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Titre   « De la sculpture selon Pline », discours lu le 1er juin 1754 à l’Académie royale de peinture et de sculpture
AuteursCaylus, Anne-Claude-Philippe de Tubières, comte de
Date de rédaction1754/06/01
Date de publication originale
Titre traduit
Auteurs de la traduction
Date de traduction
Date d'édition moderne ou de réédition2015
Editeur moderneLichtenstein, Jacqueline; Michel, Christian
Date de reprint

, 348

Sénèque ne rapporte-t-il pas aussi que, Parrhasius voulant faire un Prométhée, avait acheté un des prisonniers d’Olynthe, ville que Philippe de Macédoine avait prise, et qu’il l’avait fait mourir dans les tourments pour mieux étudier la nature ? Les anciens même se sont amusés à faire des plaidoyers pour accuser et excuser l’artiste. Je crois qu’ils n’étaient pas trop persuadés de la vérité de ce fait ; il me suffit qu’ils en aient parlé pour autoriser la comparaison qu’on en peut faire avec le conte que l’on a répan­du sur Michel-Ange ; il avait, dit-on, posé son modèle en croix pour en faire un Christ mourant ; et des gens mal intentionnés, ou qui aimaient le merveilleux, l’ont accusé de lui avoir donné un coup de couteau pour mieux exprimer les mouvements de la mort.

Dans :Parrhasios, Prométhée(Lien)

, p. 345-346

Pline parle ensuite de Phidias ; voici ses paroles. On dit que Phidias a travaillé le marbre et que la Vénus qu’on voit à Rome, dans les portiques d’Octavie, est de lui. Ce doute, je l’avoue, m’a paru singulier. Il ajoute : ce qu’il y a de certain, c’est que Phidias a eu pour élève le célèbre Alcamène, Athénien. On voit plusieurs ouvrages de cet Alcamène dans les temples d’Athènes, et surtout la Vénus placée hors des murs, nommée la Vénus des jardins. On dit même que Phidias y a mis la dernière main. Phidias eut encore pour élève un jeune homme de Paros, dont la figure était fort agréable, et sous le nom duquel il a donné plusieurs de ses ouvrages. Cet exemple d’un aussi grand sacrifice n’est pas commun dans les arts, et les mœurs des modernes les ont heureusement empêchés de répéter cet exemple. Les deux élèves concoururent pour la statue d’une Vénus. Alcamène l’emporta, non par le mérite de son ouvrage, mais par le suffrage des citoyens qui ne voulurent pas lui préférer un étranger. On dit même que cet Agoracritus (c’est le nom de ce second élève) ne consentit à leur vendre sa statue qu’à condition qu’elle ne serait point placée dans Athènes, et lui donna le nom de Némésis.

Dans :Phidias et Alcamène, le concours pour Athéna(Lien)

, 347-348

J’ai parlé du temps auquel vivait Praxitèle, qui s’est surpassé lui-même pour la gloire du marbre. Presque tous les ouvrages de ce grand artiste sont à Athènes dans le Céramique. Mais celui qui surpasse ceux qui peuvent être dans tout le monde et ceux de Praxitèle lui-même, c’est une Vénus qui a engagé plusieurs personnes à passer la mer pour aller la voir à Gnide. Praxitèle en avait fait une autre ; il les mit en vente en même temps et donna le choix pour le même prix, quoique l’une des deux fût drapée. Les habitants de Cos choisirent cette dernière, la croyant plus décente et plus honnête ; cependant celle qu’ils dédaignèrent eut une réputation bien supérieure et les habitants de Gnide l’achetèrent. Le roi Nicomède voulut par la suite en donner une somme consi­dérable, il consentait à payer toutes leurs dettes ; mais ils firent bien de refuser ses propositions car leur ville a été illustrée par cette statue. Elle est placée dans un petit bâtiment qui reçoit le jour de tous les côtés et qui permet de l’admirer sans obstacles et de toutes les faces ; elle semble même favoriser ceux qui la vont visiter. Il continue et dit : on assure qu’un homme en devint amoureux et trouva moyen de passer la nuit avec elle. Les récits de cette nature se trouvent également dans l’histoire de nos artistes modernes. Ne dit-on pas qu’un Espagnol s’est laissé enfermer la nuit dans l’église de Saint-Pierre de Rome pour jouir d’une figure placée sur le tombeau du pape Paul III ? Elle est de la main de Guillaume della Porta, élève de Michel-Ange et sculpteur un peu sec. Depuis ce temps, soit que l’aventure ait eu quelque fondement, ou plu­tôt parce que cette figure était en effet trop nue pour la place qu’elle occupait, on l’a couverte d’une draperie de bronze ; mais dans la vérité, quoique l’on ne doive jamais disputer des goûts, je connais vingt statues plus capables d’inspirer une pareille fureur.

Dans :Praxitèle, Vénus de Cnide(Lien)

, 340

Il [Pline] dit donc que Dibutadès, potier de terre à Corinthe, fut le premier qui inventa la plas­tique. Tout le monde sait que sa fille, éprise pour un jeune homme qu’un voyage allait éloigner d’elle, traça sur le mur l’ombre que son visage formait par l’opposition d’une lampe. Le père, frappé de ce dessein, suivit les contours et remplit avec de la terre les intervalles qu’ils occupaient ; ensuite il porta ce prétendu bas-relief dans son four avec ses autres ouvrages. On conserva même ce premier modèle jusqu’à la prise de Corinthe, que Mummius brûla et renversa. Cette idée est mêlée de vraisemblance dans le détail et d’agrément pour l’invention ; mais quand on voudrait douter de ces préten­dus faits, on ne pourrait mettre à la place que d’autres suppositions.

Dans :Dibutade et la jeune fille de Corinthe(Lien)

, 265-266

Ludius fut le premier qui peignit des marbres et des paysages sur les murailles des appartements. Ces peintures étaient fort agréables et le prix n’en était pas considé­rable. Pline ajoute à ce sujet : mais les artistes qui ont peint des tableaux ont seuls mérité d’être célébrés. Un tel sentiment rend encore l’Antiquité plus respectable. Vous voyez que Pline parle des anciens à son égard comme nous en parlons nous-mêmes. En conséquence de ce qu’il vient de dire, il ne trouve ni sage, ni raisonnable d’exposer dans une maison des objets si prestigieux et qu’il était impossible d’enlever en cas d’incendie ; mais pour établir solidement la critique des peintures sur les murailles que Ludius avait introduites à Rome, il fait lui-même une peinture en disant Protogène, content et renfermé dans son petit jardin, a peint tous ses tableaux, et l’on ne vit jamais de peintures d’Apelle sur les enduits. Les peintres n’avaient point encore eu la fantaisie de peindre les murailles entières. Ce ne serait pas vous traiter en amis si je vous cachais la fin de ce même passage. Elle est également à l’honneur de l’art et des artistes. Tous les peintres, continue-t-il, n’au­raient en vue dans leur travail que les grandes villes, et le peintre était un bien commun à toute la terre.

Dans :Ludius peintre de paysages et la rhopographia(Lien)