il y a entre le peuple et le public.
Ô Peuple ! Vous n’êtes pas sans doute celui que le peintre Parrhasius avoit si heureusement réprésenté ; mais quelque partie du globe que vous habitiez, êtes vous plus éclairé sur le fait des beaux-arts, que ne l’étoit la Grèce au tems de Polyclète ? Permettez-moi de vous le dire ; si on rassembloit, si on écrivoit vos jugements sur des ouvrages de peinture et de sculpture, et qu’on vous présentât ce chaos d’idées bizarres, vous en seriez efraïé.
Voulez-vous voir comment on pourroit aprecier vos maîtres ? Voulez-vous jetter un coup d’œil sur la doctrine qu’il vous prêchent, et juger vous-même de leurs moïens de vous tromper ? Lisez ce qui suit ; je le copie dans le livre le plus utile qu’on ait jamais écrit sur cette matière chez aucune des nations de l’Europe. « Quand le public décide de la peinture, dit l’abbé Du Bos[1], il porte son jugement sur un objet qu’il connaît en son entier, et qu’il voit par toutes ses faces (je lui en fais bien volontiers mon compliment). « Toutes les beautés et toutes les imperfections de ces sortes d’ouvrages sont sous les yeux du public. » (cela est vrai). « Rien de ce qui doit les faire louër ou les faire blâmer, n’est caché pour lui. » (Il a donc passé sa vie à étudier tous les objets que le peintre se propose de réprésenter. Il a donc sans cesse combiné, l’outil à la main, tous les moïens de parvenir à cette immensité de réprésentation). « Il sait tout ce qu’il faut savoir pour en bien juger. » (Nous avons des preuves parlantes de sa réussite à composer, soit en peinture soit en sculpture ; car c’est le jugement qui compose ; mais nous ne voulons pas les dire). Voilà ce que M. l’Abbé Du Bos apelle une raison sans réplique. Ecoutez encore.
« La plupart des gens du métier jugent mal des ouvrages pris en général, par trois raisons. La sensibilité des gens du métier est usée. » (Si cela étoit dit aux petites maisons, on auroit tort de s’en plaindre). « Ils jugent de tout par voie de discution. » (C’est-à-dire qu’ils mettent du sentiment dans un ouvrage, sans en avoir eux mêmes, et que la voie de discution est une preuve de mauvais jugement). « Enfin ils sont prévenus en faveur de quelque partie de l’art, et ils la comptent dans les jugements généraux qu’ils portent pour plus qu’elle ne vaut. » (Ces artistes-là sont donc aussi bornés que certains connoisseurs qui n’ont qu’un goût exclusif). Mr. Du Bos justifie sa proposition ainsi qu’il suit.
« C’est, dit-il, que les artisans (c’est son expression pour qualifier les peintres, les sculpteurs, les poëtes, les musiciens) qui sont nés avec du génie, sont en bien plus petit nombre que les autres (Ils ont cela de commun avec tous les hommes ; ainsi la découverte n’est pas neuve) et les artisans sans génie jugent moins sainement que le commun des hommes. » Notez qu’il acorde aux artistes de génie le droit de juger mieux que le commun des hommes : ainsi le génie doit nécessairement l’emporter : donc le commun des hommes, qui ordinairement n’a pas de génie, a plus de génie que l’artiste sans génie. Comment trouvez-vous cette logique ? S’il eut dit, un opticien borgne voit moins bien qu’un porteur de chaise qui a deux bons yeux, on n’eut eu rien à lui contester.
« Ainsi qu’un vieux médecin, dit-il encore, né tendre et compatissant, n’est plus touché par la vuë d’un mourant autant que l’est un autre homme qui n’exerce pas la médecine ; de même la sensibilité vient à s’user dans un artisan sans génie ; et ce qu’il reprend dans la pratique de son art ne sert le plus souvent qu’à dépraver son goût naturel, et à lui faire prendre à gauche dans ses décisions ; c’est ainsi qu’il est devenu insensible au pathétique des tableaux, qui ne font plus sur lui le même éffet qu’ils y faisoient autre fois. »
Voilà un littérateur, un homme d’entendement, de génie, qui confond étrangement les idées. Comment ne voit-il pas que la longue pratique du médecin lui fait de plus en plus connoître son art, comme l’exercice du peintre l’instruit d’autant plus de l’objet du sien. Pourquoi ne compare-t-il pas l’insensibilité du vieux médecin avec le nez du peintre qui s’acoutume à l’odeur des huiles ? Et pourquoi parler de la sensibilité émoussée par l’habitude de voir des malades, quand il s’agit de la science acquise par l’exercice ? Mais c’est d’un peintre sans génie dont il est question. Que ne lui compariez-vous donc un médecin sans génie. Votre peintre sans génie est d’ailleurs un ouvrier aussi infirme dans la poësie de l’art, que dans les jugements qu’il en peut porter, quoiqu’ils soient préférables à ceux d’un homme sans génie qui n’est pas peintre. Mais il est faux qu’un peintre, même sans génie, soit plus connoisseur en peinture à vingt ans qu’il ne l’est à quarante, dans quelque sens que vous preniez ses connoissances. Ne confondriez-vous pas le barbouilleur avec le peintre sans génie ? Ce n’est pas précisément la même chose. Vous avez donc mal choisi vos matériaux, et votre sillogisme pourroit bien être égal à rien.
Cette partie du livre de l’Abbé Du Bos est assez semblable à ce petit jeu qui donne à penser à ceux qui ne l’entendent pas. On leur fait retenir un nombre ; on leur fait doubler leur pensée ; on leur en fait ôter la moitié ; on leur fait retirer leur première pensée, et enfin on devine ce qui leur reste, sans qu’ils s’aperçoivent comment ce reste est tout juste la moitié de leur première pensée. Le peintre de génie juge mieux que le commun des hommes, et même que les hommes de génie qui ne sont pas peintres. Le peintre sans génie juge plus mal que les hommes de génie qui ne sont pas peintres. Falloit-il vingt ou trente pages pour dire cette vérité commune ? Et falloit-il y fourrer des arguments captieux ?
Vous direz qu’ils sont si visiblement faux, que c’est tems perdu que de les faire remarquer, attendu que chaque lecteur, est en état de s’en apercevoir. Dites, certains lecteurs. L’écrivain a su envelopper l’opinion qu’il avoit intérêt de produire, et dont il pouvoit bien être persuadé lui-même ; et sous l’envelope d’une discution sans méthode, il a semé son ivraie ; tout passe ensemble, et tout lecteur ne s’amuse pas à disséquer un livre. Il passe ce qui le fâche ; il adopte ce qui le flate ; il ne sait pas au juste ce qu’il a lu ; le livre le fait penser ; celui-là surtout ; et l’idée certaine qui lui en reste est, qu’il sait mieux juger que l’artiste.
Vous trouverez que l’Abbé Du Bos fait un beau chapitre pour prouver que le jugement du public l’emporte à la fin sur le jugement des gens du métier. Il oublie sans doute de la meilleure foi du monde, que le jugement de Newton, homme du métier, l’a emporté à la fin sur le jugement d’Aristote et sur celui du public. Il oublie que plusieurs autres gens du métier dans tous les genres, ont seuls rectifié à la fin les jugements erronés du public, et que c’est ordinairement le jugement des artistes qui forme à la fin la voix du public.
Le livre de l’Abbé Du Bos est un très bon fond pour un artiste ou tel autre vrai connoisseur qui voudroit se charger de l’examiner, montrer en quoi il peut être utile à l’art, prouver qu’il y a çà et là des sophismes propres à perpétuer la race des faux connoisseurs, et bien développer que le résultat de cet ouvrage est le découragement des artistes. Le sujet est neuf, au moins n’ai-je encore vu que balbutier ceux qui l’ont joué ou critiqué, rélativement à la peinture et à la sculpture : je ne parle que de cela. Mais aussi j’ai entendu quelques-uns de ses lecteurs nous dire poliment que l’attention de l’artiste se porte toute entière sur l’exécution méchanique ; mais que pour eux, ils savent juger de la pensée, de l’expression, du sujet, du fond de la chose. Et puis faites des ouvrages où il y ait de la pensée, de l’expression, un sujet, un fond de la chose pour vous entendre dire innocemment que vous savez faire tout cela sans savoir en juger ; à peu près comme M. Jourdain faisoit de la prose.
- [1] Voyez les Réflexions critique sur la Poësie et la Peinture, section 24. et suivantes. Quoique des guillemets anoncent les propres paroles de l’Abbé Du Bos, je n’ai pas copié le tissu entier de ses phrases, mais je n’en ai point détourné le sens. La section 22 fournit une autorité de cuisine assez divertissante pour la raporter. « Il est en nous un sens fait pour connoître si le cuisinier a opéré suivant les règles de son art. On goûte le ragout, et même sans savoir ces règles, on connoît s’il est bon. Il en est de même en quelque manière des ouvrages d’esprit et des tableaux faits pour nous plaire en nous touchant. » Si l’Abbé Du Bos a lu ceci à sa cuisinière elle aura été toute glorieuse de se trouver un beau matin connoisseuse en peinture, et de la façon de son maître.
Nougaret, Pierre Jean Baptiste ; Leprince, Thomas , Anecdotes des beaux-Arts, contenant tout ce que la peinture offre de plus piquant chez tous les peuples du monde(publi: 1776) (t. I), p. 218-219 (fran)
Dès qu’Apelle avoit achevé un tableau, il l’exposoit sur la galerie de sa maison, aux regards des passants, et, caché lui-même derrière son ouvrage, il écoutoit la critique des spectateurs, afin de corriger les défauts qu’on lui reprochoit justement. Un cordonnier passant un jour devant la maison d’Apelle, et y trouvant un tableau exposé de la sorte, observa que le peintre avoit mis une couronne de moins aux sandales d’une figure : Apelle fit aussitôt disparoître cette petite négligence. Le cordonnier, tout fier du succès de sa remarque, s’avisa le lendemain de censurer mal à propos une jambe ; Apelle, indigné de l’ignorance de ce prétendu connoisseur, sortit alors de sa cachette ; et, le regardant avec mépris : « Arrête, dit-il, et ne t’avise pas de passer la sandale ». Cet avis judicieux fut reçu en proverbe dans toute la Grèce : ne sutor ultra crepidam (Cordonnier, ne passe pas la chaussure), y disoit-on aux ignorans, qui vouloient s’ingérer de parler de choses qu’ils n’entendaient point.
Arnaud, François, Mémoire sur la vie et les ouvrages d’Apelle(redac: 1783/06/02) (t. III), p. 168-170 (fran)
Passionné pour son talent, rien ne pouvait l’en distraire ; il ne passait pas un seul jour sans dessiner, soit d’après nature, soit d’après l’ouvrage de quelque grand maître, tant il sentait l’importance de conserver à sa main la précieuse habitude d’obéir promptement et facilement à ses idées. Il avait coutume d’exposer ses tableaux aux yeux des passants, non par un sentiment d’amour-propre et de vanité, mais pour recueillir leurs avis, et mettre à profit leurs remarques ; car il regardait le public, nous dit Pline, comme un beaucoup meilleur juge qu’il ne pouvait l’être lui-même. Cette phrase de Pline mérite qu’on s’y arrête, et m’a conduit à quelques observations que je soumets aux lumières de la compagnie.
Il faut distinguer les objets qui appartiennent à l’esprit et à la raison, d’avec ceux qui sont uniquement du ressort de la sensibilité. Tous les hommes ne sont pas éclairés par l’usage et l’habitude de la réflexion, mais le sentiment est commun à tous les hommes. Ainsi, dans les choses de discussion, de critique, de raisonnement, on peut, on doit rejeter les jugements populaires ; mais dans la peinture, dans la musique, dans la poésie surtout dramatique, en un mot dans tous les arts, dont l’objet essentiel est de plaire ou d’aller au cœur par les sens et par l’imagination, c’est au grand nombre de juger et de prononcer. La seule différence qu’il y ait entre les jugements de la multitude et les jugements des vrais connaisseurs, c’est que ceux-ci ont le secret de leurs jouissances, et que celle-là ne l’a pas. La multitude ne juge que d’après impression qu’elle reçoit ; les autres se rendent compte de leurs sensations, remontent aux sources de leurs plaisirs, éclairent les causes par les effets, et les effets par les causes ; enfin, ils ajoutent l’exercice de la pensée à celui de la sensibilité. Les jugements faux appartiennent surtout à cette classe d’artistes et d’amateurs, dont ceux-là se sont faits un style, et ceux-ci un goût auquel ils ont coutume de tout rapporter. Au lieu de se présenter aux arts, nus de préjugés et de toute partialité, ils arment leur esprit contre leurs sens, et ne voient ou n’écoutent qu’avec l’intention d’approuver et de louer uniquement ce qui leur paraîtra se rapprocher le plus des modèles auxquels il leur a plu d’attacher l’idée de la perfection. Ajoutons à cette classe, premièrement, celle de quelques amateurs qui marquant les bornes de l’art, au point où certains artistes se sont arrêtés, aiment mieux calomnier la nature que de reconnaître un seul défaut dans les objets de leur culte ; en second lieu, celle de ces connaisseurs prétendus à qui la nature a refusé tout sentiment des arts, et qui pour avoir ouï quelques morceaux de musique qu’ils n’ont jamais entendus, regardé quelques tableaux qu’ils n’ont jamais vus, et meublé leur mémoire de quelques termes techniques qu’ils emploient le plus souvent au hasard, se portent pour législateurs, attaques les théories saines et vraies, et y substituent une fausse doctrine qu’ils parviennent souvent à rendre imposante par ce ton confiant et présomptueux qui fut toujours le partage de la demi-science ; espèce d’hommes d’autant plus funeste aux arts que dans cette matière, comme dans toute autre, l’ignorance est infiniment préférable à l’erreur.
Watelet, Claude-Henri ; Levesque, Pierre-Charles, Encyclopédie méthodique. Beaux-Arts(publi: 1788:1791), art. « Peinture chez les Grecs » (numéro vol. 1) , p. 646 (fran)
Quand il avoit terminé un ouvrage, il l’exposoit en public, non pour respirer la fumée des éloges, mais pour recueillir la critique et pour en profiter. Il avoit même soin de se ternir caché derriere le panneau, pour que sa présence ne genât pas les propos des spectateurs. Critiqué un jour par un cordonnier parce qu’il avoit mis une courroie de moins qu’il n’en falloit à une chaussure, il se corrigea, et exposa le lendemain le même tableau. Le cordonnier, fier de s’être montré si bon juge, s’avisa de critiquer la jambe : mais alors Apelles se montra et lui dit, « cordonnier, ne monte pas plus haut que la chaussure ». Ce bon mot est passé en proverbe.