Type de texte | source |
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Titre | Lectures on Painting |
Auteurs | Füssli, Johann Heinrich |
Date de rédaction | 1801:1823 |
Date de publication originale | |
Titre traduit | Conférences sur la peinture |
Auteurs de la traduction | Chauvin, Serge |
Date de traduction | 1994 |
Date d'édition moderne ou de réédition | |
Editeur moderne | |
Date de reprint |
, Première Conférence, "De l'art antique", p. 15
Apelle et Protogène, près d’un siècle plus tard[[5:que Zeuxis et Apollodore.]], dessinaient leurs traits si controversés au pinceau : et cela suffit, tant ces traits se caractérisaient par leur délicatesse et leur subtilité évanescente, à donner une idée de l’excellence de leur technique.
, Première Conférence, "De l'art antique", p. 32
Ses éléments étaient la grâce de la conception et le raffinement du goût, et allaient de pair avec la grâce de l’exécution et le goût dans la finition […] son fameux concours avec Protogène, qui n’est pas une histoire légendaire mais un fait bien attesté, en offre une preuve irréfutable : ce qu’étaient ces lignes, dessinées en différentes couleurs avec une subtilité quasi miraculeuse, l’une sur l’autre ou plutôt l’une à l’intérieur de l’autre, il serait aussi vain qu’inutile d’essayer de le savoir ; mais les conclusions que nous pouvons tirer de cette joute sont évidemment que les écoles de la Grèce reconnaissaient toutes un principe élémentaire unique : que la finesse et la fidélité de l’œil, la docilité de la main forment la précision ; la précision, la proportion ; la proportion, la beauté ; que c’est ce « petit peu en plus ou en moins », imperceptible à l’œil du vulgaire, qui constitue la grâce et établit la supériorité d’un artiste sur un autre ; que la connaissance des degrés des choses, qui est le goût, présuppose une connaissance parfaite des choses elles-mêmes ; que la couleur, la grâce et le goût sont des ornements, non des substituts, de la forme, de l’expression et du caractère, et que, si elles en usurpent le titre, elles se dégradent en fautes splendides.
, Septième Conférence, "Du dessin", p. 161-162
J’en[[5:de la grâce de l’exécution et du goût dans la finition d’Apelle.]] veux pour preuve irréfutable non seulement l’incapacité avouée de ses successeurs à finir sa Vénus, dernière de ses œuvres, mais encore son fameux concours de lignes avec Protogène (le plus juste finisseur de son temps), qui loin d’être une légende constitue un fait historiquement attesté. Le panneau sur lequel elles furent tracées faisait partie de la collection impériale du Palatin, où il existait encore du temps de Pline, qui put l’examiner ; leur subtilité évanescente, qui est le seul trait qu’il mentionne d’eux, n’était pas, s’aperçoit-on, l’effet du temps, mais d’une délicatesse, d’une liberté et d’un coup de main quasi miraculeux. Ce qu’elles étaient, dessinées de différentes couleurs, à la pointe du pinceau, l’une sur l’autre, ou plutôt l’une à l’intérieur de l’autre, il serait aussi oiseux que vain pour notre propos d’essayer de le savoir.
, "De l'art antique", p. 32-33
[[4:suit Apelle et Protogène]] Tels étaient les principes sur lesquels Apelle façonna sa Vénus, ou plutôt la personnification de la grâce féminine, merveille de l’art, désespoir des artistes, dont les contours défiaient toute tentative d’amendement, tandis que l’imitation était découragée par la pureté, la force, la brillance, les nuances évanescentes de ses coloris.
, p. 17
Polygnote, dit Aristote, améliore son modèle.
, « De la couleur : la fresque » (numéro VIIIe Conférence) , p. 177
À cet éblouissement succède l’illusion du trompe-l’œil ; les tentatives de substituer l’image à la chose, par la forme ou la couleur, sont toujours le signe d’un goût puéril, parfois même dégénéré. La précision microscopique de Denner, voire la minutie de détail de Gherard Douw – certes plus ample – étaient des symptômes de radotage. Le concours entre Zeuxis et Parrhasios fut, sinon un divertissement, du moins une rivalité d’adresse puérile. Mais la peinture de trompe-l’œil, quoique à son paroxysme elle n’excède jamais la simulation réussie d’objets absents, et reste elle-même en-deçà du but véritable de l’art, est la mère de l’imitation. Il nous faut pénétrer la substance des choses, nous familiariser avec leurs tons et leur texture respectifs, et les colorer en détail, avant de prétendre en saisir le principe et en restituer l’allure générale.
, p. 20
Son principe était épique, ce qu’Aristote ne prit pas en considération ou ne sut pas concevoir, lorsqu’il lui dénia la faculté d’exprimer un caractère dans l’action et les traits.
, Première Conférence: de l'art antique, p. 19-20
À partir du style de Polygnote, qui traitait des essences, et de la distinction par espèce d’Apollodore, Zeuxis, en comparant ce qui procédait du genre et ce qui relevait de la classe, cerna enfin cette forme idéale, qui dans son opinion constituait le degré suprême de beauté humaine, ou, en d’autres termes, en incarnait la possibliité, en unissant les forces diverses mais homogènes dispersées parmi tant d’objets en un seul, à une fin unique. Un tel système, s’il trouvait son origine dans le génie, était le résultat réfléchi d’un goût affiné par la persévérance sans faille avec laquelle il avait observé, consulté, comparé et sélectionné les formes, dispersées mais en affinité, de la nature. Nos idées sont le fruit de nos sens, nous ne sommes pas plus capables de créer la forme d’un être que nous n’avons pas vu sans nous référer à un autre que nous connaissons, que nous ne sommes à même de créer un nouveau sens. Celui dont l’imagination a conçu une idée de la forme la plus belle doit l’avoir composée à partir de la réalité existante, et lui seul peut saisir ce qui fait défaut à un degré de beauté pour devenir égal à un autre, et enfin superlatif. Celui qui trouve le joli élégant prendra l’élégance pour de la beauté, et s’imaginera avoir rencontré une forme idéale alors qu’elle n’est qu’élégante, tandis que celui qui a comparé la beauté à la beauté pourra progresser de forme en forme jusqu’à parvenir à une image parfaite ; telle était la méthode de Zeuxis, qu’il avait apprise chez Homère, dont selon Quintilien il prenait pour modèle le mode de composition idéal. Chaque individu homérique forme une classe, exprime, et est délimité par, une qualité unique de puissance héroïque ; seul Achille unit leurs énergies diverses quoiqu’en affinité. La grâce de Nirée, la dignité d’Agamemnon, l’impétuosité d’Hector, la grandeur et les prouesses constantes d’Ajax le Grand, la vélocité de l’autre Ajax, la persévérance d’Ulysse, l’intrépidité de Diomède, sont autant d’émanations d’énergie qui se rassemblent en un centre radieux fixé autour d’Achille. Ce modèle d’unisson de forces homogènes exposées en action successive par le poète, le peintre, stimulé sans aucun doute par la contemplation des oeuvres de Phidias, l’a greffé sur son art propre en lui conférant sa substance par la forme, lorsqu’il choisit les affinités des beautés de Crotone pour composer une forme féminine parfaite.