Type de texte | source |
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Titre | De pictura veterum, liber I |
Auteurs | Junius, Franciscus |
Date de rédaction | |
Date de publication originale | 1694 |
Titre traduit | La Peinture des Anciens, livre I |
Auteurs de la traduction | Nativel, Colette |
Date de traduction | 1996 |
Date d'édition moderne ou de réédition | |
Editeur moderne | |
Date de reprint |
, p. 208-209
D’autres écrivains, et qui ne sont pas inconnus, attestent qu’avant Dédale, on faisait toutes les statues avec les yeux fermés, les pieds joints, les bras pendants le long du corps, un maintien rigide, totalement dépourvu d’accord entre les parties.
(I, 4), p. 24
Parrhasius magno cultu paratuque, multis quoque corporis animique deliciis diffluens, gravem animi libidinosi morbum mollibus lascivisque tabulis prodidit. Talis est tabula Suetonio memorata in Tiberio, cap. 44. Verum hanc in iis lididinem artis ex nimia insanientium animorum libidine impetum sumpsisse dicas ; reliquae autem, quas referemus, proprietates ex peculiari quadam ad hoc vel illud pronitate nascentes eoque in alios nonnisi raro et imperfecte translatae, minime sunt hic praeterundae.
Dans :Parrhasios : orgueil(Lien)
, p. 276-278
Parrhasios, amolli par son goût excessif pour le raffinement et les apprêts, par maints plaisirs du corps et de l’esprit aussi, cet homme qui vivait dans la mollesse, propagea, dans ses tableaux lascifs et sans énergie, la grave maladie de son âme emportée par les passions. Suétone évoque, dans Tibère, chap. 44, un tableau de ce genre. On pourrait dire que, chez ces artistes, « ce désir de l’art » a puisé son élan dans le désir excessif d’esprits insensés, cependant on ne doit absolument pas passer sous silence les autres qualités propres, dont nous allons parler, qui naissent d’un certain penchant particulier à chacun pour ceci ou pour cela et ne se peuvent transmettre à autrui que rarement et imparfaitement.
, p. 322
Comme le roi Démétrius, à qui son habileté à prendre des villes valut le nom de Poliorcète, assiégeait et occupait Rhodes, Protogène, dans son petit jardin des faubourgs, peignait son Ialysos et, au milieu des armes et du fracas horrible des murs qui s’écroulaient, restait fixé à son travail avec tant de fermeté d’âme que ce très impétueux ennemi, ému par le miracle de cette âme pleine de confiance, oubliant tous ses désirs de victoire, se rendit de lui-même auprès du peintre et le contempla en train de peindre avec passion. Tant il est vrai que la douceur de l’art pénètre même les cœurs rendus sauvages par d’opiniâtres inimitiés, attire les regards menaçants et farouches des ennemis et fléchit, par l’admiration qu’elle leur fait éprouver, les esprits les moins accoutumés à sa victoire; il ne lui est ni difficile, ni ardu, au milieu des armes hostiles, au milieu des épées dégainées toutes proches, d’obtenir par ses prières une attitude calme et bienveillante au plus rude des combattants.
(I, 1, 3), p. 3-4
Magnum quidem est animatarum inanimatarumque rerum vivas quasdam imagines animo capere, majus tamen, earundem imaginum indiscretam similitudinem exhibere, praesertim, si non satis habeat artifex inhaerere singularium naturae operum similitudini, sed potius ex diligenti speciosissimorum corporum inspexione perfectum aliquod exemplar animo inscribat, atque ad hoc, tanquam ad emendatissimum Polycleti canonem, conspicuae pulchritudinis imagines describat. [...] Sciebat Zeuxis nihil in simplici genere omni ex parte perfectum esse polivisse naturam : vide Tullium, in ipso statim lib. II de Inventione. Aliud enim alii commodi aliquo adjuncto incommodo muneratur, tanquam non sit habitura quod caeteris largiatur, si uni cuncta concesserit. Relicturus itaque Crotoniatis excellentem muliebris formae pulchritudinem, non putavit in uno corpore omnem luculentae venustatis gratiam quaerendam ; sed quinque virgines formosissimas delegit, ut mutum in simulachrum ex animali exemplo veritatem transferret : τὸν τῶν ἄλλων κρείττον ἀπανθίζων : optima quaeque ex aliis decerpens, ut loquitur Dionys. Halicarnass. ; καὶ ἐκεῖνο τὸ ἀκρότατον ζητῶν κάλλος, ὅπερ ἀνάγκη ἓν εἶναι atque excellentissimam illam pulchritudinem quaerens, quam necesse est unicam esse, ut loquar cum Luciano in Hermonimo. Liquet ergo verissimum esse illud Socratis ad Parrhasium : Ἐπειδὴ οὐ ῥᾴδιον ἑνὶ ἀνθρώπῳ περιτυχεῖν ἄμεμπτα πάντα ἔχοντι, ἐκ πολλῶν συναγόντες τὰ ἐξ ἑκάστου κάλλιστα, οὕτως ὅλα τὰ σώματα καλὰ ποιεῖτε φαίνεσθαι : Quando non facile est unum hominem nancisci, in quo reprehensionis omnia sint expertia, de multis colligentes ea quae in singulis pulcherrima sunt, ita scilicet tota corpora ut pulchra videantur efficitis, Xenoph. lib. III Apomnem.
Dans :Zeuxis, Hélène et les cinq vierges de Crotone(Lien)
, p. 134-140
C’est une grande chose sans doute de saisir vivantes dans son esprit certaines images d’objets animés ou inanimés, mais c’en est une plus grande encore de produire une réplique indiscernable de ces mêmes images, surtout si l’artiste, non content de s’attacher à reproduire fidèlement des œuvres singulières de la nature, imprime plutôt dans son esprit, après avoir attentivement examiné les corps les plus beaux, un modèle parfait et, en s’y conformant comme au canon absolument sans défauts de Polyclète, trace des images d’une beauté sensible. [...] Zeuxis savait que la nature n’a rien façonné de parfait en tout point dans un seul genre : voyez Cicéron, dès le début du livre II de De l’invention. En effet, elle gratifie chacun d’un avantage différent, mais en y associant un inconvénient, comme si, en prodiguant tous ses présents à un seul, elle risquait de ne plus avoir de quoi faire largesse aux autres. C’est pourquoi, devant laisser aux Crotoniates la beauté accomplie de la forme féminine, il ne pensa pas qu’il lui fallait chercher dans un seul corps toute la grâce d’un charme brillant, mais il choisit les cinq jeunes filles les plus belles afin de faire passer dans une image muette la vérité prise à un modèle vivant, « cueillant ce que chacune avait d’excellent », comme dit Denys d’Halicarnasse, « et recherchant cette éminente beauté qui est nécessairement unique », pour reprendre les mots de Lucien dans Hermotime. Il apparaît donc que cette remarque de Socrate à Parrhasios est parfaitement juste : « Puisqu’il n’est pas aisé de trouver un seul homme dans lequel tout soit irréprochable, vous réunissez, en les prenant à plusieurs, les parties les plus belles en chacun et vous faites en sorte que les corps dans leur ensemble paraissent beaux. »
(I, 5, 2)
Dans chaque corps, les sculpteurs et ceux qui utilisent la couleur observent les marques les plus éminentes de la vraie beauté et les réunissent dans une seule oeuvre, si bien qu’ils semblent moins avoir appris de la nature que rivaliser avec elle ou, plutôt, lui avoir donné une loi.