Type de texte | source |
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Titre | article « Peinture chez les Grecs », Encyclopédie méthodique. Beaux-Arts |
Auteurs | Watelet, Claude-Henri Levesque, Pierre-Charles |
Date de rédaction | |
Date de publication originale | 1788:1791 |
Titre traduit | |
Auteurs de la traduction | |
Date de traduction | |
Date d'édition moderne ou de réédition | |
Editeur moderne | |
Date de reprint | Réédité à l’usage des artistes sous le titre Dictionnaire des arts de peinture, sculpture et gravure, Liège, Panckoucke, 1791 ; reprint Genève, Minkoff, 1972. |
, p. 647
Je crois que les anciens, qui ne traitoient que des compositions fort simples, ne cherchoient pas à briller en affectant la science des raccourcis ; mais cependant ils ne les évitoient pas toujours. Pline parle d’un tableau d’Apelles placé dans le temple de Diane d’Ephese ; il représentoit Alexandre tenant un foudre : les doigts sembloient s’avancer, et le foudre sortir du tableau : ce qui suppose un raccourci capable de faire la plus grande illusion. [[4:suite : Apelle Vénus anadyomène]]
Dans :Apelle, Alexandre au foudre(Lien)
, , p. 647
Le cheval d’Alexandre hennit par hazard devant un portrait de ce prince fait par Apelles, et dont le héros n’étoit pas content. « Votre cheval, lui dit le peintre, se connoit mieux que vous en peinture. » [[4:suite : Apelle et Protogène]]
Dans :Apelle, le Cheval(Lien)
, p. 647
Les plus estimés de ses tableaux étoient le Roi Antigone à cheval, et Diane au milieu d’un chœur de vierges qui lui sacrifioient. C’est le seul de ses ouvrages, de ceux du moins dont on a conservé le nom, qui exigeât un grand nombre de figures.
Dans :Apelle, Diane(Lien)
, p. 647
[[4:suit Apelle et cordonnier]] Quoiqu’il ne craignît pas, et que même il cherchât la critique, et que dailleurs il fût de la plus grande politesse, il se permettoit quelquegois de railler ces hommes qui croyent devoir être connoisseurs dans les arts, parce qu’ils sont riches et d’un état distingué. Un jour Mégabyze, prêtre du temple de Diane à Ephese, se trouvant dans l’attelier du peintre, s’avisa de raisonner sur la peinture. « Prenez-y garde, lui dit Apelles ; il y a là de petits broyeurs de couleurs qui vous entendent et se mocquent de vous. » Pline prétend que ce mot fut adressé à Alexandre : c’est faire l’éloge du prince qui ne s’en offensa pas. [[4:suite : Apelle Hélène belle et Hélène riche]]
Dans :Apelle et Alexandre(Lien)
, p. 647
Il a fait un très-grand nombre d’ouvrages. Il réussissoit parfaitement dans le portrait, et a fait nombre de fois celui d\'Alexandre. Des écrivains qui ont vécu longtemps après notre artiste, ont assuré que lui seul avoit la permission de peindre ce conquérant.
Dans :Apelle et Alexandre(Lien)
, p. 647
On raconte qu’Apelles devint amoureux de Campaspe ou Pancaste, en faisant le portrait de cette maîtresse d’Alexandre qui le lui avoit demandé, et que le héros sacrifia son amour au bonheur de l’artiste. Bayle & M. Falconet répandent un doute au moins très-bien fondé sur la vérité de ce récit.
Dans :Apelle et Campaspe(Lien)
, p. 647
[[4:suit Hélène belle et Hélène riche]] Un peintre lui faisoit voir un méchant tableau et se vantoit de n’avoir mis que peu de temps à le faire : « Je le crois bien, lui dit Apelles, et tout ce qui m’étonne, c’est que dans le même temps, vous n’ayez pas fait encore plus d’ouvrage. » [[4:suite : Apelle cheval]]
Dans :Apelle et le peintre trop rapide(Lien)
, p. 647
On a beaucoup parlé de son voyage à Rhodes, de sa visite au peintre Protogenes qui y demeuroit et qu’il ne trouva pas, de la ligne très-fine qu’il traça sur un panneau que Protogenes, de retour, fendit par une ligne encore plus subtile encore. On peut voir, sur ce fait assez peu important, l’article « LIGNE d’Appelles. »
Dans :Apelle et Protogène : le concours de la ligne(Lien)
, p. 647
Apelles étoit modeste, mais il n’avoit pas la modestie affectée dont on se pare sans tromper personne. Il reconnoissoit, il célébroit les talens de ses rivaux ; il avouait que les plus habiles d’entr’eux possédoient aussi bien que lui toutes les parties de l’art, excepté une seule ; la grace. Ce mérite qu’il s’attribuoit, lui a été accordé par tous ceux qui ont pu voir ses ouvrages. Il seroit difficile de refuser aux Grecs d’avoir été de bons juges dans cette partie.
Dans :Apelle supérieur par la grâce(Lien)
, p. 647
Apelles aimoit à railler. Un de ses éleves lui montra un jour une Hélene qu’il avoit chargée d’or : « Jeune homme, lui dit-il, ne pouvant la faire belle, tu l’as fait riche. » [[4:suite : Apelle et le peintre trop rapide]]
Dans :Apelle : Hélène belle et Hélène riche(Lien)
, p. 648
[[8:voir aussi Protogène Ialysus]] On savoit que Protogenes finissoit excessivement ses tableaux ; on savoit qu’Apelles lui reprochoit de ne savoir pas s’arrêter ; et sur ce fondement, on aura établi le récit des sept années employées ait Ialysus.
Dans :Apelle et la nimia diligentia(Lien)
, p. 647
On célébroit encore, entre les ouvrages d’Apelles, la Vénus sortant des eaux, qu’on appelloit Vénus Anadyomene. La partie inférieure de ce tableau fut gâtée par le temps, et il ne se présenta aucun peintre qui osât tenter de la racommoder. [[4:suite : Vénus inachevée]]
Dans :Apelle, Vénus anadyomène
(Lien)
(vol. 1), p. 647
[[4:suit Apelle Vénus anadyomène]] Il travailloit, lorsqu’il mourut, à une autre Vénus destinée pour l\'île de Cos ; et vouloit, par cet ouvrage, surpasser sa première Vénus : la mort ne lui permit pas de le finir, et personne n’osa le terminer en suivant son ébauche. L’extrême beauté de la tête ôtoit l’espérance de faire un corps qui méritât de lui être associé.
Dans :Apelle, Vénus inachevée(Lien)
, p. 646
Il se distingua par l’expression, et fut le premier de tous les artistes pour bien peindre les affections et les troubles de l’ame. Il représenta, dans le sac d’une ville, un enfant qui se traînoit vers la mamelle blessée de sa mère mourante ; il restoit encore à la mère assez de sentiment pour qu’on s’apperçût de la crainte qu’elle éprouvoit que l’enfant ne suçât du sang au lieu de lait. Il peignit un suppliant à qui il ne manquoit que de pouvoir faire entendre sa voix ; un malade sur les louanges duquel on ne pouvoit tarir.
Dans :Aristide de Thèbes : la mère mourante, le malade(Lien)
, p. 640
Ce n’étoit pas sans doute, un peintre méprisable, au moins pour son tems que ce BULARQUE qui peignit le combat des Magnésiens. Pline dit que ce tableau fut payé au poids de l’or par Candaule qui mourut environ 700 ans avant notre ère. On peut croire que l’artiste étoit encore plus ancien que le prince ; car il est rare que l’on paye avec cette génerosité les ouvrages d’un peintre vivant. En supposant à BULARQUE le mérite que semble indiquer le prix de son tableau, l’art avoit fait plus de progrès dans la Grece avant la fondation de Rome que nous ne l’avons indiqué en parlant de la peinture chez les Etrusques. Si nous nous égarons, c’est sur les traces de Pline qui est confus dans les faits, indécis sur les dates, et dont le récit offre des contradictions fréquentes.
Dans :Bularcos vend ses tableaux leur poids d’or(Lien)
, p. 655
DIONYSUS, peintre en petit, dont les ouvrages remplissoient les cabinets de tableaux. Il ne peignoit que des hommes, et vivoit dans le dernier siècle avant l’ère vulgaire.
Dans :Dionysios anthropographe(Lien)
, p. 655-656
Femmes Peintres. TIMARETE, fille de Micon le jeune, qu’il ne faut pas confondre avec l’ancien Micon, quoiqu’il fût ancien lui-même. Timarete avoit peint Diane dans un tableau qui étoit à Ephese.
IRENE, fille de Cratinus, peintre et comédien, dont l’âge est inconnu. Pline parle d’une jeune fille qu’elle avoit peinte à Eleusis, mais je crois qu’il n’a pas traduit avec exactitude l’auteur Grec qu’il suivoit. On sait qu’Eleusis étoit un lieu consacré aux mystères de Cérés : ce qui me fait soupçonner qu’Irene y avoit peint Proserpine, que les Grecs désignoient souvent par le mot χορη, qui signifioit aussi une jeune fille, une vierge. Le lieu où se trouvoit l’ouvrage d’Irene, semble indiquer qu’elle avoit de la réputation. On ne choisit gueres des artistes obscurs pour décorer des temples célèbres.
CALYPSO avoit peint un vieillard et un charlatan nommé Théodore.
ALCISTENE avoit peint un danseur.
ARISTARETE étoit fille et éleve d’un peintre nommé Néarque, qui n’est connu que par elle. On sait qu’elle a sait un Esculape.
ANAXANDRA étoit fille du peintre Néalcès. On ne sait rien de plus sur cette femme artiste.
LALA florissoit daus la jeunesse de Varron, et par conséquent au commencement du dernier siécle avant notre ère. Elle étoit de Cyzique : jamais elle ne se maria, et Pline l’appelle vierge perpétuelle. Elle peignoit au pinceau et travailloit aussi sur l’ivoire au poinçon. Il paroît qu’elle ne peignoit que le portrait, et elle réussissoit principalement à ceux de femmes ; elle fit le sien au miroir. Personne ne peignit avec plus de promptitude, et elle joignoit tant d’art à une extrême facilité, que ses ouvrages étoient payés plus cher que ceux de tous les peintres de son temps.
OLYMPIAS ; tout ce qu’on sait d’elle c’est qu’elle eut un éleve nommé Autobule ; et c’est ne rien savoir, puisque la maîtresse et l’élève nous sont connus seulement par leurs noms que Pline a conservés.
Dans :Femmes peintres(Lien)
, p. 657
Ludius, contemporain d’Auguste. C’étoit un peintre de vues, de marines, de paysages, qu’il accompagnoit de figures. Il imagina le premier de peindre sur les murailles, des maisons de campagne, des portiques, des bois sacrés, des forêts, des collines, des étangs, des cascades, des fleuves, des rivages. Il y représentoit des gens qui se promenoient, d’autres qui naviguoient, d’autres qui, sur des anes ou sur des voitures, se rendoient à des maisons de campagne. Il peignoit des pêcheurs, des oiseleurs, des chasseurs, des gens occupés de la vendange ; on voyoit dans ses tableaux des hommes porter des femmes sur leurs épaules dans des avenues marécageuses qui conduisoient à des maisons de campagne. Il peignoit aussi des ports de mer. En général ses inventions étoient fines et agréables.
Dans :Ludius peintre de paysages et la rhopographia(Lien)
, p. 652
C’étoit un peintre ingénieux. Ayant à peindre un combat naval des Egyptiens contre les Perses, et craignant qu’on ne prît le Nil pour la mer, il[[5:Nealces.]] représenta sur le rivage un âne qui se désalteroit et un crocodile qui se disposoit à l’attaquer. Par cet épisode, il montroit que le combat se donnoit sur l’eau douce puisqu’un quadrupede en buvoit, et que ce fleuve étoit le Nil qui nourrit des crocodiles.
Dans :Néalcès et le crocodile(Lien)
, p. 639
Hélène travailloit à une tapisserie sur laquelle elle représentoit les nombreux combats dont elle avoit été cause. Voilà donc dès le temps du siége de Troye, ou au moins dès le temps d’Homère, de la peinture d’histoire. On a lieu de penser que les couleurs en étoient variées ; mais quand ces tapisseries eussent été en camayeu, c’étoit toujours de la peinture.
Elle n’étoit, il est vrai, qu’en couleurs sèches ; mais Hélène ne faisoit pas de la tapisserie, sans que le dessin n’en fût tracé sur le canevas ; voilà donc la peinture telle qu’elle fut au moins dans son origine ; c’est-à-dire simplement linéaire. Mais si sa tapisserie devoit être variée de couleur, elle avoit apparemment sous les yeux un dessin colorié qui lui servoit de modèle, soit qu’elle l’eût fait elle-même, soit qu’il lui eût été fourni par quelqu’artiste ; voilà donc la peinture ayant déjà fait quelques progrès ; la voilà employant différentes couleurs au pinceau, et telle à peu-près qu’elle est encore aujourd’hui dans l’Orient.
Dans l’Iliade, lorsqu’Andromaque apprend la mort de son époux, elle est occupée à représenter en tapisserie des fleurs de diverses couleurs. Il devient donc certain que du temps d’Homère, la peinture n’étoit plus réduite au simple trait, ni même au camayeu, mais qu’elle employoit des couleurs différentes ; et il nous est permis de croire que l’ouvrage d’Hélène étoit un tableau d’histoire en tapisserie, dont les couleurs étoient variées.
L’existance (sic) de la peinture coloriée dès le temps d’Homère peut donc être posée comme un fait historique. C’est donc long-temps avant Homère qu’il faut placer les inventeurs de la peinture linéaire, Cléantes et Ardicès de Corinthe, et Téléphane de Sicyone : c’est même encore avant ce poète qu’il faut placer Cléophante de Corinthe, qui imagina de broyer des tessons de verre, pour colorier ses figures.
Dans :Les origines de la peinture(Lien)
, p. 645-646
Pamphile d’Amphipolis en Macédoine, peintre très célèbre par son talent, et plus encore par Apelles son disciple. Il fut le premier des peintres qui cultivât toutes les parties des belles lettres, et surtout les mathématiques et la géométrie, sans lesquelles il soutenoit que l’art ne pouvoit se perfectionner : ce qui prouve que les peintres de ce temps n’étoient pas aussi ignorans en perspective que le supposent les modernes. Il se distingua entre les peintres de l’antiquité, par la bonne entente de la composition. La réputation dont il jouissoit lui permit de mettre ses leçons à un très haut prix. Il prenoit ses éleves pour dix ans, et en exigeoit un talent, qui faisoit 4500 livres de notre monnoie. Il donna tant de lustre à la peinture, que d’abord à Sicyone, et ensuite dans toute la Grece, elle fut mise au premier rang entre les arts libéraux, et que tous les jeunes gens bien nés apprirent à dessiner. On se servoit pour ces dessins élémentaires de tablettes de buis ; après avoir couvert le tablette d’une étude, on la nétoyoit pour y faire une étude nouvelle, et les éleves n’avoient pas le plaisir de conserver leurs dessins, comme ils peuvent le faire depuis l’invention du papier. L’art de la peinture conserva la gloire que Pamphile lui avoit acquise, il n’y eut que des ingénus qui pussent l’exercer, et ensuite que des gens de la condition la plus honnête ; il fut toujours interdit aux esclaves il étoit réservé aux Romains de le dégrader en le faisant exercer par des mains serviles. Cet usage fit perdre, sans doute, quelques bons artistes qu’auroit pu fournir les dernières classes de la société mais il en résulta un avantage ; c’est que la peinture n’étant une profession honorable et lucrative que pour ceux qui l’exercent avec distinction, cet art ne fut pas dégradé chez les Grecs par la misère d’une foule de peintres sans talent. Ceux qui avoient fait sans succès les premières études de cet art l’abandonnoient, parce qu’il n’étoit pas leur seule ressource.
Dans :Pamphile et la peinture comme art libéral(Lien)
, p. 643-644
Parrhasius d’Ephese, fils et disciple d’Evenor, observa le premier, dit Pline, la proportion dans la peinture, rendit la finesse du visage, l’élégance des cheveux, les agrémens de la bouche, et de l’aveu des artistes, il emporta la palme par sa manière de rendre les derniers traits qui terminent les objets. « C’est, ajoute Pline, d’après les écrits des deux peintres, Antigone et Xénocrate, c’est un grand mérite de bien peindre les milieux des corps ; cependant plusieurs ont eu cette gloire : mais bien rendre ce qui termine les corps, ce qui approche des contours, ce qui enveloppe les formes, c’est un succès bien rare ; car les parties voisines des contours doivent s’envelopper elles-mêmes, finir en promettant cependant encore autre chose, et indiquer même ce qu’elles cachent. » En effet si les objets peints qui dans la nature ont du relief, paroissoient en peinture se terminer avec le contour, ils ne représenteroient que des objets plats et sans rondeur. L’éloge qui est accordé ici à Parrhasius est l’un de ceux qu’a singulièrement mérité le Corrège ; mais le peintre Ephesien, moins heureux que le Lombard, n’étoit pas égal à lui-même dans l’art de traiter ce que les artistes appellent les milieux.
Dans :Parrhasios et les contours(Lien)
, art. « Peinture chez les Grecs » (numéro vol. 1) , p. 641
[[4:suit Parrhasios peuple]] Entre les ouvrages célèbres de Parrhasius, on distinguoit sur tout deux tableaux, chacun représentant un de ces soldats fortement armés que les Grecs appelloient oplites : l’un paroissoit courir au combat avec tant d’ardeur qu’on croyoit le voir suer ; l’autre se dépouilloit de ses armes, et sembloit essoufflé. On peut remarquer que dès lors on ne traitoit plus guère des sujets d’un grand nombre de figures, comme du temps de Polygnote : on préféroit les tableaux d’une ou de deux figures, et rarement on en introduisoit plus de quatre. [[4:suite : Parrhasios orgueil]]
Dans :Parrhasios, les Hoplites(Lien)
, p. 644
[[4:suit Parrhasios hoplite]] Parrhasius étoit fastueux et plein d’orgueil : il disoit qu’il étoit le prince de l’art, et qu’il en avoit trouvé la perfection. Il ne se trompoit peut-être pas en se comparant avec les peintres de son temps ; mais il fut surpassé dans la suite. Il a peint, dans ses délassemens, de petits tableaux licencieux. [[4:suite : Parrhasios Prométhée]]
Dans :Parrhasios : orgueil(Lien)
, art. « Peinture chez les Grecs » (numéro vol. 1) , p. 644
[[4:suit Parrhasios contours]] Pline parle d’un tableau de Parrhasius qui représentoit le peuple d’Athenes. Il paroît que c’étoit un tableau d’une seule figure ; et ce sujet fut choisi plusieurs fois par les peintres et les sculpteurs, entr’autres par Euphranor, Lyson, Léocharès. Mais quand Pline ajoute que le projet de Parrhasius étoit de représenter le peuple d’Athenes inconstant, colère, injuste et en même temps exorable, clément, compâtissant, hautain, glorieux, féroce, porté à prendre la fuite, on sent qu’un tel dessein ne peut être exécuté dans la représentation d’une seule figure, parce que la peinture ne peut représenter qu’un seul instant, et que l’expression de ces passions diverses exige des instans successifs.
Dans :Parrhasios, Le Peuple d’Athènes(Lien)
, p. 641
Les Grecs faisoient sur Polygnote[[6:Confondu avec Parrhasios.]] un conte odieux ; mais qui prouve du moins l’idée qu’ils avoient de sa passion violente pour l’étude de l’expression. Ils prétendoient qu’il avoit fait appliquer un esclave à la torture pour peindre d’après ce malheureux les tourmens de Prométhée. On a de même accusé plusieurs peintres modernes d’avoir poignardé un homme pour peindre un Christ expirant.
Dans :Parrhasios, Prométhée(Lien)
, p. 644
Sénèque le Père a écrit que Parrhasius avoit acheté un esclave et l’avoit fait mettre à la torture pour représenter d’après lui les tourmens de Prométhée. C’est, je crois, une fable ; mais elle témoigne que ce peintre recherchoit l’expression. C’est ce que prouve le choix de plusieurs de ses sujets, entr’autres celui de Philoctete souffrant. [[4:suite : Parrhasios et Socrate]]
Dans :Parrhasios, Prométhée(Lien)
, p. 650
[[4:suit Pausias Hemeresios]] Il aima dans sa jeunesse Glycere qui inventa les couronnes de fleurs, combattit d’émulation avec elle, et porta cet art jusqu’à l’assortiment de la plus grande variété de fleurs. Il peignit Glycere elle-même assise et ceinte d’une de ces couronnes qu’elle faisoit avec tant d’adresse. Ce fut un de ses tableaux les plus célebres ; et Lucullus en acheta deux talens ou 10800 livres une simple copie. Cette copie étoit peut-être un double de la main de l’Auteur.
Dans :Pausias et la bouquetière Glycère(Lien)
, p. 660
Mais soutiendrons-nous qu’ils ne multiplioient pas les plans, qu’ils n’indiquoient pas le vague de l’air, qu’ils n’observoient pas la perspective aërienne, lorsqu’ils représentoient des paysages, des vues, des marines ? Nous serions démentis par la description trop succincte que Pline nous a laissée des tableaux de Ludius : nous le serions bien plus puissamment encore par un assez grand nombre de tableaux d’Herculanum. Je ne puis parler que d’après les estampes ; plusieurs offrent des vues qui sembleroient gravées d’après des artistes modernes.
Dans :Ludius peintre de paysages et la rhopographia(Lien)
, p. 650
Quoiqu’il fût au rang des plus grands peintres, il aimoit à faire de petits tableaux et y représentoit volontiers des enfans : ses envieux prétendirent qu’il prenoit ce parti parce qu’il peignoit lentement. Ce reproche le piqua et pour montrer qu’il étoit capable de joindre la promptitude à l’art, il fit un tableau qu’il finit en un jour et qu’on appella Hémérésios, c’est-à-dire, l’œuvre d’un jour : c’étoit encore un enfant qu’il représentoit. [[4:suite : Pausias et Glycère]]
Dans :Pausias, L’Hémérésios(Lien)
, p. 641
On sait que Polygnote écrivoit sur ses ouvrages le nom des figures qui y étoient représentées, et cette pratique sauvage prouve qu’il ne connoissoit pas l’effet.
Dans :Peintres archaïques : « ceci est un bœuf »(Lien)
, p. 655
Peintres de Genres. PYREICUS. Pline dit que peu de peintres méritoient de lui être préférés. Il ne croit pas que cet artiste se soit dégradé en choisissant des sujets bas, puisqu’il s’est acquis un grand nom malgré l’humilité de ces sujets. Il peignoit en petit des boutiques de barbiers & de cordonniers, des ânes, des légumes et autres choses semblables. Ses ouvrages faisoient le plus grand plaisir, et étoient payés plus chers que les nobles & grandes productions de beaucoup d’autres. Pyreicus, par le genre qu’il avoit adopté, pourroit être comparé aux peintres Hollandois. Ce qui feroit croire que les anciens ne manquoient ni de couleur, ni d’exécution, c’est que ces sortes d’ouvrages ne sont guere susceptibles de plaire, quand ils sont dénués de ces parties de l’art. On voit que les Grecs, ainsi que les modernes, avoient du goût pour ces sujets, et les mettoient souvent à plus haut prix que les compositions historiques. Les tableaux de ce genre dominoient entre ceux qu’on a découverts sous les cendres d’Herculanum.
Dans :Piraicos et la rhyparographie(Lien)
, p. 642
C’est aussi vers le temps de Polygnote, qu’il faut placer PAUSON ou Passon. Aristote dit que Polygnote, fit les hommes meilleurs qu’ils ne sont, Pauson pires, et Dionysius tels qu’ils sont en effet ; ce qui semble signifier que Polygnote releva la nature humaine par un caractère idéal, que Pauson ne représenta qu’une nature ignoble et pauvre, et que Dionysius se contenta d’imiter la nature telle qu’elle se présente ordinairement. […]
DIONYSIUS de Colophon, imitoit la perfection de Polygnote ; il représentoit les objets moins grands ; mais on voyoit d’ailleurs dans ses ouvrages, dit Elien, la même expression, la même observation des convenances, le même choix des attitudes, le même éclat dans les draperies. Ce passage d’Elien pourroit servir de commentaire à celui d’Aristote ; et alors le philosophe auroit dit seulement que Polygnote faisoit ses figures plus grandes que nature, Pauson plus petites, et Dionysius égales ; ce qui est en effet la traduction littérale de la phrase d’Aristote.
Dans :Polygnote, Dionysos et Pauson : portraits pires, semblables, meilleurs(Lien)
, p. 648
Sa première pauvreté lui fit contracter une vie dure qui fut utile à son talent. Pendant tout le temps qu’il employa à peindre son Ialysus, il ne vécut que de lupins détrempés pour satisfaire sa soif et sa faim. Ce Ialysus étoit un chasseur, comme on peut en juger par le chien qui l’accompagnoit. Pline raconte « que Protogene mit à ce tableau quatre couleurs l’une sur l’autre, pour le défendre de l’injure du temps et de la vétusté, afin qu’une couleur venant à tomber, l’autre lui succédât. » M. Falconet, dont nous avons transcrit ici la traduction qui est précise, observe justement toute la froideur du procédé de peindre quatre tableaux l’un sur l’autre. En effet, de la manière dont Pline s’exprime, le quatrième, le troisième, le second tableau, n’étoient que des copies scrupuleuses du premier qui devoit n’être vu qu’après que les trois autres auroient été détruits par le temps. On sait que quand un peintre traite deux fois le même sujet de la même manière, on préfère le premier tableau à celui qu’on appelle un double, parce que celui-ci n’a pas toute la chaleur, toute la liberté de la première composition. Que faut-il donc penser de quatre tableaux peints l’un sur l’autre, dans lesquels chaque trait, chaque touche devoit être la représentation fidèle de la touche qu’elle couvroit ?
Pline ajoute que plus le peintre mettoit de soin à bien représenter la bave du chien haletant, & moins il étoit satisfait de son travail; qu’enfin dans un moment d’impatience, il jetta sur cet endroit l’éponge remplie de couleurs avec laquelle il essuyoit ses pinceaux, et que le hasard imita parfaitement la nature. M. Falconet demande si Protogenes jetta quatre fois l’éponge avec le même succès, sur les quatre tableaux qui se couvroient l’un l’autre.
Tous ces faits, rapportés par des auteurs qui vivoient longtemps après l’artiste, ne méritent aucune confiance. Le conte de l’éponge jettée pour produire de la bave ou de l’écume, est rapporté de plusieurs peintres, et peut n’être vrai d’aucun. Il peut bien être vrai que Protogenes ait peint quatre fois son Ialysus, mettant couleur sur couleur, et ce procédé connu des artistes, mais mal entendu par Pline, aura été mal exprimé par cet écrivain. Que le peintre ait mis sept ans à faire la seule figure du Ialysus, cela est encore peu vraisemblable. C’étoit un artiste très-soigneux, et incapable de laisser sortir de son attelier un ouvrage dont il n’auroit pas été satisfait : il devoit donc mettre à peu-près le même soin à tous ses tableaux. Or, on sait qu’il a peint dans le vestibule du temple de Minerve, Paralus, inventeur des vaisseaux à trois rangs de rames, et Nausicaa qu’on appelloit la muletiere, parce qu’elle conduisoit une voiture tirée par des mulets, sujet fourni par l’Odyssée : qu’il a peint un satyre en repos, Cydippe, Tlépoleme, Philiscus, poëte tragique, occupé à composer une tragédie, un Athlete, le Roi Antigone, le portrait de la mère d’Aristote, le dieu Pan, Alexandre, plusieurs sujets de la vie de ce héros ; et sans doute d’autres tableaux, dont les noms ne sont point parvenus jusqu’à nous. Voilà du moins treize tableaux connus, à n’en compter que deux pour les actions d’Alexandre, et les sujets de plusieurs de ces tableaux exigeoient bien plus d’ouvrage que celui du Ialysus : supposons cependant qu’il les ait un peu moins travaillés, et qu’il n’ait mis que cinq ans à chacun ; voilà soixante et cinq années de sa vie occupées par ces ouvrages. Mais il ne fit longtemps que peindre des vaisseaux, et ne devoit pas avoir moins de vingt-cinq à trente ans quand il commença à faire des tableaux : voilà donc une vie de quatre-vingt-dix à quatre-vingt-quinze ans occupée toute entière. Quand donc Protogenes a-t-il fait les autres ouvrages dont Pline ne nous a pas conservé le catalogue ? Quand a-t-il fait ses figures de bronze ? Car il étoit à la fois peintre & statuaire.
On savoit que Protogenes finissoit excessivement ses tableaux ; on savoit qu’Apelles lui reprochoit de ne savoir pas s’arrêter ; et sur ce fondement, on aura établi le récit des sept années employées au Ialysus.
Dans :Protogène, L’Ialysos (la bave du chien faite par hasard)(Lien)
, p. 647
En effet il[[5:Protogenes.]] languit longtems dans une grande pauvreté, occupé, pour vivre, à peindre des vaisseaux; ce qui probablement ne seroit pas arrivé, s’il fût sorti d’une école renommée avec les talens qu’il auroit dû y acquérir : mais il eut plus de gloire, puisqu’il fut son propre ouvrage, et il le sentoit si bien que, dans le temps de sa grande réputation, peignant à Athènes le vestibule du temple de Minerve, il y représenta de petits vaisseaux entre les accessoires, pour faire connoître quels avoient été ses commencemens ; énigme assez obscure par elle-même ; mais dont le grand nom de l’artiste fit transmettre d’âge en âge l’explication. [[4:suite : Protogène Ialysos]]
Dans :Protogène, Satyre et parergia(Lien)
, p. 645
Théon avoit peint un guerrier qui l’épée nue, l’air menaçant, l’œil égaré sembloit animé de la fureur des combats. Cette figure étoit seule dans le tableau : le peintre, l’homme d’esprit, sentit le pouvoir que devoit avoir sur un peuple assemblé les efforts de deux arts réunis, et ne permit de lever la toile qui cachoit son tableau, qu’après avoir fait sonner la charge à un trompette. La multitude, animée par cette musique vive et guerriere, en confondit l’impression avec celle que lui causoit le tableau. Le moyen étoit adroit ; mais un peintre pour remuer l’ame des spectateurs, ne doit employer d’autres ressorts que ceux de son art : toute autre ressource ne lui procure que des succès d’un moment.
Dans :Théon de Samos, l’Hoplite(Lien)
, p. 644
Né dans un temps où l’on commençoit à faire une étude de l’expression, il chercha à se distinguer dans cette partie. Il ne négligea pas non plus ce que, dans le sarts, on nomme des pensées : ce fut ainsi qu’ayant représenté dans un fort petit tableau un cyclope endormi, et voulant faire connoître que cette petite figure du cyclope étoit celle d’un géant, il peignit des satyres beaucoup plus petits qui mesuroient son pouce avec leurs thyrses.
Les éloges des orateurs firent beaucoup valoir son tableau du sacrifice d’Iphigénie il avoit représenté tous les spectateurs affligés, et avoir surtout épuisé les caractères de la tristesse sur la figure de Ménélas, oncle de la victime : il mit un voile sur le visage du père qu’il ne pouvoit montrer dignement. Patris ipsius vultum velavit, quem digne non poterat ostendere. C’est ainsi que s’exprime Pline, et ses expressions sont au-dessus de la critique. On sait que les anciens trouvoient indécent de se montrer dans une extrême douleur, et qu’ils se couvroient la tête de leurs manteaux quand ils n’avoient pas la force de la dompter. Suivant les principes de cette décence, Timanthe ne pouvoit montrer dignement Agamemnon, digne non poterat ostendere, qu’en le couvrant d’un voile. Pline a mesuré tous ses termes : il dit que le peintre avoit épuisé sur les autres figures l’expression de la tristesse ; mais il y a loin de la tristesse à l’expression de l’extrême douleur.
Cicéron, Quintilien, Eustathe prétendent que Timanthe, après avoir épuisé sur les autres personnages l’expression de la douleur, fut obligé de voiler son Agamemnon ; Valere Maxime s’exprime d’une manière qui paroît s’accorder mal avec les principes des Grecs sur les convenances de l’art. Il prétend que le peintre avoit représenté Calchas triste, Ulysse affligé, Ajax criant, Ménélas se lamentant, et que ne pouvant plus caractériser la douleur du père, il le couvrit d’un voile. Croira-t-on qu’un peintre grec, qui respectoit le caractère de la décence et celui de la beauté, ait représenté des princes, criant et se lamentant comme des esclaves qui se livrent sans frein à toutes leurs passions, à toutes leurs affections ? Auroit-il donné à des princes une foiblesse qu’il n’auroit pas même osé prêter à la dernière femme de Sparte ? Je crois donc que Cicéron, Quintilien, Eustathe n’avoient pas vu le tableau de Timanthe, qui ne paroît pas être du nombre de ceux qui eurent une longue durée, et qui furent apportés à Rome. Je ne crois pas non plus que Pline l’ait vu ; mais je pense que dans la description qu’il en a donnée, il a suivi quelqu’auteur grec à qui le tableau étoit bien connu. Timanthe s’étoit montré bon peintre d’expression en épuisant sur ses différens personnages le caractère de la tristesse ; il avoit senti que la tristesse ne suffisoit pas pour peindre la situation du père, que cependant il ne pouvoit le montrer dignement dans les crises de la douleur, et il prit le parti de le voiler. C’est cette délicatesse et ce sentiment des convenances dont Pline fait l’éloge : mais les autres nous montrent un peintre qui ayant épuisé tout son art sur les figures subalternes ou du moins secondaires, ne sait plus comment traiter sa figure principale, et la couvre d’un voile. Il font un grand éloge de cette ressource, qui ne seroit que celle de la stérilité. Suivant eux, c’est une sublime invention que ce voile ; mais, comme l’a fort bien remarqué Daléchamp, cette invention appartient à Euripide.
Dans :Timanthe, Le Sacrifice d’Iphigénie et Le Cyclope (Lien)
, p. 643
On écrivit sur les ouvrages d’Apollodore : « on l’enviera plutôt qu’on ne l’imitera ».
Dans :Zeuxis, l’Athlète(Lien)
, p. 643
Zeuxis, défié par Parrhasius, apporta des raisins peints que des oiseaux vinrent becqueter : Parrhasius apporta de son côté un rideau peint, que son rival le pria de tirer, afin qu’on pût juger de son ouvrage. Zeuxis se déclara vaincu, parce que lui-même n’avoit trompé que des animaux, et que Parrhasius avoit trompé un peintre. Ce n’est pas sur ces petites illusions d’un moment que l’on juge des ouvrages de l’art. Ce n’est pas sur la représentation d’une grappe de raisin et d’un rideau, que les plus grands peintres d’un siècle florissant par les arts, se dispurent le prix. Voyez l’article ILLUSION. Mais si l’on suppose que ce récit avoit quelque fondement, il peut nous faire apprécier les progrès que l’art avoit faits dans les parties nécessaires à des illusions semblables.
Dans :Zeuxis et Parrhasios : les raisins et le rideau(Lien)
, p. 641
Aristote plus voisin du temps de Polygnote et habitant de la ville où étoient la plupart de ses ouvrages ; Aristote plus sensible que Pline et Pausanias, et par consequent plus connoisseur, accorde à ce peintre d’avoir excellé dans l’expression : c’est en ce sens que nous croyons devoir entendre le mot grec ethê qui signifie les mœurs ; car par quel autre moyen peut-on peindre les mœurs que par l’expression ?
Quintilien lui reproche la foiblesse de couleur : mais ce vice étoit plutôt celui du temps que celui de l’artiste. On voit même qu’il ne négligeoit pas la couleur quand elle étoit rélative aux affections de l’ame. Il avoit peint Cassandre à l’instant où elle venoit d’être violée par Ajax : on voyoit la rougeur sur le front de cette princesse à travers le voile dont elle cachoit sa tête. Cette figure étoit encore admirée du temps de Lucien.
Dans :Zeuxis et Polygnote : action et caractères(Lien)